Présentation Coupe du monde 2023 : La France
par Le Stagiaire

  • 08 September 2023
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Par Le Stagiaire,

 

Tout au long de l’été, la Boucherie Ovalie vous a présenté en détails les 20 équipes qualifiées pour la Coupe du monde 2023. Basé sur le modèle de ce qui avait été publié dans le livre La Découpe du monde du rugby en 2019, ces fiches pays vous ont offert un cocktail de ce que nous savons faire de mieux depuis désormais plus de 10 ans : un savant mélange d’analyses pointues, d’informations approximatives et de blagues douteuses. Aujourd’hui, jour du début de la compétition, c’est l’heure de la dernière fiche, celle du pays hôte, la France. Et pas n’importe laquelle : la France d’Antoine Dupont.

 

Fiches déjà publiées :

Le Chili

Le Portugal

La Roumanie

La Namibie

Les Samoa 

L’Écosse

La Géorgie

Le Tonga

L’Uruguay

Les Fidji

L’Italie

L’Argentine

L’Australie

Le Japon

L’Irlande

Le pays de Galles

L’Angleterre

L’Afrique du Sud

La Nouvelle Zélande

 

La France

 

Notation :

French Flair : +

Dépossession : +

French Chatte : +

Romain Ntamack : – – –

 

L’emblème :

 

 

À l’heure de choisir un emblème pour leur équipe, la plupart des nations sont tombées dans la facilité en optant pour une fleur, parce que ça fait joli, ou un fauve, parce que ça fait méchant (les plus immatures sont mêmes allés jusqu’à choisir un dragon). Le Français, là encore, s’est illustré par sa capacité à ne rien faire comme les autres, jetant son dévolu sur un animal ridicule mais néanmoins orgueilleux : le coq. Un gallinacé qui ne sert pas à grand chose, si ce n’est à faire chier son monde en hurlant très fort. Il faut reconnaître qu’il était difficile de trouver un animal symbolisant aussi bien un peuple et son équipe de rugby.

 

L’équipe :

« J’ai mal à ma France ». Voilà le genre de phrase qu’on entend souvent ces derniers temps, et qui donne rarement envie de poursuivre la conversation pour savoir ce que veut dire son auteur. Pourtant, si on parle de rugby, il peut s’agir d’un raisonnement parfaitement légitime.

 

 

Car elle est où, la France qui fait une finale de Coupe du monde en faisant une moyenne de 35 fautes par match comme en 1987 ? Elle est où, la France qui malgré un jeu flamboyant, doit s’incliner face à un plan perfide et vicieux de l’ennemi anglois comme en 1991 ? Elle est où, la France qui se fait voler par l’arbitrage et un repris de justice comme en 1995 ? Elle est où, la France qui sort le match du siècle avant de dire « ah oui, il reste la finale c’est vrai… un peu la flemme » comme en 1999 ? Elle est où, la France qui ne peut être vaincue que par des phénomènes météorologiques surpuissants (une averse) comme en 2003 ? Elle est où, la France qui est plus à l’aise quand elle joue ses matchs à l’étranger alors que la compétition se déroule sur son territoire comme en 2007 ? Elle est où, la France des sales gosses, que tout le monde critique et qui va en finale pour perdre le seul match du tournoi qu’elle méritait de gagner comme en 2011 ? Elle est où, la France qui… bon ok, la France de 2015 et de 2019 ne manque probablement à personne.

 

 

Ce qui est sûr, c’est que la France de 2023 ne ressemble à rien de tout ça. Elle est brillante, sérieuse, appliquée, rarement contrariée et encore moins contrariante. Elle gagne sans trembler et presque rien ne semble pouvoir la perturber : ni un fait de jeu défavorable, ni un adversaire coriace, ni un mauvais rebond. Même quand elle nous ennuie un peu, elle finit par nous brandir sa victoire au visage d’un air de dire « Alors, t’es pas content pauvre con ? Tu vas te plaindre parce qu’on a gagné avec seulement 30 points d’avance contre l’Australie ou le pays de Galles ? On n’a pas assez relancé de notre but pour Môssieur ? Môssieur n’a vu que trois essais en première main ? Il est déçu parce que pendant 20 minutes, on a été un peu dominés ? Après tout ce que t’as vécu depuis 10 ans, tu vas vraiment oser ouvrir ta gueule ? ». Et il faut bien reconnaitre que c’est difficile de complètement lui donner tort. Avec ses datas, ses trois plans de jeu, son staff de 40 personnes sur-qualifiées, ses joueurs biberonnés à la victoire : tout le monde nous envierait presque.

 

 

D’ailleurs, qui aujourd’hui, miserait sur une victoire de l’Italie le 6 octobre ? Personne. Il y a quelques années encore, à quelques heures de ce match, on se demanderait sans doute si la France allait s’imposer de 40 points ou perdre honteusement. On se demanderait quelle France allait sortir des vestiaires : celle avec des fourmis dans les jambes, qui relance tous les ballons sans réfléchir, ou celle qui va se saborder avec fracas devant le regard affligé de son public. Aujourd’hui, cette France instable et torturée comme une adolescente emo est devenue adulte. Elle s’est responsabilisée et obtient une promotion tous les ans. Finies les conneries, il y a un loyer à payer (celui du Stade de France) et des dettes à rembourser (celles de Bernard Laporte).

 

Cette complicité entre Romain Ntamack et Antoine Dupont va nous manquer…

 

 

Certes, on va vibrer le 8 septembre face aux All-Blacks mais quelle que soit l’issue, le résultat sera modéré par un enjeu limité. Et il faudra sans doute attendre un mois de plus pour trembler à nouveau. Entre temps, personne n’en doute, le boulot sera fait proprement lors d’une petite tournée en province qui aura plus des airs d’opération de relations publiques que de compétition de rugby. Une petite démonstration contre l’Uruguay, une exhibition contre la Namibie, une équipe italienne qui se fera bien bien respecter… Pas de rebondissements spectaculaires, de groupe en autogestion, de clash avec une presse injuste…

 

 

À moins que… Échappe-t-on vraiment à sa nature ? La notion de destin existe-t-elle ? Alors qu’on n’a jamais eu une vision aussi claire de ce qui attend nos Bleus (une bataille pour la première place en poule, un défi immense en quart face à l’Irlande ou l’Afrique du Sud, une demi-finale accessible et un dernier combat difficile en finale), la France peut-elle nous surprendre ? Les événements de ces derniers jours, entre grand déballage de casiers judiciaires et embrouilles avec la Fédération Française de Twirling bâton, a de quoi interroger.

 

 

Peut-on envisager, si ce n’est pour le bien de rugby français, au moins pour le plaisir de l’humour, des scénarios inattendus ? Une victoire héroïque contre la Nouvelle-Zélande suivie d’une défaite inexplicable face à l’Uruguay qui rend le match face à l’Italie beaucoup plus incertain ? Une défaite face à la Nouvelle-Zélande et un événement imprévu (tempête, épidémie) qui force l’annulation du match face à l’Italie et fait se jouer la deuxième place aux points de bonus ? Nous pardonnera-t-on le vice d’espérer secrètement voir quelques cagades ridicules, des relances suicidaires, des bagarres inutiles, des soupçons paranoïaques de complot arbitral ? Osera-t-on imaginer une délégation de joueurs pris dans une grève SNCF, une chambre d’hôtel saccagée après une victoire trop arrosée ou une table de chevet vengeresse s’en prenant un à un aux joueurs de l’équipe ? Serons-nous stupéfait par la bêtise d’un avant qui fait un mauvais geste inutile à la troisième minute d’un match, geste diffusé en mondiovision et parfaitement capturé par les 18 caméras à proximité ? Ou par une remontada fantastique après avoir été menés de 20 points face à la Namibie ? Pourra-t-on l’espace d’une action, s’amuser mi-fier mi-honteux, devant Ramos qui rate une pénalité importante face aux poteaux, Villière qui échappe un ballon dans l’en-but, Atonio qui fait une course de 40 mètres, Alldritt qui tente un drop ou Bernard Laporte qui se bat avec Florian Grill en tribunes ?

 

 

Pour beaucoup, ce genre de petites réjouissances ne vaut sans doute pas qu’on sacrifie un trophée. Mais pendant les longues semaines de cette compétition interminable, avouez qu’ils nous permettraient au moins de nous amuser. Et éventuellement de nous souvenir pourquoi malgré tout ce qu’on a traversé depuis dix ans, on a continué à les encourager.

 

 

Le joueur à suivre :

Pas facile de sortir une individualité au milieu de ce collectif composé de joueurs talentueux. Bon ok, à part Antoine Dupont, mais que peut-on écrire sur lui qui n’a pas déjà été dit (ou prédit comme dans notre portrait de lui dans notre nouveau livre) ?

 

Pour cette Coupe du monde, on va plutôt suivre les aventures de Damian Penaud. Plus haut, on réclamait au XV de France un peu plus de folie, de bêtise et d’humour. Lui possède les trois en grande quantité. Capable de traverser le terrain à n’importe quel moment de la rencontre, il peut défier les lois de la physique et de l’intelligence sur une même action. Fan d’échecs et de cartes Pokémon, on l’imagine aisément chercher à échanger ces dernières plutôt que son maillot à la fin d’un match. Armé de son autodérision et de son absence totale d’égo, il assure aussi le spectacle en dehors des terrains, à base de grimaces, de blagues potaches ou d’embrouilles avec des stars de téléréalité. C’est le facteur « chaos » de cette équipe : aussi bien capable de faire un chat-bite à Emmanuel Macron que de créer un incident diplomatique en célébrant un essai.

 

Mi-meilleur joueur du monde, mi-labrador : Damian est une incroyable source de divertissement. À ce stade, il n’est d’ailleurs pas exclu que le scénario de Air Bud 6 soit directement inspiré de sa carrière et qu’il en tienne le rôle principal.

 

“Vas-y Damian, sois naturel !”

 

 

Calendrier :

contre la Nouvelle-Zélande, le vendredi 8 septembre à Paris (21h15)

contre l’Uruguay, le jeudi 14 septembre à Lille (21h)

contre la Namibie, le jeudi 21 septembre à Marseille (21h)

contre l’Italie, le vendredi 06 octobre à Lyon (21h)

 

 

Le scénario idéal :

La France, c’est aussi le pays des branleurs. Pour être cohérent avec mon sujet, je vais donc m’économiser des heures à essayer d’écrire un scénario idéal et vous renvoyer directement vers cet excellent article d’Ovale Masqué qui le fait déjà (et rdv ici pour la partie 2). Un peu comme un élève qui ne fout rien sur un projet et se greffe à un groupe la veille du rendu, juste pour ajouter son nom.

 

À quoi ça peut tenir une Coupe du monde…

 

 

Le scénario catastrophe :

Vendredi 8 septembre. Après des hymnes où on sent les Français particulièrement remontés, les All-Blacks prennent place pour leur traditionnel haka. Alors qu’ils débutent leur chorégraphie, les Français se placent torse-nu face à eux et commencent à faire des burpees, des talons-fesses et des squats (une idée de Thibault Giroud pour montrer à leurs adversaires à quel point ils sont affutés). Malheureusement, l’intensité qu’ils mettent est telle que Marchand et Ramos se font une blessure musculaire et doivent être remplacés juste avant le coup d’envoi. La suite du match ne sera pas beaucoup plus réjouissante pour les Bleus. Remontés après leur défaite face aux Sud-Africains, les All-Blacks font honneur à leur réputation et roulent sur des Français dépassés qui perdent Jalibert et Cros sur blessure. Score finale 35-12 pour les visiteurs.

 

La défaite porte un coup au moral des Bleus, mais la compétition est loin d’être terminée. Les Français promettent de se venger sur les pauvres Uruguayens. Et en effet, quelques jours plus tard, le XV de France passe plus de 60 points à son adversaire. Seule ombre au tableau : Atonio se claque sur une tentative de cadrage débordement et Gabin Villière doit sortir sur protocole commotion après qu’Alldritt lui a mis une claque derrière la tête pour le féliciter de son deuxième essai.

 

La semaine suivante face à la Namibie, le staff décide de faire tourner pour ne pas prendre de risque mais là aussi, malgré une large victoire, c’est l’hécatombe dans le groupe des finisseurs. Hastoy se déboite l’épaule en se recoiffant pendant l’échauffement et Macalou se fracture un doigt en tentant d’intercepter une gourde négligemment lancée par un préparateur. Pire, enfin de retour, Jelonch se fait les croisés (mais l’autre genou) sur le premier ruck et Alldritt se fait un lumbago sur une course de 30 mètres où il porte trois namibiens sur son dos.

 

Décimée avant d’affronter l’Italie pour le match de la qualification, le XV de France ne voit pas sa poisse s’arrêter là. Convoqué pour faire face aux nombreux forfaits, Gailleton ramène sans le savoir la COVID dans le groupe. À quelques heures du match, Penaud, Fickou, Woki, Dulin et Mauvaka le rejoignent à l’isolement. Obligés d’aligner une équipe expérimentale, les Bleus balbutient leur rugby et sont menés par de valeureux italiens. L’intensité du combat envoie encore trois joueurs sur la touche et un autre en protocole commotion. Menés de quatre points à deux minutes de la fin, les Français voient le spectre de l’élimination se rapprocher. C’est le moment choisi par Antoine Dupont pour prendre les choses en main. Au départ d’un ruck, il élimine trois adversaires avant de plonger dans l’en-but pour aplatir en coin. Les Bleus assurent leur qualification sur la sirène.

 

Malheureusement, en serrant son capitaine dans ses bras pour célébrer son essai, Taofifenua lui fêle deux cotes. En zone mixte, le demi de mêlée révélera que depuis le début de la compétition, il avait été victime d’une élongation, d’une torsion du coude, d’une méningite et d’une amputation mais qu’il avait tenu à taire la douleur pour continuer à aider l’équipe. Cette nouvelle blessure le contraint cependant à déclarer forfait pour la suite du tournoi.

 

Sans surprise, ce dernier ne durera de toute façon pas longtemps pour les Bleus. Obligée d’aligner une équipe composée de Thomas Jolmes, Teddy Thomas, Mickael Ivaldi, Etienne Falgoux et Camille Lopez en quarts de finale, l’équipe de France est corrigée 54 à 8 par l’Afrique du Sud et voit son rêve bleu se briser dans une indifférence presque générale.

 

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