Présentation Coupe du monde 2023 : Les Samoa
par La Boucherie

  • 29 July 2023
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Par Maubec

 

Tout au long de l’été, la Boucherie Ovalie vous présente en détails les 20 équipes qualifiées pour la Coupe du monde 2023. Basé sur le modèle de ce qui avait été publié dans le livre La Découpe du monde du rugby en 2019, ces fiches pays vous offriront un cocktail de ce que nous savons faire de mieux depuis désormais plus de 10 ans : un savant mélange d’analyses pointues, d’informations approximatives et de blagues douteuses.

 

Fiches déjà publiées :

Le Chili

Le Portugal

La Roumanie

La Namibie

 

Les Samoa

 

Notation :

Danse folklorique : ++

Tatouages folkloriques : ++++

Plaquages folkloriques : ++++++

Résultats folkloriques : ++++++++

 

L’emblème :

Après avoir longtemps arboré les armoiries du pays sans aucune imagination, les Samoa ont finalement cédé à la pression marketing et se sont offert un emblème propre à leur équipe de rugby en 2021. La fédération a choisi la délicate et jolie fleur de teuila, connu aussi en France sous le nom de gingembre rouge.

Alors que le rhinocéros, le buffle ou, pour faire plus local, le requin-baleine étaient libres, avouons qu’il s’agit d’un choix assez curieux.

 

 

L’équipe :

Le rugby (“lakapi” en gagana Samoa) arrive aux Samoa occidentales en 1920, avec les colons néo-zélandais venus remplacer les colons allemands. En 1997, cette partie occidentale, indépendante depuis 1962, change de nom pour devenir les Samoa tout court, comprenant au bout de 100 ans que les États-Unis ne lâcheraient pas la partie orientale de l’archipel. En effet celle-ci leur sert de réserve naturelle de soldats, de joueurs à commotionner en NFL et de catcheurs. Il arrive d’ailleurs souvent qu’un même Samoan puisse cumuler plusieurs de ces fonctions. Mais seul The Rock a également été baby-sitter.

 

On imagine souvent que le rugby à XV est le sport national aux Samoa. En effet, il faut à minima un tsunami, une épidémie de rougeole ou l’inexistence du 30 décembre 2011 pour que le nom des Samoa soit éventuellement cité en dehors des pages rugby. Mais c’est faux ! Leur sport national est bien plus dangereux. Il s’agit du kilikiti, une forme de cricket sans protections et où une arme de guerre sert à frapper une boule de caoutchouc durcie.

 

À noter que si le rugby a de nombreuses règles absconses, le kilikiti est, lui, très simple. Il n’y a qu’une seule règle universelle : l’équipe hôte est déclarée perdante si elle n’est pas en mesure de fournir suffisamment de nourriture pour tous les joueurs adverses. Et on parle d’équipes comprenant potentiellement une partie des familles Tuilagi, Atonio, Tekori ou Skelton…

 

« Ca, c’est une batte, fils. »

 

Néanmoins, c’est bien le rugby à XV qui va faire sortir les Samoa de leur relatif anonymat par-delà les eaux territoriales du Vanuatu. Longtemps boudé par les grandes nations et limité à des matchs contre les voisins Fidjiens et Tongiens, les Manu Samoa (leur petit nom marketing qui signifie « le guerrier samoan ») vont se révéler à la face du petit monde de l’Ovalie en 1991 en effectuant le premier siva tau de leur histoire lors de la 2e Coupe du monde, et accessoirement en battant le pays de Galles chez lui pour se frayer un chemin jusqu’au quarts de finale.

 

Le premier qui dit « haka » au lieu de « siva tau » se fait désosser par Brian Lima.

 

En 1991 et non pas en 1987 car la première Coupe du monde était organisée sur invitation et les membres de l’IRB avait considéré que cela aurait consisté à inviter une équipe B néo-zélandaise. Ce qui était alors un prétexte d’anciens colonialistes est malheureusement désormais une réalité : dans le squad samoan de la Coupe du Monde 2019, on ne comptait pas moins de 15 joueurs nés en Nouvelle-Zélande. En matière de joueurs nés à l’étranger, seuls les Tonga et l’Italie ont fait mieux dans l’histoire. Mais pour l’Italie, c’est lié aux restes de l’Empire romain qui s’étendait à son apogée de l’Argentine jusqu’à l’Australie.

 

Si les All Blacks sont régulièrement accusés de piller ses voisins du Pacifique, la situation est donc un peu plus complexe. En effet, il y a aujourd’hui presqu’autant de Samoans en Nouvelle Zélande (150.000) qu’aux Samoa (190.000) et depuis 1982, les Samoans nés avant 1948 et leurs enfants peuvent devenir citoyens néo-zélandais s’ils résident en Nouvelle Zélande. Ce qui explique le nombre croissant de Samoans néo-zélandais au sein des All Blacks à compter des années 90. Bon, ça c’est pour les meilleurs joueurs. Les autres se rabattent sur le maillot bleu. C’est un peu comme rêver de porter le maillot toulousain et se retrouver finalement à Castres.

 

Deux fois quart-de-finaliste en 1991 et en 1995, les Manu Samoa finissent aussi deuxièmes de leur poule en 1999 devant l’Argentine. Cependant cette année, le mondial se joue avec 5 poules de 4 équipes. Pourquoi ? « Parce que c’est du rugby » semble la seule réponse possible. Ils échouent alors en play-off face aux Écossais pour ce qui est leur dernier bon résultat en Coupe du monde.

 
Il y aura bien une éclaircie entre 2010 et 2013 avec des victoires hors Coupe du monde sur l’Australie, le Pays de Galles, l’Écosse, l’Italie. Et les Samoa auraient pu espérer bien mieux lors du mondial 2011, si le management n’avait pas passé son temps à picoler et détourner l’argent destiné à l’équipe et au matériel d’entrainement. Les joueurs ayant poussé une gueulante une fois rentrés au pays, la fédération fit son auto-critique et prit les décisions nécessaires : virer les leaders de la révolte dont le capitaine Mahonri Schwalger (officiellement mis à la retraite car trop vieux par sa fédération, il gagnera 2 titres de Super Rugby les années suivantes en tant que titulaire indiscutables chez les Chiefs) et menacer les autres

 

Mais dès 2014, les joueurs samoans se mirent en grève pour les mêmes raisons avant un match contre l’Angleterre. Devant le risque de ne pas remplir les caisses de la fédération anglaise, World Rugby s’empara aussitôt du sujet et prit les décisions nécessaires : faire des belles promesses aux coéquipiers de Dan Leo puis laisser la fédération samoane virer les leaders de la grève à la fin de la tournée.

 

Curieusement, après avoir viré tous ses meilleurs joueurs, les Samoa peinèrent à avoir des résultats entre 2014 et 2020. On notera que la France a connu la même disette sur la même période pour avoir arrêté de sélectionner Yionel. Mêmes causes, mêmes conséquences.

 

À partir de 2016, la fédération laisse même le XV quasiment à l’abandon pour développer l’équipe de rugby à 7 en débauchant le coach des All Blacks 7s, sans plus de résultats. Il faut dire que mettre tous tes moyens sur un projet quand tu es la 199e puissance économique mondiale sur 2010, ça n’impressionne pas grand monde, à part les Tonga (201e).

 

On pourrait alors penser que le rugby samoan allait doucement disparaître, condamné à jouer des matchs de barrages contre l’Allemagne pour le dernier billet qualificatif en Coupe du Monde mais visiblement le vent du changement souffle enfin sur les Samoa depuis 3 ans.

 

D’abord, la fédération a nommé en 2020 deux nouveaux entraineurs sans aucune expérience pour le 7s et le XV : pour les septistes, la légende Brian Lima dit le chiropracteur, dont les plaquages seraient aujourd’hui passibles de prison ferme ; pour les quinzistes, l’élégant Seilala Mapusua, ancien joueur des Highlanders et des London Irish, réputé pour son intelligence de jeu. Et ce “Freaky Friday” façon fa’a Samoa marche ! Le 7s samoan a gagné son premier tournoi depuis 2016. Et à XV, les Manu Samoa sont sur une série de 5 victoires en 6 matchs dont des succès contre la Géorgie et le Japon.

 

Ensuite, le premier ministre-président de la fédération de rugby en poste depuis 1998 a perdu les élections fin 2021 et s’il reste président de la fédé, le bureau a été remanié en profondeur.
Enfin, World Rugby a autorisé le changement de nationalité sportive pour les joueurs n’ayant plus joué en sélection depuis 2019. Même si cela a moins d’impact que pour les Tonga, les Samoa enregistrent tout de même ainsi les renforts de semi-retraités comme Friz Lee (oui, il joue encore au rugby, c’est juste que plus personne ne regarde l’ASM), Charlie Faumuina, Titi Lamositele, Steven Luatua ou Christian Leali’ifano. Mais pour compenser, ils devront donc aussi sélectionner Lima Sopoaga.

 

Les astres semblent donc alignés pour une bonne Coupe du monde pour les Manu Samoa dans une poule plus abordable qu’attendue. Mais cette équipe ne porte pas un maillot bleu pour rien : avec eux, tout est imprévisible et une défaite face au Chili reste aussi probable qu’une place en finale.

 

Le joueur à suivre :

Theo McFarland. Le joueur des Saracens a le parcours le plus atypique du squad : après avoir disputé les deux saisons inaugurales du SuperIX, le championnat de rugby à XV semi-professionnel samoan (sur place, “semi-pro” signifie avoir 50% de chance de toucher 50€ par match), il devient international en basket-ball. Une médaille d’argent aux Jeux du Pacifique plus tard, notre Jérôme Thion d’Upolu décide finalement de revenir au rugby en 2020.

 

Oui, les Samoa ont changé de fuseau horaire en 2011 mais sont restés bloqués dans les années 90.

 

Sélectionné par Mapusua pour son premier match à la tête des Manu Samoa, l’ancien joueur des Savai’i Vikings se fait repérer par les Saracens dont le recruteur est donc un hipster qui regarde des matchs sur des sites de streaming roumains à 3h du matin. Extrêmement rapide pour un deuxième ligne, capable de jouer également flanker, rugueux au plaquage et perforant en attaque, il possède une dextérité impressionnante héritée de ses années de basket, même si cette caractéristique était moins évidente chez Jérôme Thion. Et avec sa moustache, il a des allures de star de Tollywood. Ce joueur sera donc très agaçant pendant la Coupe du monde, encore plus associé à Chris Vui, le capitaine de Bristol. Mais la bonne nouvelle, c’est que ça va surtout agacer les Anglais et les Argentins.

 

 

Le saviez-vous ?

Avant les Allemands, les Américains et les Néo-Zélandais, les îles Samoa ont aussi été colonisées par l’empire Tu’i Tonga au XIIIe siècle. Cela peut expliquer un petit surplus de motivation et d’agressivité lors des matchs Samoa-Tonga à l’image des matchs France – Angleterre, Écosse – Angleterre, Pays-de-Galles – Angleterre, Irlande – Angleterre, Afrique du Sud – Angleterre, Australie – Angleterre, Nouvelle-Zélande – Angleterre ou Argentine – Angleterre par exemple.

 

Calendrier

– contre le Chili, le samedi 16 septembre à Bordeaux (15h)

– contre l’Argentine, le vendredi 22 septembre à Saint-Étienne (17h45)

– contre le Japon, le jeudi 28 septembre à Toulouse (21h)

– contre l’Angleterre, le samedi 7 octobre à Lille (17h45)

 

Le scénario idéal :

Avec des victoires faciles contre le Chili et le Japon, c’est en déjouant les lancements de jeu en allemand des Pumas que les Manu Samoa se qualifient d’extrême justesse pour les quarts de finale. Ils y affrontent une équipe d’Australie réduite à 12 suite au changement d’allégeance des joueurs tongiens et fidjiens partis rejoindre l’équipe de leurs pays natals après la qualification de ces derniers en quarts de finale. Les Samoa enregistrent même le renfort de Posolo Tuilagi dont la gestion du passeport par Emmanuel Macron a été aussi efficace que pour Emmanuel Meafou.

 

En demi-finale, ils affrontent une Irlande épuisée par son parcours marathon et encore confite dans l’alcool après avoir réussi pour la première fois à passer les quarts de finale. Les Samoa se qualifient après des prolongations interminables. Contre tout attente, ils se retrouvent en finale de la Coupe du monde à XV, un an après l’avoir été à XIII. Mais les Bleus du Pacifique s’inclinent lourdement face au XV de France qui bénéficie de largesses arbitrales indéniables que même les Français reconnaitront en direct. Toute ressemblance avec les épisodes 6 à 8 d’un célèbre podcast serait totalement fortuite et étrangement prémonitoire.

 

Le scénario catastrophe :

Le gouvernement rétablit le crime de lèse-majesté en France. Le terme “Manu Samoa” tombe sous le coup de cette loi pour outrage au président de la république par usage de sobriquet déshonorant. L’intégralité de la délégation îlienne se voit refuser l’accès au territoire national sauf les joueurs qui acceptent d’être naturalisés pour intégrer le XV de France.