Poteau Feu, envoyé spécial à Toulouse pour Toulouse-Clermont

Aujourd’hui, c’était la dernière journée du Top 14. Il y a de l’enjeu, on nous promet des essais, des frissons, du suspens, des rebondissements et des larmes à la fin. Bref, on nous prend vraiment pour des cons. Pour cette occasion exceptionnelle, les médias sportifs français sont tous dans les starting-blocks, même L’équipe.fr, qui daigne accorder un article à l’évènement, caché quelque part entre un résumé de la victoire de Nadal (phrase bientôt considérée comme un pléonasme) et  un papier sur l’affiche exceptionnelle Brest-Nice en Ligue 1.

Alors, la Boucherie s’est prêtée au jeu et a envoyé ses meilleurs reporters dans les stades pour couvrir l’évènement. Le seul problème c’est que la majorité n’en sont pas revenus. Quelques-uns sont à l’hôpital, d’autres déjà en prison, et on nous indique que notre journaliste fidgien semble avoir décidé de prolonger ses vacances quelques mois. Cependant on s’inquiète pas trop, il nous a envoyé un pigeon pour nous dire qu’il comptait garder le rythme en écrivant des papiers sur l’équipe de beach rugby de Nalaga.

L’avantage avec moi, comme je ne bois pas de bière et que je suis pas assez costaud pour me battre dans les bars, c’est que du coup je passe pour quelqu’un de professionnel. On m’a donc envoyé à Toulouse. Peut être parce que j’habite à 800 mètres du Stadium. Ou peut être pour des raisons médicales, puisque ma peau est sensible au froid du nord, mais très réceptive à la chaleur du sud. En tout cas, ça n’a rien à voir avec le fait que je supporte le stade depuis une quinzaine d’années. Aucun rapport. Bref, j’y étais, j’ai tout vu, et comme en plus d’être faillot, je suis cafteur : je vous dis tout.

La journée a commencé d’une manière très banale. Il est 14h, je me réveille après avoir dormi sur le sol d’un appartement qui n’était pas le mien. Le temps de rentrer chez moi, de retrouver mes clés, de me préparer, enfiler mon tee-shirt aux quatre étoiles, revêtir ma plus belle écharpe de supporter, et saisir mon drapeau. Je suis fin prêt et me met en route pour rejoindre mes compagnons de stade.  Plus l’on se rapproche, plus le son augmente, plus les couleurs vestimentaires s’épousent, et plus les voitures ont du mal à circuler. Le stadium est plein à craquer, les places se sont vendues en quelques jours et je me suis procuré les miennes avec un léger retard, payé en conséquence par quelques intérêts sur le prix du billet.

Les toulousains, déjà qualifiés, accueillaient donc un Clermont qui avait encore une carte à jouer pour sécher les barrages. Alors que les Jaunards alignent leur équipe type, Novès nous concocte quelque chose qui pouvait y ressembler, sans totalement l’être, mais après tout pourquoi pas. C’est le dernier match en terre toulousaine cette année, et débarrassé de la coupe d’eErope et des doublons, personne n’a réellement besoin de se reposer. L’affiche est belle et l’ambiance (digne des phases finales aurait dit Éric Bayle) qui monte durant les échauffements annonce une belle après midi de rugby.

Le coup d ‘envoi s’apprête à être donné et des longs confettis colorés sont lâchés du toit. Le public est amusé mais les joueurs qui prennent place sur la pelouse, beaucoup moins. La moitié finit sur le pré et s’agrippe aux crampons des malheureux qui auront l’idée de marcher dessus. Après un moment de flottement où on semble attendre que Damien-Try (le balayeur de la Boucherie) intervienne, Rougerie, en bon capitaine, prend l’initiative de faire le ménage.

Le match démarre bien, Toulouse semble décidé à envoyer du jeu et régaler ses supporters. Ces derniers poussent mais les Clermontois ne cèdent pas. Très rapidement les niveaux s’équilibrent et le match perd en intensité. De belles fautes de mains, de belles fautes tout court, des pizzas de Servat en touche et un score vierge après presque plus de vingt minutes de jeu.

Juste après l’ouverture du score sur pénalité de Parra (qui parait encore plus petit en vrai), Toulouse inscrit le premier essai de la partie. Après plusieurs temps de jeu, Caucaunibuca s’intercale, rebondit sur plusieurs « joueurs des montagnes » et transmet à Médard qui va inscrire son 15ème essai de la saison. Il se jette dans les bras de Clerc, qui s’échauffait alors dans le coin, comme pour lui offrir cet essai en cadeau d’anniversaire (NDLR : Jean Dridéal a eu trente ans aujourd’hui). Le « ôôôôô Toulouse » de Nougaro qui résonne à chaque essai amplifie la tension sexuelle du moment. C’était d’ailleurs l’un des gestes le plus émouvant de la semaine, à égalité avec le baiser du prince William mais bien après l’interview de Poitrenaud sur le départ de Michalak.

La fin de la première mi temps est à l’image du début de match, assez pauvre malgré quelques volontés offensives. Les toulousains gèrent devant des Clermontois bien timides. Le seul fait de jeu notable est la blessure d’Aurélien Rougerie. Après avoir été malencontreusement bousculé par Yannick Jauzion, il se retrouve à la fois au dessus et en dessous de plusieurs autres joueurs. Sa cheville reste légèrement coincée et il semble souffrir le martyr. Assez pour prendre des expressions faciales étranges et manger de l’herbe. Pour ma part, en lecteur avisé de Belle, je reconnais plutôt sa fameuse technique du gommage terrain. Au moins, sa chevelure est intacte. Il finit tout de même par sortir, sous les applaudissements du stade. Jauzion sort lui aussi pour dix minutes, mais ça tout le monde a l’air de s’en foutre. Il ne le sait pas encore, mais il vient peut être de gagner son ticket pour la Nouvelle Zélande.

Si on lui fait une petite danse, vous pensez que le dieu de l'Ovalie va nous aider?

A la reprise, Parra répond à Bézy dans le duel de buteur poids mouche et Guy Novès en profite pour faire tourner son effectif. David Skrela rentre pour son dernier match en terres toulousaines alors que Heymans quitte la pelouse sous une standing ovation bien méritée.

Après une mêlée et une combinaison (réussie !) Caucau est sollicité sur son aile et renverse trois Clermontois pour aller inscrire le deuxième essai du match. Sur l’action, les plaquages clermontois sont des modèles d’échec. On sentait la peur à l’autre bout du terrain et il ne serait pas impossible qu’ils l’aient payés de quelques traces de pneus avant l’impact (cette vanne est encore plus drôle quand on sait que Michelin est le sponsor principal des Clermontois). Mon voisin de gauche, tout de jaune vêtu, sort ses lunettes « jaune et bleu », l’air grave. A la suite d’une énième pénalité, il lance un « Et les fautes elles sont que clermontoises comme par hasard ! », avant d’encourager  “Morgan” et “Antho” en applaudissant frénétiquement.

Quelques supporters clermontois tentent de donner de la voix, mais ils ne font que réveiller leurs homologues toulousains qui, semblant réaliser qu’ils vivent le dernier quart d’heure de la saison dans les tribunes, décident de se lancer dans l’interprétation complète de leur répertoire. Du traditionnel « Toulousaings, Toulousaings, Toulousaings », on passe au « Allez, le stade allez, allez ! » dans une harmonie parfaite, avant d’enchainer par le traditionnel « Toulouse, applaudissements, Toulouse, applaudissements… ». S’en suit une reprise grungo-funky de « On est en demie, on est en demie » qui aurait probablement provoqué une mi-molle à un journaliste mégalo des Inrocks. Le tout est parsemé de olas qui ne sont coupées que lors d’actions chaudes. Autant vous dire qu’on a bien cru que ça n’en finirait jamais. Phénomène étrange d’ailleurs que ces olas. Après tout, on se contente de se lever et d’agiter les bras. Et ça a le don de nous rendre à la fois très fier et tout a coup très heureux… Presque autant que lors d’une percée de Census Johnstone. Mais bon, avouons que ça fait quand même classe dans un stade de 35 000 personnes plein à craquer.

Oooooolé!

Les dernières minutes se passent en chansons (retrouvez bientôt la compil’ des plus grands tubes chez votre disquaire… ou en téléchargement illégal sur internet) et la sirène retentit sous les hourras de la foule qui remercie ses joueurs pour cette belle saison.

On assiste ensuite à la cérémonie d’après match, avec les remerciements des joueurs et du président à tous les partants. Ils sont d’ailleurs beaucoup plus nombreux que l’on pourrait le croire. La plupart sont d’ailleurs absents, chacun pour des raisons différentes et particulièrement étranges (malades, mariages, pas à Toulouse, occupé à regarder le multiplex Canal +, à la buvette….). Pas de Michalak, de Lamérat, de Vernet Basualdo… Par contre, il y avait Lakafia, qui devait peut être même fouler la pelouse du Stadium pour la première fois. Pour rappel, il a fait 5 matchs à Toulouse avec autant de réussite que Huget en Équipe de France. Mais on l’a applaudit quand même, on est pas des salauds. Et puis la comparaison avec Huget est déjà assez méchante en elle-même. On apprend que Michalak a, lui, laissé une lettre pour les supporters. Je me suis dit qu’il faisait peut-être grève et refusait de descendre du bus. Avec un peu de chance, c’est même Domenech qui nous la lirait ! Il n’en fût rien. C’est René Bouscatel qui s’y est collé et la lettre était en fait probablement un tweet. “Je ne peux pas être là mais merci pour tout. A bientôt sur les terrains“. Pas plus de 140 caractères, les fautes d’orthographes en moins.

Les joueurs finissent par un tour d’honneur où les supporters rendent un dernier hommage à Jean Bouilhou, Skrela, Kellher, Heymans et les autres, tous pour la plupart accompagnés de leurs enfants… Décidément que d’émotions.

Après une énième chanson des Black Eyed  Peace, le stade se vide peu à peu (très bonne technique pour faire évacuer un stade d’ailleurs). Le spectacle sur la pelouse n’a peut être pas été à la hauteur de l’affiche mais celui en dehors valait le détour. Et en supporter, euh journaliste, je ne peux que reconnaitre la saison encore très réussie des rouge et noir. Premier depuis la dixième journée, un bouclier serait le bienvenu du côté de la ville rose pour récompenser tout cela. Ne serait ce que pour que le régime de Caucaunibuca ne reste pas vain. Et puis s’il venait à pointer son nez au dessus du capitole le 05 juin, pour le coup, ça serait un sacré beau moment d’émotion. Autant qu’une complainte de Guy Novès ? Bien malin celui qui pourrait le prétendre. Et puis le mieux, pour être sûr, ça reste de le vivre non ?

C’était Poteau Feu pour la Boucherie Ovalie, en léger différé de Toulouse.

C'était bien. On reviendra.


Quelques réactions de supporters que j’ai pu interviewer après le match en exclusivité pour la boucherie :

« C’est que du bonheur. Après un match pareil, je crois plus que jamais au doublé » Vincent  24 ans

« Ah bah les anglais doivent bien se marrer de nous voir nous péter entre nous. Paris 2012, la coupe du monde, maintenant Rougerie. Ils vont nous faire chier jusqu’à quand ? »  Jean Mi, 52 ans

« Je voudrais souhaiter un très joyeux anniversaire à Vincent Clerc et lui dire que j’ai deux gros paquets qu’il peut venir déballer quand il veut » Cécile, 27 ans

« Yachvili c’est une tarlouze faudra lui dire. Vous lui avez déjà dit ? Ben vous lui redirez, ça peut pas lui faire de mal ». Jean Eudes, 34 ans

« Vous avez prévenu Skrela que c’était seulement à partir de la saison prochaine qu’il jouait pour Clermont ? Non parce qu’il avait pas l’air au courant aujourd’hui encore. » Aymeric, 21 ans

« Salut moi c’est Marc, et je voulais savoir si vous pouviez pas écrire que y’a eu des prolongations ? Nan parce que je dois passer à la buvette là, et ma femme va se poser des questions vous voyez. Donc si vous pouviez faire un petit geste pour me couvrir… En plus mon grand oncle a été boucher, donc on est un peu frère non ? » Jérémy, 29 ans (son prénom a été changé à sa demande).

« C’était ma première fois aujourd’hui. Dans  un stade de rugby je veux dire. Mais j’ai pas reconnu Chabal par contre. Et Michalak ? On m’avait promis Michalak ! » Claire, 17 ans

« Hey, si vous croisez Galthié dites lui qu’on se retrouve en finale. Par contre, qu’il vienne pas en scooter, parce qu’avec la valise avec laquelle ils vont repartir, ça tiendra jamais dans son coffre hein ! » Blaise, 23 ans

«  Ça t’intéresse une place pour le barrage Castres-Montpellier ? Non ? Une montre alors peut être ? » Stéphane, 31 ans

« Daviiiiiiiiiiiiiiiiid, reste !!! » Marjorie, 26 ans

 

Le Top 14 a un incroyable talent : Candidat n°1 : Rougerie

Les artistes entrent en scène.

Comme le dit si bien Marc Lièvremont, l’hémisphère nord est la deuxième division du rugby après l’hémisphère sud. Mais attendez, deuxième, c’est quand même pas mal ! C’est la médaille d’argent ! Et c’est devant tous les autres hémisphères (très nombreux soit dit en passant)!

Alors oui, soyons fier de notre championnat et surtout de ses éblouissants joueurs. C’est pour cela, que la Boucherie leur rend hommage et se lance officiellement à la recherche du VRAI talent de ce Top 14. Actions de classe, gestes techniques, french flair ou autres techniques ancestrales ; nous vous proposerons dans cette rubrique la crème de la crème, ce qui se fait de mieux dans le monde de l’Ovalie, le tout accompagné d’une analyse d’expert qui vous permettra de mieux décrypter ces actions d’anthologies.

Et on commence aujourd’hui avec Aurélien Rougerie, capitaine de l’ASM (actuel champion de France) qui, lors du dernier Crunch, a éclaboussé de son talent la rencontre avec une action de grande classe qui lui vaut sa nomination dans ce nouveau concours  avec son geste du “Je-loupe-des-essais-plus-facile-à-mettre-qu’à-rater”.

Tout part d’une mêlée française dans les 22 mètres anglais. C’est la soixantième minute et les frenchies sont menés de 8 points. Un essai serait donc plus que bienvenue. Roro se décide alors à sortir le grand jeu.

La première ligne française enfonce celle de l’adversaire et Harinordoquy (qui ne peut décidemment pas s’empêcher de faire le malin) éjecte le ballon avec une passe entre les jambes, en espérant probablement que ça serait aussi classe que celle de Trinh Duc contre les écossais.

Harinordoquy : « Hey les gars on fait une tomate ? »

Yachvili s’en saisit, et enclenche sa passe avec la vivacité qu’on lui connait. Une trentaine de seconde plus tard, Trinh Duc peut s’en saisir et déclenche un petit coup de pied déposé dans le dos de la défense. (On a cependant du mal à croire qu’il était volontaire quand on connait ses performances dans ce domaine. Je parierais plutôt pour une tentative de drop.)

Trinh Duc : « Donc là normalement si j’appuie sur L1+triangle, ça fait une passe en profondeur… »

C’est donc à la course que tout se joue. Jauzion (qui a l’air complètement bourré)  s’empale dans tous les anglais de la zone alentour, ce qui, à défaut de lui faire gagner du temps pour aller aplatir le ballon, a le mérite d’en faire perdre aux anglais.

Jauzion : « Poussez-vous, je l’ai vu en premier »

Du moins assez pour qu’Aurélien Rougerie, avec son caleçon Dim qui facilite la pénétration dans l’air et ses cheveux au vent, court (tel un ailier), prenne tout le monde de vitesse, et se jette sur le ballon qui rebondit alors dans l’en but.

Foulée souple, regard isocèle, chevelure aérodynamique (et sans pellicule parce qu’il squatte le shampoing de Yachvili dans les douches), pénétration dans l’air de 8km/h avec vent arrière de 5 nœuds, pression atmosphérique de 17 hectopascals avec un degré d’humidité de 93,5% : des conditions idéales pour une telle action

Et c’est là que toute la classe du joueur s’exprime. Absolument seul, sans être bousculé par qui que ce soit, il va réussir à aplatir juste à côté de la gonfle, sans la toucher. Ce geste technique qui nécessite une grande dextérité et adresse a du être travaillé à l’entrainement, et pour vous… nous allons le détailler.

Il s’effectue en trois étapes. Tout d’abord on plonge dans l’en but en direction du ballon (en posant les genoux par terre en premier sinon ça marche pas), on s’affale de tout son long (avec de préférence une grimace dramatique qui souligne l’effort qui vient d’être fait) en veillant à laisser un espace dans ses bras d’au moins 60 cm (circonférence réelle d’un ballon de rugby).

 

 

 

 

 

 

« J’AIIIII »

 

 

 

 

 

 

 

« J’AIIIIIIIIIII TOUJOURS »
« J’AaaAaiiIIIiiIIi »

 

La dernière étape, et pas la moindre, nécessite de réussir à faire passer le ballon dans cet espace très réduit, en calculant sa trajectoire avec l’élan, le vent, le rebond et un éventuel aveuglement temporaire entrainé par une mèche de cheveux rebelle.

« J’ai plus… »

Si le geste est réussi, vous vous affalerez lamentablement dans l’en but, en brassant de l’air et en amortissant votre chute grâce à votre visage sur le sponsor bien tachant.

« Youhouuuu, concours de glissades comme dans les vestiaires ! »

Vous ressortirez alors schtroumpfement bleu et peu être vert de honte, mais avec une action dont tout le monde vous parlera jusqu’à la fin de votre carrière. Et il faut bien être un joueur du Top 14 pour pouvoir prétendre marquer l’histoire du rugby comme cela.  Mais est ce que cela sera suffisant pour remporter le prestigieux trophée de l’Incroyable Talent du Top 14 ? Rien n’est moins sûr tant la concurrence promet d’être rude.

« Si avec ça j’ai pas trois « OUI »… »

La vidéo

Rougerie, tu n’es plus seul…

EPIC FAIL comme disent les geeks.

Un ouvreur fantasque qui délivre une astucieuse passe au pied, un N°13 qui surgit et se jette sur le ballon… avant de se foirer lamentablement. Ca ne vous rappelle rien ? Rassure toi Aurélien Rougerie, tu n’es plus seul. Sauf que, malgré la boulette de ce brave Will Chambers, les Reds on quand même réussi à remporter leur match face à la Western Force. ..

D’ailleurs, si vous êtes amateurs de rugby de l’hémisphère sud, nous vous recommandons chaudement ce site : http://www.sudrugby.com/