La finale du Super 15, revue et corrigée par Vern…

Une finale un peu décevante, mais intéressante à analyser sur le plan tactique.

Salut les Frenchies !

Ce weekend, je me suis frotté les yeux à plusieurs reprises en regardant la finale du Super 15. Que se passait-il sur le terrain ? Et où étaient donc passés ces foutus 25 temps de jeu dont on nous rabâche en permanence les oreilles ? Comme quoi, preuve était faite une fois de plus, que tous les superlatifs dont on affuble le Super 15 relèvent autant du fantasme journalistique que de la réalité du terrain.

Cette rencontre a été dictée de bout en bout, ou presque, par le «game plan» des deux équipes. Par cet aspect des choses au moins, de nombreux spectateurs hexagonaux n’ont pas dû être dépaysés. Une différence majeure cependant avec le championnat français : sur le plan du rythme et de l’intensité, on était cette fois dans le haut du panier, et pas dans les tréfonds du classement.

Mais le fait que cette finale ait été celle des choix pré-établis en dit long sur l’importance de l’enjeu. D’un côté, une équipe des Crusaders qui partait peut-être avec un léger avantage : grosse conquête, bonne capacité à dominer les phases de rucks et à avancer dans l’axe, botteur en réussite tout au long de la compétition et ligne de 3/4 associant des franchisseurs, capables de rentrer dans les intervalles, à des finisseurs rapides et lisant bien le jeu. De l’autre, la grosse défense des Reds, la créativité hallucinante de ses demis (on l’a encore vu samedi) et le jeu tout en appuis et en évitement de ses lignes arrières.

Au final, le score assez serré reflète bien le caractère très disputé de la rencontre et si les Crusaders l’avaient emporté, personne n’aurait crié au scandale non plus. Comme toujours, plus le niveau monte et plus les détails font la différence. Ce qui veut dire qu’il suffit parfois d’un grain de sable pour gripper une machine bien huilée. C’est ce qui s’est produit samedi et ce sont les Crusaders qui en ont fait les frais.

Contre une équipe comme les Reds, capable de se créer des occasions à partir de rien, il était impératif de tenir le ballon, d’avancer et de multiplier les temps de jeu, en misant soit sur des fautes de la défense, soit sur la capacité de pénétration des joueurs à fort tonnage de Canterbury. Mais la pression, la fatigue accumulée au cours des semaines écoulées, la résistance des Reds, et peut-être – inconsciemment – la peur de perdre sont passés par là … La conséquence de ces facteurs est connue, toujours la même, quel que soit le niveau: des petites erreurs s’accumulent, qui peuvent être lourdes de conséquences sur le score final.

Dans le cas des Crusaders, ce qui aura été déterminant finalement, c’est que leur conquête si impériale contre les Stormers n’aura pas eu le même rendement. Quatre touches pas droites sur lancer de Corey Flynn, deux autres interceptées par les Reds, et une mêlée qui n’aura pris l’ascendant auquel on s’attendait. Sans compter cette trentaine de placages manqués et cet essai justement refusé à Brad Thorn … Pris dans leur ensemble, ces facteurs-là suffisent à expliquer l’incapacité des Néo-Zélandais d’imposer finalement un jeu direct et simple, qu’ils ont pourtant réussi à pratiquer pendant près de 60 minutes. Mais dominer sans marquer n’est pas gagner.

Il faut aussi rendre hommage à la défense des Reds, excellente encore une fois sur la largeur, et loin d’être ridicule sur les séquences imposées au près par les Crusaders. Bien sûr, l’une ou l’autre décision de l’arbitre dans les phases de rucks aura sans doute surpris… Dans l’hémisphère nord, il est fort à parier qu’un plus grand nombre de pénalités auraient été sifflées, notamment en première mi-temps, en faveur des Crusaders. Mais les Reds ne se sont jamais laissés déborder et leur défense a rarement craqué, sauf peut-être sur l’essai de Carter, marqué grâce à la vision et la gestuelle parfaite de l’ouvreur néo-Z.

SBW en revanche a été bien neutralisé tout au long de la rencontre. Presque jamais les Crusaders n’ont pu assurer la continuité du jeu dans le couloir de leur numéro 12. Il faut dire que SBW est analysé au microscope par les spécialistes de la défense du Super 15 et des failles de plus en plus évidentes apparaissent dans l’armure de la star montante… Une chose est sûre, lorsque SBW met la main sur le ballon, il est pratiquement acquis qu’il va chercher à franchir et/ou à faire jouer dans son couloir. Avec lui en 12, ni les Crusaders ni les Blacks ne disposent d’un joueur capable de jouer en «deuxième cinq-huitième» comme on dit dans l’hémisphère Sud. On comprend donc mieux l’importance que Graham Henry accorde à la sélection d’un Conrad Smith, qui sait jouer lui dans un tout autre registre.

Mais autant SBW n’aura pas brillé par certains de ses choix, autant la charnière des Reds aura sporadiquement éclaboussé la rencontre de sa classe. Le qualificatif «sporadiquement» s’impose, car les joueurs des Reds avaient manifestement eu pour consigne de renvoyer au pied tout ce qui leur passait par la main. Tout ou presque… Un choix qui a pu paraître étrange à certains, mais qui s’explique par la stratégie des Australiens.

Mc Kenzie a certainement misé sur l’aptitude de ses joueurs à mieux exploiter les ballons de récupération, que ce soit en premier rideau ou dans le champ profond, et à s’adapter plus facilement à la désorganisation créée par le jeu au pied. D’où ce nombre invraisemblable de ballons tappé au-dessus, à ras, au près, au loin, là où d’autres choix de jeu auraient été possibles… En outre, ce tennis-rugby aura fait beaucoup reculer les avants et la paire de centres néozélandais, qui se sont progressivement fatigués et ont perdu de leur fraîcheur face à des 3/4 australiens très explosifs.

Dès lors, au fil du match, des micro-brèches se sont ouvertes dans les montées défensives des Crusaders, micro-brêches que Genia, Cooper et Cie ont su exploiter à merveille, grâce aux déséquilibres qualitatifs ainsi créés. Lorsqu’une équipe telle que les Reds parvient à créer du désordre chez l’adversaire, qui est en plus se fatigue à force de courir après le ballon, tout n’est qu’une question de temps… Et tôt ou tard, la vivacité et la rapidité des Australiens font la différence. Leur laisser la moindre occasion et le moindre champ libre, c’est s’exposer à une sanction immédiate. Les adversaires potentiels en Coupe du monde sont prévenus, mais sans doute le savaient-ils déjà.

 

Vern

Vern Crotteur a décortiqué pour vous le Super 15 … et ses demi-finales

Vern casse les clichés sur le Super 15 et imagine quelles seront les clefs du jeu à la Coupe du Monde…

Weekend calme en Auvergne. Températures agréables et soleil un brin estival. Premiers départs en vacances aussi, avec des autoroutes saturées de centaines de caravanes hollandaises, remplies jusqu’à ras bord de boîtes de saucisses aux haricots … Bref, je me suis emmerdé ferme, d’autant que la saison de la chasse n’est toujours pas ouverte et que le stage de reprise de mes Volcans éteints n’est pas pour tout de suite. Heureusement que le Super 15 est passé par là ! Ah le Super 15 … Son rugby spectaculaire, joué à outrance, par des extraterrestres aux qualités athlétiques inaccessibles pour les pauvres mortels de l’hémisphère nord. Initiatives, prises de risque, gestes techniques inouis, vision du jeu extraordinaire … Ah bon, vraiment ? Ou s’agit-il plutôt, comme l’affirment les détracteurs de cette compétition, d’un succédané de rugby joué par 30 danseuses qui oublient l’importance des fondamentaux à force de courir dans tous les sens ? Il est vrai qu’en sombrant dans le cliché (merci à la presse pseudo-sportive, et surtout aux commentaires télévisuels «avisés» de nos journaleux) , on en vient à avoir une conception totalement stéréotypée de ce rugby-là, ou plutôt de ces rugbys-là, car les demi-finales du weekend ont aussi été une opposition de style.

Prenons d’abord l’affrontement entre les Reds et les Blues. Les joueurs du Queensland ont pratiqué cette année le prototype de ce jeu que tous les commentateurs de l’hexagone nous font passer pour le rugby du Sud par excellence. Un jeu rapide joué par des puncheurs aux qualités d’accélération et d’appui exceptionnelles, servi par une charnière de “galactiques”. Au final, le score de 30-13 est quand même un peu flatteur pour les Reds, malgré les nombreux points laissés en route (sur des coups de pied manqués).

En effet, après avoir rapidement été menés au score, les Blues sont revenus dans le match, tant et si bien qu’il n’y avait que 5 points d’écart entre les deux équipes à la 50e minute (15-10). On peut d’ailleurs se demander si les joueurs d’Auckland ne se sont pas tout bonnement trompés de stratégie, à vouloir sans cesse prendre une excellente défense des Reds sur le large, au lieu de la fixer d’abord au près par un jeu beaucoup plus pénétrant, qui a d’ailleurs révélé toute son efficacité sur le seul essai néo-Z de la journée.

En outre, les mauvais choix des Blues leur auront coûté deux essais, le premier encaissé sur une simple interception de passe, et le second sur du jeu au pied médiocre, récupéré en troisième rideau par le phénoménal Cooper, qui n’en demandait sans doute pas tant. Autant tendre des verges pour se faire battre … Pourtant, même à 15-0 en faveur des Reds, les Blues auraient encore pu plier ce match. Malheureusement, leur essai marqué dans les arrêts de jeu de la première mi-temps n’aura fait que brièvement illusion. On aurait pu croire qu’ils continueraient à exploiter la faille enfin trouvée dans la défense australienne, avec du jeu pénétrant dans l’axe, à zéro passe ou à une passe, avant d’attaquer sur les extérieurs … Il n’en a rien été. Peut-être les Blues se sont-ils enfermés eux-mêmes dans une espèce de carcan du jeu total, que leurs adversaires du jour maîtrisaient bien mieux. Les Australiens en revanche ont récité «leur» rugby, emmenés il est vrai par une charnière d’exception.

Dans l’autre demi-finale, les Crusaders n’ont pas fait dans le détail en allant s’imposer 29-10 sur la pelouse des Stormers, pourtant meilleure défense du Super 15. Là aussi un premier essai d’interception, pratiquement la copie conforme de celui des Reds … De quoi donner des idées à Marco et Dave Ellis dans l’optique de la Coupe du Monde (juste un indice en passant).

Pour le reste, ce match s’est révélé bien moins débridé dans sa conduite que l’autre demi-finale. Broyés en mêlés, hachés menus dans les rucks, les Stormers n’ont pas été capables d’arrêter le rouleau compresseur venu de Canterbury … Avec un Carter solide à la baguette, jamais étincelant mais toujours juste dans ses choix, distribuant à la main et enquillant les points au pied, les Crusaders n’ont été menacés à aucun moment. A la mi-temps, l’issue du match était entendue. Côté néo-Z, cette seconde demi-finale a d’ailleurs de quoi rassurer ceux qui craignaient un prochain réveil des Springboks en Tri-nations (et à la Coupe du Monde). Face à des Suds-Afs pratiquant un rugby qui paraît désormais dépassé, les joueurs des Crusaders ne sont pas tombés dans les travers d’un jeu débridé inefficace. Ils ont assuré les fondamentaux avec une conquête magistrale en touche et encore plus en mêlée, même si les Stormers affichaient un paquet d’avants à 922 kilos, et ils ont régné en maître sur les zones de rucks. Les coachs du champion du monde en titre en revanche ont sans doute quelques soucis à se faire. Leur seule satisfaction vient sans doute du fait que SBW n’a pas eu les mains aussi libres qu’il ne l’espérait, au propre comme au figuré. Le jeune prodige n’a franchi et fait jouer qu’une seule fois ses partenaires, sur le second essai des Crusaders.

Ce qu’a notamment révélé cette seconde demi-finale, et l’édition 2011 du Super Rugby en général, c’est que la domination des zones de rucks sera sans doute l’élément le plus déterminant dans la course à la Coupe du Monde. D’une part, parce que la capacité à accélérer ses sorties de balles (ou au contraire à ralentir celles de l’adversaire) conditionnera le type de jeu qui finira par s’imposer dans la compétition. D’autre part, parce que la façon d’arbitrer cette phase aura évidemment des répercussions sur le jeu lui-même. Autant la coupe du monde 1999 avait été celle de l’organisation défensive (en l’occurrence celle de l’Australie) et 2003 celle du pack de fer (anglais), autant 2011 pourrait être celle du ruck et du contre-rucking … Reste à savoir quelle sera l’équipe qui affichera le plus grand talent en la matière, et comment les aptitudes des uns et des autres seront arbitrées. Difficile de se prononcer sur cette question en se basant sur le Super 15. L’année dernière, il était manifeste que les arbitres donnaient systématiquement l’avantage à l’équipe en possession du ballon. Cette année, les défenses se sont peut-être mieux adaptées et ont développé des parades à la trop grande continuité offensive. Ou les arbitres seront revenus à un peu plus d’équilibre. Toujours est-il que ça bataille souvent ferme dans les rucks, et certaines nations plus que d’autres (suivez mon regard) paraissent mieux armées pour s’imposer, quel que soit l’arbitre.

Mais l’arbitrage du ruck n’est pas la seule interrogation que ce Super 15 a soulevé. Tout n’est pas or qui brille dans l’hémisphère Sud. Tout d’abord, peu d’observateurs européens et en particulier français le savent, la formule 2011 du Super rugby manque franchement de cohérence. Un système de qualification compliqué et injuste, dicté simplement par des impératifs d’audience et de finances … Selon toute vraisemblance, le règlement du Super 15 doit être aussi épais que le bottin de Paris ! Trois poules nationales, avec matches en aller-retour, puis des matches «sec» contre quatre des cinq provinces des deux autres nations participantes. Difficile à comprendre, encore plus compliqué à suivre, mais tout ce qu’il y a à savoir, c’est que les organisateurs pensent que plus d’équipes et plus de matches, ça fait forcément plus d’argent dans les caisses … mais pas forcément plus de spectateurs dans les stades ou devant leurs écrans. D’ailleurs, nombre de rencontres se jouent dans des stades à moitié vide et même en Nouvelle-Zélande, les matches entre provinces du pays n’ont pas vraiment attiré les foules. La palme revient à la ville d’Auckland, qui a tout juste réussi a mobiliser 16 000 personnes pour le barrage qualificatif pour les demi-finales du Super 15. De ce côté-là, le TOP 14 et la H Cup n’ont aucun souci à se faire !

Côté joueurs, en revanche, ce n’est peut-être pas tout à fait pareil, même si 2011 n’a pas été une année de découvertes ou de surprises … Les valeurs sûres ont généralement confirmé, les étoiles montantes ont encore davantage illuminé le ciel, mais les stars annoncées de la Coupe du Monde, ou plutôt la star annoncée, SBW, devra encore prouver en match international qu’il est réellement le “game breaker” ou “match winner” qu’on présente. Peut-être nous livrera-t-il déjà quelques éléments de réponse lors de la finale, qui s’annonce assez disputée et devrait tourner une nouvelle fois à l’opposition de style et de numéros 10. Il est vrai qu’une finale c’est toujours du 50/50, mais forcément, par patriotisme rugbystique autant que par flair, je dirais avantage Crusaders. Affaire à suivre !

Vern

Vern Crotteur analyse les chances des Bleus…

Des articles sérieux et intéressants, c’est aussi ça la Boucherie.

Salut les Frenchies !

Plus que deux mois et demi jusqu’au début des hostilités … Grand temps pour examiner un peu plus en détail les chances réelles de l’Equipe de France. Qu’est-ce qui pourrait la faire gagner ? Et qu’est-ce qui risque de la faire perdre ? Bon, ça, on a déjà une petite idée … Mais qu’on se rassure dans les chaumières. Ici, on ne va pas faire le coup du «grand quotidien sportif» dont les journalistes à deux kopeks parlent de rugby comme d’autres parlent de show business. Ce qui est réellement intéressant ce n’est pas de savoir si Marco a eu tort de se priver des services de Caveman, ou si Huget a véritablement le niveau international. Non, ce qui importe, maintenant que des choix définitifs ont été faits, c’est de s’interroger sur le contexte de la coupe du monde, et sur les caractéristiques du jeu ainsi que le «type» de joueurs qu’il faudra pour s’imposer.

Il faut déjà rappeler que des éléments extérieurs peuvent avoir leur importance. Demandez donc à Freddy … Septembre – octobre dans l’hémisphère Sud, en l’occurrence en Nouvelle Zélande, c’est un peu comme mars – avril en Irlande … Autant dire que ça peut arranger les équipes qui pratiquent un rugby pondéré et pédestre, c’est-à-dire un rugby joué à la vitesse d’un tracteur lancé à fond de seconde. Le fameux «rugby pragmatique», cher à tant de techniciens du TOP 14, qui a donné naissance à l’expression «jouer à deux à l’heure».
Du point de vue de la météo donc, Marco, Mimile et Dédé peuvent déjà se frotter les mains: le 15 national ne sera pas complètement largué. Remarquez, je dis ça, mais en novembre dernier, la météo n’a pas empêché les Kangourous australiens de mettre près de 60 points à des Coqs (en plâtre).
Second facteur notoire, sur le plan du calendrier cette fois, le Tri-nations 2011 se jouera de la fin juillet à la fin août. En voilà un détail intéressant ! D’une part, c’est vrai, les trois géants du Sud auront eu loisir de jouer des matches relevés à peine deux semaines avant le coup d’envoi de la Coupe du monde. Avantage hémisphère Sud. Mais en revanche, au niveau de la fraîcheur physique, c’est un élément extrêmement positif pour la France. Marco et sa bande d’éclopés arriveront avec deux mois de prépa physique dans les jambes. Enfin pour certains, ça ressemblera plutôt à de la rééducation en fauteuil roulant … Mais tout de même, si la France parvient à aligner 15, voire 22 joueurs capables de courir sur leurs deux jambes, elle aura déjà comblé une bonne partie du fossé athlétique qui la sépare du Sud.
D’autant que si Dan Carter ou Richie McCaw se blessaient sérieusement durant le Tri-Nations (on ne leur souhaite pas, mais sait-on jamais ?), les Blacks seraient bien emmerdés …

Mais pour les Français, tout dépendra aussi de leur capacité à imposer leur jeu, ou un jeu, puisqu’ils cherchent encore. C’est là d’ailleurs que les choses se corsent. Tout d’abord, finissons-en avec une légende tenace. Pour gagner en coupe du monde, il est vrai qu’il faut pouvoir s’appuyer sur un socle solide … C’est ce qu’on appelle les «fondamentaux». Une défense solide, un buteur régulier et une bonne conquête. Mais la France ne se rend pas en Nouvelle-Zélande pour gagner la Coupe du monde … Autant croire au Père Noël ! Elle y va pour limiter les dégâts, c’est-à-dire se qualifier pour les ¼ au minimum, et avec un peu de chance, faire rêver ses fans jusqu’en ½.

Pour arriver aussi loin dans la compétition, les Bleus ne pourront pas se contenter de quelques ballons de récupération ou des fautes concédées par l’adversaire. Il faudra avant tout produire du jeu ! Parce qu’il est évident que cette coupe du monde, plus que toute autre depuis 1987, sera une compétition tournée vers l’offensive, notamment grâce à la (plus toute) nouvelle règle «plaqueur-plaqué». Bien sûr, ce ne sera pas un rugby champagne débridé, mais les équipes qui produiront un gros volume de jeu et qui seront capables de conserver plus longtemps le ballon auront un avantage indéniable, ce qui n’a pas toujours été le cas.
Dans le cas de la France, il s’agira de trouver en trois mois des solutions que Marco et ses deux acolytes n’ont pas trouvé en trois ans. Autant dire que c’est pas gagné. Mais c’est de cette animation offensive que dépendra le salut de l’équipe. Il va falloir trouver franchir les défenses adverses dès les premiers temps de jeu, plutôt que de miser sur une capacité très théorique à déstabiliser l’adversaire au bout de 2 ou 3 temps. Et ça veut dire, en premier lieu, qu’il va falloir rentrer dans les intervalles, gagner ses duels et faire jouer des soutiens arrivés à hauteur pour assurer la continuité du jeu et de l’avancée.

Le groupe sélectionné par Marco laisse entrevoir quelques espoirs à cet égard. Certes, il y a beaucoup de joueurs polyvalents et pas assez de spécialistes peut-être, surtout à l’aile où les qualités d’un Julien Malzieu auraient beaucoup apporté pour franchir dans le couloir du 10 par exemple, ou pour fixer davantage la défense dans cette zone, mais on ne peut que se réjouir du fait qu’un trio arrière Médard-Heymans-Clerc pourrait apparaître dans l’équipe de France type de cet automne.
Par ailleurs, si la configuration idéale au centre (Mermoz + Rougerie) a peu de chance de voir le jour, compte tenu de la blessure de Roro, on peut croire le sélectionneur quand il affirme qu’Estebanez est loin d’avoir donné toute la mesure de son talent … Associé à Mermoz, voire à un Trinh Duc décalé en 12, Skrela prenant le poste d’ouvreur, Estebanez pourrait être la bonne pioche de cette coupe du monde.
Encore que pour briller un tant soit peu, il faudra avant tout régler le «very big» problème du rugby français en général, et de l’Equipe de France en particulier, à savoir les attitudes au contact, la qualité des soutiens au porteur et la vitesse des libérations de balle. Bonne chance à Marco … Je ne voudrais pas être à sa place.

Devant, en tout cas, la sélection de Picatchou et de Lakafia montre que Marco a saisi l’ampleur du problème du franchissement. Avec un Nallet en forme, un Servat de retour de blessure et un Dusautoir fidèle au poste, ça fait au moins cinq avants capables de franchir et de faire jouer après contact. Pour une équipe habituée à lancer des charges à grands coups d’épaule, ça pourrait modifier sensiblement la donne au niveau offensif.
A coté de cela, il faudra évidemment assurer les fondamentaux, même s’ils ne suffiront ni à faire gagner l’équipe, ni à faire réellement pencher la balance en sa faveur. La place de la mêlée en particulier devra être revue à la baisse. Déjà, Domingo et Barcella seront vraisemblablement forfaits, au moins jusque début octobre. Ensuite, il faut bien voir que Paddy O’brien, grand gourou de la mêlée parmi les arbitres de l’IRB, a déjà fait comprendre que la marge de manœuvre des piliers sera extrêmement limitée. Ceux qui espèrent pouvoir jouer des duels en mêlée seront sans doute déçus. Si tu prends l’ascendant à l’impact tant mieux, sinon inutile de tenter de manœuvrer ton vis-à-vis, tu vas te faire siffler.
De toute manière, ça ne change pas grand chose pour la France. Contre les Blacks puis les Anglais ou les Argentins, la mêlée ne sera pas une sinécure, il ne faut pas se faire d’illusion. L’important sera d’assurer des sorties propres et non d’obtenir des pénalités dans ces confrontations-là.
La touche en revanche sera «LA» rampe de lancement par excellence, nul doute ! Il faudra être extrêmement rigoureux et précis dans ce secteur. La présence d’un Lakafia ou d’un Picamoles au centre de la troisième ligne, limite un peu le nombre d’options de saut, mais c’est un risque qu’il faut courir. Surtout, il va falloir être plus performant pour contrer les touches adverses, ce qui impose pratiquement la présence d’Imanol ou de Bonnaire en troisième ligne, au détriment de Fufu, joueur de rupture par excellence, encore que, mis à part les ligaments de sa main, il n’a pas rompu grand-chose cette année.

Il ne reste plus qu’à dynamiser le jeu de la charnière, et surtout faire en sorte que Parra change de disque et passe enfin la troisième … Et là, tu as des chances de faire quelque chose ! Je ne dis pas que Parra n’est pas bon, loin de là. Mais s’il semble très à l’aise derrière un pack qui avance et qui contrôle la situation, il lui reste encore à prouver qu’il peut être ce premier attaquant et cet accélérateur du jeu que sont certains des demis de mêlée adverses. Le Yach lui n’a peut-être plus ses jambes de 20 ans, mais son côté filou, son aptitude à faire jouer les gros autour des regroupements et son jeu au pied offensif pourrait s’avérer utile.
D’ailleurs, il me semble que le jeu au pied court peut être l’une des armes qui permettra à l’équipe de France de surmonter, à court terme, certaines de ses lacunes offensives, surtout face aux murailles défensives qu’elle va trouver sur sa route. Trinh Duc a progressé dans se secteur, mais ce serait sans doute pas bête de travailler encore plus ces coups de pied de récupération, façon Lamaison en 99 par exemple … à condition de ne pas rendre bêtement le ballon.

Voilà ! C’est pas si difficile le rugby finalement … Tu réunis tous ces ingrédients-là, tu rajoutes une bonne dose de défense en béton, un fond de mental guerrier et un soupçon de chance et, qui sait, la France ira peut-être plus loin que ses résultats récents ne le laissent présager.

Vern

PS: Si vous avez des questions, voire pire, des idées, un avis à partager, n’hésitez pas à nous en faire part dans les commentaires. Le débat est ouvert !

Objectif coupe du monde : Vern Crotteur fait (déjà) le bilan de l’ère Marco …

Pourquoi attendre ?

Salut les Frenchies !

Certains d’entre vous seront sans doute étonnés. Quoi ? Le bilan du sélectionneur national avant même le premier match de la compétition ? C’est vrai, la tradition voudrait qu’on attende l’élimination de l’équipe, quelque part entre la fin des matches de poule et la finale… Ne dit-on pas, dans la vallée des gaves, que c’est au retour du bétail qu’on compte les bouses ?

Pas faux. Mais moi, tel un Alain Delon du rugby, je passe outre les conventions et la bienséance, j’attends pas … Tant que ça peut faire parler de moi, je me fiche des critiques, des jaloux et des ingrats. Et puis, comme disait l’ami Fritz dans les Tontons flingueurs, « la bafe du krapeau n’embêche pas la karafane de basser ».

Ou, pour paraphraser le style inimitable de papy Villegueux, intermittent du Merdol et permanent des explications incompréhensibles: « en rugby, la performance s’inscrit dans un rapport de force continu, à la fois individuel et collectif. L’analyse de cette performance ne saurait reposer uniquement sur des observations empiriques conjoncturelles, c’est-à-dire liées à la phénoménologie particulière des aptitudes physiques, techniques ou tactiques déployées à l’occasion d’une compétition quadriennale».

Pour ceux qui n’auraient rien compris aux élucubrations de ce grand Gana du rugby français, il veut dire tout simplement que ça sèche peut-être une larme d’être bon une fois tous les quatre ans, mais c’est pas une excuse pour jouer comme des grosses merdes le reste du temps.  Un peu dur peut-être comme constat, mais au moins c’est franc et honnête.

Parce qu’il faut bien avouer qu’il y a une belle dose d’hypocrisie à dire qu’on va attendre la fin de la coupe du monde pour faire le bilan du travail accompli depuis quatre ans. Soyons clair, ça fait des semaines, sinon des mois que les faux-culs fourbissent leurs armes dans leurs salles de rédaction, ou leurs salles de conférence climatisées, en attendant de crucifier Marco, au cas où il se planterait en octobre. Ou alors, si d’aventure le Quinze de France faisait une belle perf, ils vont le couvrir d’éloges, en louant ses talents de visionnaire et de meneur d’hommes… Mais moi, je mange pas de ce pain-là. Je sais que j’avance en terrain miné, mais c’est aussi ça l’esprit rugby, faut oser, merde…

Alors, si on fait abstraction de la grand messe à venir, que retenir dès à présent des quatre années de l’ère Marco ? Assurément déjà, que la période 2007-2011 entrera dans les annales du rugby français comme une période de rupture… Rupture de style d’abord.

Difficile en effet d’imaginer un contraste plus saisissant qu’entre le Kaiser, alias Bernie le dingue, et Marco, gentil animateur du centre aéré de Marcoussis. Cette différence de style s’est répercutée sur la stratégie de communication. Bernie était peut-être détesté de (certains de) ses joueurs, mais il était adulé des médias, et pas seulement pour son parler aux accents rocailleux, fleurant bon le cassoulet et le confit d’oie… A côté de cette bête médiatique, il était clair d’emblée que le petit Marco ferait pâle figure. Et sa communication chaotique, incohérente et inaudible ne l’a certainement pas aidé dans sa tache. Il faut dire que la méthode consistant à encenser les joueurs un jour et à le traiter de lâches le dimanche suivant ne passe pas forcément, surtout pas auprès des principaux intéressés.

Mais cette cacophonie médiatique, l’une des constantes de l’ère Marco, n’est sans doute que le reflet des errements sportifs du staff. Bien sûr, certains éléments de l’équation étaient déjà en place lors de la prise de fonction du sélectionneur. Les problèmes ­–­ et les excuses – ne manquent pas. Entre les insuffisances du plan de formation des joueurs, la trop grande place qu’occuperaient les joueurs étrangers, le calendrier trop chargé du TOP 14, Marco n’y est pour rien. Et puis, rappelez-vous surtout du contexte de sa prise de fonction… Coupe du monde 2007, le match pour la 3e place. Les joueurs s’étaient soi-disant libérés du carcan imposés par Bernie. Fini le jeu par blocs, modulé à la sauce française, façon essuie-glace « large-large ». On allait voir ce qu’on allait voir ! Contre les Argentins, sortes de tracteurs diesel habitués à jouer à 2 à l’heure, on allait leur montrer, avec Freddy à la manœuvre. Les petits gars, emmenés par un capitaine semi-retraité, allaient mettre le feu aux poudres et renvoyer les danseurs de Tango à leurs chères études ! Effectivement, on a vu… un beau match, ponctué d’un festival d’essais argentins. Le French Flair était taillé en pièces, la fierté rugbystique nationale aussi.

Dès lors, l’arrivée de Marco s’inscrivait dans une double équation : non seulement monter une nouvelle équipe, avec ses convictions à lui, mais aussi et surtout redorer à tout prix le blason écorné du rugby français. Retour à l’intelligence situationnelle, à une certaine liberté d’action et d’initiative. Flanqué des frères siamois Mimile et Dédé, le jeune entraîneur a été présenté comme le sauveur. Il allait redonner au Quinze de France une part de cette insouciance de jeu, de cette légèreté apparente à laquelle pense Daniel Herrero quand il parle de la France comme de cette «éternelle adolescente du rugby mondial». Mais le jeune entraîneur était aussi attendu… au tournant. Et rarement un changement à la tête de la sélection n’aura été plus visible sur le terrain, dès la première année, avec des résultats aussi mitigés, dès le premier Tournoi.

Dans la pratique, on a assisté à un jeu un peu foufou, avec des joueurs qui relançaient de partout, même à un contre quatre. Un peu à la manière de mon 3/4 handisport Murimurivalu … Des belles intentions somme toute, pas toujours bien récompensées, mais un jeu enthousiasmant et prometteur par certains aspects, malgré quelques sérieux couacs, comme cette mêlée tordue dans tous les sens par de modestes Écossais.

Et ce sont justement les critiques parfois outrancières, celles de la presse ou d’entraîneurs pas toujours bien intentionnés, qui auront raison des convictions de Marco. Ceux qui s’attendaient à ce que le sélectionneur campe sur ses positions, qu’il travaille dans la continuité, en auront été pour leur frais. Dès 2008 s’amorce le retour progressif à un jeu plus frileux, un rugby austère et stérile, celui que l’on maîtrise dans les joutes sans pitié du championnat de France. C’est avec ce rugby-là que Marco remportera son seul grand chelem, en 2010, en jouant l’Irlande et l’Angleterre à domicile, et en battant cette dernière sur la seule puissance du pack et la fiabilité de son botteur … Là où Néo-Zélandais, Australiens et même Anglais persistent et signent, le soufflé français s’aplatit comme une crêpe.

De ses intentions du début, Marco n’en a gardé qu’une, celle de faire valser les joueurs. D’abord présenté comme une large revue d’effectif, la méthode est peu à peu devenue la marque de fabrique du sélectionneur, une politique qu’il a maintenu, envers et contre tout, jusqu’au 5 mai 2011. Au total plus de 80 joueurs testés, 12 charnières, 26 combinaisons au centre, 17 trios arrière … Même des joueurs de PRO D2 s’étaient mis à espérer !

Au final, cette instabilité chronique de l’effectif et du jeu aura été partiellement responsable du naufrage de Flaminio, et de toutes les autres défaites records qui l’ont précédé… inutile de remuer le couteau dans la plaie. Les rares succès d’envergure, comme cette tournée remportée en 2009 en Nouvelle-Zélande, face à des Blacks en reconstruction, ou cette victoire contre des Boks au creux de la vague, à l’automne de la même année, ne doivent pas faire illusion. Quatre ans après sa prise de fonction, Marco est le premier à le reconnaître : « on repart de zéro », autant au niveau du jeu que des joueurs. À l’heure où les grosses cylindrées resserrent leur effectif, travaillent leurs automatismes et peaufinent les réglages, l’équipe de France elle est un immense chantier.

Alors quoi ? Quel jeu ? Pour quels joueurs ? Entre un rugby pragmatique, basé sur le sacro-saint tryptique du TOP 14 « pression – jeu au pied – récupération », et un jeu plus ambitieux, fait de mouvement et de prise de risque, qui peut dire aujourd’hui quelle sera la voie choisie ? Difficile de se prononcer. D’autant que les joueurs eux-mêmes sont sans doute un peu perdus. Le fameux cahier de jeu n’y aura rien changé. Lorsque le nom des deux centres change à chaque match, que le trio arrière est en reconstruction permanente, qu’il n’y a jamais de numéro 8 indiscutable et que la charnière joue de plus en plus souvent sur le reculoir, à mesure que le pack se grille à force d’avancer à grand coup d’épaule, il n’y a pas vraiment à s’étonner de l’indigence offensive de l’équipe.

Seule constante dans cette politique de sélection, les fortes têtes, les caractériels et les teigneux ont été poussés vers la porte de sortie. Exit les Fritz, Dupuy, Bastareaud et Cie. Merci et bon vent ! Chabal, qui a eu pendant longtemps «toute la confiance» du sélectionneur est éliminé sur la dernière ligne droite. Traitement similaire pour Jauzion et Poitrenaud, souvent vantés comme des pièces maîtresses du Quinze tricolore. Leur club ne s’en plaindra pas, vu la performance éblouissante des deux joueurs lors de la finale 2011 du championnat.

Une atmosphère de fin de règne s’est désormais emparée du domaine de Ballejame. Marco et ses deux accolytes ont abandonné depuis longtemps toute prétention de logique et de cohérence dans leurs choix.

Les lueurs d’espoir sont rares. Le retour en grâce d’un Picamoles et l’arrivée du jeune Lakafia sont à saluer, mais arrivent un peu tard. Trop tard ? Pour toute autre équipe que la France, on aurait sans doute répondu par l’affirmative. Mais s’il est une nation de l’Ovale qui est capable de passer de l’ombre à la lumière en quelques semaines, ou quelques mois, c’est bien la France… Et si on peut espérer une chose, c’est bien celle-là, un match, un seul, un quart de finale flamboyant pour faire de nouveau rêver tous les amoureux du rugby français. Au-delà, tous les rêves seront permis.

Vern

Vern Crotteur a (plus ou moins) regardé la finale du Top14 pour vous

Salut les Frenchies,

Bon ben, ça y est, c’est fait … Emballé, c’est pesé ! Le Manchester United du rugby européen a encore frappé ! 18e titre pour les divas de la Garonne, 11e finale pour leur chef de secte. Y a de quoi bouffer sa casquette ! Et c’est d’ailleurs ce que j’ai fait samedi soir, devant mon écran de télé.

Je m’étais pourtant juré de ne pas regarder le match. Encore trop douloureuse la déconvenue de la semaine précédente. Mais finalement, j’ai craqué… Les enfants étaient au lit et ma femme était occupée à laver à la main mon tee-shirt encroûté du vomi de la semaine dernière. Bref, j’avais rien de mieux à faire, vu que les autres chaînes passaient que de la merde et que mon émission préférée, celle avec Laurent Ruquier et sa bande de tarlouzes, ne commence que bien plus tard …

J’ai quand même hésité un moment entre la finale et un documentaire que diffusait ARTE, sur un obscur photographe austro-danois de l’entre-deux-guerres. Le gars s’était apparemment suicidé à la vodka… L’espace de quelques instants, je me suis senti proche de cet homme. Oh bien sûr, pas pour son amour de l’art, moi à part les clichés du Merdol qui me montrent en gros plan, j’en ai rien à cirer de la photo. Mais je me suis senti une certaine parenté d’âme avec ce goût immodéré des alcools – forts – et j’ai débouché illico une vieille bouteille d’armagnac, cadeau d’Eric Péchu, tout en changeant de chaîne.

Premier avantage d’avoir Montpellier en finale, t’es pas obligé d’écouter les commentaires à la con de Galthié. Faut dire que je supporte plus de l’entendre à la télé… Mon pote Guy a bien fait de lui remettre les pendules à l’heure dans une interview. Galthié passe tellement bien à l’écran qu’on a parfois l’impression de voir la huitième merveille du monde. Non mais, il se prend pour qui, ce type ? Combien de titres à son actif, hein ? Bon, moi j’en ai qu’un, c’est vrai, mais tout de même quatre finales d’affilée. Et puis, meilleur entraîneur (adjoint) du Super 15, je ne le répète jamais assez… Deuxième avantage d’avoir Montpellier en finale, tu sais que les commentateurs, même quand c’est pas Galthié au micro, vont prendre parti pour le petit poucet du TOP 14, face à l’ogre du rugby européen.

Je m’installe donc confortablement sur mon canapé clic-clac, en remplissant de nouveau généreusement ma chope de cet excellent armagnac et je commence à regarder le match. Au bout d’une petite demi-heure, je me réveille en sursaut… Merde, j’ai presque tout raté de la première mi-temps !! Affolé, je regarde le score. 0-0 au bout de 27 minutes ??? Je me dis que j’ai déjà poussé un peu trop sur l’armagnac et je me frotte les yeux. Non, c’est bien ça. 0-0.

Du coup, je me gratte la tête en me disant que si c’est pour jouer comme ça, mon équipe de volcans éteints avait largement sa place en finale ! J’essaie de me concentrer sur le match sans cligner de l’œil et je me rends compte qu’on n’est vraiment pas parti pour une rencontre de gala. Pas de feu d’artifice d’essais, pas même de rugby de mouvement, avec des lancements à la chorégraphie parfaite, comme les affectionnent tant les ballerines toulousaines.

Puis, tout d’un coup, comme un diable surgi de sa boîte, l’ailier montpelliérain dont je me souviens jamais du nom… À quoi bon d’ailleurs, on le reconnaît si bien avec ses cheveux fluo… voilà que ledit ailier nous sort un petit coup pied par-dessus, le rate à moitié, mais finit par récupérer le ballon et plante l’essai sous les perches toulousaines.

Je me ressers immédiatement un fond d’armagnac et je me frotte les mains. Finalement, ces petits montpelliérains, à qui on promettait un passage à l’abattoir, ne s’en sortent pas si mal. Au bord du terrain, Guy a l’air inquiet et, en le voyant, je me fends la poire, un peu malgré moi. Au bout de quelques minutes, je finis cependant par me rendormir, allez savoir pourquoi… Finalement, je me réveille de nouveau en fin de match. Douche froide en voyant cette fois le score !! Putaaain, nooon… 15-10 pour Toulouse. Ils l’on fait ces cons ! J’ouvre aussitôt une deuxième bouteille d’armagnac, la première étant déjà vide, pour une raison qui m’échappe, et j’essaie de noyer mon chagrin et ma déception dans cette boisson rafraîchissante.

La suite des images ressemble à du déjà vu, avec Toulouse au 7e ciel, et Montpellier au 5e sous-sol. Seul truc qui fait bizarre, Jean-Ba ne porte plus le maillot de l’équipe, mais un horrible polo Jeanne Mas … en rouge et noir. A part ça, il a toujours sa gueule de petit écolier, premier de la classe, et semble content de lui-même, comme à son habitude. Guy lui, est ému, la larme à l’œil, mais il garde son quant à soi, façon Sir Alec Ferguson. Sans doute qu’il pense déjà à ce qu’il va pouvoir me balancer pour m’en mettre plein la vue, lors d’une prochaine partie de chasse… Même Dusautoir, capitaine courage de l’équipe de France, a l’air heureux. Ça lui change vraiment de sa tête de chien battu lorsqu’il joue avec le maillot frappé du coq.

Il n’y a que Skrela qui tire un peu la tronche. Moi qui ai raté le match, je me demande évidemment pourquoi. Jusqu’à ce que l’un des commentateurs anonymes et sans intérêt lâche que le fils du DTN a manqué cinq pénalités. En entendant ça, j’avale ma gorgée d’armagnac de travers. Je me ressers aussitôt et je me dis que, putain, 15 points laissés en route face à des novices du TOP 14, ça fait beaucoup quand même. Encore un choix judicieux du petit Marco dans la perspective de la coupe du monde…

Dans le camp héraultais, c’est la consternation. Montpellier est passé si près, et pourtant si loin. Durant mes quelques phases d’éveil, je dois avouer que je les ai surtout vu défendre, même s’ils l’ont bien fait. Mention particulièrement honorable à Gorgodze, auquel Hollywood ne devrait pas tarder à proposer le rôle-titre dans un prochain remake de Godzilla… Pour le reste, les internationaux Donald Duc et OuéOué, ou DraDra pour les intimes, ne sont pas passés à côté, mais n’ont pas spécialement brillé non plus. Au moins, ils n’ont pas raté 15 points ! Et j’imagine que Marco, tapi dans dans sa tanière, doit se dire qu’il a fait un excellent choix en les prenant dans sa liste des 30, pardon des 32.

Seule consolation de voir Montpellier défait, on ne nous repasse pas – pour la énième fois – la tête de Galthié, les cheveux en pétard et les yeux embués de larmes, façon chiot abandonné. Ouf que je me dis en me servant encore un fond d’armagnac, on va nous épargner ça, au moins…

Je continue à regarder les images du triomphe toulousain, en pensant avec un certain sentiment d’injustice que c’est les miens qui devraient le tenir le bouclier. Après tout, le meilleur entraîneur du TOP 14, c’est moi, si je ne m’abuse ??!! La nostalgie de la finale de l’an passé me saisit quelques instants, avant que je ne me rende compte avec stupeur que la deuxième bouteille d’armagnac est vide elle aussi. Mais qu’est-ce qui se passe ici, bordel ? Les bouteilles sont fendues ou quoi ??

Je veux descendre à la cave pour en chercher une autre, mais je me prends les pieds dans le tapis et je me fracasse contre la table basse en chêne de Ranganui, que je trimballe avec moi dans chaque club que j’entraîne… Finalement, je reprends connaissance une heure plus tard, ce qui n’est pas plus mal, car il n’y a plus de Toulousains à l’écran. Je parviens à me hisser sur mon canapé. Tant pis, plus le temps de descendre à la cave, Ruquier va bientôt commencer…

Vern Crotteur revient sur ASM-BO… et parle un peu de Toulouse !

Vern Crotteur était absent ces dernières semaines, comme l’ASM depuis le début de l’année. Mais il est de retour en force, comme l’ASM depuis deux semaines.

Salut les frenchies,

De retour dans ma boucherie préférée après une absence de quelques semaines pour raisons professionnelles. Je peux l’avouer maintenant, j’ai eu chaud aux fesses ces derniers temps ! Avec mes volcans (semi-)éteints, j’avais un peu le dos au mur avant ce match de qualification contre les Biarrots. Autant dire qu’au niveau de la prépa, j’avais mis le paquet. Rassurez-vous, j’ai pas fait le coup du cahier de jeu de Marco. D’abord, nous, notre cahier de jeu, il est livré de série avec chaque iPad qu’on distribue aux joueurs, ça fait quand même plus sérieux … Et puis, les petits cahiers d’écoliers de 35 pages, reliés brochés, excusez-moi, mais même nos cadets en rigolent encore. Par curiosité, je l’avais imprimé une fois, notre référentiel de jeu. Toute une rame de papier y est passée, 367 pages … Je m’étais jamais rendu compte qu’on avait un jeu aussi léché, du moins pas cette année. En tout cas, en visionnant nos matches, j’ai rarement reconnu les 23 types de relance, 44 combinaisons en touche et 12 options de contre-attaque que j’avais péniblement mis au point pendant mes vacances au pays. Cela dit, contre les Biarrots je m’étais dit qu’on en aurait sans doute pas besoin. Quand tu joues contre les rois de la cocotte, sorte de tortue béglaise revue et corrigée par Gonzo, tu te dis qu’en termes de vitesse de jeu, tu risques pas d’être débordé. Ben pourtant, au bout de trente minutes, j’en menais pas large.

Heureusement que la mi-temps est passée par là. Je peux le dire maintenant, on s’est livré à une petite opération de guerre psychologique dans le tunnel qui mène aux vestiaires de Marcel Michelin … Azema a subrepticement glissé auYach et à Terminatol qu’ils étaient dans le groupe des 30, enfin des 32, pour la Coupe du monde, et qu’ils pouvaient lever le pied en deuxième mi-temps. Ils étaient même pas au courant, les pauvres ! Vous auriez vu leur tête, comme des gosses qui découvrent qu’il y a une distribution gratuite de cadeaux à Noël. Faut comprendre, c’est culturel. Après tout, ils viennent de Biarritz, l’info met toujours un peu plus de temps pour passer la Nive, allez savoir pourquoi … Peut-être que les voisins Bayonnais y sont pour quelque chose ? Cela dit, moi je soupçonne plutôt le président du BO d’avoir fait de la rétention d’info, histoire de motiver un peu plus ses troupes. Une de ces tirades dont le gros Serge a le secret : “Imanol, il nous faut du grandiose ce soir contre les vendeurs de pneus, sinon, la coupe du monde, ça risque d’être serré pour toi”. . Enfin, tout ça c’est de la cuisine basque, autant dire que ça n’intéresse pas grand monde en dehors des curistes en villégiature à l’hôtel de l’océan …

Mais je suis tout de même assez fier de notre qualif. Et puis, on a vu en deuxième mi-temps que ça servait d’avoir un plan de jeu qui tient sur 400 pages … Bon, ça sert aussi d’avoir des joueurs qui marquent quand l’adversaire a le dos tourné, y a rien de déshonorant à ça. Mais ce qui m’a particulièrement réjoui, c’est qu’on a enfin fermé le clapet à ces énergumènes de la côte basque. Je dis bien côte basque, et non pays basque, parce qu’il faut bien l’avouer, à Biarritz, il ne reste pas grand-chose de basque, à part peut-être quelques merlus qui sillonnent les eaux troubles au large du Rocher de la Vierge … Je sais, les tenants de l’Euskadisme vont me rétorquer, en faisant de grands yeux outrés, que le BO, il a bien Imanol dans ses rangs, non ??!! C’est pas faux, mais je reste persuadé que Terminatol sert plutôt de faire valoir au club, histoire de pouvoir placer le mot «basque» dans son intitulé officiel. Ah non, j’oubliais, il reste aussi le petit Gonzo, le seul membre du club à jurer encore en basque de temps à autre. Pour les autres en revanche, faut bien avouer que la langue régionale numéro 1 au BO, c’est plutôt l’anglais … Je sais, je fais pas vraiment couleur locale moi non plus en Auvergne, mais au moins, les séances d’entraînement, je les mène en français. Alors que Jack Isaac, même quand les journalistes de Canal + lui envoient leurs questions à l’avance et par écrit, il a du mal à aligner deux phrases, sans retomber dans son dialecte d’outre-tasmanie.

Mon second motif de fierté quand je repense au match de Biarritz, c’est qu’on a réussi à se qualifier en alignant une équipe de semi-vétérans. Eh oui, faut reconnaître qu’au niveau moyenne d’âge, on a plutôt un groupe taillé pour remporter un concours de boule sur le cours Belsunce plutot qu’un titre de champion de France de rugby.  Mais on a encore du cœur, parfois, et quelques beaux restes, souvent … A ce sujet, je précise que je n’inclus pas Jamie dans ce commentaire pas forcément élogieux. Jamie, lui, ça fait 20 ans qu’il joue dans le même registre et au rythme où il distribue les coups de casque, je me demande si on va pas le garder dix années de plus. On est en France après tout, non ? C’est toujours bon d’avoir un anesthésiste, un sécateur ou un X-men dans l’équipe. D’ailleurs, c’est comme ça que je l’appelle, Jamie, depuis que son frangin a joué Colossus dans X-men 2.

Je rigole, je rigole, mais je suis pas super optimiste pour cette demi-finale. Le bilan des dernières années plaide en notre faveur face aux Toulousains, mais je sais que mon pote Guy l’a mauvaise … Il aurait même menacé de quitter le club et de reprendre les rênes de l’équipe de France si le Stade ne se qualifie pas contre nous. Vous imaginez ? Pour que Guy menace d’abandonner sa “créature”, faut vraiment qu’il en ait gros sur la patate. Paraît que le petit Marco aurait sursauté dans sa cabane de jardin, quand on lui a rapporté les propos de l’ogre toulousain … Mais non, Marco, rassure-toi, c’était de la déconnade ! Tu partiras en Nouvelle-Zélande comme prévu, avec tes 32 touristes, enfin 30 touristes, y a pas de souci. Un chapitre à part, ce Marco, un vrai sketch ambulant à lui tout seul. J’aurai l’occasion d’y revenir la semaine prochaine, quand je vous livrerai le fond de ma pensée sur sa politique de sélection. Mais bon, quatre années de babillage, d’expérimentation hasardeuse et d’exercices de trapèze sans filet pour en arriver là ? Franchement, je préfère encore regarder un vieil épisode de Dallas …

Mais pour l’instant, je me concentre sur notre demi-finale. Ne me posez pas de questions sur notre plan de jeu, je ne répondrai pas. Au demeurant, tout le monde sait comment les battre, les Toulousains … Le tout c’est d’y arriver, sur le terrain. De toute façon, les joueurs savent ce qu’ils ont à faire. C’est expliqué en détail de la page 287 à 356 de mon référentiel informatisé, que ma bande de petits vieux bûche depuis deux semaines.

Comme je vous le disais, je suis pas vraiment optimiste, mais quelque part, j’y crois. Cela dit, sur le papier, c’est vrai qu’elle a de la gueule, la bande à Novis … Elle a même de la gueule de bois, pour certains des non sélectionnés au camp de vacances estival. Peut-être que ça traînera encore dans leurs têtes ? Ce qui est sûr, c’est que j’ai déjà briefé quelques-uns de mes retraités sur le sujet. Ils se chargeront de glisser une petite phrase de temps à autre à Clément, à Florian et aux deux Yannick. On sait jamais, c’est pas cher et ça peut rapporter gros. C’est cynique, je sais, mais j’ai pas vraiment le choix. A 15 contre 15, on peut pas rivaliser sur 80 minutes, alors on fera avec les moyens du bord, histoire d’éclaircir un peu les rangs stadistes. Et puis, j’ai aussi X-men, mon arme secrète pour peser sur le jeu toulousain, et surtout sur les chevilles, les côtes et les têtes de nos adversaires. Et comme la charnière d’en face, ils évolueront avec deux juniors première année … autant vous dire que Jamie, on a du mal à le tenir en ce moment … Avec chaque jour qui passe, il tire un peu plus sur la chaîne à laquelle on le tient attaché, dans sa chambre d’hôtel. Ah oui, c’est vrai que Toulouse a aussi Skrela en 10, mais comme l’avait si bien observé Marco, pour expliquer la non sélection de l’ouvreur stadiste, “passé trente ans, tu progresses plus à ce poste”.  Alors je me dis que si on est aussi bon au stade vélodrome que Marco a été incohérent à la tête de l’équipe de France, on a de bonnes chances de l’emporter contre ces Toulousains …

Vern

A la découverte de Vern Crotter (2/2)

Après un suspense haletant de 96 heures (4 jours quoi) voici la suite des aventures de Vern Crotter.

Et Vern se plaît tout de suite dans son nouvel environnement. «C’est vrai que je n’étais pas un grand manieur de ballon», nous confie-t-il avec le sourire de celui qui n’a pas de regret. Et il n’est guère convoité par les ténors du championnat de France, à commencer par le Stade toulousain de Pierre Villegueux. Il en conservera d’ailleurs de l’amertume, d’aucun diront de la haine, à l’égard du gourou de la ville rose, ce que Vern dément de nouveau avec véhémence, un énigmatique sourire assassin aux lèvres. Il n’en reste pas moins qu’il est arrêté lors d’un Toulon-Toulouse d’anthologie, alors qu’il s’approche du banc toulousain un hachoir à la main. Heureusement, les hommes de la maréchaussée varoise, habitués à ce genre de blague de potache, n’en tiennent pas rigueur au touriste étranger. Ce malentendu de circonstance permettra néanmoins à Vern de nouer des contacts avec un club du Sud-Est, qui verra dans son penchant naturel pour la poésie une arme de choix dans les joutes dantesques du groupe B. Vern fait ainsi ses débuts lors d’un fameux derby de vallée alpine, où son aptitude au jeu sans ballon fait des merveilles. L’US Chataigne-et-marronaise s’est enfin trouvé le numéro 8 qu’elle cherchait depuis si longtemps ! Suivent alors dix années de bons et loyaux services au cours desquelles le club parviendra à étoffer son palmarès presque autant que le casier judiciaire de ses joueurs.

Mais en 1999, c’est le drame. Victime d’une vilaine blessure – coude fracturé à la suite d’un lever de tonneau de bière – Vern met un terme à sa carrière de joueur. Il va désormais passer de l’autre côté de la barre, lui qui pensait toujours finir de l’autre côté des barreaux.

Indiscutablement, son expérience en terre de Provence va le marquer, puisqu’il débute sa carrière d’entraîneur dans un club réputé difficile, le fameux RER Métro 93, section «rugby et délinquance urbaine».

L’enthousiasme de ses jeunes joueurs pour toutes les formes de violences collectives en général, et pour le rugby en particulier, de même que la patte (et parfois les poings) de leur entraîneur, permettront à l’équipe de remporter des succès fulgurants. D’illustres noms du grand banditisme seront d’ailleurs formés dans le club francilien. Quatre fois champion de Seine-Saint-Denis de 4e série, le club refuse cependant plusieurs fois la montée, faute d’un budget «alcool» suffisant. Mais Vern est désormais courtisé par de grosses écuries. « C’est vrai qu’à l’époque, j’ai été contacté par plusieurs clubs jouant en 1e série, voire en honneur », lâche-t-il modestement, sans entrer dans le détail. Finalement, il ne saura résister aux chants des sirènes de police, entendus trop souvent lors des entraînements «avec opposition» organisés sur le parvis de la Défense.

Et c’est en Auvergne qu’il va se fixer. Une décision qui lui est venue comme ça, sans raison particulière. «Avec les pâturages et les nombreuses bouses de vache, c’est sûr, ça me rappelait la maison». Il reprend alors les rênes de l’AS Volcans d’Auvergne, un club moribond, pour ne pas dire éteint, et l’emmène vers des sommets jusqu’alors inconnus, à commencer par le Puy-de-Dôme. Rapidement, la méthode Crotteur fait des merveilles. Vern privilégie un jeu total et déloyal, dans lequel le sacro-saint coup de casque a toute sa place. Rapidement, les titres s’accumulent. Double-champion de France dans la catégorie vétéran obèse, vainqueur du trophée Jean Prout, la liste est longue … Et c’est finalement sur une dernière saison terminée en apothéose, par un titre de champion d’Europe en réserve à 12, que Vern raccroche. « Le temps était venu de passer la main à moins doué que moi ». Le constat est sans appel et traduit une nouvelle fois la lucidité et l’humilité du personnage.

Aujourd’hui retiré du rugby, Vern est chargé des «relations humaines» au sein du Parc Vulcania, où son sens de la pédagogie l’a poussé à s’occuper de l’accueil des tout petits. Il a même épousé une fille du pays, l’ex-danseuse de cabaret Ginette Berthoux, mieux connue sous son nom d’artiste, «La Grosse Bertha». Il est père de trois adorables jeunes délinquants et son grand envisage sérieusement de rejoindre le centre de formation du Stade Toulousain, où il espère évidemment croiser Pierre Villegueux, ne serait-ce que pour lui passer le bonjour de son papa. Gageons qu’avec des passionnés de la trempe des Crotteur, le rugby à l’ancienne a encore des beaux jours devant lui.

A la découverte de Vern Crotter (1/2)

Dans nos Cahiers de l’Histoire à nous cette semaine, plongez au coeur de la vie trépidante de Vern Crotteur. Sortez vos hachoirs. Âmes sensibles s’abstenir.

 

C’est dans sa vieille ferme des Monts d’Auvergne que Vern Crotteur a accepté de nous recevoir.  Une vaste demeure, «achetée pour une bouchée de pain» à un vieux couple nécessiteux, comme il nous l’avouera plus tard …  L’homme est réservé, presque timide au premier abord, et nous reconnaissons bien là la marque de fabrique de ces joueurs venus de l’autre bout du monde.

Fils et petit-fils de paysan, «de bouseux» si l’on s’en tient à sa propre expression, Vern est avant tout un homme de la terre. Et comme tout paysan marqué par des décennies d’isolement et de consanguinité, il a le verbe rare. Il nous faudra donc déboucher plusieurs bouteilles avant d’en tirer quelques chose. Entre deux verres d’alcool à 90°, Vern nous confiera d’ailleurs qu’il était même surnommé «Rain Man» par certains de ses coéquipiers. Et d’ajouter qu’après deux thérapies comportementales infructueuses, il a fini par régler le problème à s’adonnant à la boisson.

Nous ne demandons évidemment qu’à le croire et nous lui remplissons illico son godet d’un triple fond de notre gnôle infâme. La méthode semble probante, car la langue de Vern se délie. Affalé sur son canapé clic-clac Ikéa, son godet désormais posé sur la tête, l’homme va lentement se livrer. Le tout dans un français bien particulier, où les sonorités rugueuses de sa patrie se mêlent aux crachats bien baveux dont il gratifie nos bottes. Un autre Vern s’offre alors à notre regard, un homme sensible et ouvert, à l’opposé de l’image fruste que les médias traditionnels ont bien voulu en donner …

Comme son illustre modèle, Vern Crotteur est né au milieu des vertes collines d’Aotearoa, non loin des plages de Mount Manganui. Un monde préservé, en phase avec la nature. Sur le visage de Vern, l’émotion est visible quand il nous parle de son pays: «D’un côté des pâturages à perte de vue, de l’autre l’immensité du Pacifique … Le trou du cul du monde quoi».

Né avec un ballon de rugby (mal gonflé) dans son berceau, Vern ne rêve que d’une chose. Devenir un All Black. Il grandit sur la ferme familiale, où il s’essaye déjà très jeune à ses activités favorites, «le rugby, un peu, mais surtout égorger des chèvres sauvages». C’est d’ailleurs au cours d’une partie de chasse qui tourne mal, que le rêve du jeune Vern s’effondre. En effet, d’un coup de machette malencontreux, il se tranche le tendon d’un doigt  … Premier coup du sort. Victime du syndrome du «finger of honor», une affection dégénérative incapacitante, Vern sait que la porte des Blacks vient de se refermer pour lui.

Mais c’est un teigneux, qui ne rechigne pas à travailler dur pour arriver à ses fins. Après plusieurs années d’entrainement, il est finalement sélectionné en équipe 3 de sa grammar school, où il a l’occasion de se frotter au gratin du rugby handisport néo-Z, dont les célèbres frères Tapluidanlné qui, bien que manchots dans la vie, n’étaient pas si manchots quand il s’agissait de distribuer des marrons, ou encore le grand ailier unijambiste d’origine fidjienne Sérien Kinbobo.

Les prédispositions naturelles de Vern pour la manchette moldave vont d’ailleurs attirer l’attention d’un futur entraîneur des Blacks, Graham Honni, à l’époque maître d’école à l’internat de la maison de correction d’Auckland. Mais entre les deux hommes, le courant ne passe pas. Avec le recul, Vern fait aujourd’hui un constat lucide sur son premier mentor: «Graham était un  enculé de première, c’est aussi simple que ça».

Après une explication franche et virile, les choses finissent cependant par rentrer dans l’ordre. Frappé (au sens premier du terme) par Vern, Honni va intégrer le jeune homme à l’équipe première de son XV carcéral. C’est là que Vern fait ses armes, en affrontant les autres provinces du pays. Tout le monde a encore en mémoire les duels livrés à mort (non, vraiment, à mort) contre les sélections maoris des Counties Manukau, plus connus sous le nom des «égorgeurs de Manukau», mais aussi ce quart de finale de légende contre l’équipe à abattre de l’époque, les Canterbury Criminals. Un match phare qui marquera les corps, à défaut des esprits, puisque faute de vainqueur après prolongations, la rencontre se terminera par une séance de tirs aux riots guns, remportée trois morts à un par les gros bras de l’île du Sud [note de la rédaction: pour d’obscures raisons de marketing, la province de Canterbury a depuis changé son nom en Canterbury Crusaders, un terme qui en dit nettement moins sur  le rugby total pratiqué par cette franchise].

Las, le rugby n’est pas encore professionnel et Vern est obligé de travailler pour pouvoir se consacrer à sa passion. Il s’occupe comme il peut sur la ferme familiale, dont il gère le local de dépeçage et d’équarrissage. D’ailleurs, il aura toujours à cœur de reproduire sur le terrain ce que son métier lui aura enseigné au quotidien. À tel point qu’il est même pressenti un moment dans le squad rajeuni des Blacks, malgré sa main mutilée, avant d’être coiffé sur le fil par un autre handicapé célèbre, Wayne alias «Bring Back Buck» Shelford,  amputé du scrotum lors de la célèbre bataille de Nantes, dont de nombreux amateurs de rugby et cocaïnomanes français se souviennent encore avec délectation. Aigri par ce revers, son rendement sur le terrain s’en ressent et Vern ne se cantonne plus qu’aux taches obscures. Mais après une ultime sanction disciplinaire pour tentative de meurtre, Vern n’en peut plus, « ils m’ont suspendu trois mois pour un placage tout bête, avec enfoncement de la tête dans le gazon et vrillage de la colonne en double hélice».  A bout de nerfs, il décide de quitter Auckland et son pays natal pour la France, un pays dont la «culture rugby» lui est plus proche…

Vern Crotteur nous donne des nouvelles de Marc Lièvremont…

Les week end de H-Cup, Vern n’a rien à foutre. Il va donc rendre visite à son vieil ami… qui est dans un sale état.

Salut les Frenchies,

¼ de finale de H Cup, ça veut dire weekend de chômage technique pour moi. Heureusement, je commence à avoir l’habitude. Mais je reste optimiste. Comme pour le TOP 14, à force d’échouer, ça finira bien par passer, à l’usure. Du coup, j’ai mis mes warriors au repos. Je peux pas dire qu’ils l’ont mérité, mais enfin, j’en ai plusieurs qui étaient au bord de la fracture de fatigue, alors autant éviter la casse.

D’autant que le gros Thomas lui, il est bel et bien « out » pour un moment. Je déconne, mais je l’aime bien le gamin, ça me fait vraiment de la peine pour lui. Ses parents l’avaient déjà inscrit pour une colo de vacances dans l’hémisphère Sud, en octobre … Il voulait absolument aller nager avec les dauphins. Je crois que c’est mal barré. D’ailleurs, je suis allé le voir vendredi chez lui. Histoire de le consoler un peu. Déjà, je lui ai dit qu’il y avait pas de dauphins à Auckland, juste des baleines. Et c’est pas vraiment conseillé de se baigner avec elles, même si tu as le même morphotype. Je sais pas s’il a compris. Il m’a juste regardé avec ses yeux de chiot nouveau-né et il m’a répété qu’il voulait nager avec les dauphins. J’ai pas insisté, mais je me suis dit que son problème n’était peut-être pas seulement physique … Un syndrome de stress post-traumatique peut-être, allez savoir. Mais après le tournoi, ça serait pas étonnant.

Et ça m’amène au deuxième fait marquant du weekend. Ça me faisait tellement chier qu’on soit pas qualifié en H Cup que j’ai tout fait pour ne rien voir des ¼. Alors je suis allé rendre visite à Marco. ça m’a surpris qu’il soit pas descendu à Barcelone avec le reste de sa bande d’arlequins. Mais il en fallait bien un pour garder la ville, le temps que les autres s’imbibent de sangria dans le barrio gotico. Et puis, quand sa femme m’a annoncé que Marco s’était enfermé depuis la fin du tournoi dans un petit cabanon au fond du jardin, là, j’ai vraiment eu des doutes. D’après elle, il se repassait tous les matches de l’équipe de France en boucle et essayait de finaliser sa liste des 30. La nuit, elle l’entendait parfois pousser des hurlements d’animal blessé ou fouiller dans les poubelles du quartier, à la recherche de quelques restes de nourriture … Je me mets à la place de Madame Marco, la pauvre, ça doit être dur pour elle aussi.

Surtout qu’elle est obligée de dire aux voisins que Marco travaille comme bénévole pour la SPA et qu’il s’occupe avec dévouement d’animaux abandonnés. J’ai trouvé l’image intéressante … Et puis, je me suis approché du cabanon. Près de la porte, y avait des bouteilles de pastis vides, a côté d’exemplaires déchirés du cahier de jeu de l’équipe de France. Là j’ai vraiment compris ce qu’il se passait.

Tout grand entraîneur est passé par là, je parle par expérience. Trois finales de TOP 14 perdues d’affilée, je peux vous dire qu’il faut du temps pour s’en relever. Mais bon, quand je dis « grand entraîneur », je sais pas si je peux compter Marco dans le lot. Ou alors oui, grand au sens de grande incohérence, grand bordel et grands rebondissements.

J’ai frappé à la porte du cabanon et Marco a fini par m’ouvrir. J’ai eu un choc. J’ai déjà vu des tondeurs de moutons chez nous, qui passent trois mois dans les montagnes de l’île du Sud avec leurs bêtes, mais là … j’avais plutôt l’impression de me retrouver face à un de ces mineurs chiliens qu’on venait de remonter du fond de son puits. Deux petits yeux qui n’avaient plus vu la lumière du jour depuis des semaines me dévisageaient d’un air hagard, à travers une barbe hirsute et des cheveux en pétard. En plus, il avait des restes de bouffe collés à ses vêtements crasseux … Sans parler de l’odeur. Je peux vous le dire, j’ai d’abord eu un mouvement de recul. Et par réflexe, je lui ai balancé un coup de casque de moto. Heureusement j’ai mouliné dans le vide.

Très vite, Marco a essayé de se ressaisir. En tout cas, il a jeté la bouteille qu’il tenait a la main. Je me suis senti obligé de lui faire un peu la morale. Marco, fais pas ça. Pense aux gamins que tu vas emmener là-bas en octobre. Ils ont besoin de toi ! T’as pas le droit de détruire leur rêve. Apparemment, ça l’a fait réfléchir. En tout cas, il a essayé de me faire croire que les bouteilles, c’était uniquement pour agrémenter son régime à base de jus de citrons pressés qu’il s’impose depuis un moment … Bon, je veux bien. Mais quand j’ai retrouvé les restes d’un canari dans le mixer, je me suis dit que tout ça, c’était de la poudre aux yeux.

Mais je le comprends un peu Marco, il est au bout du rouleau. Alors on a discuté un moment. Sélection des joueurs, projet de jeu, programme de prépa coupe du monde. Tout le bordel quoi.  Je crois qu’il a apprécié mes réflexions, parce que quand j’ai voulu repartir, il est tombé a genoux et s’est accroché à moi, en m’implorant de pas le laisser comme ça. Il a fini lâché prise quand je lui ai mis un bon coup de casque sur le museau, comme je le fais avec mon berger des Pyrénées. Et puis il est reparti dans un coin en glapissant. Après j’ai eu beau dire que je regrettais mon geste, il est resté tapi dans l’ombre en grognant de façon menaçante. J’ai refermé la porte du cabanon, non sans lui avoir promis de lui filer un petit coup de main d’ici le 11 mai prochain.

Mais en remontant à Clermont, l’image de Marco m’a pas lâché. Cette nuit là, je me suis même réveillé en sursaut dans mon lit … J’avais rêvé qu’il m’avait suivi jusque chez moi et qu’il m’épiait dans un coin de la chambre. Y avait rien évidemment, mais par précaution je suis tout de même allé cherché mon remington 770, on ne sait jamais. Normalement, c’est fait pour le sanglier, mais je l’ai déjà essayé sur des chiens enragés aussi. Finalement, je me suis rendormi, ouf.

Cette semaine, retour au TOP 14. C’est pas plus mal, ça va me changer un peu les idées. Le seul avantage d’avoir été chez Marco, c’est qu’à aucun moment je n’ai pensé à ces putains de ¼ de finale de H CUP. Et rien que pour ça, ça valait le coup !

Vern

Première chronique de Vern Crotteur

Un nouveau chroniqueur… venu d’ailleurs… oooh…

Note des Bouchers: La Boucherie Ovalie a l’honneur de vous présenter son tout nouveau chroniqueur. En vérité, il aurait déjà du être publié depuis des semaines… hélas, le filtre anti-spam de la boîte mail de la Boucherie est vraisemblablement raciste, et cela quelque peu retardé son arrivée. Oui, car notre nouveau chroniqueur n’est pas Français, mais bien Néo-Zélandais. Il s’appelle Vern Crotteur. On ne vous le présentera pas plus, le gars est autonome, il va le faire lui-même. Et après cette petite intro, vous découvrirez sa première chronique, écrite au lendemain de la défaite du XV de France en Italie… on vous la recommande fortement, c’est très bon ! Et la suite va arriver très vite…

Salut les Frenchies !

Vous me reconnaissez ? Non ? C’est normal. Toute ressemblance avec une personnalité réelle de l’Ovalie serait totalement fortuite.

Je me présente. Je m’appelle Vern. Je viens d’un petit pays situé aux antipodes. Un trou à rats vraiment. Trois millions d’habitants et le double de moutons et d’opposums. On s’y emmerde tellement qu’à part picoler des bières et shooter des opposums, le seul truc vraiment distrayant qu’on a trouvé, c’est le rugby. Y a pas de secret à notre réussite vous voyez ! Chez nous, ou bien tu joues au ballon, ou bien tu te tires un plomb, passé trente ans.

C’est aussi pour ça que je suis venu m’installer dans l’hexagone. Parce qu’ici, il suffit de dire que tu es kiwi et que tu as déjà vu un ballon de rugby dans ta jeunesse pour qu’on te propose un contrat pro avec voiture de service à la clé. Personnellement, j’ai même un contrat d’entretien des pneus avec mon club …

Bon, vous ne le savez peut-être pas, mais Marco, le gentil animateur à la tête du village de vacances de Marcoussis, m’a demandé de l’assister pour la fin du tournoi. Dans le plus grand secret bien sûr. J’entraine un club sérieux, moi … Cela dit, maintenant que je suis dans la place, j’en profite pour me lancer dans un travail de sape, on ne sait jamais. Mon contrat en club n’a pas encore été renouvelé et ma méthode commence à s’essoufler, un peu comme les volcans d’Auvergne. Je fais donc tout ce que je peux pour aider ce pauv’ Marco et surtout, pour me profiler discrètement auprès des joueurs et des officiels.

Depuis le mois de mars, je tiens un journal de mes expériences avec les petits gars de la dream team. En voici quelques extraits:

Flaminio … Morne plaine

Grincheux fait la gueule parce qu’il a peur d’être titulaire samedi prochain contre les Gallois. Faut le comprendre, il n’a aucune envie de se retrouver du prochain convoi de bannis … Mais quand je lui ai dit qu’il sera de toute façon en NZL à l’automne, ça l’a déridé un peu. Je sais qu’il n’a aucune envie de jouer les Blacks en match de poule, en tout cas pas avec l’équipe de France, mais je lui ai promis qu’il serait de toute façon remplaçant, au cas où le Président Camoux me nommerait sélectionneur. Cela dit, c’est peu probable que le Président fasse quoi que ce soit d’ici le mois d’octobre. Aux dernières nouvelles, il serait encore lucide deux à trois heures par jour, et encore, quand il est dans un bon jour. Et samedi dernier, quand on lui a dit que l’Italie venait de battre la France (il s’était endormi pendant le match), il a d’abord répondu que les résultats du foot ne l’intéressaient pas … Mais bon, à part ça, la défaite ne l’a pas trop touché le président. Il était déjà content que les joueurs ne soient pas remontés dans le bus à la mi-temps, quand Marco leur a dit de se démerder tout seuls sur le terrain …

A l’entrainement d’hier, Terminatol aussi avait l’air favorable à une passation de commandement à la tête de l’équipe. Faut dire qu’il adore la NZL, Terminatol, et puis il a un peu l’esprit guerrier, je le reconnais volontiers. Alors forcément le pays des maoris, ça le fait rêver. Un peu comme Chabal, sauf que Terminatol ne panique pas quand on lui envoie le ballon. Il y a bien le problème du demi-tour sur lui-même, qu’il fait à chaque fois qu’il va au contact, mais je l’ai rassuré. Après six mois d’entrainement dans une grammar school, il saura le faire pareil qu’Umaga, un peu moins vite peut-être … En plus, Terminatol salive à l’idée d’aller passer trois semaines en NZL à l’automne. Je lui ai dit que trois semaines, c’était juste la bonne durée pour visiter mon pays. Pas trop long et pas trop court. Et puis, ça tombe bien, trois semaines, ce sera sans doute pile-poil la durée du séjour de l’équipe de France là-bas.

De toute façon, je me suis déjà engagé auprès de tous les joueurs à qui j’ai parlé: si je décroche le poste, je ne viendrai à aucun entrainement. Comme ça déjà, ça les changera pas trop de leur régime actuel, et je ne voudrais surtout pas leur embuer l’esprit avec des entrainements HS. S’ils se rendent compte qu’ils sont à des années lumière de ce qui se fait là-bas, y en a que ça pourrait traumatiser grave, sans compter qu’il ne voudront peut-être même pas mettre les pieds sur le terrain, même contre les Bucherons de l’Ontario ou les fous-furieux du Tonga. D’ailleurs, la défaite contre l’Italie a provoqué un électrochoc dans ces deux pays …

Mettez vous à leur place. Les types se mettent à rêver quoi ! Des amis exilés à Toronto m’ont d’ailleurs appris que les Canucks allaient prolonger la durée de leur stage de préparation pré-CDM. Ils partent toujours à la fin de l’été, dans l’Ontario, pour participer aux travaux de coupe de bois. Normalement, ils ne restent que trois semaines, à couper des sequoias avec des haches aux lames émoussées. Mais cette année, ils vont en rester le double et supprimer les trois semaines de mise en place tactique, ballon en main. Ils se sont rendu compte que ça ne servirait à rien face à une équipe de France qui tombe tous les ballons au bout d’une ou deux passes. Et puis, les tongiens sont devenus comme fous eux … Remarquez, ça les change pas trop de leur état normal, mais quand même. Ceux qui sont restés dans leurs îlots, s’entrainent à découper des cocotiers à grands coups d’épaule. Il parait qu’ils ne vont faire que ça jusqu’à l’automne et ils espèrent que le nuage radioactif japonais passera par là, pour les transformer encore un peu plus en clones de Tuigamala …

C’est aussi pour ça que je propose ma candidature. Les joueurs auront besoin de se changer les idées sur place, surtout après deux mois de préparation serrée. L’ambiance sera au plus bas c’est sûr. Déjà qu’ils ne peuvent plus piffer Marco maintenant. Les quelques anciens encore présents se souviennent même avec nostalgie des départs en CDM avec Bernie le dingue, c’est dire l’ambiance. Enfin, moi je leur ai promis des excursions tous les jours, pas la peine de perdre son temps à s’entrainer, on ne fait que les embrouiller un peu plus à chaque séance.

Je devrais pas le dire ouvertement, mais le projet de jeu actuel est séquencé autour de quatre temps de jeu … J’ai toujours trouvé ça bizarre, surtout quand on sait qu’aujourd’hui, ou bien tu marques en un ou deux temps, ou bien tu dois conserver sur 8 ou 9 séquences pour briser le rideau défensif. Mais j’ai jamais osé poser la question à Marco, lui qui se demande pourquoi l’équipe marque si peu d’essais, c’est peut-être l’explication.

Demain, je vais pétitionner le reste du groupe, pour qu’il en touche un mot à Jo. Je compte beaucoup sur lui. Il vient d’apprendre qu’il sera aussi guide touristique et chauffeur de bus en NZL et ça le fait chier à mourir. Comme il parle pas un mot d’anglais et qu’il a aucun sens de l’orientation, je mise à fond sur son instinct de survie pour m’aider … Avec lui au volant, le bus risque de se retrouver très vite dans une ruelle sombre d’Auckland-South … Avec des types de 125 kilos alcoolisés à mort plein les rues, à roder autour du bus, des fois qu’il y aurait Basta dedans, je vous fais pas un dessin. Inutile de dire que la fédé ne veut plus d’un second scandale. Les histoires d’équipes de France qui ne veulent pas sortir de leur bus, plus personne ne veut en entendre parler à Paris. Parait que la ministre des sports va le dire personnellement au Président Camoux quand elle viendra le voir demain. J’espère qu’il sera dans l’un de ces moments de lucidité le président …

Le seul regret que j’ai, c’est que Machine a été renvoyé comme un malpropre. Lui aussi, il se réjouissait tellement de partir cet automne. Bon, pas vraiment pour le rugby, ça il s’en fout. Mais on lui avait promis un hotel avec un terrain de basket et une salle de muscu flambant neuve … Le paradis quoi.

J’essaierai de vous tenir au courant des résultats de mes démarches d’ici vendredi, mais je garantis rien au-delà de ce weekend. Si la France perd de nouveau et que Marco vire encore un tiers de l’effectif, je vais être dans la merde. Il risque de sélectionner encore une demi-douzaine d’inconnus. Et moi les gars qui sortent de pro D2 ou de fédérale, je les connais pas trop, ça risque d’amenuiser mes chances auprès du groupe. ça me ferait vraiment chier ça, parce que j’ai encore jamais été aussi près de décrocher la tymbale.

Entraineur de l’EDF, le rêve quoi … Enfin, après entraineur des Blacks, mais là y a un gars qui est sur le coup depuis quelques années et je suis pas sûr qu’il va lacher le morceau, à moins de perdre de nouveau contre les Français … Mais là, vu comment ça se passe, je pense que du côté des Blacks, c’est définitivement rappé pour moi.