A la découverte de Vern Crotter (2/2)
par Vern Crotteur

  • 22 April 2011
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Et Vern se plaît tout de suite dans son nouvel environnement. «C’est vrai que je n’étais pas un grand manieur de ballon», nous confie-t-il avec le sourire de celui qui n’a pas de regret. Et il n’est guère convoité par les ténors du championnat de France, à commencer par le Stade toulousain de Pierre Villegueux. Il en conservera d’ailleurs de l’amertume, d’aucun diront de la haine, à l’égard du gourou de la ville rose, ce que Vern dément de nouveau avec véhémence, un énigmatique sourire assassin aux lèvres. Il n’en reste pas moins qu’il est arrêté lors d’un Toulon-Toulouse d’anthologie, alors qu’il s’approche du banc toulousain un hachoir à la main. Heureusement, les hommes de la maréchaussée varoise, habitués à ce genre de blague de potache, n’en tiennent pas rigueur au touriste étranger. Ce malentendu de circonstance permettra néanmoins à Vern de nouer des contacts avec un club du Sud-Est, qui verra dans son penchant naturel pour la poésie une arme de choix dans les joutes dantesques du groupe B. Vern fait ainsi ses débuts lors d’un fameux derby de vallée alpine, où son aptitude au jeu sans ballon fait des merveilles. L’US Chataigne-et-marronaise s’est enfin trouvé le numéro 8 qu’elle cherchait depuis si longtemps ! Suivent alors dix années de bons et loyaux services au cours desquelles le club parviendra à étoffer son palmarès presque autant que le casier judiciaire de ses joueurs.

Mais en 1999, c’est le drame. Victime d’une vilaine blessure – coude fracturé à la suite d’un lever de tonneau de bière – Vern met un terme à sa carrière de joueur. Il va désormais passer de l’autre côté de la barre, lui qui pensait toujours finir de l’autre côté des barreaux.

Indiscutablement, son expérience en terre de Provence va le marquer, puisqu’il débute sa carrière d’entraîneur dans un club réputé difficile, le fameux RER Métro 93, section «rugby et délinquance urbaine».

L’enthousiasme de ses jeunes joueurs pour toutes les formes de violences collectives en général, et pour le rugby en particulier, de même que la patte (et parfois les poings) de leur entraîneur, permettront à l’équipe de remporter des succès fulgurants. D’illustres noms du grand banditisme seront d’ailleurs formés dans le club francilien. Quatre fois champion de Seine-Saint-Denis de 4e série, le club refuse cependant plusieurs fois la montée, faute d’un budget «alcool» suffisant. Mais Vern est désormais courtisé par de grosses écuries. « C’est vrai qu’à l’époque, j’ai été contacté par plusieurs clubs jouant en 1e série, voire en honneur », lâche-t-il modestement, sans entrer dans le détail. Finalement, il ne saura résister aux chants des sirènes de police, entendus trop souvent lors des entraînements «avec opposition» organisés sur le parvis de la Défense.

Et c’est en Auvergne qu’il va se fixer. Une décision qui lui est venue comme ça, sans raison particulière. «Avec les pâturages et les nombreuses bouses de vache, c’est sûr, ça me rappelait la maison». Il reprend alors les rênes de l’AS Volcans d’Auvergne, un club moribond, pour ne pas dire éteint, et l’emmène vers des sommets jusqu’alors inconnus, à commencer par le Puy-de-Dôme. Rapidement, la méthode Crotteur fait des merveilles. Vern privilégie un jeu total et déloyal, dans lequel le sacro-saint coup de casque a toute sa place. Rapidement, les titres s’accumulent. Double-champion de France dans la catégorie vétéran obèse, vainqueur du trophée Jean Prout, la liste est longue … Et c’est finalement sur une dernière saison terminée en apothéose, par un titre de champion d’Europe en réserve à 12, que Vern raccroche. « Le temps était venu de passer la main à moins doué que moi ». Le constat est sans appel et traduit une nouvelle fois la lucidité et l’humilité du personnage.

Aujourd’hui retiré du rugby, Vern est chargé des «relations humaines» au sein du Parc Vulcania, où son sens de la pédagogie l’a poussé à s’occuper de l’accueil des tout petits. Il a même épousé une fille du pays, l’ex-danseuse de cabaret Ginette Berthoux, mieux connue sous son nom d’artiste, «La Grosse Bertha». Il est père de trois adorables jeunes délinquants et son grand envisage sérieusement de rejoindre le centre de formation du Stade Toulousain, où il espère évidemment croiser Pierre Villegueux, ne serait-ce que pour lui passer le bonjour de son papa. Gageons qu’avec des passionnés de la trempe des Crotteur, le rugby à l’ancienne a encore des beaux jours devant lui.