Bienvenue à Londres : présentation généralepar La Boucherie 04 February 2012 7 Par Serge Simon Pierre, Bienvenue à Londres, bienvenue dans la capitale du rugby, bienvenue dans la ville où le silence se fait avant que résonne le “God Save The Queen”, repris en chœur, avec orgueil, par les 80 000 poitrines de Twickenham. Oui mesdames et messieurs, le rugby est un sport anglais, oui c’est ici que ce sport est né, c’est encore ici que se décident les règles, et c’est ici que sévit le plus féroce tribunal de l’IRB, où un juge, ancien gradé de la marine britannique prononce des bannissements pour une simple fourchette, regrettant dans sa barbe l’abolition de la planche. La Boucherie vous propose un petit détour dans la capitale des gentlemen ruckers. Et au risque de décevoir le touriste amateur de ce noble sport, ce n’est pas à Londres que l’on trouvera la plus grande effervescence autour du rugby. Bien sûr les péripéties du XV de la Rose prennent des airs d’affaire d’état, surtout lorsque son capitaine lié par le mariage à la royale lignée apporte une touche de frivolité à la Coupe du Monde et que son apprenti déménageur lui donne des allures digne de la “Croisière s’amuse”. Oui, ici le rugby est une affaire sérieuse, où l’on ne badine pas avec la morale et le respect. En d’autres temps, les fautifs auraient été bons pour un exil dans les colonies, aujourd’hui c’est voués à l’opprobre et en proie à la curiosité malsaine, alimentée par les tabloïds, qu’ils firent leur pathétique retour. Le maillot immaculé ne peut être souillé que par la terre noble du champ de bataille, ou par le sang des valeureux adversaires. Passé cela, force est de constater que le rugby à Londres est largement supplanté par les bandits manchots. A cela plusieurs causes : D’abord l’Universalisme. Le rugby comme le cricket a toujours été par delà le Tunnel un sport réservé à l’aristocratie. Pendant que de généreux garçons bouchers, par delà nos campagnes, apprenaient l’équarrissage, en retournant leurs premières escalopes dans de joyeuses empoignées, les futurs gentlemen anglais apprenaient les vertus du dépassement de soi, de l’abnégation et du fair play, dans les grandes écoles en pratiquant les nobles sports. Une autre culture en somme, où les classes dites populaires étaient plus facilement tournées vers le football, sport moins socialement cloisonné. La place du rugby ne s’est pas améliorée avec le multiculturalisme, et l’immigration amenant à Londres une population plus férue du ballon rond, laissant le rugby et le cricket, mais aussi le snooker et les fléchettes, aux Anglais dits “pure souche”, le curling étant laissé depuis des siècles à la compréhension de ses créateurs écossais et de différentes peuplades nordiques dont les conditions climatiques de leurs terres rendaient possible sa pratique. Exceptions faites bien évidemment des anciennes colonies britanniques ayant adopté certains des sports de sa gracieuse majesté, le cricket en Asie, et le rugby sous toutes ses formes en Océanie et en Afrique du Sud. Le rugby donc un sport peu universel ? Oui et cela même dans la capitale britannique… A ceci s’ajoute le fait que pendant de nombreuses années le rugby était organisé de manière libre, sans championnat et sans roi couronné, qui donnait à ce sport une certaine confusion. Quoiqu’en matière de confusion, excepté celle de mon esprit embrouillé, les différentes moutures du Championnat de France, les changements de règles incessants et l’interprétation arbitrale à géométrie variable laissent à penser que la confusion est l’essence même de ce sport. Recentrons nous sur le rugby londonien avec la dernière cause et non des moindres de sa faible présence dans la capitale anglaise, l’absence de club de haut niveau en son sein. S’il est facile de pouvoir jouer un petit match entre amis dans les verts parcs du centre, il y est difficile d’y voir un match de championnat et d’y soutenir une équipe, pour la bonne et simple raison qu’il n’y a pas de club de haut niveau dans le centre de Londres. Alors que l’on recense plusieurs stades pour footeux, Twickenham se trouve à 11 miles du centre ville et les LONDON Irish jouent à Reading soit à 45 miles de Londres. Quant on voit combien de verres de pastis il faut promettre à un Bayonnais pour descendre à Anoeta, on peut penser qu’il est encore plus difficile d’évangéliser une population béotienne en matière ovale, et la convaincre d’aller à Reading. Reading qui est très certainement une ville sympathique, mais qui est plus connue pour les piétinements des spectateurs de son festival rock que pour les étêtages quasi chirurgicaux de Delon Armitage (dont les talents seront développés à leur juste valeur en temps utile)… NB : Petite précision en ce qui concerne les distances, celles-ci seront exprimées en miles, qui correspond à peu près à 1,5 km, libre à vous de faire la conversion par vous-même, et d’apprécier les subtilités du système de mesure anglais. Donc pas de rugby à Londres, mais 4 clubs qui s’en revendiquent, ou que l’on associe à Londres et sa plus ou moins proche banlieue, mais également le temple de ce sport, qui aura l’infime honneur d’être le premier présenté. Le rugby est fait de lieux mythiques dont le nom fait frissonner des générations. Si l’on a pu apprécier le tramway déposant les spectateurs sous les tribunes à pic du mythique Lansdowne Road, ou se régaler des envolées et des plongeons dans le bien nommé Eden Park, il est dans la patrie ovale un lieu incontournable de pèlerinage : Twickenham. Twickenham Ici on respire rugby, on fait silence rugby, et on perd, souvent… Comment, me direz-vous, un Français peut-il encenser un stade où si souvent l’équipe de France est sortie en lambeau ? C’est parce que la victoire y a un coût, ce qui lui donne sa saveur particulière, et qu’y triompher n’en est que plus beau. Ne nous y trompons pas, malgré les différences, il n’y a de public plus digne dans la défaite que le public de ce stade. Un public qui observera un silence de cathédrale lors des transformations adverses, et qui saura reconnaître les braves à leur juste valeur, applaudissant vainqueurs comme vaincus, bien loin des sifflets qui jalonnent le Stade de France à la première pénalité manquée. C’est aussi, n’oublions pas, le théâtre d’une des plus grandes victoires de l’équipe de France, face à la Nouvelle Zélande en 1999. Un stade unique, dédié au rugby, ne vibrant que pour le rugby, nanti d’une foule de connaisseurs, qui, aux beaux jours du XV de la Rose, résonne du Swing Low Sweet Chariot… Voilà comme dirait Renaud planté le décor, créé le climat. Un climat bien sûr, fait de pluie, pluie de drops évidemment, dont on peut faire remonter le concept à la bataille d’Azincourt où les archers anglais firent pleuvoir les flèches sur les chevaliers français empêtrés dans la boue. Déjà une esquisse de ce que serait ce rugby, des coups de pompe que des balourds ne sauraient capter, si ce n’est avec leur tête. Je prends donc sur moi de vous présenter de l’intérieur le rugby londonien, ses clubs, ses vedettes, ses matchs de légende, avant qui sait de parcourir le pays, afin de voir si le rugby se joue mieux du coté de Bath, Leicester ou Newcastle, des villes qui résonnent l’exotisme et le jeu au large, ou plutôt le piétinement et les missiles tactiques. A condition toutefois que la rédaction daigne à me rembourser mes notes de frais. Suite au prochain épisode…