Bienvenue à Londres : Les Harlequins
par La Boucherie

  • 06 February 2012
  • 16

Si vous n’avez pas lu l’introduction, c’est ici.

 

 Les Harlequins

Commençons par ce club qui ne doit sa primauté qu’à des raisons alphabétiques, quoique. Le club est fondé en 1866 ce qui en fait le plus vieux club de Londres, et a pour emblème Arlequin, d’où le nom qui tend à démontrer le sens de la logique propre aux Anglais.
Il s’agit sans doute du club au stade le plus accessible pour les spectateurs. En effet, son stade se situe à Twickenham à 13 miles du centre de Londres.
Cependant depuis de nombreuses années il ne s’agit plus du grand Twickenham, mais du Stoop, une enceinte de 12 000 places située à une petite centaine de mètre du temple, celui-ci étant réservé aux grandes occasions, comme ceux que connaissent les supporters (les quoi?) du Stade Français à Paris. Pour l’occasion le temple propose un spectacle sans équivalent, avec dernièrement les candidats de X Factor à la mi-temps (Le Star Academy local), et également un concours de sosie de Freddie Mercury. Pour ceux qui se le demandaient, Max Guazzini a dû être récemment embauché à Twickenham. Pour en revenir au Stoop, il s’agit d’un stade qui pendant longtemps ne disposait que de deux tribunes latérales, offrant au vent un terrain d’expression à faire frémir un David Skrela. Désormais le stade dispose de vrais tribunes en tôle ondulée en virage, le faisant ressembler à un stade à l’anglaise, et faisant résonner les chants des supporters des Quins.

Pour l’histoire sportive, ce club, au tournant du professionnalisme, a voulu se donner de l’éclat et s’est offert quelques stars internationales, en faisant un épouvantail pour la Coupe d’Europe 1996-1997, première à voir les Anglais en lice, sans succès pour eux. Le club par la suite connaitra deux titres en bois dans le Challenge européen (ou le nom donné à l’époque) en 2001 et 2004, avant de connaître les affres de la descente en deuxième division anglaise. Celle-ci fut finalement salvatrice, puisque le club remontera en 2005 pour gagner le titre l’année suivante. Ils allaient par la suite se distinguer d’une manière honteuse avec l’affaire du bloodgate qui sera développée plus loin.

Le Bon :

Il ne pouvait s’agir que de lui, Will « good game » Carling, archétype du fair play à l’anglaise, que Serge Simon (le vrai) décrit comme l’Anglais se présentant après une branlée offerte, la main tendue au capitaine des Bleus, lui concédant un good game de rigueur, ou autrement exprimé, une perfide invention anglaise pour enfoncer l’adversaire un peu plus.
Pourtant, c’est lui qui fût le symbole du fair play, le vrai, selon les standards des sujets royaux. Ce si cher Will se distinguera aussi par un flirt illégitime avec la princesse de Galles, créant l’adage “si capitaine de l’Angleterre tu seras, avec la famille royale tu flirteras”.
Gendre idéal pour son pays, fourbe devant l’éternel en France, il symbolise parfaitement le symbole de l’Entente Cordiale, si je ne te fais pas la guerre, mettons nous en tout de même une bonne de temps en temps, entre amis…

La Brute :

Numéro un dans cette catégorie avec une bonne tête, une mâchoire, une encolure, une génération d’avance, le si fameux Brian Moore. Nul besoin de présenter plus le boucher de la première ligne anglaise si emblématique, talonneur de l’Angleterre des années 90, qui fit dégoupiller toute une génération de première ligne, et qui ne doit qu’à l’invention tardive de Youtube le faible nombre de vidéos à son encontre.

Il serait injuste ici d’oublier le passage de Peter Winterbottom, présenté comme the silent assassin, parfait dans le rôle du sniper/flanker d’élite.

Plus récemment, notons cette charmante algarade entre Joe Marler des Quins et Marcos Ayerza de Leicester, ainsi que le style pour le moins personnel du brave Marlet :

 

Ceci laisse penser que les vénérables anciens ont su transmettre le flambeau.
Le Truand :

L’histoire récente prouve sans conteste que Dean Richard mérite la palme pour avoir déclenché le Bloodgate en quart de finale de Coupe d’Europe 2009, en faisant passer à son ailier Tom Williams une capsule de sang, afin que celui-ci puisse simuler une blessure et sortir du terrain, se faisant ainsi remplacer par un buteur qui tentera (et échouera) le drop de la qualification. Le fair play qui est la marque de fabrique de ce club donc, puisqu’ils se sont cette saison distingués à Toulouse, avec l’expulsion de Will Skinner sur carton rouge. Une sentence récoltée après avoir volontairement touché le ballon en touche et empêché une relance rapide, suivant là, l’exemple de son entraineur lors du même match, mesquin…

 

The Froggies :

On notera principalement deux noms, Thierry Lacroix et Laurent Cabanne. Le premier nommé après un passage sud-africain, puis un aux Saracens, rejoint l’équipe des Harlequins, programmée pour tout gagner. Sauf que non, et l’expérience ne dure que trois ans, avant que les Anglais nous le rendent, conscients de l’important apport qu’il ferait à la chose journalistique. Thank you very much!

Quant à Laurent Cabanne, il finira sa carrière dans ce club et inaugurera le grand amour des clubs anglais pour nos flankers durs au mal.

 

Les Plus :

La buvette, nichée sous la tribune d’honneur, lieu de passage impératif, où les murs sont couverts de posters géants racontant par les joueurs emblématiques les 15 dernières années de ce club. Un moment unique que de boire une pinte avec modération les yeux fixés dans ceux de Thierry Lacroix dont le visage n’est exceptionnellement pas marqué du sourire niais du consultant extatique.

La proximité avec les joueurs, que ce soit avant le match où il est possible de profiter de l’échauffement, posé contre la main courante, à deux mètres des oppositions, et profiter de l’odeur de sueur qui s’en dégage. Proximité également lors des après-matchs où les joueurs viennent prendre le coup dans la buvette, si c’est un plus je ne sais pas en revanche.

L’ambiance, le chant des supporters, le Go Quins! que la structure métallique du stade fait résonner, le silence des transformations (ben oui ce sont les mêmes supporters que ceux du grand Twickenham).

 

Les moins :

Le froid, peut-être dû aux conditions du dernier match qui nous fait comprendre en un instant que nous ne sommes pas Anglais, puisque dans les mêmes conditions un stade français serait à moitié vide (ne pas voir ici une attaque facile contre un club du même nom, c’est d’ailleurs pour cela que le nom est écrit en minuscules).

Le terrain à l’anglaise : avec un en-but inexistant qui de toute façon est inutile, considérant les stratégies mises en place. D’ailleurs l’étroitesse et la faible hauteur des tribunes obligent le club à installer un ramasseur de balle derrière les tribunes.

La fourberie de ces joueurs, car tout de même être aussi moralisateur face aux fourchettes et proposer de petites mesquineries comme celles offertes ces dernières années peut énerver. Typiquement le genre de club à citer un avant adverse pour un piétinement, le même match où l’un de ses joueurs annihile un essai par une action d’anti-jeu.

Le match à retenir

Le bloodgate évidemment, quart de finale de Coupe d’Europe 2009 face au Leinster. Le score est de 6 à 5 en faveur des Irlandais et le soigneur se précipite au secours de l’ailier Tom Williams. Celui-ci se relève avec le sourire Bella Lugosi et en toute logique l’arbitre le fait sortir pour saignement. Par un de ces hasards qui n’arrivent que dans les séries télévisées, Nick Evans le demi d’ouverture entre et cela tombe bien car il ne reste que le temps d’un drop. Mais Evans échoue à faire gagner son équipe et le Leinster s’impose d’un seul point. Fin de l’histoire? Et bien non, car l’ERC en accord avec la RFU, qui avait par le passé déjà constaté des changements suspects, enquête et découvre l’histoire des capsules de sang. Il semblerait que Williams, qui de toute façon n’avait pas été touché à la bouche et qui avait décidément le sang bien rouge, avait simulé une blessure, à l’instigation du directeur sportif Dean Richard. Les instances n’hésiteront pas et suspendront les fautifs, le joueur docile : 12 mois (réduits à 4 en appel), le manager à 3 ans et le kiné à deux. Cela n’empêchera pas le manager du club de considérer les instances naïves de croire qu’il s’agissait d’un cas isolé, à voir…
Voilà un match qui fit parler et fit beaucoup pour la mauvaise réputation de ce club. Mais personnellement je retiendrais la défaite face à Brive en 1996 lors des matches de poule à Amedée Domenech. Alors que le club était présenté comme l’épouvantail qui allait montrer au rugby européen la force des clubs anglais, une équipe briviste qui allait gagner le trophée par la suite et les jambes de Sébastien Carrat firent démentir Pierre Salviac.

 

Au prochaine épisode : Les London Irish.