[Compte-rendu] Nouvelle-Zélande – Afrique du Sud : match de préparation
par La Boucherie

  • 31 August 2023
  • %

 
Par Jauzion aux Pommes

 

Le contexte

 
Alors que le compte-à-rebours se réduit avant le coup d’envoi de la Coupe du monde, ce match aux allures de potentielle finale a forcément été coché par tous les fins observateurs de la sphère de l’Ovalie, même si géométriquement parlant ces deux mots ne vont pas très bien ensemble.

 
C’est aussi l’occasion d’inaugurer un nouveau trophée : après tout, l’Angleterre et l’Écosse ont leur Calcutta Cup, le Stade Toulousain et le Stade Français leur Classico, la France et l’Angleterre leur Crunch, tandis que l’Italie a longtemps disputé la Cuillère de Bois Cup contre l’Écosse. La Nouvelle-Zélande et l’Afrique du Sud avaient jusqu’ici leur Freedom Cup mais cette idée de liberté n’était peut-être pas assez rentable. Alors, elles disputeront désormais la “Qatar Airways Cup”, un sponsor aviatique qui n’a aucune cohérence géographique avec les deux pays, mais on devine que c’est la passion pour ce sport et ses valeurs telles que les troisièmes mi-temps alcoolisées ou le jeu de la biscotte qui intér€s$ent cette entreprise qatari. Cette fois, pas besoin de cadavres d’ouvriers dans les stades puisque ceux des joueurs suffiront.

 

Les compos

 

On ne va pas analyser mille ans la feuille de match : les deux équipes ont plus ou moins mis leurs XV type, il y a trois Barrett côté Blacks et Willemse a rejoint l’effectif sud-africain au poste d’arrière : il prend en effet la place de Kolbe qui a rejoint le XV de France.

 

Le match

 
Le match débute par une domination outrancière des Springboks qui élisent domicile pendant dix minutes dans les 5 mètres adverses qu’ils assiègent sans pitié. Mais la Nouvelle-Zélande a trouvé une parade : il suffit de défendre, un peu, beaucoup, passionnément : autrement dit, plus que la règle ne le permet. Au pire, il y a faute, mais pas essai. Telle la justice face à un ancien Président de la République qui met du temps avant de mettre une vraie sanction, l’arbitre ne trouve pas son carton jaune.

 

“T’inquiète, presque pas vu, presque pas pris”

 
Après avoir subi quelques pénaltouches/ballons portés, les tout-noirs se dégagent quelques instants avant de commettre une nouvelle faute dans un regroupement. Ça commence à devenir compliqué de s’en tenir au tarif simple, alors Scott Barrett va faire une petite pause sur le banc tandis qu’un de ses coéquipiers reste au sol. La petite voiture vient l’évacuer mais c’est juste un peu de sang donc c’est pas grave, nous dit-on. Moi aussi j’aimerais bien qu’on vienne me chercher en ambulance quand je me coupe le doigt en épluchant les patates.

 
Sur la pénaltouche qui suit, les All Blacks estiment que le carton jaune remet le compteur à zéro et que c’est donc possible de défendre fautivement sur le maul sans risquer une nouvelle expulsion. L’arbitre n’est pas de cet avis et les Néo-Zélandais se retrouvent en format Rugby à XIII. De son côté, l’Afrique du Sud boude les perches avec beaucoup de patience : l’essai sinon rien. Sauf qu’entre maladresses et autres échecs, ça ne va pas derrière la ligne et il y a toujours zéro points à l’affichage malgré une domination totale en possession et territorialité : ce sentiment où tu tiens un Roi et deux As mais que tu n’arrives pas à les poser au bon moment. Face à une défense coriace, elle n’ouvrira le score qu’à la 18ème minute, encore sur une situation d’avantage qui aurait pu donner lieu à trois cartons jaunes simultanés histoire d’ouvrir un peu plus les vannes.

 

“Et ça fait bim, bam, boum”

 
En réaction, les Blacks arrivent enfin à investir le camp adverse et obtiennent une pénalité plutôt bien placée, qui heurte le poteau et manque l’occasion de débloquer le compteur. C’est bien dommage car il s’avérera très compliqué de marquer des points ensuite, tandis que les avants se font emporter sur la mêlée qui suit : la soirée va être longue. Ce même sentiment où tu as pioché des cartes de merde qui te font un jeu à chier et annoncent une partie toute pourrie.

 
Malgré cette domination outrancière, un adversaire qui fait des fautes à tout berzingue, temporairement amputé de deux joueurs et qui répare le genou de son pilier avec du scotch, les Sud-Afs ne savent pas enfoncer le clou et ne franchissent à nouveau la ligne de craie qu’à la 34ème minute par le biais d’une interception. Peut-être ont ils été surpris par les rares moments où les Néo-Zélandais rééquilibrent les débats en récupérant le ballon pour jouer avec de la vitesse et des passes. Quelques éclaircies au milieu de la pluie, par définition ça ne devrait pourtant pas déboussoler la Nation Arc-en-Ciel.

 
Juste avant la mi-temps, Scott Barrett prend une deuxième biscotte pour une charge à l’épaule. Jaune et jaune font rouge et ça se corse pour la suite : logique, après un attentat… Pourtant, dans les arrêts de jeu, la Nouvelle-Zélande parvient à marquer un essai en conclusion d’une belle action, tristement annulé par un timide en-avant au sol. Quand ça ne veut pas…

 


L’essai qui aurait pu tout relancer mais qui en fait ne compte pas

 
Les arrêts de jeu se terminent sur un ping-pong en mode “non c’est toi qui raccroches hihi” et c’est finalement l’Afrique du Sud qui tape en touche en se disant qu’elle aura tout le loisir de s’amuser au retour des vestiaires.

 
C’est effectivement dès la 41ème minute que le talonneur Marx ne fait pas honneur à son nom, préférant engranger du profit aux dépens des opprimés, et monte la facture à 21-0.

 
Pas plus tard qu’à la 45ème minute, elle aurait pu s’alourdir, suite à un contre-ruck à la “repossession” foireuse : Moodie élimine plusieurs joueurs de la ligne arrière en sautillant avec des petits pas-chassés, et ça suffit pour finir derrière les poteaux. Malheureusement, Moodie était de bonne humeur, mais hors-jeu.

 


L’autre essai bien cool mais qui en fait ne compte pas non plus

 
A défaut d’une hiérarchie rééquilibrée, Du Toit remet les deux équipes sur un pied d’égalité numérique en écopant d’un carton jaune, suite à un plaquage assassin sur l’un des deux Barrett restants, représaille contre les méfaits du troisième. Les Springboks n’avaient pourtant pas forcément besoin de gestes déloyaux pour faire souffrir ses adversaires dont une bonne partie finiront ensanglantés.

 
Autant que les corps, les esprits finiront marqués, tels les essais sud-africains puisque deux nouvelles claques dans la gueule porteront le score à 28 puis 35-0, l’addition devient tellement salée que le pays tout entier peut s’inquiéter pour l’état de ses artères. Tandis qu’il reste dix minutes à jouer, ça va faire vraiment très court pour une remontada mais en réalité, l’urgence devient tout simplement d’arriver à marquer au moins une fois, un peu comme l’équipe d’Italie cherchant à gagner un match du Tournoi de temps en temps. Le miracle n’advient qu’à la 71ème minute lorsque le jeune demi-de-mêlée remplaçant se fait la malle en éliminant tous les arrières Springboks, perturbés par un adversaire devenant inhabituellement offensif, trop hagards pour plaquer ce Cam Roigard. Ou juste par flemme/pitié.

 


L’essai qu’heureusement pour eux qu’il compte celui-là

 
C’est dans cet esprit “finalement est-ce qu’on a besoin de bien jouer sur cette fin de match ?” que l’Afrique du Sud terminera la partie, enchaînant les fautes juste pour le plaisir sadique de laisser des munitions à l’adversaire, puisque la Nouvelle-Zélande échouera jusqu’à la dernière action son opportunité de limiter la casse (au score : pour les joueurs et leurs egos, c’est fichu). Les commentateurs, statisticiens passionnés d’histoire nous informent que c’est leur plus lourde défaite en écart de points. Nous avons donc vu les heures les plus sombres de l’histoire néo-zélandaise s’écrire sous nos yeux peinés pour les martyrs d’un champ de bataille bien sanglant, tandis qu’il y a eu décidément beaucoup d’essais à Twickenham ces temps-ci, très rarement grâce au XV de la Rose.

 

Conclusion :

 
Cette équipe néo-zélandaise rappelle le sentiment douloureux d’un XV de France version Brunel dans ses pires moments : totalement impuissante, elle se fait marcher dessus et n’a aucune idée de quoi faire pour arrêter ça. Au pays du long nuage blanc, les supporters ne pourront même pas bénéficier d’un numéro vert, traumatisés par cette couleur.

 
Alors face à cette équipe d’apparence fébrile et amoindrie, devinez qui pourrait y voir un adversaire “à sa portée” et le perdre et se retrouver sous pression face à l’Italie ?…

 
Côté sud-africain, leur buteur qui était nul n’est finalement pas mauvais, quand au reste de l’équipe ils sont vraiment très très forts. Que dire de plus ? Peut-être avant de jouer les quarts-de-finale : Morituri te salutant.