Le Stagiaire analyse Hurricanes – Crusaders (29-28)
par Le Stagiaire

  • 15 March 2013
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Pendant qu’on est obnubilés par notre cuillère de bois, nos doublons et notre neige, le Super Rugby a repris depuis près d’un mois. Ici, personne n’en parle (à part SudRugby) car il faut bien admettre que tout le monde s’en fout (à part SudRugby). L’avantage c’est que ça nous permet de continuer de fantasmer sur ce sport vaguement proche de notre rugby chéri en voyant des résumés de 3 minutes sur Youtube (avec des images qui pourraient bien dater d’il y a cinq ans qu’on s’en rendrait même pas compte), tout en en parlant dans nos conversations, la plupart du temps pour dénigrer notre championnat et nos joueurs. 

Bref, puisque tout le monde s’en tape et que personne ne veut en entendre parler, c’est un sujet idéal pour la Boucherie. Nous allons donc tenter de vous faire des résumés réguliers de matches de cette compétition. Par régulier, je sous entends bien sûr que ce compte rendu sera probablement le seul de la saison.

Le contexte : 

Ce match opposait donc le 08 mars deux équipes néo-zélandaises : les Hurricanes de Wellington aux Crusaders de Christchurch. Ce sont les premiers cités qui accueillent la joute, et on ne peut qu’en être soulagés puisque la dernière fois qu’une catastrophe naturelle s’est déplacée à Christchurch, ça a fini en drame. Un drame qui, selon les conspirationnistes, est responsable de la défaite de la France en finale de la Coupe. Ces mêmes conspirationnistes qui pensent aussi que le 11 septembre est un coup de Serge Blanco, que Pascal Papé n’a jamais marché sur la lune et que Jacques Delmas est un représentant illuminati qui dirige le rugby français depuis le plateau des Spécialistes. 

D’un point de vue sportif – pour ceux qui seraient un peu largués – les deux équipes peuvent prétendre à une place de challengers cette saison. Les Hurricanes sont une version patchée du Stade Français, plus fluide et sans les bugs mathématiques du demi d’ouverture. L’an dernier, ils ont autant brillé par leur tempérament offensif que par leurs errements défensifs : près de 30 points de moyenne inscrits par match pour 23 encaissés. Des chiffres qui leur permettent d’échouer brillamment aux portes de la qualification. Parmi les joueurs que même Pastigo est susceptible de connaître, on citera Victor Vito, Conrad Smith ou Cory Jane. En ce début de saison compliqué, ils ont enchainé deux défaites contre Auckland et les Reds et perdu Cory Jane sur une grave blessure. 

Pour leur troisième match, ils étaient opposés aux Crusaders, équipe mythique de la compétition puisqu’ils l’ont gagnée 7 fois depuis sa création en 1996. Seulement, depuis quatre ans et malgré leur statut de grands favoris, impossible de mettre la main sur le trophée. Une sorte de Clermont qui ne pourrait pas brandir l’excuse de la malédiction après avoir perdu comme des cons en demie ou en finale. Cette année, les Croisés (aucun lien avec Julien Saubade) seront privés de McCaw, qui a posé des RTT pour s’offrir une année sabbatique. Car oui, Monsieur a décidé qu’il était fatigué et qu’il avait assez bien bossé pour mériter une petite pause. En plus d’être un fraudeur, Richie a donc tout l’air d’être un syndicaliste en puissance. Ce mec serait secrètement français que ça n’étonnerait personne. Les Crusaders doivent donc faire sans lui et comptent sur Dan Carter, Kieran Read ou Israel Dagg pour les mener vers les sommets. Début de saison délicat pour eux aussi puisqu’ils ont perdu leur première rencontre face aux (décidément surprenants) joueurs d’Auckland.

Pour retrouver les très bonnes fiches de présentation complètes de ces deux clubs par SudRugby, c’est ici pour les Hurricanes et ici pour les Crusaders.

Le match : 

Après un en-avant foireux sur le coup d’envoi, la première mêlée du match est sifflée, ce qui me donne l’occasion de vous raconter un petit «fun fact» que Christian Jeanpierre n’aurait pas renié. Les deux piliers qui se font face (Owen Franks et Ben Franks) sont frères et – encore plus amusant – Ben Franks jouait l’an dernier aux Cursaders avec son frère, avant de l’abandonner lâchement pour partir jouer aux Hurricanes. Voilà. Amusant, n’est ce pas ? Bon, je ne sais pas s’ils ont un parent français et un parent néo-zélandais, mais c’est le genre de chose sur lequel Matthieu Lartot devrait pouvoir vous renseigner. 

Après trois minutes de temps de jeu ininterrompu des Crusaders, le demi de mêlée de ces derniers -Andy Ellis- finit par envoyer une passe à la Luke Burgess dans les tibias de Dan Carter, qui commet un en avant. Nouvelle mêlée donc, à peu près au même endroit que celle qui avait eu lieu trois minutes plus tôt. Tout ça pour ça. 

Tu m'étonnes que la mêlée penche à gauche...
Tu m’étonnes que la mêlée penche à gauche…

L’occasion pour nous de constater que les Hurricanes ont aussi le public comme principale source de ressemblance avec le Stade Français. Le stade de Wellington est vide comme le livre de jeu du XV de France et les sièges jaunes font un peu mal aux yeux si on les fixe trop longtemps. En même temps qui serait assez con pour faire ça ?

A la suite de la mêlée, les Hurricanes lancent le jeu à leur tour, combinent et enchaînent bien. La balle finit par arriver jusqu’à l’aile de Julian Savea qui poricalise Israel Dagg avec une aisance déconcertante. Quelques instants plus tard, le jeune troisième ligne des Crusaders Matt Todd, que l’on présente comme le nouveau Mc Caw, se met à la faute (comme quoi il y a encore du boulot) et offre une bonne pénalité à ses adversaires. Barrett (qui n’a rien à voir avec Julien Doré), passe la balle entre les poteaux et ça fait 3-0 pour les locaux.

Quelques phases de jeu après le renvoi, on assiste au premier échange de coups de pied du match, façon ping-pong rugby,  qui n’est pas sans me rappeler notre bon vieux Top 14.  Des échanges qui finissent par lasser l’arrière garde des Crusaders qui relance. L’action est finalement annihilée au niveau des trente mètres adverses par un tampon remarquable de Savea. C’est encore lui qui se fera remarquer en récupérant un joli coup de pied tactique de Smith quelques instants pus tard. Conrad Smith, qui, à l’image de Vincent Clerc, a tourné badass en se faisant couper les cheveux, ce qui lui donne l’image d’un mec qui vient de s’engager dans l’armée, mais avant les plusieurs mois de musculation. Contrairement à son homologue toulousain, le All Black n’a par contre rien perdu de sa classe et son efficacité. 

Cette image de joueurs qui sont placés pour faire une combinaison peut choquer les supporters du XV de France.
Cette image de joueurs qui sont placés pour faire une combinaison peut choquer les supporters du XV de France.

Après une bonne vingtaine de minutes de jeu, on assiste à un des premiers vrais «temps faible» (chers à Fabien Galthié) de la partie avec un enchainement sans fin de mêlées écroulées.  Résultat, cinq minutes plus tard, on joue la 25ème minute (et ouai les mecs, j’ai fait option maths au lycée) et le score est toujours de 3-0, ce qui se situe au final dans la bonne moyenne d’un match du BO. Cependant, le niveau et les ambitions sont tout autres, et l’essai qui va suivre en est la preuve. Le centre des Crusaders Crotty (quel nom de merde aha), perce sur une belle passe à hauteur. Il s’engouffre dans la fameuse défense Stade Françiste et, quatre plaquages manqués pus tard, termine sa course entre les poteaux. Propre. 

Sur leur lancée, les visiteurs continuent à faire mumuse et Dagg, Whitelock ou Mc Nicholl ne seraient pas loin d’en planter un deuxième, s’ils ne foiraient pas systématiquement une passe de toute manière impossible à vingt mètres de la ligne d’en but. 

Les Hurricanes finissent par se défaire de la pression en deux coups de pied qui ramènent les Canes dans leur 22. C’est dans cette même zone qu’ils obtiennent une pénalité bien placée. Depuis mon siège, je me prends pour Guy Novès et leur fais le signe des trois points. Mais ces fous, sous mon regard ahuri (j’entends par là plus ahuri que d’habitude), préfèrent jouer à la main. Ils n’arrivent cependant pas à franchir et, alors qu’ils obtiennent une nouvelle pénalité idéalement placée, finissent par se résigner à la tenter. 6-7 puis 9-7 après une nouvelle faute des Crusaders dans leur trente mètres. Les dix spectateurs (probablement sélectionnés après une opération de com’ Twitter avec la #TeamHurri et la

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#TeamCrusa) se déhanchent sur Pump It des Black Eyed Peas pour fêter ça. L’occasion pour moi de réaliser que Toulouse et son «I Gotta Feeling» en fin de match est en fait très en avance sur son temps. 

La seconde période démarre sur les chapeaux de roues après une quinzaine de phases de jeu, le talonneur des Crusaders Flynn semble aplatir. Un essai validé à la vidéo (après une quinzaine de visionnage) et transformé par Dan Carter qui permet à son équipe de repasser deux points devant. 

Les Canes repartent à l’assaut de la ligne adverse et, après un cafouillage sur une grande envolée à l’aile, Israel Dagg pousse au pied avec un grand coup de latte qui lui permet de remonter les trente premiers mètres. Après un nouveau dribling, la balle se retrouve dans l’en but des Hurricanes. Le public pousse pour encourager Smith et Leuia (en criant “Allez Leiua !”) alors à la course avec l’arrière mais rien n’y fait, Israel ZiDagg est le plus rapide et aplatit le troisième essai des visiteurs. Voilà qui apprendra aux tout-jaunes à envoyer du jeu, tiens.

Israel Dagg est avant tout un homme de goût.
Israel Dagg est avant tout un homme de goût.

Les Crusaders mènent alors 21-12 et je suis un peu destabilisé de ne pas entendre le présentateur de Skysports parler de «TOURNANT OF THE MATCH» alors que toutes les conditions sont réunies : essai en contre, beaucoup de temps restant à jouer, et une forte probabilité pour que les adversaires remontent finalement facilement. 

Les Hurricanes, décidément entêtés, repartent à la conquête de la terre promise des Croisés et Savea, sur son aile, hérite d’une balle à quinze mètres de l’en-but. Il assomme son vis à vis puis enfonce à nouveau Dagg à quelques mètres de profondeur pour aplatir. C’est impressionnant, on a envie de crier au «Jonah Lomu blanc» mais, manque de pot, Savea est maori et devra donc de se contenter du titre de «Jean-Baptiste Gobelet bronzé». C’est facilement transformé par Barrett depuis la touche et les locaux reviennent à deux points. Pas de «Pump it» cette fois,  et je me demande donc quel peut être l’hymne des Hurricanes – le plus probable étant que ce soit «Comme un ouragan» de Stéphanie de Monaco. 

Poricalisation d'Israel Dagg en image.
Poricalisation d’Israel Dagg en image.

Les Crusaders se rebellent et le jeune Taylor, tout juste rentré, met le feu dans la ligne avec Carter. Comme vous pouvez vous en douter, ils enchaînent les croisés et les une-deux, poursuivent au pied de manière un peu ridicule et Carter finit par aplatir derrière la ligne. On a envie de revoir l’action en accéléré avec la musique de Benny Hill pour un rendu un peu plus fun mais la technologie ne permet pas encore cette excentricité. Canal, si vous me lisez… (Isabelle, si c’est toi, j’en profite pour te dire que ma demande en mariage tient toujours).  

S’ils mènent 28 à 19, les Crusaders ne veulent pas s’arrêter là et continuent à mettre la pression sur la ligne adverse. On croit même à un nouvel essai mais ce brave Read fait un en avant ridicule en ramassant la balle sur le dernier ruck. L’arbitre fait une nouvelle fois appel à la vidéo – à croire qu’il avait un forfait à amortir – et infirme l’essai (Benjamin Fall valide l’emploi de ce verbe). Read imite très bien le mec étonné et vient nous gratifier d’un très joli «Did I ?» surpris quand l’arbitre lui annonce qu’il a fait un en avant si grossier qu’à sa place, Péchambert aurait pu lui mettre un jaune.  

Read va d’ailleurs les accumuler sur la fin de partie, se mettant notamment à la faute sur l’action suivante, permettant aux Hurricanes de revenir à 28-22. Il reste dix minutes et on se dit que les Crusaders vont probablement faire profil bas et temporiser pour attendre tranquillement le coup de sifflet final. Mais c’est mal connaître ces amateurs de baballe qui vont balancer des grandes passes dans leur propre quarante mètres. Ce qui devait arriver arriva et Leiua, après avoir bien lu le jeu, intercepte une passe de Taylor et va crucifier les Croisés entre les poteaux. C’est transformé et les Canes repassent devant 29-28. 

Allez, salut !
Allez, salut !

Les Crusaders font alors l’effort pour revenir à quelques mètres de l’en-but et plein axe, Carter tient le drop de la victoire au bout du pied. Mais, l’homme le plus classe du monde après Georges Abitbol semble programmé pour ne pas gagner des matches de manière dégueulasse à la dernière minute. Il foire donc joliment son coup de pied et je pense à David Mêlée qui a passé ce même drop il y a quelques semaines, offrant la victoire à l’USAP dans les derniers instants. Comme quoi, les catalans feraient bien d’arrêter de pleurnicher et se satisfaire de leurs stars que sont Jean-Pierre Perez, David Marty ou Guilhem Guirado. 

Quelques picks and go et une mêlée simulée plus tard (ces gens là n’ont honte de rien), l’arbitre, probablement en hyperventilation, siffle la fin de la partie, superbe, il faut le reconnaître.

Les joueurs restent un peu discuter sur la pelouse, Read vient répondre tout sourire à l’interview. Je me demande si je viens pas en fait de voir un match amical, mais non, il semblerait juste qu’ils en aient un peu rien à foutre. Ils ont bien joué, ils ont bien rigolé, ils auraient pu gagner mais en fait non. Tant pis c’est pas grave, c’était cool. Bon… d’accord. 

Les joueurs : 

Chez les Hurricanes, Savea a crevé l’écran, Conrad Smith est toujours aussi classe et la charnière a fait un travail très propre. A noter le 100% au pied de Barrett, comme son vis à vis Carter (si on lui passe le drop raté). Statistiques impressionnantes puisqu’ils ont tous les deux eu quelques tentatives compliquées. Ce dernier a lui aussi éclaboussé la partie de sa classe. On a l’impression qu’il trottine mais derrière sa nonchalance, chaque accélération fait mouche et il est intraitable en défense. Ceci dit, il est toujours incapable de mettre un drop à 22 mètres en face des poteaux, ce qui est inquiétant pour son club et marrant quand on est français. McNicholl aura été très tranchant sur son aile, tout comme Dagg à l’arrière, qui devra lui par contre répondre de quelques errements défensifs. Je ne parle pas des avants, tout le monde s’en fout ils servent à rien en Super XV. 

La violence des rucks dans l'hémisphère sud... Non je déconne, ils savent pas ce que c'est.
La violence des rucks dans l’hémisphère sud… Non je déconne, ils savent pas ce que c’est.

 

Bonus : Le résumé vidéo du match :