Rugby & Strategy : Partie 3

Les parties 1 et 2 sont recommandées pour la lecture de cet article.

A l’instar d’un grand penseur contemporain, Vern va nous expliquer qu’il aime quand un plan se déroule sans accroc, mais que ça n’arrive jamais.

 

Rugby et stratégie (3)

Essai d’élucidation du rugby par la stratégie

ou

Les penseurs de la guerre au service du noble jeu

Les improvisations géniales sur le champ de bataille ne sont que le résultat des méditations antérieures.

Maréchal Foch, conférence à l’École navale – août 1920.

Mes meilleures improvisations, ce sont celles que j’ai préparées le plus longtemps.

Attribué à Winston Churchill

Où l’on appréhende les difficultés pour passer du tableau noir au pré boueux et où l’on apprend que les frictions, ce n’est pas uniquement au Synthol…

 

Tout ce dont il a été question précédemment est éminemment théorique. Car stratégie et tactique sont remises en cause pendant la partie, et, comme le dit le vieil adage guerrier :

Les meilleurs plans ne résistent pas au premier coup de fusil.

Il existe en effet une grande quantité de données, de variables, de paramètres à combiner, qui influent sur le jeu et que l’on pourrait décliner presque à l’infini et de manière évolutive sur les 80 minutes de temps réglementaire. Citons en particulier, et de manière non exhaustive :

  • l’adversaire, qui a pris l’habitude de ne jamais réagir comme on s’y attend et qui prend un malin plaisir à contrecarrer toutes nos initiatives,

  • la capacité de chaque équipe à s’en tenir à son « game plan » et à répondre à ses exigences (dans le cas de notre demi-finale pluvieuse, technique individuelle au pied, organisation collective et puissance dans les « rucks » et au contact, supériorité dans les phases de conquête et dans les airs),

  • la capacité de chaque équipe à exécuter des variations autour de la stratégie et la tactique (ce que Pierre Villepreux appellerait « intelligence situationnelle »), à s’adapter à l’arbitrage et aux forces et faiblesses de l’adversaire (aussi bien du point de vue de ses individualités que de son collectif), le tout en fonction du déroulement (du scénario) du match…

  • les modifications de l’état psychologique et physique de chaque joueur,
  • les changements de conditions climatiques,
  • l’arbitrage,
  • les blessures,
  • le coaching,
  • la pression du public et des médias,
  • l’enjeu de la rencontre,
  • le hasard (ou la chance…, ce que l’on nomme habituellement « les caprices du ballon ovale », si chers à Fabien Galthié),

Or nous constatons que les paramètres dont il vient d’être question peuvent être scindés en deux catégories :

  • celle sur laquelle le joueur peut influer,
  • celle qui est donnée comme un invariant (ne seraient-ce, par exemple, que la taille du terrain ou la durée de la partie).

Nous sommes bien dans un système imprévisible, en équilibre instable, où le déterminisme des conditions initiales le dispute à la volonté de l’homme, qui cherche à influer sur le cours des choses. De la même manière qu’il serait faux d’attribuer le mérite d’un triomphe à un seul joueur ou à un entraîneur génial, l’histoire nous a appris qu’il fallait se méfier des victoires dont le seul mérite reviendrait à un général ou à un as. Mais, en contrepartie, il est excessif de sous-estimer la part de l’entraîneur ou du joueur stratèges dans une victoire au profit d’un système de jeu, des conditions extérieures à la rencontre ou de la supériorité physique. Ainsi, si nous retraçons l’épopée du XV de France au cours de la dernière coupe du monde, nous mettons en défaut la maxime déterministe, souvent vérifiée, de Montesquieu :

Il y avait une cause générale qui faisait que cet État devait périr par une seule bataille. 1

Ainsi, selon les observateurs et les échos qui provenaient de l’intérieur, il semblait que le XV de France était extrêmement fragilisé, à la fois par son jeu et ses résultats en demi-teinte voire catastrophiques (défaite contre les Tonga), mais également par son management interne. Or, ce qui promettait d’être un échec cuisant après l’humiliation tongienne, devint une quasi-victoire car les joueurs, à la manière des grands personnages de l’histoire, ont trouvé en eux les ressources pour inverser un destin qui semblait tragique.

Cette « glorieuse incertitude » provient d’un constat simple : ce qui est évident, facile, imparable sur le tableau noir en causerie d’avant-match devient immédiatement plus complexe à réaliser sur le terrain dans les conditions réelles. C’est ce que Carl von Clausewitz nous décrit admirablement comme les « frictions » :

Dans la guerre tout est très simple, mais la chose la plus simple est difficile. Les difficultés s’accumulent et entraînent une friction que personne ne se représente correctement s’il n’a pas vu la guerre… C’est ainsi qu’en guerre tout baisse de niveau par suite d’innombrables contingences secondaires qui ne peuvent jamais être examinées d’assez près sur le papier, de sorte que l’on reste loin en deçà du but… La machine militaire, c’est-à-dire l’armée et tout ce qui en fait partie, est au fond très simple et paraît par conséquent facile à manier. Mais il faut se rappeler qu’aucune de ses parties n’est faite d’une seule pièce, que tout s’y compose d’individus (…) dont le plus insignifiant est capable, parce que le hasard s’en mêle, de provoquer un arrêt ou une irrégularité… Ce frottement excessif, que l’on ne peut, comme en mécanique, concentrer sur quelques points, se trouve donc partout en contact avec le hasard ; il engendre alors des phénomènes imprévisibles, justement parce qu’ils appartiennent en grande partie au hasard.2

En rugby, pourrait-on dire, tout est simple. Les déclarations d’avant-match des joueurs ne laissent en général pas de doute quant à la préparation dont ils bénéficient et la motivation dont ils font preuve. Pourtant, combien de défaites pour autant de victoires annoncées à l’avance, selon la foi du déséquilibre des forces en présence « sur le papier » ? Et combien de plans de jeu qui se sont effrités, une fois confrontés au révélateur de la réalité ? Les frictions peuvent d’ailleurs être d’ordre « politique » et pas simplement « tactiques » : les tensions, le ressentiment, les jalousies sont le lot commun des groupes humains, des équipes de rugby, de leurs staffs ou de leurs fédérations en particulier. L’exemple de l’Angleterre au cours de la dernière coupe du Monde est très représentatif de ces frottements qui peuvent entraîner des effets extrêmement néfastes sur le rendement d’une équipe.

Aux frottements, Clausewitz ajoute une difficulté supplémentaire, qu’il nomme magnifiquement le « brouillard de la guerre », devenu aujourd’hui un truisme pour évoquer la difficulté de prendre des décisions dans le fracas et la cohue du champ de bataille et le désordre des entreprises humaines en général. Et le « brouillard » du combattant existe naturellement au rugby. Imaginons un instant être au cœur d’un regroupement, à la soixantième minute d’un match de coupe d’Europe, dans la peau d’un troisième ligne aile. Voila une heure que l’on court, plaque, est plaqué, pousse en mêlée, saute en touche, prend part aux « rucks » en déblayant, ou en étant déblayé, inexorablement exposé aux chocs, aux contacts, parfois aux coups. Et voici qu’après nous être relevé pour la trentième fois et avoir repris la position d’attaque, le ballon nous échoit. Nous n’avons que quelques dixièmes de seconde pour choisir une option, car le deuxième ligne adverse monte rapidement et vous ne vous sentez pas de le prendre en un contre un. Dans le brouhaha du stade, vous percevez l’appel d’un coéquipier, mais que vous ne parvenez pas à situer distinctement. Vu des tribunes, il y a un quatre contre deux évident à jouer dans le fermé, mais vous préférez repiquer au centre car vous n’avez plus la lucidité nécessaire pour profiter du surnombre, et vous faites avorter une action qui eût pu être décisive…

 

1 Montesquieu, Considérations sur les causes de la grandeur des Romains et de leur décadence, Chapitre XVIII, Nouvelles maximes prises par les Romains, 1734.

2 Carl von Clausewitz, De la Guerre, textes traduits par Denise Naville et présentés par Pierre Naville, Paris, Minuit, coll.« Arguments », Editions de Minuit, 1955, p109 – 111.

Rugby & Strategy : Part deuz’

Après la première partie présentant l’esprit de cette série d’articles, nous apprendrons aujourd’hui la différence entre la stratégie et la tactique. J’espère que la partie 3 fera la distinction entre un marron et une châtaigne.


Rugby et stratégie (2)

Essai d’élucidation du rugby par la stratégie

ou

Les penseurs de la guerre au service du noble jeu

Pour moi, qui ne comprends pas la pensée séparée de l’action, qui ai la même horreur des intellectuels rachitiques que des soudards imbéciles, (…) cela fait toujours plaisir de rencontrer un cérébral qui est aussi un fort et un actif.

Maréchal Lyautey, certainement à propos de Pascal Papé, Lettre d’Olympie, 1893.

 

Où l’on apprend que Marc Lièvremont est un excellent joueur de bilboquet…

 

Après l’avoir longuement introduit, prenons d’abord soin de bien définir le sujet. Les définitions de la stratégie sont nombreuses. Nous nous en tiendrons à celle de Julian Corbett1 :

La stratégie est l’art de diriger la force vers le but à atteindre (Strategy is the art of directing force to the end of view).

A vrai dire, dans notre cas, cette définition est d’une importance moindre que les deux conséquences qui en découlent :

  • Premièrement, et quelle que soit la définition que l’on donne à la stratégie, celle-ci a une vocation pratique. Elle suppose certes une théorie, mais elle n’a d’autre but que la victoire : il faut surpasser l’adversaire. C’est pourquoi nous pouvons nous permettre de lui donner une application au sport en général et au rugby en particulier.

  • D’autre part, il ne faut pas confondre la stratégie et la tactique. La tactique s’entend comme les techniques et procédures utilisées « sur le terrain » par le soldat ou son chef direct pour obtenir un gain immédiat et provisoire. La stratégie, quant à elle, s’entend dans une acception plus large, plus générale, à un niveau supérieur de réflexion, de conception mais aussi d’accomplissement.

Pour illustrer ce hiatus fondamental, imaginons que nous ayons à jouer une demi-finale de la coupe du monde sous la pluie. Une stratégie envisageable pourrait être de mettre en œuvre un jeu prudent, restrictif et d’usure, cherchant à provoquer la faute de l’adversaire et fondé sur l’occupation du terrain. Tactiquement, l’application de cette stratégie passerait, entre autres, par :

  • un jeu au pied long en coin,
  • l’utilisation fréquente de chandelles courtes pour mettre les joueurs en couverture sous pression,
  • le passage fréquent au sol après du jeu « à une passe au près » pour minimiser les risques de pertes de balle et obliger la défense à commettre des fautes.

 

Dès lors, on en déduit qu’il y a des stratèges et des tacticiens au rugby, et qu’ils ne sont pas forcément les mêmes. Il est clair que, dans un club, le staff dirigeant et l’entraîneur en chef font plutôt et normalement partie de la catégorie des stratèges : à eux le temps long, la gestion de l’effectif sur le moyen et long terme, la politique générale du club en matière de finances, de recrutement et de formation, mais également pour le manager en charge du sportif et l’entraîneur en chef, le choix d’un style de jeu et les grandes lignes de sa mise en œuvre. Subordonnés, les entraîneurs adjoints, préparateurs physiques et joueurs cadres entrent normalement dans le champ des tacticiens. Ils ont un rôle plus technique et pratique (car selon l’Encyclopédie Universalis2, la tactique est « l’art de combiner les moyens militaires au combat pour en obtenir le meilleur rendement », et sont ainsi les outils de la stratégie.

Pendant le match, les joueurs sont les tenants de la stratégie et effectuent les choix tactiques qui en constituent les modalités, en accord ou en contradiction, parfois, avec ce qui a été prévu. Il existe là encore une analogie entre la guerre et le sport : à la guerre, le général et son état-major élaborent des plans de bataille, mais une fois le combat engagé et les forces lancées dans la mêlée, le commandant en chef perd une grande part de sa capacité à influer sur les événements, contraint de déléguer la conduite des opérations aux échelons subordonnés qui sont au front et ne pouvant décider dans l’urgence à sa place. En fonction des circonstances, il est toujours en mesure de commander ou conseiller, mais sa position en retrait le maintient hors du cadre immédiat de l’action. De la même manière, l’entraîneur, dans les tribunes ou sur la touche, n’est plus le dépositaire de la stratégie qu’il a mis en place à partir du coup d’envoi. Il a beau s’époumoner du bord du terrain ou chuchoter des conseils dans l’oreillette du soigneur, la décision, in fine et dans l’action, incombe aux joueurs.

On en revient à la définition de la stratégie, toujours donnée par l’Encyclopédie Universalis3 : « art de faire converger les moyens militaires sur le champ de bataille jusqu’au moment du combat (souligné par nous) ». Cette posture, non exempte de frustration, frustration fréquemment évoquée par les anciens joueurs devenus entraîneurs, était, par exemple, parfaitement assumée par le maréchal Lyautey qui, à l’imitation de son maître Gallieni, une fois qu’il avait donné ses ordres, prétendait laisser toute latitude à ses subordonnés car les choses lui échappaient alors définitivement :

L’un comme l’autre possédaient cette qualité de laisser faire leurs subordonnés quand ils leur avaient accordé confiance et de ne pas intervenir dans l’exécution. (…) On connaît l’incident de la colonne de Ké Tuong, au Tonkin, en avril 1895 : le ravitaillement n’arrive pas, et le commandant Lyautey, chef d’état major, est dans ses petits souliers ; en pareil cas, tous les chefs d’état-major sont gênés au même endroit. Il scrute l’horizon, s’agite, et, dirions-nous aujourd’hui, s’en fait considérablement. Gallieni, tout aussi préoccupé, au fond, que son adjoint, reste impavide, lit, ou fait semblant de lire et de lire du Stuart Mill encore ! Il conseille au bouillant Lyautey d’user, lui aussi, de cet infaillible calmant : les ordres sont lancés, toute ingérence dans l’exécution serait funeste. (…) C’est ce que le général Freydenberg appelait l’heure du bilboquet, l’heure où le chef d’état major apporte à son patron cet armement inoffensif et lui dit : « Occupez-vous avec ça et laissez-nous faire notre travail. » Il y a d’ailleurs assez peu de chefs rompus à l’exercice du bilboquet…4

1 Green Pamphlet, 1906, in Some Principles of Maritime Strategy, United States Naval Institute, Annapolis, 1988, p 308.

2 Jean Delmas, Armées, Doctrines et Tactiques – http://www.universalis.fr/encyclopedie/armee-doctrines-et-tactiques/

3 Ibid.

4 Yves de Boisboissel, Dans l’ombre de Lyautey, L’Harmattan, Paris, 1953, p 293.

Rugby & Strategy : Part One

Aujourd’hui, c’est Vern “du blog” Cotter, qui nous explique pourquoi le rugby, c’est la guerre. Il a malheureusement oublié de mentionner les “belles ogives” dont parle tout le temps T. Lacroix.

C’est un article un peu sérieux et assez long, et comme on sait bien que vous pouvez pas vous concentrer plus longtemps que la durée d’une pub pour un déodorant, on vous le découpe en plein de parties.

 

 

Rugby et stratégie (1)

Essai d’élucidation du rugby par la stratégie

ou

les penseurs de la guerre au service du noble jeu

 

Le rugby, c’est une guerre sans la haine, une bataille sans cadavre.

Peter Fitzsimons (Australie – Deuxième Ligne)

Le rugby est la plus belle des guerres en temps de paix.

Jean Giraudoux

 

Où l’on est bien obligé de constater que le rugby, c’est la guerre !

 

Le rugby est couramment appelé « sport de combat collectif ». Les joueurs y sont appelés à lutter les uns contre les autres dans des points de rencontre qui mobilisent leurs qualités physiques et techniques. La violence existe bien sûr dans les autres sports collectifs, notamment ceux où les équipes peuvent être mêlées sur le terrain. Au football ou au hockey sur glace par exemple, les duels sont omniprésents, mais la violence qu’ils induisent est plus limitée, pas forcément dans son intensité (cas du hockey), mais dans les moyens qui sont autorisés pour la déployer. De plus, là où les sports de combat ne forment que des guerriers, c’est à dire des combattants qui luttent pour une victoire individuelle, la spécificité (et peut être la supériorité) du rugby est que chaque joueur doit s’inscrire dans une organisation collective, parfois complexe, dont le but est la victoire de l’équipe1.

Le « combattant – rugbyman » est donc au cœur de l’affrontement de deux volontés qui s’opposent à deux volontés équivalentes chez l’adversaire : l’une collective, celle de l’équipe, l’autre individuelle, celle du joueur. Cette dialectique est comparable, toute proportion gardée, à celle qui met en conflit deux armées et leurs soldats sur le champ de bataille. Car le rugby est un sport de franchissement, de percée, de contact, d’occupation du terrain, de mêlée, et, nous l’avons dit, de combat. Dans ce jeu, la tactique et la stratégie prennent une dimension particulière : à ce titre, et toutes choses égales par ailleurs, il est peut être celui qui se rapproche le plus de la guerre.

Naturellement, les correspondances entre le sport et le monde militaire sont nombreuses. On relève ainsi diverses analogies sémantiques, qui vont, en vrac, du « capitaine d’équipe » aux métaphores martiales, filées sur le thème des « campagnes », voire des « opérations commando », ou qui passent, tout simplement, par l’utilisation d’expressions communes (stratégie, tactique, attaque, défense…). Dans le même ordre d’idée, la « discipline » est un mot qui fait sens dans le sport, comme dans les armées. Étymologiquement, la discipline est un « domaine d’apprentissage »2. A ce titre, cette notion illustre parfaitement la dualité implicite aux sports collectifs et aux armées, qui fait cohabiter aspirations personnelles et besoins du groupe : la discipline peut en effet être envisagée comme une pratique individuelle (« je m’efforce de développer un talent, une compétence ») et/ou collective (« je me contrains pour exercer ce talent, cette compétence, au profit d’un collectif »). La discipline, au rugby, est également un état d’esprit qui vise à limiter le nombre de fautes commises de manière à ne pas permettre à l’adversaire de récupérer la possession du ballon ou de marquer des points sur une pénalité.

Plus fondamentalement, le rugbyman, comme le militaire, se préparent à un affrontement physique et psychologique, où il s’agit d’imposer sa force et sa volonté à un adversaire. Inutile de rappeler que l’entraînement du militaire est lui-même fondé sur la pratique régulière du sport, afin de développer l’endurance physique et morale, la puissance mais aussi l’agilité. Militaires et sportifs partagent des méthodes de préparation finalement assez proches, qui font une part grande à la mécanisation et la répétition d’actes réflexes ou basiques, ce qu’un rugbyman pourrait appeler des « skills »…

Enfin, il n’est pas rare de voir les militaires et les sportifs exalter et invoquer des valeurs similaires : à l’amour du maillot ou du club, on rapproche celui du drapeau ou de la patrie, et on parle indifféremment, selon que l’on porte un képi ou un jersey, « d’esprit d’équipe », « d’abnégation », de « sacrifice », de « goût de l’effort », de « pugnacité », « d’honneur » ou de « haine de la défaite ».

Il n’est pas question ici de prétendre que tout rugbyman est un militaire qui s’ignore (ou inversement), ni de faire l’apologie de la guerre. Cette longue introduction a pour objectif de démontrer que l’on peut mieux comprendre le rugby en lui appliquant une grille de lecture qui fait appel à la stratégie militaire et aux nombreux penseurs, civils et militaires, qui ont étudié cette discipline aux développements infinis qu’est l’art de la guerre.

Nous allons donc voir dans une série d’articles quels parallèles édifiants et instructifs nous pouvons tirer entre les deux domaines.

To be continué

 

1. On pourrait aussi évoquer le cas du football américain, mais, sans sous-estimer la richesse tactique de ce sport, l’étude du rugby nous semble plus féconde. Le football américain pourrait être comparé à une succession de batailles rangées. Cependant, les situations initiales y étant, sur le principe, toujours identiques, la variété des actions, lancements de jeu et combinaisons permises par le rugby nous paraissent plus nombreuses et donc plus intéressantes à étudier.

2. On remarque d’ailleurs que certaines disciplines sportives telles que les sports de jet, de tir, l’escrime, certains sports de combat… sont, par essence, militaires.