La chronique de Marcel Truffo – Le Stade Municipal
par Marcel Caumixe

  • 20 January 2012
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Peu de sports ont été autant théorisés que le rugby. Tous y vont de leur analyse vaine et prétentieuse : psychiatres, sociologues, épistémologues, au mieux pour faire leurs intéressants en soirée, au pire, pour justifier leur amour coupable pour les batifolages brutaux du dimanche après midi. A force de déclamer des grosses conneries d’un air docte pour épingler des médailles de respectabilité à ce qui reste un supplétif brutal pour adultes en mal de transgression, le théoricien arrive de temps en temps à éblouir un rédacteur influençable en recherche d’une caution universitaire et/ou d’un contenu décalé. Peut être même un jour, comme le disait un grand poête corse, on théorisera les théoristes. Mais je m’égare.

A la Boucherie, nous nous sommes donc entichés de Marcel Truffo, pédopsychiatre rugbyphile (et non pas, rugbypsychiatre pédophile), diplômé de l’université de médecine de Wikipédia qui exerce au comptoir de quelques bars du 11ème et dont le verbe lumineux ne manquera pas de nous éclairer sur les heures sombres que traverse notre sport. Car il faut bien l’avouer, en ce moment, ça ressemble plus à une aile de Sainte-Anne qu’à un championnat de rugby.

 

Le Stade Municipal

par Marcel Truffo

La psychanalyse moderne décrit l’évolution de l’enfant via différents stades : on connaît le stade oral, le stade anal, mais dans le monde du rugby, il convient d’ajouter le stade municipal, état aux comportements infantiles dans lequel beaucoup semblent être restés.

 

Délusion bâillonnée

Le premier comportement caractéristique du Stade Municipal est la délusion infantile. Prenez par exemple un entraîneur, ancien joueur, une poignée peu significative de sélections, devenu coach de ventre mou de l’élite. Il alterne le pas trop mal avec le franchement pas bon, et surtout se fait remercier un nombre de fois assez conséquent. Il garde contre toute évidence le sentiment d’être un sauveur, une sorte de super héros qu’on appelle à la rescousse, et ce, avec une sincérité désarmante, et des réactions poignantes face à l’échec. Mais il a tôt fait de retomber dans son monde imaginaire, à croire qu’il prend “remercier” au sens premier du terme, ou que le comportement d’autres l’y conforte…

 

 

Il est fou Afflelou

… D’autres qui sont visiblement conscients de leur état, puisqu’ils en font leur slogan. Au Stade Municipal, l’entrepreneur à qui tout réussit se heurte souvent à ses limites. Il vit une sorte de perte du sentiment infantile d’omnipotence. La situation est la suivante : puisque tout lui réussit, il se perçoit tout-puissant. Ce rapport biaisé à la réalité lui fait faire littéralement n’importe quoi. Traitant le club de rugby comme un jouet démesuré pour adulte, il multiplie les comportements puérils compulsifs et incohérents, recrute les joueurs comme on collectionne des Panini, mais se retrouve désemparé quand enfin son échec lui fait perdre ce sentiment. Il arrive cependant dans des cas extrèmes que ledit sentiment perdure et s’accompagne d’autres désordres plus graves.

 

 

Antisocial, tu perds ton sang froid

Au Stade Municipal en effet, ce sentiment d’omnipotence s’accompagne parfois d’un rejet des normes caractéristique d’un comportement antisocial, comme par exemple, critiquer ouvertement l’arbitrage dans des termes pour le moins injurieux lors d’une crise de colère. Ou d’un délire paranoïaque, comme par exemple se sentir persécuté par les instances dirigeantes et multiplier les attaques de manière irrationnelle. Le tout bien sûr par voie de presse car il faut bien assouvir la pulsion narcissique. Après la fin de la crise, le sujet passe ensuite par une phase où il rationalise ses comportements erratiques, et là il faut s’accrocher aux branches : tout était évidemment intentionnel et maîtrisé, et les apparents excès n’étaient qu’une rhétorique musclée de bon aloi dans la mesure où elle n’avait pour but que de faire bouger les choses dans le bien de tous.

 

 

Une belle brochette de malades

Tout article sur le rugby termine par “c’était mieux avant”, ce qui est la phrase de vieux par excellence. Vient ensuite le couplet larmoyant sur la perte des valeurs. Pour autant que ce type de conclusion soit rarement pertinent, on ne peut que regretter ces gamineries et leur multiplication alarmante. Car force est de constater que de nos jours, dans le rugby, les sales gosses ne sont plus uniquement sur le terrain.