Compte rendu de mon décès
par Pastigo

  • 19 May 2013
  • 57

Par Pastigo

Les cinéphiles venus en masse ne s'y sont pas trompés, cette 66ème édition du Festival de Cannes s'annonçait exceptionnelle, et c'est encore bouleversés par l'émotion que nous pouvons annoncer qu'elle a tenu promesse.
Bien évidemment la presse s'est massée autour de la tête d'affiche du moment, le dernier épisode de la mythique saga signée Vern Cotter. Des moyens jamais vus, un budget pharaonique et surtout une légende à faire vivre auprès de fans hystériques après un an de teasing sensationnel.
24 heures après la séance, j'en tremble encore. L'ASM maîtrise son art et a atteint un niveau de perfection absolu, jouant avec nos émotions, les cœurs chavirent et se perdent emportés par les courants d'une partition millimétrée.

« Poignant, magnifique, ça c'est du cinéma ! » 5 étoiles
Télérama

Nous avions laissé notre héros au sommet de sa gloire, après des années d'âpres batailles le laissant pour mort à de nombreuses reprises il était venu à bout des forces du mal, trônant au sommet d'un empire dont la crainte ne valait que le culte. Même Canal+ fut contraint à ne plus parler que de Toulouse, posant genou à terre et avouant que « moué, c'est vrai que Clermont c'est pas mal » entre deux reportages sur les albums du moment de Thierry Dusautoir.
A tel point que le public se demandait comment Vern Cotter allait pouvoir trouver une fin digne de l'intrigue de cette saison riche en fibres, c'était bien évidemment sans compter sur le génie du réalisateur qui s'est encore dépassé pour offrir cette pépite et remporter sans conteste cette Palme d'Or sur une jambe en bois.

« On en a pour son argent ! »
Capital.fr (qui a payé le pass à 500 boules mis en vente par le club)

Pour que l'immersion soit totale, merci de lire le résumé du film en ouvrant le lien ci-dessous dans votre navigateur (les Auvergnats qui n'ont pas de bateau peuvent participer) d'autant que la BO exceptionnelle a le bon goût de ne pas reprendre « jaune et bleu, ensemble. »

L'ascenceur émotionnel

Chaque étape du scénario participe pleinement à préparer une fin épique, et l'introduction n'est pas en reste. Les deux équipes s'entendent pour organiser une grande flashmob au profit de la lutte contre la tachycardie. Au terme des 40 premières minutes on ne compte déjà plus les personnes devant être évacuées suite à un malaise, quand un bon tiers des spectateurs encore conscients baignent dans leur urine.
Chaque action est une véritable torture émotionnelle savamment orchestrée représentant autant de paliers d'intensité, conclue par une faute ou un mauvais choix des deux côtés.
Imaginez un peu, vous n'avez pas encore digéré l'en-avant précédent que l'organisation clermontoise fait un mauvais choix offensif. Le public n'a pas le temps de souffler, les vagues d'émotions s'enchaînent toujours plus fortes, rappelant que ça aurait dû finir au fond tant de fois. Et dans le même temps Toulon fait de même, rappelant que ça aurait pu finir au fond aussi souvent.
On en prend plein les yeux, frappé un peu plus violemment toutes les 30 secondes, sans que jamais la situation ne se débloque. Les scénaristes ont pris le temps de nous installer dans une ambiance savamment calculée, nous laissant mariner dans un bouillon alcoolique nerveusement insupportable.

Symbole de la précision méthodique de nos généreux tortionnaires, la classique mais redoutable « à 3cm près » volée cette fois-ci à Fofana par James qu'il a su adapter avec un romantisme toujours nouveau.
40 minutes d'ambiançage, les moustaches tremblent et les ampoules éclatent dans leurs trépignants sabots. Je tente de faire abstraction de l'envie de pisser pour me concentrer sur les différentes façons de mettre fin à mes jours, me tailler les veines avec mes dents déjà tombées ne donnant rien.

« Je t'attribue la note de 8 pour ton animation de soirée. »
Marmiton.fr

La délivrance et l'état de Grâce.

C'est au retour des vestiaires que les scénaristes décident qu'il est grand temps de faire dégazer la Place de Jaude, les 40 000 supporters étant devenus parfaitement sphériques et flottant au gré des vents. Chacun éclate violemment dans un concert de papier-bulles en s'écrasant au sol dans la fange et la pisse quand l'ASM marque deux essais presque coup sur coup, par une énorme course sur l'aile de Nalaga tout d'abord puis via James plein centre, tous les deux magnifiquement servis par Rougerie.
Chaque détail est orchestré au poil du fion, Nalaga courant à quelques millimètres de la ligne de touche et le drapeau volant sur son passage rendent la chose intolérable jusqu'au dernier ralenti.
L'ASM a fait le break, et avec la manière. Ils dominent et écrasent leurs adversaires portés par la providence et Carmina Burana résonne dans les cœurs de tous ceux qui savent que ce n'est pas qu'une musique de pub (ce sera Fouchtri Fouchtra pour les autres).
Rien ne peut désormais arrêter l'ASM, si ce n'est l'ASM elle-même. Plutôt que de gérer leur fin de match comme de vulgaires Toulonnais menant 16 à 15 lors d'une finale européenne, ils prolongent la magie en relançant encore et encore.
Quels cons.

« Tro bien !»
OK Podium.

La chute

Le public passé par toutes les émotions possibles se sent enfin libéré, exulte et relâche la pression dans une gigantesque chaîne orgiaque.
C'est sans compter sur le talent des scénaristes décidemment exceptionnels. Ces années d'expérience en ont fait des monstres de maîtrise psychologique, et tout ceci n'était qu'un préambule.
Jamais ils n'auront mené l'ASM à perdre aussi bien. C'est beau putain, jamais un épisode de Plus Belle La Vie (même celui avec les extraterrestres) n'aura atteint un tel niveau de perfection.
L'ASM va donc commencer par se saborder, propre, efficace, ignorant les cris du peuple qui lui hurle de garder le ballon et de provoquer les fautes adverses.
Fofana voyant le temps filer, il perce seul là où se trouvent le plus de Toulonnais susceptibles d'organiser un contre assassin. Magnifique, ça marche, et comble de bonheur c'est ce connard d'Armitage qui marque dans un geste d'une remarquable élégance.
Comment imaginer fin plus parfaite ? En revenant à toute la série de paliers d'intensité de la première mi-temps bien évidemment. Une sorte de revival en pire, menés d'un point, avec le ballon pendant les dix dernières minutes. Je pourrais déjà chialer si mon système nerveux n'avait pas affiché un écran bleu depuis longtemps.

L'ASM va donc enchaîner les phases de jeu, récupérer des ballons irrecupérables pour finir par se faire sanctionner, s'approcher, s'approcher, s'approcher, reculer.
Faire le décalage et ouvrir un boulevard pour y coller un talonneur en lieu et place de l'ailier, faire l'en-avant qui va bien après 15 phases d'avancées bourrines, et enfin balancer la dernière passe sur la sirène en tribune pour voir exulter les Toulonnais. Eux-mêmes d'abord surpris de ne pas en avoir pris un sur ce coup, ils lèvent les bras, regardent l'arbitre pour savoir si tout ceci n'est pas contraire au règlement, et cette intrigue incroyable prend fin dans ce qui sera sans doute l'un des plus grands moments du cinéma des 10 prochaines années.

Incroyable. L'ASM m'avait déjà offert des films sensationnels, je pensais avoir touché le divin, mais à chaque fois l'équipe technique repousse encore les limites du possible pour nous en offrir toujours plus. A jamais merci pour tout cela, cette Palme d'Or est tellement méritée et nous prouve qu'avant d'être une industrie pneumatique, le cinéma c'est d'abord un cœur.

Et ce n'est pas fini ! En off Vern Cotter annonçait déjà à demi-mots avoir préparé une suite, dont la sortie serait plus qu'imminente. Comme à chaque fois le public pensera qu'on ne fera pas mieux, et comme à chaque fois l'ASM les mettra à la fois sur le cul et en dedans.

Pour se finir en beauté

Un magnifique coffret DVD Collector est déjà sorti, avec des bonus à la hauteur du chef d'oeuvre. Il suffit pour cela de se rendre sur la plupart des forums et sites de rugby (sauf le notre, mais c'est surtout parce qu'il n'y a personne) pour en profiter.
Avec des Toulonnais qui passent tellement de temps à écrire que leurs adversaires l'ont bien profond qu'ils n'ont même pas compris qu'ils étaient Champion d'Europe, et des Clermontois pour qui la victoire de Toulon ne vaut rien car ils ont été meilleurs. (Je suis meilleur donc j'ai gagné de -1 point, l'exception rugbystique).

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Je vous laisse découvrir et savourer ce merveilleux Coffret Prestige. Moi, je retourne en boule au fond du garage.

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