Géopolitique du Top 14, seconde partie
par La Boucherie

  • 18 November 2011
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Par Leblogdevern alias Vern Dublogue,

Aujourd’hui, Vern Dublogue, auteur de l’excellent blog parodique de Vern Cotter (dont nous avions fait partager un extrait ici) nous fait un cadeau beau et inattendu comme une passe de David Marty : un texte inédit, consacré à la géopolitque du Top 14. Si vous avez loupé la première partie, c’est par ici.


Reprenons donc :  que sont devenues les vieilles puissances traditionnelles ?

Le Royaume Uni, c’est le BO. Haïe mais respectée de tous, la Grande Bretagne reste un acteur incontournable et même si elle revêt toutes les apparences du déclin, elle parvient à maintenir son rang. De même pour le BO, ancien champion, coulé à chaque début de saison mais auteur de remontées épiques et de campagnes européennes qui lui permettent, au moment des tirages au sort de la HCUP, toujours selon les mots du général de Gaulle, “de réaliser le rêve de tous les Français, à savoir voyager en première classe avec un billet de seconde”…

Comme les Anglais, les Biarrots ont leur Churchill : Serge Blanco, qui, outre un amour de la bonne chère, partage avec Sir Winston le fait d’avoir présidé à la construction du monde contemporain, monde du rugby pour Blanco, cela s’entend. Toujours est-il qu’on ne sait pas très bien d’où le BO tire sa puissance. Mais il encore là et risque de torpiller la construction européenne pour de longues années encore.

Comme les Britanniques, les Basques forment un peuple étrange qu’une insularité, soit géographique, soit culturelle, a renforcé dans ses traditions. Comme les Britanniques, ils sont coupés en deux États et c’est donc le moment d’aborder le cas de l’Aviron Bayonnais. Entretenant une rivalité séculaire avec le BO, Bayonne, par ses turpitudes récentes et parce que le club a cédé aux sirènes du grand capital, est la transposition rugbystique de l’Eire. Sympas et n’ayant pas peur de boire, les Irlandais, comme les Bayonnais, malgré des ressources limitées, sont des hommes farouches et violents, durs au mal et capables de faire preuve de panache et de génie.

Et Clermont dans tout cela ? Clermont, c’est l’Allemagne. Un pouvoir économique et une puissance industrielle énormes, des exportations massives de joueurs (et une forte immigration aussi, de Turquie pour l’une des Fidji pour l’autre), mais deux entités, qui, paradoxalement, peinent à s’affirmer à l’échelle internationale. Il faut dire que l’Allemagne, comme l’ASM, traîne une histoire compliquée et il n’est pas facile d’exorciser un siècle de démons… En cent ans, l’Allemagne n’a jamais gagné une guerre (et c’est heureux) et l’ASM n’a jamais gagné une finale (ou presque, et c’est bien malheureux). Mais les deux restent des valeurs sûres, à l’image de la République Fédérale qui est un pays sain où tout est bien en ordre, où l’on excelle dans tous les domaines (l’ASM est d’ailleurs à la base un club omnisports). Les deux s’illustrent par leur rigueur financière et leur absence d’humour, car il n’est pas question d’être léger à propos des choses sérieuses, que sont l’argent et le rugby. Bref, ils énervent tout le monde, mais on est bien obligé les prendre en considération et surtout de respecter leur bilan exemplaire, surtout qu’en plus, on est bien forcé de reconnaître, que, sous des dehors un peu agricoles, ils sont plutôt sympas…

Un peu plus au sud, on retrouve l’USAP. Facile, me direz-vous ! L’USAP, c’est l’Espagne, le sang chaud, l’indépendance d’esprit, la fierté nationaliste. Il est vrai que l’USAP, comme l’Espagne, s’enorgueillit d’un glorieux passé, peuplé, entre autres, de l’invincible armada, qui leur permit il y a longtemps d’être maîtres du monde. Aujourd’hui, l’USAP et l’Espagne sont revenus au premier plan mais malgré une économie dynamique pour l’une et un centre de formation exceptionnel pour l’autre, la route est encore chaotique.

Il nous reste pour terminer quelques particularités géopolitiques : Le LOU est comparable au Japon : une puissance économique et financière indéniable, mais qui pèse relativement peu au plan politique, et qui subit la concurrence des géants riverains du Pacifique. Castres, c’est le Canada : encombré d’un voisin tel que les Etats-Unis, pas facile d’exister. Cependant, le CO y arrive, grâce à des ressources bien utilisées et une immigration choisie, mais reste limité démographiquement pour sortir de l’ombre du grand Toulouse. Brive, c’est un pays de riches qui vivent comme des pauvres. Le CAB hésite donc entre l’Argentine, l’Italie ou la Pologne. Ils furent grands à une époque, mais c’était il y a très longtemps, ou alors ça n’a pas duré. Autre super puissance maintenant reléguée dans le rang, Agen. Comment ne pas comparer le SUA à la Sublime Porte, autrefois à la tête du plus grand empire du monde connu, dont Albert Ferrasse était le Sultan. Toutefois, Agen, comme la Turquie, commence à s’affirmer et à emmerder les gros tout en restant dans la catégories des puissances médianes. Ils font tout deux parfaitement la liaison entre le haut et le bas du tableau et l’on ne sait pas encore très bien de quel côté il vont se maintenir… Il me reste enfin à évoquer le Mexique du rugby, à savoir l’UBB. Oui, le Mexique est au G20, et oui, l’UBB est un club du Top 14. On ne sait pas trop ce qu’ils font là ni qui les a invités, mais ils entendent bien clamer haut et fort leur existence et ouvrir leur gueule au sein de la communauté des nations. Ils pourraient aussi être la Hongrie, autrefois puissance dominante, aujourd’hui membre de l’UE, et, à ce titre invitée au G20, car ils restent fondamentalement un club de Pro D2.

Je ne pouvais toutefois pas clore cet article sans vous offrir un petit bonus en détaillant le cas de Bourgoin. Le CSBJ, c’est la Grèce. Ils ont donné à l’Ovalie les plus grands philosophes du rugby (Papé, Chabal…) mais sont désormais déchus économiquement et sportivement. On aimerait bien qu’ils reviennent, au regard de leur gloire passée, mais la réalité du professionnalisme est tout autre…

J’espère que ces quelques lignes vous auront aidés à mieux appréhender le Top 14 ou les relations internationales ou les deux. Quoi qu’il en soit, et c’est certainement à ça qu’on juge le niveau d’une civilisation, l’avantage avec le rugby, c’est que c’est tout de même plus drôle et moins effrayant de voir se titiller Max Guazzini et Jackie Lorenzetti que Richard Nixon et Leonid Brejnev…