RWC Blues
par Aguilera

  • 01 October 2011
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« Quand le ciel bas et lourd pèse comme un couvercle »

Quand il a composé ce vers, le cher Baudelaire pensait certainement à cette triste Coupe du Monde 2011. Déjà, organiser une Coupe du Monde dans un pays qui vient d’être à moitié ruiné par plusieurs tremblements de terre, fallait le faire. Pourquoi pas au Japon, tant qu’on y est. Comme si ça ne suffisait pas, il est malheureusement patent qu’une vague morose et délétère a déferlé sur le XV de France. Les Français traînent leur spleen depuis leur match contre le Japon, où ils ne menaient que de quatre points à la fin du match. Les joueurs se sont rendus à cette cruelle évidence : pour le moment, leur niveau est à peine supérieur à celui des petites équipes, vous savez, celles qui jouent tous les quatre jours et qui dorment dans des auberges de jeunesse. Remarquez, on s’en doutait bien un peu. Le problème, c’est que les joueurs n’étaient semble-t-il pas conscients de la chose, malgré leurs brillants résultats de ces derniers mois. Du coup, ils sont tristes et le font savoir.

Histoire d’enfoncer un peu plus le moral de l’équipe, Marco nous joue sa petite guéguerre perso contre les journalistes. Et bien sûr, la corporation saute joyeusement sur l’occasion pour l’enfoncer encore plus au nom des grands principes du rugby, de la liberté de la presse et de l’amour du sport réunis. Peu importe que l’un des gratte-papiers victimes de Marco lui pose à chaque conférence de presse la même question bien pourrie (qui devrait au moins lui valoir un prix Pulitzer pour sa démonstration de courage). Peu importe que Marco ait répondu comme je l’aurais fait moi-même, tout comme 55 millions de personnes dans la même situation. Sa réponse a sonné l’hallali. A son retour de France, Marco aura une plainte sur le dos pour délit d’atteinte à la liberté d’informer sur tout et n’importe quoi. Mais avant cette apothéose, la presse aura bien préparé le terrain. Sa seule lecture aura suffi à déprimer le supporter de base grimé en coq gaulois, qui a dépensé 5 000 € pour suivre ses champions en All Blackie (merci Ovale), privant sa famille de vacances pour les trois décennies à venir.

Le récit à longueur de pages de la faillite de Lièvremont et de ses boys décrit des joueurs en quasi-sédition (vingt-cinq en tout, écrit très précisément le Midol, qui a sûrement convoqué toute l’équipe en garde à vue pour obtenir des aveux sur la lamentable gestion de notre sélectionneur) et qui vont nous rejouer le sketch des footeux en Afrique du Sud (le spectre absolu). On nous dit que les entraîneurs sont au bord de la crise de nerf, que le manager serait sur le point de péter les plombs… Ah non pas lui, lui, ça va. Même Traille s’y met, c’est dire. Pensez donc, Marco aurait provoqué la colère du groupe en interdisant aux joueurs de voir femmes et enfants avant le match contre les All Blacks. Tu parles d’un truc. Eh les minots, si vous ne pouvez pas vous passer de vos femmes et de vos gniards pendant deux mois pour participer avec vos copains à une Coupe du Monde de rugby en Nouvelle-Zélande, fallait décliner la sélection. Ce ne sont pas des Peter Pan qu’on a envoyés au pays du long nuage, c’est une bande de monsieur Perrichon en voyage au Mont Blanc avec madame et fifille.

Bon, je vais m’arrêter là, car je vais me mettre en colère. J’ajouterai juste une petite réflexion : chez les Bouchers, on connaît mon penchant coupable pour l’Angleterre en général et les joueurs anglais en particulier, sauf un qui m’a bien déçue. Et bien, comparez les deux équipes. Le XV de la Rose n’est pas beaucoup plus flamboyant que nous sportivement parlant, et pourtant, ils restent dans l’esprit et dans la tradition. Certes, un spectacle de lancer de nains n’est pas de mon point de vue le summum du bon goût, surtout pour des British, mais c’est justement l’incongruité et la vulgarité de la chose (plus le spectacle du mari de la petite-fille de la Reine embrassant une blonde) qui me font penser que les Anglais, eux, sont dans le vrai, à savoir que les rugbymen doivent rester complètement barrés, quelques soient les circonstances. God Save the Queen.

Aguiléra