Pierre Villegueux analyse France – Japon
par Pierre Villegueux

  • 12 September 2011
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Samedi, c’était le grand jour. L’entrée en matière des Bleus dans la Coupe du Monde 2011. Pour l’occasion, je me suis donc levé à 7h pour la première fois depuis la fin de ma carrière journalistique – ce qui remonte donc à 1977. A cette époque là, mon ami Pierre Salvioque avait encore des neurones, c’est vous dire. Mais revenons au matin du 10 septembre 2011, un matin où personne n’imaginait voir la France perdre face au Japon. En allumant TF1 un peu avant le match, je suis tombé sur un épisode de Dora l’Exploratrice, vous savez cette petite peste qui a la même coiffure que Romain Teulet. Même elle n’arrêtait pas de crier « C’est gagné, c’est gagné ! ». L’heure était donc à l’optimisme le plus total.

Ce n’est pas le début de matchs des Bleus qui allait nous faire penser le contraire. Dès la 4ème minute, Maxime Médard échappe à la défense japonaise. Après un relais de Mas et de Lakafia, le Yach’ vendange l’essai mais Julien Pierre est là pour récupérer le ballon et conclure mochement un essai qui aurait pu avoir de la gueule. A la 11ème, Trinh-Duc intercepte à l’entrée des 22m et va planter un essai seul en contre. 14-0. On se dit qu’on est parti pour une bonne grosse branlée, mais finalement, non. Les japonais ne sont pas des punching bag, comme ils l’ont prouvé en Pacific Cup ou plus récemment en résistant aux italiens en match de préparation. Arlidge réussi même à réduire le score grâce à un essai vidéo gag et une passe au pied involontaire de Trinh-Duc – sûrement la première réussie de sa carrière internationale, bravo à lui. Mais derrière ça, les Bleus plantent un nouveau pion grâce à une belle inspiration d’Heymans qui passe les bras pour Rougerie. Le Rahan auvergnat n’a plus qu’à jouer un deux contre un pour envoyer Vincent Clerc derrière la ligne pour un essai 100% blondasse décolorée. On notera quand même que c’est le 26ème essai en 51 sélection de Jean Dridéal, donc un ratio pas dégueulasse. On notera aussi que sur plus de la moitié de ces essais il n’avait que 5m à parcourir avant de plonger dans l’en-but – mais être là au bon moment nécessite quand même un certain talent, ce n’est pas Yoann Huget qui nous contredira.

25 à 11 à la mi-temps, l’écart n’est pas énorme mais suffisant, d’autant plus qu’il n’y a besoin que d’un essai de plus pour décrocher le bonus. D’entrée de jeu, les Bleus vont d’ailleurs à sa recherche, mais les essais d’Harinordoquy puis Nallet sont refusés à la vidéo. C’est alors que le match – qui aurait du être plié – va basculer. C’est à nouveau Arlidge qui va à l’essai en ridiculisant Harinordoquy, Trinh-Duc et Heymans d’un coup. Une pénalité plus tard, et ça fait 25 à 21 pour les Bleus. Les japonais sont décomplexés et partent à l’attaque. On commence à flipper. Pour éviter la panique, Riri Fifi et Milou décident de faire le seul choix possible : faire entrer un joueur expérimenté, fiable, un stratège aux nerfs d’acier capable de ramener la confiance dans la maison Bleue. Vous avez tous reconnu le portrait craché de David Skrela. Hélas, David, à défaut de prendre le 26ème KO de sa carrière professionnelle (beau ratio là aussi) va se blesser à l’épaule au bout de 9 petites minutes. Damien Traille n’étant pas sur le banc (un fait demeurant aussi rare qu’une analyse pertinente d’Alain penaud) c’est Morgan Parra qui prend l’ouverture, un poste qu’il a occupé à quelques reprises lors de ses années berjalliennes, vous savez, à l’époque où il ne matait pas les spectatrices en tribunes avant de libérer un ballon. (car sachez le, le pauvre petit Morgan est célibataire et il le vit mal).

Et là, la magie va prendre : le clermontois, horripilant à la mêlée depuis des mois, va endosser le costume de patron. Déjà, il a la bonne idée de jouer un peu au pied (ça a beau être le Japon, on peut pas toujours relancer depuis les 22…) puis il va se montrer assez bon et juste dans l’animation offensive. Deux essais de Nallet et Papé (joli, celui-là) et c’est lui-même qui va conclure le score sur un essai d’ailier.

Alors oui, la France n’a pas mis une taule monumentale au Japon. Pas plus que les Blacks aux tonguiens ou les australiens aux italiens, au passage. Oui, à part à quelques rares moments, le jeu de l’Equipe de France fut pauvre. Et alors ? Ca y est, on va tous mourir, c’est ça ? Je suppose que vous attendiez une chronique incendiaire de ma part. Sauf qu’il ne s’agissait que d’un match d’entrée dans la compétition, contre une équipe faible (mais meilleure que votre club de Fédérale 338 ou même un ailier court moins vite que Julien Pierre) et qu’au final, la manière, on s’en branle un peu. On se rappellera que la dernière fois que la France est allée en finale de la Coupe du Monde, elle avait commencé par une purge contre le Canada. Un match piteux remporté 33 à 20… sans parler du dernier match de poule face aux Fidjis (28-19). L’Equipe de 2003, qui avait mis entre 40 et 50 pions aux fidjiens, écossais, géorgiens et même aux irlandais avait elle connu une cruelle désillusion en demi-finale contre les anglais. On sait bien que les français sont des latins, et donc qu’ils sont un peu cons : mieux vaut débuter par un match poussif pour éviter de prendre la grosse tête, donc.

Au dela de ça, on a vu dans cette équipe de France ce qui a fait sa force en 2010 : une bonne grosse conquête et une capacité intéressante à marquer sur des ballons de récupération. Dans une « Coupe du Monde du jeu » qui pour le moment n’est pas si spectaculaire que ça (et honnêtement, tant mieux, on est pas au rugby à 7) on a donc des raisons de penser qu’on peut faire un parcours honorable. De toutes façons, ce n’est pas maintenant qu’on va changer tout de fond en comble et se mettre à jouer merveilleusement bien comme par magie…

Heymans : Des gestes de grande classe sur les essais de Clerc et Papé, comme peu de joueurs de l’équipe de France savent en faire. Une défense un peu clownesque sur l’essai d’Arlidge et jeu au pied moyen par contre. Ca devrait suffire à laisser Damien Traille sur le banc où en tribunes. Espérons.

Médard : Pas forcément le joueur le plus en vue offensivement, il affiche quand même de belles stats (1 percée, 6 défenseurs battus, 3 passes après contact). Fait aussi un bon sauvetage au moment où les japonais étaient tout chauds. Bref confirme sa bonne forme.

Rougerie : Toujours un peu douteux en défense, il a confirmé qu’il était le seul second centre à peu près valable offensivement en France, puisqu’il offre deux essais à Clerc et Parra, ce que David Marty n’aurait probablement jamais réussi. Bon ok, Marty a aussi fait une passe sur l’essai de Papé et il a fait une entrée correcte malgré son alignement en tant que premier centre – rien que l’idée me donne des frissons d’angoisse.

Estebanez : S’est fait descendre dans la presse. A raison ? Bof. Il a paru plutôt affuté (une grosse percée, 53m parcourus au total) mais a négligé des surnombres à plusieurs reprises. Pas vraiment le meilleur moyen de se mettre en valeur avant le retour (?) de Mermoz… mais pas de quoi non plus affirmer de façon sentencieuse qu’il n’a « pas le niveau international » comme nos amis de l’Equipe (qui selon moi n’ont pas le niveau de Picsou Magazine mais c’est un autre débat).

Vincent Clerc : Marque son essai syndical. Défend bien. Jean Dridéal quoi.

Donald Duc : Le Tom Crouze de Montpellier a refait le même match que contre l’Italie en tombant dans la facilité. Fait une Skrela sur un renvoi et marque un énième essai sur interception. Remplacé par Skrela qui a peut être réalisé son chef d’oeuvre en EDF : 9 minutes, 2 en-avants, une blessure. On va finir par se demander si il ne connait pas des gens au comité de sélection…

Yachvili : Il avait montré son expérience et son autorité en matchs de préparation. Là, il n’a jamais pris le jeu à son compte et a clairement souffert de la comparaison avec Parra – qui ne jouait même pas à la mêlée. On reproche à Lapinou de toujours changer sa charnière, mais difficile de faire autrement avec des joueurs aussi versatiles…

Lakafia : Bon en touche et en défense, présent et assez incisif dans le jeu. Bien quoi. Ca a l’air d’être un gentil garçon, il pleure pendant l’hymne et tout, Roselyne Bachelot serait bien contente de voir ça.

Harinordoquy : N’a pas avancé une seule fois, rate un plaquage sur le second essai, généralement transparent à part ses prises de balles en touche. Peut être que le match était trop facile pour motiver le Gladianol… il faudrait donc penser à lui péter une cote où à l’obliger à jouer avec un bandeau sur les yeux contre le Canada (pour le bandeau, Estebanez pourra lui prêter le sien).

Dusautoir : On a l’impression qu’il a été mauvais et quand on regarde les stats, on trouve quand même 16 plaquages réussis, 0 ratés. 3 fautes aussi. Pour son influence comme capitaine, difficile d’en juger quand on est pas dans le vestiaire… mais ce n’est pas la première fois que les Bleus partent complètement en vrille sous son capitanat, alors on peut se poser la question.

Nallet : Depuis France – Pays de Galles, il continue de se prendre pour un ailier. Mais comme il fait toujours bien le job en seconde ligne, on lui en veut pas. Par contre, cette barbe de clodo, c’est en hommage à Chabal ou à Ovale Masqué ?

Pierre : J’aurais bien écrit qu’on ne l’a pas vu, comme d’habitude, mais il a quand même marqué un essai. Mais sinon… on ne l’a pas vu. Remplacé par Papé qui marque un essai trop beau pour lui et qu’il ne méritait pas de conclure. Salaud de rouquin.

Barcella a tenu bon en mêlée cette fois (bon ok, c’est contre les japonais) mais a été un peu maladroit dans le jeu. Remplacé par Poux, propre comme d’habtidude. Servat a réussi tous ses lancers sauf un et a réussi quelques charges… mais à ce niveau, il souffre un peu de la comparaison avec Szarzewski qui lui pète vraiment la forme. Mas bon comme d’hab aussi même si discret dans le jeu.

Prochain match face aux Canada. Maxime Mermoz devrait être de retour. Jamie Cudmore lui sera aligné en troisième ligne. Adieu Maxime, on t’aimait bien.

Pierre.