Le Rugby pour les très nuls qui n’y connaissent rien #4
par Jonny WillKillSoon

  • 08 July 2011
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En lisant la presse récemment, j’ai appris que Mr Boudjellal avait déclaré à propos de Mr Ariste (président de la FACEM), que celui-ci « avait plus le discours d’un évangéliste ou d’un Raëlien que d’un homme d’affaire ». Pour mon cas, mon psy avait été plus direct, il m’avait de suite traité d’imposteur. C’est honnête de sa part, c’est déjà ça. Selon lui je n’ai pas les qualités intellectuelles et professionnelles pour parler de Rugby sur un site de grande lecture. Bon d’accord je n’ai jamais touché un ballon ovale, je n’ai pas Canal + chez moi (trop cher), je ne connais pas vraiment les règles officielles de l’IRB (leur dossier pdf fait 196 pages… no comment), je suis interdit de stade pour “détention illicite d’objet pouvant mettre en péril la vie d’autrui” (oui j’avais une bouteille d’eau) et jusqu’au dernier Tournoi je pensais que Guilhem Guirado était un bon talonneur (bon là c’est ma faute j’avoue). Faut pas oublier qu’à l’origine je suis dans l’humanitaire. Je vends des perruches mortes aux petits aveugles de l’orphelinat, donc forcément le lien avec le Rugby n’est pas vraiment évident. Mais quand même de là à me traiter d’imposteur c’est fort ! Ce Monsieur n’a t-il jamais lu une seule chronique d’Alain Penaud ou de Pierre Salviac, les deux plus grands mystificateurs de France ? A-t-il une seule fois lu un article de L’Équipe parlant du Rugby ? Apparemment pas. Alors certes je me suis attaqué pour l’instant qu’à des règles de Bisounours niveau 1, mais aujourd’hui j’ai décidé de vous prouver ma vraie valeur (et la votre par la même occasion). Je vais vous enseigner des règles plus subtiles telles que les arts ancestraux de la touche et de la mêlée (les fondamentaux).

Chapitre 3 : La touche : chorégraphie libre ou imposée ?

La touche est un terme que tous les néophytes peuvent (doivent ?) comprendre puisqu’il s’utilise dans quasiment tous les sports collectifs. C’est lorsqu’une équipe sort le ballon hors des limites latérales du terrain, et que la remise en jeu revient à l’équipe adverse à l’endroit où la balle a été sortie. Mais évidemment au Rugby, comme on est bien plus intelligent que les footeux et autres sportifs taquinant la baballe arrondie, on a décidé de complexifier ce geste trop banal et de le transformer en une véritable chorégraphie artistique qui ferait rêver n’importe quelle petite fille comme Brian Joubert.

Il existe trois types de touche :

– la touche avec alignement complet
– la touche avec alignement raccourci
– la touche rapidement jouée à la main

Pour réaliser une touche avec alignement complet, il faut que tous les avants des deux équipes (enfin tout ceux qui ne sont pas sortis sur cartons ou sur civière) soient présents, plus le demi de mêlée pour leur gueuler dessus. Dans un souci de simplicité (Alléluia), c’est le talonneur qui effectue les lancés en touche et seulement lui. Face à lui, deux rangées de chevillards prêts à s’élever dans les airs pour cueillir l’ogive, l’objet métaphorique de tous les désirs éphémères. Enfin ça c’est la version écrite par Rimbaud, la réalité est heureusement plus proche de celle de Rambo. Les 2èmes lignes qui ont la chance de récupérer le ballon sont immédiatement molestés par les bouchers de l’équipe adverse, tandis que le destin qui attend ceux qui ont échoué dans leur quête est un abandon « lâche » à effet immédiat des piliers qui l’ont inutilement soulevé et qui s’accompagne généralement d’une chute parfois mortelle, mais le plus souvent ridicule.

Ensuite je ne sais pas si vous connaissez « Rugby 08 » (le jeu où Yannick Nyanga est surcoté car il est sur la pochette…. ou inversement) mais c’est très bien vulgarisé : il y a trois zones de saut : devant, au milieu et au fond; l’équipe qui a le lancé choisit une zone où le ballon va être envoyé et où son sauteur va s’élever. Si, de son côté, l’équipe adverse choisit d’envoyer son sauteur dans la même zone, elle a des chances de récupérer la gonfle (c’est-à-dire réaliser un contre). Bon ça n’a quasiment aucun rapport avec ce qui se passe dans la réalité (la touche est avant tout une question de timing et de précision) mais ça vous suffira pour suivre les commentaires avisés de Matthieu Lartot. De toute façon il n’y a pas de quoi s’enthousiasmer devant une touche, le mieux est de se taire et d’apprécier le spectacle : l’ogive du talonneur, les balais des piliers et en apothéose le « saut de la mort qui tue » du 2ème ou 3ème ligne.

Cependant, penser que la touche n’a pas d’importance serait une grave erreur. D’après Vern, « la touche sera LA rampe de lancement à ne pas négliger lors de la Coupe du Monde, et il faudra faire preuve de rigueur et de précision si l’on veut l’exploiter au mieux ». Apprenez cette phrase et n’hésitez pas à la ressortir lors des soirées mondaines. Votre popularité grimpera en flèche.

Pour la touche à alignement réduit c’est pareil. Mais pas tout à fait en fait. L’équipe qui a le lancé choisit le nombre de joueurs qu’elle souhaite mettre dans l’alignement, si il y en a moins de 7 on dit que l’alignement est réduit. L’équipe adverse est alors obligée d’aligner le même nombre de joueurs. C’est ainsi qu’on se retrouve avec une touche avec une seule zone de saut et un seul sauteur dans chaque équipe, autant vous dire que niveau suspens on a connu mieux. Dans ce cas précis, le timing est la clé de la réussite. « Mais pourquoi font-ils ça ? C’est cruel d’écarter du jeu ses petits camarades ! C’est encore une affaire de quotas ?». S’il vous plaît ne mélangez pas tout, les quotas on laisse ça au foot. En fait si une équipe est en difficulté sur ses lancés (si elle se fait contrer régulièrement par l’équipe adverse), elle peut choisir cette option pour « assurer » sa mise en jeu, mais en contrepartie le ballon est difficilement volleyable, le lancement de jeu perd en dynamisme et l’offensive est beaucoup moins efficace. Il y a surement d’autres raisons mais Victor Matfield n’a pas daigné me les confier…

De leur côté les Arrières, vexés de ne pouvoir participer à cette phase de jeu qui à l’air trop marrante, ont inventé la touche rapidement jouée à la main. Alors c’est très puérile de leur part mais ne pas pouvoir participer aux touches ET aux mêlées, ça ne leur a vraiment pas plu. Donc si le ballon sort des limites du terrain, qu’il ne touche aucun éléments extérieurs (panneaux publicitaires, supporters, arbitres, speakers ou Kevin Senio éternel remplaçant) et que la touche n’est pas encore marquée par l’arbitre, le joueur qui récupère le ballon (si toutefois c’est son équipe qui a le lancé) a le droit de jouer la touche rapidement avec un partenaire, un adversaire ou tout seul si c’est un arrière à tendance suicidaire.

Pour qu’une touche soit dans les règles, le lancé doit être droit (l’excuse du vent n’est acceptable qu’à domicile et en Pro D2), le ballon doit faire 5m, les joueurs ne doivent pas circuler entre les deux alignements afin d’éviter les collisions entre deux poids lourds, et les sauteurs ne doivent pas s’aguicher euh s’agripper en l’air. En revanche on a parfaitement le droit de baisser le short d’un pilier occupé à soulever son sauteur…c’est con et inutile je sais (un peu comme cette chronique) mais ça serait un passage assuré au Zapping et puis ça permettrait de lancer au passage une très belle générale.

Imaginez la générale du siècle avec 10 minutes de Freefight intense, 12 joueurs qui finissent aux urgences et 6 exclus à vie. La presse essaierait alors de comprendre comment un tel débordement a pu arriver. L’IRB chercherait à savoir ce qui a pu pousser ce jeune troisième ligne namibien a baisser le short d’Adam Jones à la 83ème minute d’un match perdu déjà depuis longtemps. Celui ci expliquerait entre deux GAV que cette sombre illumination lui était venu, un soir de pleine lune, alors qu’il venait de terminer de lire une série d’articles lui récapitulant les règles de son propre sport (dans mes rêves les plus fous, mon ouvrage est traduit en namibien) et que suite à ça, il avait compris que sa seule chance de laisser une trace indélébile dans l’histoire du Rugby était de tenter le geste désespéré du « baisser de short » si bien décrit dans le 3ème chapitre. Suite à ça, balancé par mon psy, ce collabo, je suis incarcéré pour diffamation, usurpation d’identité et abus de confiance (ça c’est pour mon action humanitaire). Et je finis ma vie en prison sans avoir pu voir la France remporter la Coupe du Monde 2011 grâce à un drop de…mmh…disons Estebanez à la dernière seconde d’une finale gâchée par la pluie.

Et oui les enfants c’est comme ça la vie, les imposteurs ont tout les torts. C’est la morale de cette belle histoire. Histoire qui m’a permis de rallonger suffisamment mon billet et me donner un délai supplémentaire pour mieux vous parler de la mêlée la prochaine fois. Décidément imposteur et menteur ! Tout se perd dans ce bas monde…

Johnny WillKillSoon