Jean Baptiste Elissalde, 1997-2010
par Ovale Masque

  • 21 July 2010
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A la Boucherie Ovalie, nous avons toujours été de grands fans de Jean-Baptiste Elissalde. Mais oui. La preuve, il possède une catégorie à son nom dans la cérémonie des Hâchoirs d’Or, dont la prochaine édition aura d’ailleurs lieue à la rentrée. Nous ne pouvions donc pas laisser JBE terminer sa carrière sans un ultime hommage.

« Les blessures ne m’ont pas épargné, J’en ai encore vécu une de plus à l’adducteur droit il y a trois semaines. C’est comme ça…. Rien n’est décidé…. Pour l’instant, je vais déjà profiter du titre et partir deux semaines avec les Barbarians britanniques pour mettre fin à une carrière qui a été au-dessus de mes espérances. »

Cette fois ci, Jean Baptiste Elissalde semble résigné. Oui, on parle bien de l’homme qui joua une finale de Top 14 avec les cotes brisées, de l’homme qui survécu à une rageuse tentative de décapitation de Napolioni Nalaga, ou même à une mise en  concurrence démentielle au Stade Toulousain avec Michalak, Delaigue, Skrela, Kelleher et autres Fillol… bon ok, pas Fillol. L’inoxydable Jean Baptiste Elissalde semble en avoir terminé avec le rugby. Pourtant revenu en grâce – et un peu  de nulle part, après plus d’un an d’absence – dans les petits papiers de Marc Lièvremont pour le Tournoi 2010, une vilaine blessure a empêché l’orgueilleux demi de mêlée de réussir son come-back triomphal. Pendant ce temps, Parra  s’installe, Michalak gagne l’estime du trio Lièvremont/N’Tamack/Retières… plus tard, Dupuy va revenir, Yachvili aussi. Même peut être Tillous-Bordes tiens.

C’est vrai que ce coup-ci, ça a l’air un peu mort: Elissalde semble avoir raté son train,. Puis prendre le train pour aller en Nouvelle Zélande, c’est de toute façon assez compliqué. Pourtant, on l’imaginait continuer malgré tout au Stade Toulousain, chez qui il restait sous contrat jusqu’en 2011. La blessure de Michalak et la fragilité chronique de Skrela auraient dû le pousser à jouer une fois de plus les pompiers en 9 et en 10, pour sa dernière saison. Mais trop  usé par  d’incessants pépins physiques, Jean Baptiste n’a pas voulu aller plus loin. Même pas pour jouer à la Rochelle, qui remonte en Top 14 ? Non. Toulouse lui propose mieux : devenir adjoint de Guy Novès et coaché les lignes arrières. Du coup, la carrière de JBE s’est terminée plus tôt que prévu, sans gloire (il n’a pas pu rentrer en jeu en finale de H-Cup) et sans les adieux qu’il méritait.

Et bien ces adieux, nous allons les lui offrir. Un joueur de ce calibre mérite une meilleure fin de piste. Plus dramatique… plus tragique même. De quoi le faire entrer au panthéon du rugby français. Nous avons décidé de tuer Jean Baptiste Elissalde, et de vous offrir sa nécrologie.

Nom :
Jean-Baptiste Elissalde

Date de naissance :
23/11/1977

Lieu de Naissance :
La Rochelle

Nationalité :
Français

Surnom :
JBE, le rat, le petit bonhomme en mousse.

Equipe actuelle :
La Rochelle, Stade Toulousain

Poste :

9 ou 10

Pièces détachées :
9 ou 10 (dépend de la blessure)

35sélections en Equipe de France.

Musique d’ambiance conseillée pour la lecture du portrait:
« Comme un légo », Alain Bashung.

 

Jean Baptiste Elissalde n’est plus. La France perd le meilleur de ses demi de mêlées, et Toulouse le moins pire de ses ouvreurs. Natif de la Rochelle, issu d’une dynastique rugbystique célèbre, la seule question qui pesait sur son avenir était celle du poste qu’il occuperait sur le terrain plus tard. Le débat se termina en même temps que sa croissance, trop tôt: il sera demi de mêlée comme son père. C’est d’ailleurs sous ses ordres qu’il débute, en 1997 à la Rochelle, en oubliant pas de faire de faire quelques piges en 10. Ca tombe bien, la polyvalence va devenir à la mode. C’est donc sans surprise qu’il tape dans l’oeil de Bernard Laporte, champion du monde de puzzle rugbystique, et fait  ses débuts internationaux en 2000 contre l’Ecosse. Il disparaît ensuite un moment, mais ce bref passage en Bleu aura suffi à attirer l’attention de Guy Novès, qui avait déjà le goût du détournement d’internationaux mineurs.

Arrivé en 2002 dans la Ville Rose, Jean-Baptiste doit lutter se faire une place au milieu des Delaigue, Fillol et Michalak. Ce qu’il ne tardera pas à faire. Des 10 géniaux et imprévisibles (ça c’est pour éviter de dire irréguliers et chiants) on en a déjà plein en France. Des petits généraux bien nerveux à la mêlée, idem. Mais Jean-Ba lui a un truc en plus: la vision du jeu. Terme plutôt obscur (au moins autant que « fond de jeu » et « troisième ligne de rupture ») il met en valeur la grande lucidité du Rochelais: un trou au détour d’un ruck ? Il s’engouffre et perce. Un ailier démarqué sur l’aile ? Il le sert d’une superbe transversale. Une belle fille dans les tribunes ? Il simule une blessure pour aller s’asseoir à cote d’elle.

 

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Ici, l’illustration de la parfaite vision du jeu de Jean Baptiste Elissalde : Oeil vif, prise de décision rapide, message envoyé à ses coéquipiers de façon quasi-télépathique.

Car sans posséder les abdominaux de Clément Poitrenaud ou les lèvres pulpeuses de Frédéric Michalak, celui qu’on surnomme de façon glamour « Le rat » reste un des joueurs les plus apprécié de la gent féminine. Peut- être est-ce cet air malicieux qui n’en touche pas une, cette dextérité qui lui permet de faire de spectaculaires chisteras depuis le bord de touche… peut-être aussi ses blagues à deux balles en conférences de presse. Un talent comique qu’il tient assurément de son père, dont le meilleur sketch restera son bref passage à la tête de l’équipe nationale du Japon.

Mais en s’imposant à Toulouse, JBE ne fait plus rire personne. Il remporte deux Heinken Cup et s’installe en EDF, dont il sera même capitaine à quelques reprises. En concurrence avec Yachvili et Mignoni, il prend part à la Coupe du Monde 2007 et s’impose comme titulaire et capitaine des lignes arrières. Une des images marquante de cette compétition restera le quart de finale contre les All Blacks où Elissalde récupère le ballon à la 80ème, et court comme un dératé vers la touche, avant d’envoyer le ballon dans les tribunes, scellant la victoire contre toute attente du XV de France.

Ca y est, vous pleurez en vous remémorant ce match ? Et ben ça va continuer. Malgré un premier Bouclier de Brennus gagné sur une jambe en 2007, et une dernière sélection dans un match sans queue, mais surtout sans tête contre les Pacific Highlanders, la carrière du King de la Rochelle (je suis à court de synonyme, alors j’invente…) va marquer le pas. Les blessures se multiplient. Au CHU de Toulouse, les infirmières l’appellent par son prénom et il apprend à  faire plus amplement connaissance avec un autre célèbre “fils de” éclopé, David Skrela.

 

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T’as raison Jean-Ba, garde ton t-shirt, faudrait pas que tu complexes tes potes.

Alors que l’on pensait tous qu’il se dirigeait lentement mais sûrement vers une fin de carrière difficile, Jean Baptiste ressuscita à nouveau: il mène Toulouse vers sa 4ème H-Cup: malgré un bras dans le plâtre, il joue les 80 minutes de  la finale face à Biarritz et signe le drop victorieux pour les rouges et noirs. Porté en triomphe place du Capitole, Rama Yade lui remet la légion d’honneur, en lui confiant à l’oreille qu’elle a toujours adoré regarder le handball. Rappelé pour la tournée d’Eté, il prend la place de titulaire et relègue Parra sur le banc, en pleine dépression après la défaite de l’ASM contre Perpignan en finale de Top 14. Meneur de jeu hors-pair, buteur précis, Jean Baptiste mène l’Equipe de France lors de ses deux victoires en Argentine et en Afrique du Sud. L’année suivante, il fait de même lors du Tournoi des 6 Nations, pour le deuxième Grand Chelem consécutif des Bleus. Malheureusement le destin s’en mêlera à nouveau: percuté par un 4×4 immatriculé 63 sur la route de l’aéroport de Toulouse-Blagnac, Jean Baptiste se blesse et doit déclarer forfait pour cause de décès, juste avant la Coupe du Monde 2011. Inconsolable, le demi de mêlée annonce dans la foulée, dans une conférence de presse depuis l’au-delà, sa retraite définitive. Guy Novès sera le premier à réagir sur cette triste disparation, lors d’une déchirante interview à Pompes Funèbres magazine :
« C’est un grand joueur qui s’en va. Malheureusement, ce sera le premier d’une longue série si le problème de ces doublons qui faussent le Top 14 persiste. »

Un bien bel hommage.

PS: Cet article est aussi paru en version écourtée dans le Monde du Rugby N°129 du mois de juillet. Bande de veinards
!