Il était une fois la belle histoire de Labit et de Travers
par La Boucherie

  • 08 May 2010
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Le binôme des deux Laurents, après avoir fait des serial loosers de Montauban une équipe redoutable et européenne, font cette saison flamber un Castres Olympique enfin retrouvé. Petit hommage au nouveau couple vedette et glamour du rugby français…

Labit_Travers_montrentlechemin

Té, je crois bien que c’est celui-là Maquintire!

Mais non, putaing! Je te dis que c’est celui-là, avec sa face de kiwi et son tatouage de guerrier monoï.

Le jeune Laurent comprit très tôt qu’avec un tel patronyme, il devait utiliser au mieux ce dont la nature l’avait pourvu pour réussir dans la vie. C’est ainsi que son pied hors du commun lui permit de faire carrière dans le rugby, le brinquebalant de l’ouverture à l’arrière en passant par des clubs plein d’avenir comme Béziers, Bègles ou Colomiers. Un vrai visionnaire… Mais c’est avec Castres que son côté goldmember lui permit d’atteindre la consécration en battant le record de points (303) en championnat de France lors de la saison 1992-93 qui vue le CO ramener le bout de bois.

Laurent quand à lui avait la fibre poétique, et après avoir reçu une éducation droite et rigide à coup de confit de canard et pommes sarladaises, il prit le chemin de la grande ville. Il y resta toute sa carrière et devint fort logiquement talonneur en chef des brivistes à une époque où, heureusement pour lui, le rugby était encore plus cassoulet que professionnel. Il y remporta la coupe de la bière hollandaise en 1997, au nez et à la barbe de packs anglais qui pourtant eux aussi ne manquaient pas de vice et de travers.

Suite à cette carrière rectiligne de joueur fidèle au pays des truffes, et après avoir fait ses armes d’entraineur au pays et à l’époque des volcans qui s’éveillent, l’ami Toto débarque en 2004 dans la cuvette de Sapio(n)c(e). (oui, c’est tiré par les cheveux…) Il y rencontre Lolo. C’est le coup de foudre.

Puis ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants… The End

Non je déconne. En fait c’est un peu plus compliqué et un peu moins romantique. Mais tout aussi magique. Ayant repris en main une US Montauban moribonde ayant quittée l’élite du rugby français ils vont consciencieusement détruire l’image de looser du club, et ce au grand dam d’un président qui fait son possible pour plomber les comptes année après année. Ils obtiennent un titre de champion de proD2 lors de leur deuxième saison, et ce au terme d’un superbe parcours avec un record de points toujours inégalé aujourd’hui. Ensuite ils finissent 7e du top 14 en 2006-2007, dès leur première saison au plus niveau. Rebelotte l’année suivante, mais cette fois pas de bol la 7e place est qualificative pour la H cup où ils doivent se coltiner le Munster, Sale et Clermont. Peu importe, le mal est déjà fait: le jeu montalbanais force le respect de l’ovalie hexagonale… Mais quel est leur secret?

Tout d’abord ils savent révéler ou hisser au plus haut niveau des joueurs jusqu’alors considérés comme quelconques: Matthias Rolland, Yannick Caballero ou Ibrahim Diarra entre autres. Ensuite ils démontrent des qualités de négociation sans faille et sans pitié sur le marché des transferts, en réussissant notamment à refiler Sébastien Fauqué à un certain Mourad Boudjellal. Mais leur vraie marque de fabrique c’est la relation privilégiée qu’ils arrivent à créer avec leurs joueurs. Labit l’ancien castrais a su décomplexer les trois-quarts pour leur montrer comment prendre les trous des défenses adverses, à coups de pénétrations audacieuses dans l’axe. Fétichiste du jeu au pied il a aussi pu enseigner avec tact l’art de surprendre l’adversaire par derrière. Travers a lui fait prendre conscience aux avants qu’il faut parfois aller droit au but pour mieux enfoncer l’adversaire.

Mais la technique et l’affectif ne peuvent pas tout et l’argent reste le nerf de la guerre. Et ce sont peut-être les prémices (1) des problèmes financiers actuels de ce club qui ont poussé nos deux tourtereaux à aller vivre leur belle idylle dans un pays où l’herbe est plus verte. Et ce pays merveilleux porte le nom de Pierre Antoine (difficile de faire plus sexy, vous en conviendrez). Cependant quitter Montauban où ils avaient construits un groupe cohérent, talentueux et performants pour un club qui n’en finissait pas de décevoir saison après saison (2) été un pari risqué. D’autant plus que l’emblématique capitaine Nallet, jusque là fidèle au club tarnais, partait vers d’autres challenges (et certainement d’autres émoluements, couplés à un stage de relookage gratis avec Chabal et Steyn). Mais nos deux compères voulaient certainement avoir les moyens de leurs ambitions. Et des bourses bien remplies le mécène castrais Pierre Fabre en a bel et bien. Celui-ci n’a donc pas hesité à faire de l’œil au nouveau couple star du rugby hexagonal. Et si des joueurs clef comme Caballero, Diarra, Rolland et Audrin quittent eux aussi Montauban pour Castres lors de la même intersaison, on peut se dire que le gang des Lolos n’est pas tout blanc dans cette affaire.

Leur complémentarité associée à un état d’esprit nouveau pour les joueurs est sans aucun doute la source de la réussite castraise cette saison. Comme quoi l’amour d’un entraîneur ça vous change un homme. Surtout si il est néozélandais : Cameron McIntyre, apres avoir touché les fonds abyssaux tel le Titanic, a retrouvé ses jambes et son rugby. Chris Masoe de son côté a oublié son traumatisme chabalesque et est redevenu le terminator des défenses adverses (7 essais cette saison). Luc Ducalcon (qui n’est pas néozélandais, ndlr) s’est lui imposé un régime sévère et a ainsi arrêté le couscous royal et les baklavas tard, le soir avant d’aller au lit. Rajoutez à cela les renforts montalbanais et celui de l’éxilé de la rade, Andreu, qui avait eu l’impudence d’être un français de niveau international dans un club dirigé par Mourad Boudjellal. Devant l’éclosion de ces nouveaux aliens du rugby français, notre sélectionneur national lui-même a décidé «d’aller faire son marché à Castres» (3), mais également d’aller prendre quelques idées sur les méthodes castraises. À la suite de sa folle virée tarnaise notre lapinou, plus mystérieux et ambigu que jamais, a en effet déclaré, et alors qu’il sortait des vestiaires suivi de près par Laurent Labit « ce séjour a été très instructif pour moi » avant d’ajouter « bla bla bla […] voir plus si affinité » (3)  Éloquent !

Les joueurs eux aussi abondent dans ce sens. Laissons donc le mot de la fin à des arrières comblés par leur nouvel entraîneur: « Il nous a redonné envie et plaisir, pour nous c’est tout ce qui compte. » (4)

Desman

 

(1) L’an dernier déjà le président montalbanais avait dû faire des pieds et des mains en fin de saison pour combler un trou conséquent dans le budget et éviter ainsi une relégation administrative. Manifestement la leçon n’a pas été retenue…

(2) Le Castres Olympique, régulierement dans le top 6 des budgets du top 14 et comptant nombre d’internationaux dans ces rangs n’a pourtant terminé que 11e, 5e et 12e ces trois dernières saisons.

(3) la Dépêche du midi, 31 mars 2010

(4) Rugbyrama, 14 avril 2010