VI Nations 2014 : Présentation du XV de France
par Ovale Masque

  • 30 January 2014
  • 22

 

Avant-propos : Ce texte a été rédigé par notre bien-aimé leader Ovale Masqué il y a de cela quelques mois, et était censé paraître dans “Boucherie Ovalie : Le livre”, un ouvrage à haute teneur intellectuelle dont la sortie était prévue pour la période des fêtes. Malheureusement, un complot sans doute savamment orchestré par le petit monde consanguin de l’Ovalie a fait capoter ce noble et ambitieux projet. Après des semaines passées à boire pour oublier, nous avons retrouvé ce brouillon, tâché de gras, de bière et de foutre, et nous avons finalement décidé de vous l’offrir en exclusivité dans une version actualisée pour le Tournoi des VI Nations 2014.

 

Le XV de France

 

Devise : « Jamais sans mon Dim »

 

La France, vue par les Français :

La France est le plus grand pays du Monde. La richesse de son Histoire et de sa Culture est absolument inégalable. Les Lumières, les droits de l’Homme, le fromage, la marinière Armor Lux ou encore le célèbre compositeur David Guetta, sont tout autant de joyaux qui assurent le rayonnement de la France à l’étranger.

Sportivement, la puissance de la France n’a d’égale que sa modestie : souvent auteurs des performances sportives les plus incroyables de tous les temps, les Français préfèrent généralement laisser les trophées aux médiocres et aux laborieux – à l’image de l’Angleterre – ce qui les honore. En matière de rugby, cela se vérifie à chaque coupe du Monde : la France réalise toujours le meilleur match du Tournoi en ¼ ou en ½ finale, puis échoue à un ou deux matchs de la fin – souvent contre l’Angleterre – préférant la gloire du perdant magnifique à la triste jouissance de l’équipe qui l’emporte à l’issue d’une finale soporifique sur le score de 12 à 9.

Nous n’évoquerons pas ici le cas de l’équipe de handball qui fait tant honte à la France, ni celle de basketball qui, sous l’influence de joueurs évoluant en NBA, semble également avoir renié sa culture profonde. Quelle tristesse.

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La France, vue par les étrangers :

Arrogant, sale, malpoli, tricheur, nul en langues étrangères, violent, gros queutard responsable de la moitié des adultères commis à travers monde, incapable de gagner une guerre (ou une coupe du Monde) tout seul, le Français n’a pas vraiment une bonne image à l’étranger. Tout au plus, on lui reconnait son goût pour la cuisine et la mode. En bref, le Français n’est rien de plus qu’un Italien qui gagne des matchs de temps en temps.

Les Français demeurent malgré tout très respectés et très redoutés par les autres nations de l’Ovalie. Pourquoi ? Car ils sont capables, à tout moment, de défier toutes les lois de la logique et de devenir absolument invincibles le temps d’un match. Mais juste un match, pas plus. Les plus grands experts du rugby ont tenté de théoriser le fameux phénomène du « french flair » (voir encadré plus bas) mais les conclusions restent pour le moment insuffisantes.

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 Le Français vu par le reste du monde. Etrangement, il nous fait un peu penser à Imanol. 

 

Le staff :

Ancien ailier et capitaine du XV de France (69 sélections, 32 essais), Philippe Saint-André a réussi avec brio sa reconversion au poste d’entraîneur. PSA transforme tout ce qu’il touche en or et fait entrer toutes les équipes qu’il entraîne dans une nouvelle dimension. Après avoir fait ses armes à Gloucester puis à Bourgoin, où il obtient de bons résultats, c’est avec les Sale Sharks qu’il va connaître ses plus beaux jours. A la tête du club le moins sexy du monde, il remporte le Challenge Européen dès sa première saison, et le championnat d’Angleterre l’année suivante.

En 2009, il rejoint Toulon, qui à l’époque peine encore à s’imposer dans l’élite après être remonté de deuxième division. Là encore, il dispute une demi-finale et qualifie le club pour la H Cup dès sa première saison. Un CV international, un palmarès pas dégueu, une aura d’ancien joueur et capitaine du XV de France, celui qu’on surnomme Ouin-Ouin (pour sa voix qui nous rappelle celle des meilleurs chanteurs de variété-nouvelle-vague dépressifs) a assurément de quoi rêver à un destin national. En tout cas, il a plus le profil que – au hasard – l’entraîneur de l’US Dax.

C’est donc assez logiquement (mais sans doute un peu tardivement à son goût) qu’il prend la tête du XV de France après la coupe du Monde 2011. Pour remplir sa mission – rapporter ce putain de trophée Webb Ellis en France – il décide de s’entourer pour les avants de Yannick Bru, l’homme qui avait redonné de sa superbe au pack du Stade Toulousain en devenant l’adjoint de Guy Novès en 2007. Puis pour les arrières, il choisit Patrice Lagisquet, jusque-là responsable (dans tous les sens du terme) de l’attaque au Biarritz Olympique.

Voilà donc une équipe d’experts qui compile 6 titres nationaux et 2 européens. Mais un bon casting ne fait pas forcément un bon film, et ce trio affiche pour l’instant les résultats les plus dégueulasses vus depuis bien longtemps avec le XV de France. Mais après tout, enchaîner les défaites pendant 4 ans n’est-il pas le meilleur moyen de s’assurer de gagner la prochaine coupe du Monde ?

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 Ouin-Ouin et son capitaine Thierry Dusautoir à un banquet organisé par la FFR. 

 

La star : Wesley Fofana

D’un point de vue strictement français, Wesley Fofana est une anomalie. Un joueur comme on en voit tous les 10 ou 15 ans. Un mec au dessus, qui aurait probablement mérité d’être Néo-Zélandais et de jouer avec les All Blacks. Sauf qu’il a un karma de merde. Ou bien qu’il paye les mauvaises actions de ses vies antérieures en étant condamné à jouer pour Clermont et le XV de France. On peut aussi le voir comme un cadeau des Dieux, une juste récompense après avoir enduré pendant des années Richard Dourthe, Brian Liebenberg, Damien Traille, David Marty et Fabrice Estebanez. Wesley Fofana c’est le Daft Punk du rugby : le seul truc dont on puisse être fier et qui arrive un peu à impressionner en dehors de nos frontières.

Le problème de Wesley, c’est qu’il sait bien qu’il n’est pas vraiment à sa place parmi nous. Il se lève chaque matin en espérant qu’une lumière venue du ciel l’emporte tout là-haut, où il rejoindrait ceux à qui il appartient, des extraterrestres capables de marquer des essais de 100 mètres en raffutant 15 joueurs à la suite. Mais ça n’arrive jamais. Jouer avec des nuls, c’est son fardeau. Il est jeune, du coup, il a encore du mal à accepter son destin. Ainsi il arrive souvent que lorsqu’il a la possibilité de jouer un 2 contre 1, il privilégie l’option individuelle. En même temps mettez vous à sa place : imaginez que Yoann Huget, le visage rougi par l’effort et toutes bouclettes au vent, vous fasse des grands gestes en vous demandant de lui passer le ballon pour aller marquer un essai. Vous lui feriez confiance, vous ? Donner le ballon à Yoann Huget c’est un peu comme engager Clément Poitrenaud comme baby-sitter, vous savez bien qu’il y a une chance sur deux pour qu’il fasse tomber votre mioche par terre à la première occasion.

En attendant d’avoir des coéquipiers dignes de sa grandeur, Wesley Fofana continuera donc probablement d’être un fieffé individualiste, de la race de ceux qui vous font hurler « MAIS PUTAIN FAIS LA PASSE ESPÈCE D’ENCULÉ » devant votre écran. Mais qu’importe puisqu’on finit toujours par lui pardonner quand il humilie un Anglais et marque l’essai.

 

Le joueur à suivre : Wesley Fofana

Mais cela semble particulièrement difficile pour ses coéquipiers, rarement présents au soutien quand il réussit une percée.

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 Wesley Fofana s’applaudissant lui-même après un essai. 

 

Les autres joueurs à suivre : Jules Plisson, Antoine Burban, Rabah Slimani

Votre formation est nulle ? Faites faillite ! Ainsi, vous ne pourrez plus recruter à l’étranger et serez forcés de privilégier vos jeunes talents. Néanmoins, assurez-vous qu’un riche fils à papa soit en mesure de boucher les trous dans vos comptes avant que vous ne descendiez en Fédérale, sinon ça ne sert à rien. Ces trois joueurs du Stade Français incarnent en tout cas l’excellence de la formation !

—  Antoine Burban, on le connait depuis longtemps. Mais sa progression à la Benjamin Fall (je fais deux bons matchs / je perds une jambe) l’a pour l’instant tenu loin du XV de France, malgré une pré-sélection en 2009. Sera-ce son heure ? Son style de jeu bûcheron, sa capacité à coller des cartouches et sa calvitie qui fait peur aux enfants font de lui un joueur potentiellement spectaculaire et enthousiasmant, comme on en a plus vu depuis un moment. Reste à voir s’il a sa place au niveau international.

— Cela n’aura échappé à personne que Nicolas Mas a cru qu’il avait signé au Japon en s’engageant à Montpellier. L’ancien capitaine de l’Usap joue un match sur trois et ses performances sont la plupart du temps anonymes. S’il est sans doute encore capable de hausser son niveau de jeu en Bleu, l’avenir appartient probablement à Rabah Slimani, auteur de très beaux matchs avec le Stade Français depuis le début de la saison. Il lui faut maintenant confirmer au plus haut niveau. On se félicitera au passage de l’absence de Sofiane Guitoune, car c’est bien connu que ces gens-là, quand il y en a un ça va, mais quand il y en a plusieurs ça pose des problèmes (big up à Brice, fervent supporter de l’ASM).

— En France, nous avons depuis toujours le complexe du “Grand 10”, ou “Grandisse” pour les intimes. A force de mater Wilkinson tous les week-ends avec Toulon, on en vient à rêver d’un beau blond au visage doux et au pied ferme, capable d’imprimer le jeu de son équipe au pied comme à la main, avant de se transformer en tueur à gages face aux perches dans les moments chauds. Comme Frédéric Michalak, François Trinh-Duc, Lionel Beauxis, Jules Plisson n’est pour l’instant qu’un fantasme de Grandisse qui, s’il se plante, se fera sûrement insulter sur tous les forums de France comme l’ont été ses prédécesseurs. Il est même également probable que s’il se contente juste d’être bon sans plus, il se fasse insulter quand même, comme Rémi Talès cet automne. Voilà donc un garçon condamné à l’excellence avant même sa première sélection. Bon courage.

 

Le plan de jeu :

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 Cliquez sur l’image pour l’agrandir. 

(Merci à Marcel Caumixe pour la réalisation graphique de haut vol)

 

Le Boucher : Pascal Papé

Il fut un temps où le pack d’avants du XV de France semblait tout droit sorti d’un film d’horreur de série B : Frankenstein en seconde ligne (pour distribuer des coups de boule), Jason au poste de flanker (pour décapiter tout ce qui bouge à coups de ma(n)chettes), Freddy au talon (pour son coup de fourchette)… Bêtes, moches et violents, les Bleus terrorisaient toute l’Europe, à tel point qu’ils ont même réussi à se faire exclure du Tournoi des V Nations en 1931. Malgré une réintégration 8 ans plus tard, la mauvaise réputation des Bleus a longtemps persisté. Souvent à raison, il faut bien le dire. Puis Bernard Laporte, une main de fer dans un gant de fer, a pris la tête du XV de France au début des années 2000. Dès lors, il a matraqué son mantra, devenu célèbre depuis : « PAS DE FAUTES, PAS DE FAUTES, PAS DE FAUTES ! ». Une initiative salvatrice, même si l’on découvrira assez vite que l’essentiel de son plan de jeu était résumé dans ces trois mots. Le XV de France actuel, aseptisé, comporte donc assez peu de mauvais garçons, et ce n’est pas un hasard si un joueur comme Julien Bardy a préféré opter pour la nationalité portugaise pour pouvoir exercer ses talents lors des rencontres au sommet contre la Géorgie.

Au milieu de ce XV des labradors formidablement incarné par les charismatiques Thierry Dusautoir, Dimitri Szarzewski ou Vincent Clerc, subsiste une anomalie, un joueur perdu dans l’espace temps : Pascal Papé. Avant d’entrer sur le terrain, Pascal Papé dépose son cerveau au vestiaire (les mauvaises langues diront qu’il l’oublie aussi en ressortant). Pénible dans les rucks (expression polie pour dire qu’il est tout le temps hors-jeu), jamais le dernier pour déclencher une bonne vieille générale, Papé a longtemps été la cible des arbitres et des commissions de discipline. Dans la foulée de son excellente Coupe du Monde 2011, le joueur du Stade Français a néanmoins acquis un nouveau statut et une nouvelle aura, ainsi qu’un statut parfaitement improbable de capitaine. Ce qui lui a permis d’augmenter son niveau et d’acquérir, un peu comme dans un jeu de rôle, le Graal du joueur de rugby moderne : la cape d’invisibilité. Ce qui veut dire qu’il est toujours aussi con qu’avant, mais que maintenant, il n’est pratiquement jamais sanctionné. Le joueur dont toutes les équipes rêvent, donc.

Pascal Papé lorsqu’une générale éclate. 

 

L’absent : Thierry Dusautoir

Blessé au biceps, le capitaine emblématique du XV de France va rater son premier Tournoi des VI Nations depuis 2007. Ca tombe bien, 2007, c’est aussi la date de ses dernières vacances. Sur-utilisé par les Bleus et par le Stade Toulousain, Thierry Dusautoir est devenu un homme surmené qui, ces derniers temps, n’arrivait plus à faire la distinction entre sa vie privée et sa vie professionnelle. Lorsqu’il rentrait chez lui après l’entraînement, son premier réflexe était de violemment plaquer sa femme et son chien au sol. Il dormait avec son casque et son protège-dents. Il creusait des trous dans son jardin pour y gratter des ballons imaginaires. Il faisait des cauchemars la nuit où il voyait encore et encore Richie McCaw soulever le trophée Webb Ellis. Gageons que cette petite coupure de 4 mois devrait lui faire du bien, et lui permettre d’apprécier à nouveau les petits plaisirs de la vie, comme avoir une conversation amicale avec un homme sans chercher à broyer tous les os de son corps. Le XV de France, lui, se passe d’un leader et d’un défenseur d’exception. Espérons que Bernard le Roux, Antoine Burban ou Wenceslas Lauret (en cas de rappel en cours de Tournoi) sauront faire oublier son absence.

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Le pronostic pour le Tournoi :

Après une année 2013 désastreuse, Philippe Saint-André est au « tournant de son mandat », comme dirait son grand pote Fabien Galthié. Le XV de France ne peut plus se contenter de défaites honorables comme lors de la précédente tournée d’automne : cette fois, il faut gagner ! Et toutes les conditions sont réunies : le calendrier est favorable avec trois réceptions, dont celle de l’Italie, notre bête noire, et de l’Angleterre, notre autre bête noire. Au final, il nous suffirait donc gagner chez les Gallois, notre 3ème bête noire, pour réussir le Grand Chelem ! Les astres nous sont d’autant plus favorables que nous gagnons toujours les Tournois qui suivent les tournées des Lions Britanniques et Irlandais (préparez-vous à beaucoup entendre cette statistique dans les jours qui viennent).

C’est donc assez logiquement que les Bleus sortiront les deux matchs de leurs vies contre l’Angleterre et le Pays de Galles, avant de perdre lamentablement face à l’Irlande lors la dernière journée. Comme un symbole des maux du rugby français, c’est un joueur qui a extrêmement progressé depuis son arrivée dans le Top 14, Jonathan Sexton, qui sera le bourreau des Français avec un essai et un drop inscrit dans les derniers instants du match.

La Ouin-Ouin’s army remportera malgré tout le Tournoi à la différence de points, mais ce succès restera amer, d’autant plus qu’il devra être fêté sur le plateau de Stade 2. Excédé, Pascal Papé ne pourra alors pas s’empêcher de se saisir de Mathieu Lartot comme d’un gourdin pour assommer Lionel Chamouleau. Pendant ce temps, Céline Géraud s’enfuira secrètement avec Mike Phillips, qui l’avait draguée sur Twitter avant l’émission.

Suite à ce triste épilogue, c’est l’affaire Rory Kockott qui accaparera toute l’attention des médias, puisque le demi de mêlée de mêlée hésitera longuement à se décider entre la sélection française et sud-africaine, avant de finalement décider de signer au Japon parce que ça paye mieux.