Les rugbymen et la pub
par Le Stagiaire

  • 24 September 2012
  • 38

Par Le Stagiaire

La publicité et les Valeurs du Rugby® sont-elles compatibles ? D’un côté, le monde impitoyable de la pub, symbole du capitalisme, qui nous manipule pour mieux nous vendre des Croustibat et du Coca, et de l’autre, nos belles et grosses valeurs, empreintes d’innocence, de pureté et d’engagement désintéressé.

Les joueurs, dont la notoriété ne fait qu’augmenter avec la hausse de la médiatisation du rugby sont de plus en plus sollicités par les marques pour vendre des shampooings, des slips ou du jambon. Et, Valeurs du Rugby® ou non, peu nombreux sont ceux qui cracheraient sur une petite rallonge à la fin du mois. Seul problème, si la quantité des sollicitations augmente, la qualité ne suit pas toujours. C’est ainsi que, lorsque les pousse-cailloux enchaînent les publicités grandioses et époustouflantes pour les grands équipementiers sportifs, les rugbymen doivent souvent se contenter de marques moins glamour, plus « grand-public », plus traditionnelles, plus régionales bref… plus Valeurs du Rugby® quoi.

Dans la pub et dans un formidable élan de motivation, je me propose donc de revoir et analyser avec vous quelques-unes des meilleures apparitions télévisuelles sponsorisées des acteurs (au sens figuré seulement vous allez vous en rendre compte) du monde du rugby.

Christophe Dominici pour Head & Shoulders


On commence avec l’affaire Dominici. Joueur phare des années 2000, il est l’un des premiers à avoir fait des spots télé. Cette pub pour Head&Shoulders date de 2007, un peu avant la Coupe du Monde en France donc (période où évidemment les joueurs ont été particulièrement sollicités). L’ex jeune pop’ du Stade Français se livre ici à un témoignage intime sur ses secrets capillaires. Assis tranquillement sur son canapé Ikéa, il confie aux téléspectateurs à quel point c’est angoissant de rentrer sur un terrain de rugby et donc, à quel point c’est dramatique pour ses cheveux (le lien est évident non ?). Afin d’intensifier la force du témoignage, le publicitaire a l’idée de reconstituer la scène en parallèle. On voit donc Dominici à des moments clés et symboliques d’un match de rugby (dans les couloirs du vestiaire et derrière la ligne d’en-but).

Globalement, cette pub est complètement foirée et n’a absolument aucune crédibilité. Premièrement, je vous rappelle qu’on est en 2007, donc voir Christophe Dominici marquer un essai est déjà complètement surréaliste. En plus de ça, pour des raisons juridiques, il est obligé d’apparaître dans un maillot « uni » sans sponsor ni même logo de club. Idem pour les crampons, qui ont dû être fabriqués spécialement pour l’occasion puisque même ceux à 15 euros chez Décathlon sont plus beaux que les siens. On suppose donc, en essayant de jouer un peu le jeu, que c’est un match d’entraînement. Problème, dans la scène du couloir, on entend la foule gronder d’impatience en attendant les joueurs. Christophe Dominici est alors joueur au Stade Français. Vous voyez l’ambiance de Charlety pour un match officiel ? Bon bah maintenant imaginez l’ambiance pour un match d’entraînement. Voilà, voilà. Au final, la scène la plus crédible reste celle du Air Plaquage, parfaitement doublée par Jérôme Porical.

Ce que j’aurais fait à la place d’Head & Shoulders : Bon déjà, j’aurai pris quelqu’un qui, capillairement parlant, parle plus aux amateurs du rugby. Dimitri Szarzewski par exemple. Au niveau du scénario quelque chose de beaucoup plus simple : une mêlée qui se relève (je vous rappelle qu’on est en 2007. Sinon pour plus de crédibilité il aurait fallu qu’elle s’écroule) et la tête du talonneur du Racing qui émerge et, dans un mouvement filmé au ralenti, secoue sa tignasse de gauche à droite à la manière des mannequins qui sortent de l’eau. Puis, en plan serré sur son visage, il débite les conneries sur les bienfaits du produit pour ses cheveux avant d’asséner un énorme coup de boule à son vis-à-vis (Valeurs du Rugby obligent®). Packshot de fin, explosion des ventes auprès des premières lignes dans les deux semaines.

Christophe Dominici pour St-Yorre


On continue avec Christophe Dominici, trois ans plus tard. Si lors de la pub précédente, il était qualifié de « Joueur de rugby », il est cette fois devenu « Champion de rugby ». On se rattrape à ce qu’on peut puisqu’il était alors joueur retraité et entraîneur déchu du Stade Français. Et oui, il y a quelques années encore, le Stade Français gagnait des titres. Ca parait presque aussi surréaliste que la pub en question. Cette fois ci au bord du terrain, avec son superbe maillot Saint-Yorre, il observe ses coéquipiers s’activer. L’objectif de la publicité est de nous montrer qu' « en match comme à l’entraînement, c’est Saint-Yorre qu’on boit ». Pour information, l’équipe de Saint-Yorre existe vraiment et joue probablement en série régionale. Si vous voulez mon avis, ils ont le droit à la même chose que dans toutes les équipes de rugby de France : de l’eau du robinet dans des bouteilles éclatées et dont l’étiquette de la marque a été arrachée (Exception : les clubs de milliardaires ont généralement droit à des gourdes).

On notera tout de même le réalisme de la scène où Dominici se fait intercepter. On sent le mec qui a longtemps joué avec Rémi Martin. Enfin, nous ne reviendrons pas sur le slogan, que même un stagiaire bourré n’aurait pas osé proposer.

Fort de ces deux expériences, Christophe Dominici a décidé de poursuivre sa carrière de comédien, notamment dans le téléfilm «Pour toi, j’ai tué». Pour cela, il a probablement passé avec brio le fameux test du «Meurs comme Marion Cotillard», même s’il n’a sûrement pas réussi à égaler la performance de Jocelyn Quivrin.

Enfin, vous pourrez le retrouver à la rentrée à l’émission «Danse avec les stars». On en trépigne d’impatience…

Ce que j’aurais fait à la place de Saint-Yorre : Reconstitution d’une troisième mi-temps de l’Equipe de France. Pascal Papé qui fait un bras de fer avec Louis Picamoles , Florian Fritz qui urine sur une table avant que Servat ne fasse une session de ventriglisse dessus, Matthieu Bastareaud qui zouke avec une table de nuit, Morgan Parra qui pique discrètement les verres de tout le monde avant d’accuser les autres pour créer des embrouilles et d’un coup… gros plan sur Thierry Dusautoir qui boit sa bouteille de Saint-Yorre avec la simple mention «Capitaine de l’équipe de France, capitaine du Stade Toulousain, élu meilleur joueur du monde dans un an». Convainquant non ?

Le XV de France pour Renault


Il faut un peu d’imagination pour comprendre cette pub Renault. Bon déjà, on peut légitimement se demander ce que foutent trois joueurs de l’Equipe de France, en tenue officielle, en plein milieu d’une zone commerciale. Soit l’équipe de créatifs chargée de la pub était complètement bourrée au moment d’écrire le synopsis (c’est une hypothèse plus que probable), soit on nous a menti sur Marcoussis. Toujours est-il qu’en passant, ils aperçoivent cette équipe de commerciaux Renault en pleine galère avant l’ouverture de leur concession auto. Valeurs du rugby® obligent, ils proposent de leur filer un coup de main. Inutile de vous dire que, dans la même situation, des footballeurs seraient passés sans même les remarquer, leur casque sur les oreilles, en écoutant du rap de délinquant comme Sexion Serge D’assaut. Bref, ce n’est pas le cas de nos petits bleus qui se lancent avec les employés dans une course contre la montre haletante pour boucler les derniers préparatifs avant l’ouverture.

Et c’est donc là que débute la partie bluffante de la pub, façon blockbuster américain, avec effets spéciaux et cascades en série. Au programme, Dimitri Szarzewski qui réussit un lancer, Imanol reconvertit talonneur et qui pousse la voiture sans les mains, une scène de cul avec une employée et enfin, clou du spectacle, François Trinh-Duc qui réussit le premier coup de pied placé de sa carrière. On n’ose pas imaginer le nombre de prises pour une scène pareille…

Avec cette pub, Renault a voulu nous en mettre plein la vue et c’est plutôt réussi. Mais ne soyons pas dupe, ça reste une pub et on n’est pas prêt de voir de tels exploits sur les pelouses du Top 14.

Ce que j’aurais fait à la place de Renault : Arrêté à un feu rouge, en pleine nuit, Imanol Kékénordoquy arbore fièrement ses nouvelles Ray-Ban. Le son de Nightcall de Kavinsky rugit des enceintes surpuissantes de sa Mégane Ovalie. C’est alors que vient se coller à sa hauteur Andy Powell, dans sa voiturette de golf dernier cri. Les regards se croisent, les deux joueurs font vrombir leur moteur et à l’instant où le feu passe au vert, démarrent dans un crissement de pneus qui hurlent dans la nuit. S’en suit une course effrénée jusqu’au stade dans les rues de la ville dont Imanol sort de justesse vainqueur grâce à sa super-voiture-Renault-qu’elle-est-trop-bien-pour-un-prix-exceptionnel-de-16590-euros. Résigné, Andy Powell regarde son concurrent disparaître, happé par la lumière et les bruits de la foule et s’éclipse à son tour par la bretelle d’autoroute la plus proche.

Fred Michalak pour Quick


Quick a réalisé le fantasme de beaucoup d’amateurs de sports et de rugby en particulier : un affrontement entre une star du b

Wedding Speeches For All

allon ovale et une star du ballon rond. On connaît la rivalité qui existe entre les deux sports, et pas fou, un publicitaire a flairé le bon filon. C’est donc au moins la troisième guerre mondiale dans ce spot de 2007 où Fred Michalak, star interplanétaire en France à cette époque pré-Coupe-du-Monde, affronte Nicolas Anelka, future ex-star déchue. La question n’est pas de savoir qui est le meilleur dans son sport ou qui a le plus de neurones (même en voulant être très méchant avec La Miche on s’abaisserait pas à le comparer à Anelka sur ce critère), mais… qui a le meilleur burger ?! Bon déjà on passera sur la contradiction entre le statut de joueur professionnel et le fait de bouffer chez Quick…

Dans la publicité, on peut donc voir Nicolas et Frédéric, vêtus d’une toque qui leur donne un air trèèès intelligent, s’affronter à coups de « skills » dans les cuisines d’un restaurant Quick. Dans un premier temps, Michalak va tenter de trouver un intervalle dans un couloir de deux ou trois mètres pour échapper à son adversaire. On se demande quel est l’intérêt de cette scène puisque ce n’est logiquement pas censé influer sur le goût du burger, mais bon, pourquoi pas. Ensuite, ce que le spot ne montre pas, c’est que Nicolas Anelka va dire dire à Michalak d’aller «se faire enculer avec ses poivrons de fils de pute». Logiquement agacé, le rugbyman réplique en tapant un drop avec son propre burger (le spot ne montre pas s’il fait 10 mètres mais c’est peu probable) imité quelques secondes plus tard par Nicolas Anelka qui reprendra victorieusement de volée son repas (Bravo l’exemple pour les enfants….). On peut logiquement supposer que des scènes importantes à la compréhension de cet enchainement ont été coupées au montage mais pas le choix, fallait faire tenir le tout en 30 secondes, et on allait quand même pas enlever le clash du regard du début…

Conclusion : si tu veux bouffer un burger dédicacé au feutre par Michalak ou Anelka, va chez Quick. Et croise les doigts pour qu’ils n’aient pas fait un foot avec en cuisine.

Ce que j’aurais fait à la place de Quick : On reprend le concept de battle entre Michalak et Anelka, ça dégénère complètement et se termine en film de 2h30 d’une guerre entre les footballeurs et rugbymen. Sur la scène de fin, une bataille épique au Stade De France où on peut voir Jamie Cudmore se battre à mains nues contre Joey Barton, Vincent Clerc tirer les cheveux de Philippe Mexès et Matthieu Valbuena mordre le mollet de Morgan Parra. La dernière scène, filmée au ralenti, montre Matthieu Bastareaud, assis seul sur une chaise au centre du terrain, en train de manger les deux burgers à l’origine de la discorde. Sur le dernier plan, gros zoom sur son visage, qui peine à dissimuler un sourire complice avec le spectateur. FIN.

Bon, ça reste moins WTF que le spot d’origine et demande peut-être une petite rallonge de budget. Mais, prévoyant, j’ai laissé la fin ouverte pour tourner une suite en cas de succès. Pas fou hein…

Bernard Laporte pour Madrange


On continue avec Bernie le Dingue dans une pub très Valeurs du Rugby® puisque c’est un spot pour le jambon Madrange. La pub joue la carte des Valeurs® à fond, avec accent du sud-ouest, champ lexical du rugby et l’image de Bernard Laporte, alors entraîneur de l’Equipe de France. On utilise la classique technique du « témoignage » où l’utilisation de la personnalité publique accentue la crédibilité de la marque, la finalité étant que, une fois devant toutes les marques de jambon au supermarché, vous vous disiez « Faut-prendre-le-jambon-Madrange-il-est-vachement-bon-c’est-Bernard-Laporte-qui-le-dit ». Autant vous dire que si vous avez déjà réfléchi comme ça, j’ai le plaisir de vous dire que mon jambon star à moi, c’est vous.

Ce que j’aurais fait à la place de Madrange : Une immense table de banquet, ornée de tranches de jambons Madrange, avec, allongé dessus, totalement nu… Sylvain Marconnet. En fond, une petite musique de Wagner. Pas une parole, juste ce plan de quelques secondes. Résultats garantis. A noter la possibilité de tourner une suite, où Marconnet fait l’amour à Lady Gaga (et sa robe en tranches de jambon), sur cette même table.

Sébastien Chabal pour Poker Stars


Comment parler hommes-sandwichs sans faire allusion à Sébastien Chabal ? On ne va pas passer en revue toutes ses apparitions parce que l’article est déjà long et que vous devez déjà pas être nombreux à avoir lu jusque là. On se contentera donc de cette pub de Poker, il faut l’admettre, plutôt réussie. On y voit Sébastien Chabal déguisé successivement dans tous les types de joueurs qu’il pourrait être. On notera que les concepteurs n’ont pas pensé à le faire apparaître en joueur de rugby. En même temps on ne peut pas leur en vouloir puisque même nous on a du mal à s’imaginer la scène. La crédibilité du spot tient aussi à l’intelligence qu’ont eue les créateurs de ne pas faire parler notre ami Chabalinou. Non pas qu’on le soupçonne d’être mauvais comédien, mais bon, on a vu ce que ça donnait avec les autres précédemment…

Ce que j’aurais fait à la place de Poker Stars : Remake de la célèbre scène de « La cité de la peur » au Racing Métro 92. Chabal prend en otage Isabelle Ithurburu et demande un avion pour partir jouer en 3ème division namibienne. Pierre Berbizier pense qu’il bluffe, Gonzalo Quesada, inquiet pour sa dulcinée, pense que non et Benjamin Fall précise qu’il n’a plus de genoux. Lorenzetti dit qu’il ne voit pas le rapport. Le suspense est insoutenable et le spot se coupe, incitant le spectateur à venir sur le site de poker pour savoir si Chabal bluffe. Dans les 24h, le site fait autant de visites qu’un diaporama de la Boucherie.

Guy Novès pour ICA

Cliquez ici pour voir la pub – déconseillée au public sensible.

Et oui, c’est terrible. Même Guy Novès, icône intouchable du rugby français, a vendu son âme au diable en s’associant à une marque. C’est la seule à ce jour et on se demande bien pourquoi celle là tant les sollicitations doivent être nombreuses. ICA Patrimoine : préparer la retraite, gérer son capital et tous les problèmes de riches qui vont avec. Toujours est-il que dans le spot en question, on réutilise la bonne vieille technique du témoignage expliquée un peu plus haut. Si Madrange a fait confiance à Laporte car il détenait (apparemment) une parole d’expert dans le domaine du jambon, ICA Patrimoine a estimé que Guytou saurait parler à leur cible (les vieux-riches). Faut admettre que le manager du Stade Toulousain, même s’il n’est pas encore dans un club de milliardaires, symbolise bien tous ces enjeux auxquels nous pouvons être confrontés. Comment gérer les doublons de comptes en banque, comment gérer le départ à la retraite de Jean Boulhiou et Yannick Jauzion, comment faire revendre ses petits boucliers de Brennus souvenirs par des petits Pakistanais dans le métro ? Problème, l’intégralité du budget a été dépensé pour attirer Guy Novès, il ne reste donc plus rien pour la direction artistique. C’est donc un stagiaire qui a probablement filmé le spot avec un zoom inquiétant sur le visage de Guy Novès et son célèbre « sourire-crispé-du-mec-qui-vient-de-gagner-son-9ème-titre-de-champion-deFrance-mais-sans-marquer-d’essais-et-c’est-un-peu-la-honte. » Personnellement j’ai eu un moment de gène devant un visage aussi stoïque, me demandant carrément s’il n’était pas en fait décédé juste avant le « Action » et que personne ne s’en soit rendu compte.

Ce que j’aurai fait à la place de ICA Patrimoine : Rien, j’aurais gardé l’argent pour me refaire un site internet.

Voilà, c’est tout pour cette partie, consacrée au spot TV. Evidemment il en manque beaucoup, mais on ne pouvait pas tout analyser. Déjà que là il y a pas beaucoup d’images. Promis, si ça vous a plu, d’ici quelques mois/années, je ferai peut-être une partie 2 avec les campagnes d’affichage. Au programme : Rougerie en slip, Clément Poitrenaud en livreur de pneus, Julien Malzieu en fermier, Chabal en costard pour une marque de parfum, Michalak mannequin pour une marque de jean de kékés et j’en passe… Avouez, vous avez hâte….

BONUS :

Les partenariats marque/joueurs idéals (A vous de compléter) :

Matthieu Bastareaud et Ikéa

Mourad Boudjellal et American Express

Christopher Tolofua et Pizza Hut

Wesley Fofana et Sentry Safe

Marc Lièvremont et Trivial Pursuit

Alexis Palisson et Toys’r’us

Yannick Jauzion et Rollator

Pierre Berbizier et colgate

Fabien Barcella et Carambar

Monsieur Péchambert et les biscottes Pelletier

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