Casier judiciaire : Sam Warburton
par La Boucherie

  • 16 March 2012
  • 14

 

Par l’Affreux Gnafron,

 

Ils arpentent les terrains européens depuis de nombreuses années, vous pensiez les connaître au travers des pertinentes anecdotes de Matthieu Lartot, Pierre Salviac et Christian Jeanpierre et pourtant vous vous trompiez ; vous viviez dans l’erreur et l’ignorance. La Boucherie a enquêté, au péril de sa vie, investiguant dans les rades les plus mal famées, les bouges les moins recommandables, traquant, compilant les rumeurs les plus folles afin de vous informer et pour qu’éclate la vérité.
Voici pour vous, lecteurs, la véritable histoire de ces hommes qui dirigent l’Europe, ces hommes dont les décisions influencent les destinées de millions de leurs concitoyens, ceux dont le sang-froid, la clairvoyance et les qualités de leadership décident du destin des Nations : les capitaines des équipes du Tournoi des 6 Nations.

Après les cas irlandais et italiens au travers des portraits de Paul O’Connell et Sergio Parisse, la Boucherie a dirigé son attention sur une principauté dont le co-prince n’est pas président de la République Française. De nombreux français, particulièrement dans le domaine du journalisme sportif télévisuel, semblent toutefois partager des liens très fort avec ce petit territoire. Il apparaissait donc essentiel d’en savoir plus sur celui qui cristallise les aspirations de tout un peuple de commentateurs. Sans plus tarder, tirons le Diable Rouge par la queue et partons à la chasse du gentil dragon Sam Warburton.

 

Warburton: ‘Si j’avais su, j’aurai pas v’nu’

 

C’est à l’ombre de la cathédrale de Cardiff que naît le petit Samuel Kennedy-Warburton en ce 5 Octobre 1988. Nous sommes vendredi, il ne reste qu’une parturiente et le personnel de la maternité voit avec inquiétude se profiler le week-end, les heures supplémentaires et la perte de tous les projets de loisirs prévus. Pourtant, juste après l’heure du thé (pour ne pas déranger sans doute), Samuel décide de pointer le bout de son nez proéminent et libère tout le monde. L’euphorie s’empare de la maternité, des Alleluia retentissent, les sages-femmes se penchent sur le nouveau-né pour l’abreuver de bénédictions ; tout n’est qu’harmonie et bonheur. Alors que chacun se congratule et se prépare à quitter les lieux, une remarque sibylline vient pourtant glacer l’atmosphère. ‘P* de b* de m* , il y en a un autre !’ s’écrie un docteur…
Le petit Ben Warburton verra le jour le Lundi suivant, faisant face aux malédictions des soignants épuisés par un week-end d’efforts. Dès leur premier souffle, la dualité des jumeaux Warburton éclate ainsi à la face du monde.

Papa Jeremy, pompier anglais de son état, souhaite prouver à Maman Carolyn, autochtone s’il en est, son assimilation totale aux mangeurs de poireaux-vinaigrette. Et accessoirement assurer sa survie dans le milieu hostile que constitue une cité galloise pour un natif d’Albion. Il milite donc pour que l’un de ses rejetons soit prénommé Richard, en hommage à Richard Burton, auguste acteur gallois (attention, un jeu de mot cinématographico-historique s’est caché dans la phrase précédente, saurez-vous le retrouver ?) . Echaudée par la réputation sulfureuse de l’artiste (alcoolisme chronique et divorces à répétition), Maman, qui travaille dans le médical, oppose son veto. Si le petit Rich’Warburton n’existera jamais officiellement, le surnom de ‘Richie du Nord’ qu’obtiendra Sam des années plus tard viendra atténuer la déception paternelle.

Les frangins grandissent au sein d’une famille aimante, s’attirant et se repoussant tour à tour comme des fils de scoubidou. Sammy développe rapidement des qualités supérieures à celles des enfants de son âge. Il s’occupe de préparer les biberons de son frère à seulement 3 mois, commence à marcher à 6 et lit parfaitement lors de son premier anniversaire la carte de vœux que lui ont écrite en gaélique ses parents. Sa courbe de sondage croissance laisse rapidement sur place celle de son frère.  Dès l’âge de 4 ans, il accompagne son père lors d’interventions, pilotant les ambulances de la caserne, prodiguant force massages cardiaques et désincarcérant à la main les accidentés de la route. Pendant ce temps, Ben grandit de façon normale dans l’ombre de ce frère qu’il admire et jalouse.

Holly Warburton et ses petits frères: 4 jumeaux sur la photo.

 

Dès l’âge de 10 ans, Sam déclare à sa maman qu’il veut devenir sportif professionnel. Soucieuse du bien-être de son fils, elle décide de l’orienter vers le football tout en l’encourageant à poursuivre ses activités de bénévole auprès des indigents, de chef des scouts et de leader de la chorale paroissiale. Quand il n’aide pas les vieilles dames à traverser dans la rue, Sam nourrit également les chatons abandonnés et donne des cours de braille la nuit.
Il est béatifié à 11 ans et 26 jours, record de précocité pour un saint celte. Sa porte est toujours ouverte pour qui en éprouve le besoin et il répond volontiers aux ‘Saint Sam, ouvre-toi’ de ses fidèles.

Le seigneur des Warburton (Lord of Warburton en version originale) quitte le ballon rond pour l’ovale à l’âge de 15 ans. Déjà doté de qualités physiques indéniables, son éclosion est rapide et il fait partie de la sélection nationale en moins de 16. Notre surdoué récidivera dans toutes les autres sélections de jeunes et tant qu’à y être se verra confier le capitanat dès les moins de 18. A l’âge où certains se l’astiquent, Sam lustre le Poireau au plus haut niveau mondial. Capitaine des moins de 19 et de 20, il échoue toutefois à passer les demi-finales des Championnat du Monde Junior (tiens, tiens..). Les jeunes Gallois terminent à la 4ème place de ces deux éditions (2007 et 2008).
Sam, touché par ces échecs, se jure de parvenir un jour en finale, quelles qu’en soient les conditions (après tout Arnaud Costes y est bien arrivé).

Cette semaine, l’instant miaou est remplacé par un instant ouaf

 

En club, après un passage chez le Rhiwbina RFC puis les Glamorgan Wanderers RFC, Warburton signe à Cardiff, chez les Blues. Les plus perspicaces de nos lecteurs objecteront que Rhiw-machin chose et Glamor-truc sont également des clubs cardiffois et ils auront raison. En même temps, en dehors de la capitale et de la sympathique bourgade de Llanfairpwllgwyngyllgogerychwyrndrobwllllantysiliogogogoch, la principauté de Galles reste un pays de bouseux rural. (Une pinte offerte à celui ou celle qui prononcera correctement le nom de la dernière ville nommée).

Balloté au sein de la troisième ligne, Sam est ainsi appelé pour la première fois en tant que numéro 8 dans le XV du Poireau. Il débarque le 6 Juin 2009 contre les Etats-Unis et inaugure sa carrière internationale en remplaçant le capitaine Ryan Jones dès la 19ème minute. Privés de leur prince-soldat Ryan,  Mark Jones, Duncan Jones, Dafydd Jones et Deiniol Jones (aussi surnommés les pages Jones) parvinrent tout de même à remporter la victoire 48-15. Pendant ce temps, Ben passait avec succès son diplôme de physiothérapeute dans l’indifférence familiale générale.

En club comme en sélection, Warburton se voit confronté à la concurrence de l’immense Martyn Williams. Pour les plus jeunes de nos lecteurs, Martyn Williams n’est pas la sœur aînée de Serena et Vénus mais un flanker vaillant rien d’impossible, être hybride formé à partir des ADN d’Olivier Magne, Neil Back, Thierry Dusautoir et Alain Mimoun, légende du rugby gallois par ailleurs et idole de l’auteur de ces lignes (qu’un vibrant hommage lui soit ici rendu). Martyn, recordman des avants gallois avec 99 capes, fut même écarté de la sélection pour la Coupe du Monde 2011 au profit de Sam et ne célèbrera jamais son centenaire. Il se contente aujourd’hui de disputer les matches de Ligue Celtique avec les Blues, sympathique avant-goût d’une retraite bien méritée pour le vétéran.

Le plaqueur-cueilleur en action. Attention, certaines images seront insoutenables pour un supporter des Boks.  

 

Après avoir inscrit son premier essai contre l’Italie lors du Tournoi 2011, Sam se voit confier le capitanat pour le match de préparation de Coupe du Monde contre les Barbarians le 4 Juin 2011. Il devient à seulement 22 ans et une paire de jours, le second plus jeune Gallois à officier à ce rôle après Gareth Edwards. Pour les plus jeunes, Gareth Edwards est Gareth Edwards. Point. Face aux talents conjugués de Brock James, Matthieu Bastareaud, Seru Rabeni et Benoît Baby, les Gallois sont contraints de s’incliner 31 à 28. La belle mécanique warburtonienne connaît son premier raté.
Suite à la blessure de Matthew Rees, Sam est confirmé capitaine pour toute la durée de la Coupe qui s’annonce. A la tête de l’équipe galloise la plus séduisante depuis bien des années, Sam pense vaincre la malédiction des demi-finales. Comme vous le savez, il n’en sera rien.

Membre de la tribu des plaqueurs-cueilleurs (à ne pas confondre avec Jérôme Fillol, le plaqueur-cuillère), Warburton s’impose peu à peu comme l’une des références mondiales à son poste. Gatland, qui ne tarit pas d’éloges sur son capitaine, le qualifie ainsi de joueur de la classe des Pocock, McCaw et Brussow. On fait pire comme référence.
Terriblement efficace en défense, il collectionne les titres honorifiques d’Homme du Match (au moins 5 en 26 sélections dont le dernier contre l’Angleterre dans le Tournoi 2012). Parmi ceux-ci distinguons le match de poule de la dernière Coupe du Monde contre les Sud-Africains lors duquel il réalisa le total incroyable de 23 placages sur les 99 de son équipe (soit autant qu’Aurélien Rougerie dans toute sa carrière internationale). Auteur également de 21 placages contre l’Irlande, c’est l’un de ces gestes défensifs qui a valu à Warburton d’entrer au panthéon des perdants magnifiques.
Nous ne reviendrons pas ici sur l’analyse ni les conséquences de la cathédrale infligée à Vincent Clerc, un spécialiste le fera bien mieux en vidéo à la suite de cet article.
Toujours est-il qu’au soir de ce 15 Octobre 2011, Sam reçut de Ben le texto laconique suivant: ‘Je t’aime mon frère’. Quinze ans de psychanalyse balayés en une fraction de seconde…

 Tu m’emmerdes avec ta question sur la cathédrale !

 

Mais Samuel Warburton ne serait pas Samuel Warburton sans son comportement extra-sportif. Adepte Wilkinsien d’une hygiène de vie irréprochable, il ne consomme pas d’alcool ce qui a sans doute influé sur la décision de lui confier le brassard: Sam, celui qui conduit son équipe, c’est celui qui ne boit pas.
En même temps, un Gallois qui ne boit pas, c’est comme une charnière française potable. Quand on en trouve une, mieux vaut la choyer et la conforter.

Et il fallait bien compenser les poivrots du Poireau Andy Powell, Mike Phillips et Gavin Henson..
Le buveur d’eau n’a eu ainsi aucun mal à respecter les 5 mois de diète imposés aux Gallois lors de la préparation de la dernière Coupe du Monde.
Pendant celle-ci, Monsieur Perfection a refusé d’occuper une chambre simple, pourtant prérogative du capitaine, pour loger avec Dan Lydiate (surnommé Lydiate du village). Après son carton rouge contre la France, il a conservé un calme olympien, de bien mauvais gallois, évitant toutes récriminations télévisuelles qui lui auraient valu les remontrances maternelles. Et des exemples d’altruisme et de savoir-vivre, il y en aurait tant à énumérer au sujet de Sam Warburton mais ce serait contraire à la charte éditoriale de la Boucherie et l’overdose de guimauve nous guetterait tous.
Sam Warburton constitue ainsi une plaie pour les valeurs bouchères et l’incarnation de l’engeance de ce rugby moderne aseptisé.
L’anti-Fritz puissance 10 en somme.

Mais comment pouvait-il en être autrement pour ce natif du 5 Octobre, jour de fête des Fleur et prénoms de dérivés floraux? Heureusement c’est aussi le jour où l’on célèbre les Atilla et sa Gallois du plus fort.
Dualité warburtonienne qu’on vous disait..

Notre spécialiste rugby décrypte le placage de Warburton sur Vincent Clerc