Angleterre – Fidji : Elonouvre… la Coupe du monde ! Par Thomakaitaci, Le monde est entré en fusion, ça y est, la Coupe du monde 2015 est officiellement lancée. En France, c’est la folie, des phrases de Jean-Pierre Rives ont été accrochées dans les coins des rames de métro parisien. Toute la planète s’est arrêtée pour regarder Angleterre – Fidji, même les réfugiés installés aux frontières hongroises et allemandes, c’est dire ! Le rugby est vraiment entré dans une nouvelle dimension. Dans ces conditions, la pression était grande sur les sujets de la Reine : il ne fallait pas rater l’ouverture autant sur le plan sportif que spectaculaire. A ce niveau-là, on pouvait faire confiance aux Anglais, ils nous ont donné la leçon. Voici comment réussir une ouverture de Mondial en quelques points principaux (ce texte est une traduction approximative de l’anglais d’une note envoyée par la RFU à la FFR, accompagnée de la lettre de Guy Môquet). Des hommes boueux plutôt que des meufs à poil : quitte à exacerber à outrance les valeurs masculines, les Anglais ont choisi celles du combat, de la rugosité et du dépassement de soi. C’est pas forcément novateur, mais c’est toujours moins beauf qu’un char en plaqué or avec des mannequins en string et en plumes qui fait le tour du stade, comme lors de la dernière finale du Top 14. Stupeur pour le téléspectateur de TF1, ce n’est pas Teddy Thomas qui a été choisi comme « géant » du XV de France. Chaussée des géants, défilés des géants, spectacle son et lumière et même le Prince Harry : on sent la rigueur anglaise dans l’intérêt porté aux détails. Même les moches sont mis à l’honneur quand un petit garçon grassouillet, roux et aux oreilles décollées est venu chanter l’hymne de World Rugby. Ah c’est sûr, c’est pas beau à voir, mais c’est plus « valeurs » que le changement inopiné de fillette à la chinoise, en 2008. Un public concerné dans le stade : point très important. Un match d’ouverture est mieux appréhendé si le public y met du sien. Certes chanter « Balance-toi doucement, joli charriot » n’a strictement aucun sens dans un événement sportif – sérieusement, les paroles putain ! C’est important les paroles –, l’entendre repris à l’unisson par 80 000 personnes, c’est chouette. C’est mieux qu’un record du monde du nombre de ola, incontestablement. Qui plus est, le petit côté taquin des Anglais est savoureux : rien à branler des « valeurs », du respect des danses exotiques des joueurs des îles et cela, pas uniquement lors des matchs de Coupe du monde, ça braille pendant le Cibi. Ça fait du bien de considérer le Fidjien comme l’égal de l’Ecossais, du Gallois ou du Français que l’on peut chambrer allègrement, ça change du paternalisme post-colonial bienveillant. « Figurez-vous Bernard, ces joueurs des îles s’entraînent sur la plage avec des noix de coco en guise de ballon. C’est Pierre Villepreux qui le dit ». Un match de merde camouflé dans un bon résultat : autre point très important. Dans n’importe quelle compétition sportive, jouer le premier match chez toi n’est pas chose aisée (bon en fait, le pays organisateur gagne la plupart du temps, mais dans les milieux journalistiques c’est mieux de dire cela, pour créer du suspense). Difficile de se rappeler d’une défaite en ouverture… même en rugby… 2011, 2003, 1999, hmm non je ne vois pas. Rémy Martin, une idée ? Il n’empêche que quand on joue mal, c’est mieux de ne pas trop le montrer, pour la confiance. Déjà, bien choisir l’adversaire : les Fidji, c’est pas mal. D’un côté, c’est crédible – c’est pas l’Uruguay – d’un autre, c’est pas trop risqué : en les prenant devant et en assurant le minimum syndical (agressivité et dimension physique, the New French Flair by PSA), ça finira par passer à l’usure. En cas d’urgence, un petit coup de pouce arbitral pour assurer le score. Rien à craindre. C’est vrai que les Anglais ont abattu la carte « Coup de pouce arbitral » assez tôt dans le match : l’essai de pénalité accordé pour écroulement semble logique, le carton jaune pour Matawalu est très sévère. Mais c’était la consigne : à la moindre faute fidjienne, la police londonienne devait rentrer sur la pelouse et contrôler les papiers des joueurs directement sur la pelouse et ainsi évacuer rapidement les éléments dangereux qui viendraient compromettre une victoire anglaise. Et pourtant, ce sont les Fidjiens qui se sont montrés les plus vaillants ©, les plus courageux ©, les plus généreux ©, les plus valeureux ©. Ah les belles histoires de l’ovalie. Cette première ligne made in Pro D2 et Roumanie qui défonce la première ligne anglaise, c’était émouvant. Même Nadolo, cassant trois plaquages au milieu du terrain pour dégueuler le ballon n’importe comment devint, dans les yeux ébahis de Christian Jean-Pierre, l’égal de Lomu détruisant la défense anglaise en demi-finale 1995. Il n’y a pas de petites comparaisons. “It’s for you, Christian. Mewci pouw tu !” Mais que nenni, le XV de la Rose, tel un seigneur médiéval laissant les gueux s’éclater pendant le carnaval pour mieux les châtier les jours suivants, a froidement tué les velléités fidjiennes. Jusqu’à user une seconde fois de la carte « Coup de pouce arbitral » : Jaco Peyper accordant l’essai du bonus à Vunipola alors que personne sur cette terre ne peut dire si le ballon touche la ligne. On le sent poindre l’enfumage général, il mijote, il commence à sentir bon. La Coupe du monde est donc lancée. La première star s’appelle Mike Brown, grâce au superpouvoir de Christian Jeanpierre, celui de « faiseur de roi ». Les Anglais jouent mal mais toujours mieux que la France depuis quatre ans. Les Fidjiens jouent de façon moins débile que d’habitude. Les « chanteurs de Marseillaise fous du Stade de France » ont réussi à infiltrer Twickhenham. Les Écossais et la Banda Lady Gaga de Clermont râlent contre l’interdiction des trompettes dans les stades. Bref, le monde s’est arrêté pour un mois et demi, de Castres à Dunedin, de Durban aux quartiers riches de Buenos Aires, de Suva à Twickenham ! Chargeeez ! Bagaaaaarre ! (Calme-toi Pascal, calme-toi).
Jour de Brennus Par Thomakaitaci, Samedi 13 juin, 14h30, je ne suis déjà plus très sobre. La soirée du vendredi dans une péniche miteuse sur la Seine a laissé quelques traces. A la base, j’étais à Paris pour d’autres raisons que le rugby. Mais l’occasion d’aller au Stade de France est trop belle . C’est pas la première fois, non. Je commence à avoir un CV intéressant en finales perdues. Le trou est fait, cicatrisé, plus besoin de vaseline. C’est pas encore devenu un plaisir, mais au moins, ça ne fait plus trop mal. Mes acolytes de toujours sont restés à Clermont, l’ambiance sera plus sereine. Un mélange étrange entre le reste de vase de la veille et l’envie d’observer un peu, un jour de finale à Paris. 14h30, on zone dans l’appart’, on déniche une pépite auvergnate, ringarde et bien réac’, sur Youtube, on comate devant le karaté. 16h00, ah tiens, y’a Maxime Machenaud en photo sur Twitter. Ah oui, c’est vrai, y’a un truc de prévu sur le Champ de Mars. Bon aller on va y faire un tour. 16h30, le choc des cultures. Je me suis toujours demandé ce qu’avait pu se passer dans la tête des Espagnols et des Aztèques quand ils se sont rencontrés. Bon là, c’était plus proche de Mars Attacks, quand même. Faut voir le truc, des types déguisés en Gaulois, dans des couleurs jaunes, des provinciaux qui s’émerveillent ou vomissent, au choix, sur le moindre brin d’herbe parisien, des Parisiens moyens interloqués mais heureux de voir que leur conception de la province colle parfaitement avec ce qui se déploie sous leur yeux. 2015, c’est l’époque où les vendeurs à la sauvette vendent plus de selfie sticks que de mini-Tours Eiffel. On prend une bière, on se pose dans l’herbe. La Rugby Party est un bide. Rien de vraiment surprenant : un chauffeur de foule avec une gouffa qui ferait pâlir d’envie Kolelishvili et Gérondeau, des danseuses en string et en plume, des joueurs has-been (Chabal, Williams) ou en manque d’affection (Machenaud) venus s’illusionner de leur popularité. Et puis des valeurs ©, des putains de valeurs, un dégueulis de valeurs. Avec en point d’orgue, ces séances collectives de Haka, si ridicules. Mais bon, la ville de Brive et Mazda peuvent dormir tranquilles, leur record mondial n’a pas été inquiété. (crédits photo : Cyberbougnat) La finale du Top 14, avant d’être un match, c’est un grand cirque, une grande kermesse. Champ de Mars, c’est pas là que tu vas avoir les mecs qui te mettent l’ambiance, qui lancent des chants, qui chambrent. Non, là c’est familial, on vient déguisé, on achète des produits dérivés, on maquille les gosses, et on fait des selfies. C’est le passage de la caravane du Tour de France, pareil. Bon pour le mélange des supporters, on repassera. Y’a que du jaune, ou presque. Il faut dire que le supporter parisien est une espèce assez rare et que, j’ai bien eu l’impression, que la grande majorité des locaux en avait pas grand-chose à branler. Y’a bien quelques Toulonnais – qu’on repère facilement même sans leur maillots mais avec leur bronzage orange, leur tatouage tribal et leurs fausses lunettes de soleil Dior – mais globalement, c’était à chier. Vers 18h00, lassés du 15987e ICI, ICI C’EST MONTFERRAND et des beaufs qui soufflent à perdre haleine dans leur trompette en plastique, nous partîmes vers le RER. Les “jaunards” s’engouffrent dans la bouche de la station. On sent une excitation certaine de ceux qui n’ont l’habitude de n’avoir qu’une seule ligne de tramway, et encore, un tramway monté sur pneus. Mais pour pour le coup, si je parle de cette excitation, c’est que je l’aie connue moi-même, il y a quelques années. On passe rapidement sur les deux, trois quolibets douteux entendus gare du Nord. Banania, Bamboula, c’est aussi ça, parfois, les Valeurs ©. Mais ne faisons pas de sensationnalisme. Ce fut disparate et rapidement couvert par quelques… ICI ICI C’EST MONTFERRAND. Au final, je crois que je préférais les réflexions racistes. Sur le parvis du Stade, l’ambiance ressemble déjà un peu plus à quelque chose. Des chants, des tambours. C’est tout de même assez mou. Sauf pour les mecs derrière les comptoirs qui suent de grosses perles pour servir les merguez et autres denrées raffinées. D’ailleurs, c’est le moment de faire un éloge de la merguez dyonisienne, beaucoup plus élaborée que la merguez bordelaise. Bon, en gros, à Saint-Denis, il en filait deux par pain, avec mayonnaise illimitée, à Bordeaux, la semaine dernière, c’était une seule, pour la modique somme de 5 euros. Ces petits détails sont beaucoup plus importants que l’on ne pense (et hop, je viens de glisser trois-quatre lignes gratuites sur un bout de viande, ça fait toujours ça de moins à écrire sur le match). 19h30, les gens se pressent pour rentrer dans le virage nord désormais. Les agents du Stade de France, toujours à la pointe de l’idée débile, après avoir interdit les bâtons en plastique des drapeaux donnés par les clubs une année, puis interdit l’entrée des drapeaux régionaux une autre, trient les verres. Pour rentrer au stade, tu peux le faire avec ton verre de bière, mais il faut que celui-ci soit sérigraphié Stade de France. Sinon c’est mort. Non mais. (Et hop-là, encore un peu de place gagnée sur le match).Dans la tribune, on retrouve le panel sociologique du supporter de rugby : la famille bidochon, le groupe de potes complètement tordu dont un sur deux a envoyé un message à ses parents pour leur demander de lui dire le résultat final, le groupe de cadre sup qui s’autorise une virée dans la populasse mais qui arbore à la place du maillot souvent une chemise blanche ou bleu ciel griffée avec le logo du club, enfin, les moustachus un peu rougis par le cocktail terrible : bière, vin rouge et soleil couchant. Et puis moi, au milieu, un peu de tout ça à la fois. 20h45. Le Spectacle commence. A la Ligue, ils ont sans doute une commission « Spectacle d’avant-match ». J’imagine bien un parfait mélange entre le pubard de 99 francs et le baron provincial ventripotent. L’idée générale, c’est : « Il faut que ça claque, mais en gardant le côté beauf, craignos ». Du coup, des meufs à poil. C’est le plus important. Ensuite, trouver un stratagème pour masquer les meufs dans un concept plus large, histoire de pas passer pour des pervers fini. Bon, à Bordeaux, c’était un mec en jet pack. Mouais, peu mieux faire. A Paris, un char en forme de navire qui fait le tour du stade. C’est parfait, ça fait marrer les gosses, ça fait bander les vieux. Contrat rempli. 21h14. Le match est fini. Parra a loupé une pénalité à 22m, Bardy a pris un jaune. Ok, c’est moins spectaculaire que contre les Saracens l’an dernier, mais quand on connait Clermont on sait qu’un tel début de match, il n’y aura pas de miracle. Alors c’est rigolo, on voit des types qui écartent souvent, mais ne rentrent jamais les courses. Du coup, tout le match, ils se font pousser gentiment en touche. Parfois, ils jouent au pied. C’est monotone. Dans les tribunes, seuls les puceaux y croient encore. Autant, contre Toulon, ils ont sorti les tripes contre meilleurs qu’eux, autant là, y’en a pas un qui marche droit. 23h. Apparemment y’a eu un match de rugby. Ils filent le bouclard aux mecs de Paris. J’avais trouvé cette exhibition de lutte gréco-romaine un peu longue. Ensuite j’ai cru qu’ils avaient organisé la finale de ProD2 en lever de rideau. Non non. Ok. Clermont a encore perdu. Je ne ressens rien. En fait, j’ai fini par m’en branler. Mon pote, à côté de moi, pour sa première finale, a un peu plus de mal. Il faut dire qu’il est auvergnat depuis pas longtemps, par imbrication charnelle, pour rester dans la bienséance de la langue française. Moi si j’en ai rien à foutre, c’est pas de la désaffection ou une connerie similaire répétée en long, en large et en travers dans l’Equipe et Rugbyrama, mais que cette année, c’était tellement laid qu’il était difficile de s’enthousiasmer. Non parce que si deux finales ça impressionne les mecs qui voient du rugby une fois par an, c’est l’arbre qui cache la forêt. En terme de jeu et de niveau, Clermont a été d’une pauvreté assez affligeante sur tout le long de la saison. Bilan à peine contrasté par les matchs contre Northampton et au Munster. Donc, quand « l’armée jaûne » en aura fini de taper sur De Cromières et Lhermet, on pourra commencer à s’interroger sur l’apport réel d’Azéma en tant qu’entraineur. Le « nouveau Novès » qu’on l’appelle. Il part sur de très bonnes bases. Le Stade Français ? Kesseussé ? 23h30, on repart tranquillement du Stade de France vers le centre de Paris, retrouver Ovale Masqué, caché derrière un verre de bière, dans un bistrot dont on ne citera pas le nom pour ne pas nuire à notre réputation fragile. Ce qui est bien avec les finales Paris-Clermont c’est que le retour est assez fluide. Les Parisiens sont pas trop du genre à faire la fête après une victoire en finale. Les voisins ne se sont jamais plaints d’une victoire du Stade Français. 2h00 du matin, il est temps de rentrer se pieuter. Et de se dire que Pascal Papé est champion de France, tout n’est pas si cruel dans ce monde.
Rugby d’avant : la défaite la plus débile de l’histoire du rugby (H-Cup 98) Par Thomakaitaci, Rugby d’avant : Finale de la HCup 1997-1998, la défaite la plus débile de l’histoire du rugby Samedi, peu avant 20h – voire plus tard, en cas de prolongations, de pénalités et de concours de la meilleure banda – l’ASM Clermont va peut-être enfin réaliser son rêve : égaler le grand CA Brive. Si les Auvergnats remportent la Coupe d’Europe, ils rejoindront leurs voisins paysans au palmarès : un titre et une finale imperdable mais perdue. Oui, parce qu’on se souvient encore assez bien de la défaite débile de Clermont en 2013 – c’était il y a deux ans, c’est encore un peu frais, même pour des cerveaux limités comme ceux des amateurs de rugby – mais qui se souvient de ce match, au Parc Lescure de Bordeaux (Jacques Chaban-Delmas n’étant pas encore mort à l’époque), le 31 janvier 1998. Cette finale de Coupe d’Europe jouée en plein hiver, fut le théâtre de la plus belle défaite débile de l’histoire du rugby français, et de l’histoire du rugby tout court. Alors, à l’occasion de la finale de ce weekend, à la Boucherie, on vous propose de vous la remémorer. Ça détendra l’atmosphère, ça fera rire tout le monde, sauf les Brivistes, mais on s’en fout, ils n’ont pas internet. Jeu Bonus : Sauras-tu retrouver Alain Juppé dans l’image ? Bordeaux, Parc Lescure, samedi 31 janvier 1998, C’est un évènement. Pour la première fois de l’histoire du rugby, une finale de coupe d’Europe des clubs se joue sur la bonne terre de France. A l’époque, le rugby était un sport encore confidentiel, le match n’allait pas attirer beaucoup de monde (on mesure le chemin parcouru jusqu’à aujourd’hui, donc). C’est donc dans le modeste Parc Lescure de Bordeaux que va se jouer ce troisième titre. Bon, en fait, ça tombe bien, parce qu’en fait Brive est qualifié pour la finale et qu’ils ont pu choisir le lieu du match. Pas fous, ils n’ont pas choisi le stade de Clermont. Il faut dire que Brive à l’époque, c’est pas des peintres, hein ! Champion d’Europe en titre après leur victoire en 1997 contre Leicester (28-9), ils ont accédé pour la seconde année consécutive à la dernière marche de la compétition. Pourtant, ils en ont chié : deuxième de leur poule derrière Bath, les Coujoux doivent passer par un barrage contre Pontypridd – quelques jours seulement après le fameux Brive-Pontypridd et sa troisième mi-temps de légende au bar Le Toulzac. Défaits à LA BAGARRE mais vainqueur sur le terrain (c’est ce qui compte finalement), les hommes de Patrick Sébastien accèdent aux quarts de finale, où ils battent les Wasps sur leur terrain. En demi-finale, au Stadium, après un match nul mais grâce à un nombre supérieur d’essais marqués (2 contre 1), ils éliminent Toulouse. Tout est en place pour un second titre consécutif. Mais avant cela, il faudra retrouver Bath, en finale. Sûrs de leur force, les Brivistes font même jouer Laurent Travers, unijambiste. Il y eut un temps où l’équipe de Brive n’était pas composée uniquement de Fidjiens et de Géorgiens. Il y eut même un temps où Arnaud Mela ne jouait pas. Il y avait même des internationaux français, et pas des moindres. Bon il y avait aussi Laurent Travers. En ce samedi ensoleillé, Laurent Seigne avait composé l’équipe suivante : Didier Casadeï, Laurent Travers, Richard Crespy – Eric Alégret, Yvan Manhès – Loïc van der Linden, François Duboisset, Olivier Magne – Philippe Carbonneau ©, Lissandro Arbizu – Sébastien Carrat, David Venditti, Christophe TITOU Lamaison, Jerôme Carrat – Alain Penaud. En face, Andy Robinson, le coach de Bath a aligné ses grands noms : Mike Catt, Andy Nicol, Jeremy Guscott, Ieuan Evans. Le rugby c’était mieux avant, mais ça ressemblait quand même beaucoup à ce que l’on connait aujourd’hui. Dans cette finale fermée à double tour, les téléspectateurs de France 2 doivent supporter et le concours de pénalité et les commentaires de Pierre Salviac. A ce petit jeu, Brive prend rapidement le large, profitant de l’anglophobie de l’arbitre écossais Jim Flemming. A la mi-temps, les noir et blanc mènent 15 à 6, grâce à cinq coup de pompes du grand, du très grand Titou Lamaison. Bath ne montre rien et les quelques spectateurs dans le stade qui ne se sont pas endormis ne voient pas comment ce match peut échapper aux Français. La seconde mi-temps commence par vingt minutes lénifiantes. A l’heure de jeu, Bath concrétise la seule action d’envergure du match, par un essai de Jonathan Callard, qu’il transforme lui-même. Les Anglais reviennent à 15-13. Brive, dans un excès d’ambition décide de tuer le match par un drop d’Alain Penaud (18-13). Cinq points d’avance, un quart d’heure à jouer, ne reste plus qu’aux Brivistes que de bien gérer la fin de match. Place au chef d’œuvre. Il a touché le poteau ! Essai ! Non… Bath revient d’abord à hauteur de ses adversaires grâce à une pénalité de Callard (18-16). On joue alors les arrêts de jeu – à l’époque, la fin du match est à la discrétion de l’arbitre qui laisse jouer autant qu’il le souhaite – Bath insiste pour percer la muraille corrézienne, en vain. A la 80e minute, l’ailier Adebayo envoie une grande chandelle de dépit dans les 22 mètres brivistes. Penaud réceptionne et met le ballon en touche, mais Yvan Manhès, le seconde ligne coujoux, dans un geste que n’aurait pas renié Julien Bardy ou Pascal Papé, vient percuter volontairement l’ailier anglais. Cette pure intelligence situationnelle oblige l’arbitre de siffler une pénalité, les bras ballant devant tant de bêtise. Callard passe le ballon entre les poteaux et Bath prend la tête pour la première fois de la rencontre (18-19). Le match aurait pu se terminer là, il n’aurait été que banal. L’arbitre Flemming décide de laisser une chance supplémentaire aux champions d’Europe en titre et ne siffle pas la fin du match. Sur le renvoi de Lamaison, les Anglais récupère le ballon et Callard dévisse son coup de pied. Il trouve une petite touche que l’arbitre décide de faire jouer. Sur le lancer de Travers, le pack de Brive forme un maul et commence à avancer. Les avants de Bath écroule le maul et Flemming siffle en faveur de Brive. C’est bon, Lamaison a le coup de pied de la gagne. Tout va rentrer dans l’ordre. Coup de théâtre, le coup de pied du buteur de l’équipe de France est trop court ! Un joueur de Bath récupère le ballon et le sort des limites du jeu. Flemming est sur le point de siffler la fin du match mais, deuxième coup de théâtre, il accorde une mêlée à 5 mètres aux brivistes, un joueur de Bath ayant fait rentré le ballon dans l’en-but. C’est bon, là cette fois-ci, tout va rentrer dans l’ordre. La mêlée blanche et noire domine son adversaire, Carbonneau sort parfaitement le ballon dans l’axe pour Arbizu qui n’a plus qu’à passer le drop en face des perches… A côté !! Tel un Brock James des grands jours, le demi d’ouverture argentin flanche au moment crucial. Flemming, devant tant de nullité, se résigne à siffler la fin du match. Andy Robinson exulte, Bath est champion d’Europe. L’Angoisse du buteur au moment de voir son drop se dérober C’est là le drame de l’ASM finalement. Dans tous les domaines, ils trouvent quelqu’un supérieur à eux. Dans la victoire, très souvent, mais même dans la défaite. Malgré de bonnes intentions et une créativité toujours plus grande pour inventer des défaites débiles, jamais ils ne pourront égaler cette défaite de Brive en finale de la HCup 1998. A moins que… Réponse samedi soir. Bonus : voici la vidéos des six dernières minutes du match. Vous ne pourrez les voir que si vous avez lu entièrement le texte ci-dessus. Faîtes attention, on donnera les noms des tricheurs à Manuel Valls.
Et si… Alain Rolland était revenu à l’avantage, le 18 mai 2013, à Dublin Par Thomakaitaci (avec la participation de Pèir Lavit), Finale de la HCup 2013 à l’Aviva Stadium de Dublin, 18 mai 2013, Nous sommes aux premiers instants de la seconde mi-temps, Clermont a tué le match en plantant deux essais d’école à des Toulonnais apathiques. Les Auvergnats prennent le large et Rougerie se permet même de chambrer Wilkinson et Armitage. La banda jaune et bleu entame pour la douzième fois l’intégrale de Lady Gaga et Valéry Giscard d’Estaing s’apprête à annoncer son retour en politique. En face, les douze supporters toulonnais ayant fait le déplacement jusqu’en Irlande sont dépités. Poseeey ! 63e minute de jeu, sur un contre-ruck gagnant, l’inoxydable© Julien Bonnaire fait commettre un en-avant à un Toulonnais qui perd la balle. Fidèle à ses principes et sûre de sa force face à une équipe de stars vieillissantes, l’ASM déclenche sa combinaison « humiliation de l’adversaire » en envoyant du jeu large-large© n’importe comment, tant que la balle retombe dans les mains de Fofana, dont les appuis se joueront des reins transplantés des joueurs de la Rade. Tactique qui fonctionne à merveille : en deux passes, le feu follet© auvergnat fonce à travers quatre maillots rouges, mort de rire. Mais là, Bakkies Botha, essoufflé parvient tout de même à stopper le centre auvergnat et Fernandez-Lobbe, en trébuchant, tombe sur le ballon sur le côté de l’axe-de-la-porte-du-ruck et parvient, dans un éclair technique, à passer les bras et le ballon par-dessus la défense clermontoise. Ce dernier arrive dans les mains de Delon Armitage, qui s’en va aplatir l’essai de la victoire tout en insultant copieusement d’un coucou Miss France, le génie australo-auvergnat, Brock James. Les douze supporters toulonnais exultent… un instant seulement : l’arbitre, Alain Rolland, irlandais-mais-qui-parle-couramment-la-langue-de-Molière-car-je-ne-sais-pas-si-vous-savez-mais-son-père-est-français©, revient à l’en-avant toulonnais et ordonne une mêlée… Alain Rolland, faut pas test ! OK Delon ? Ce fait de jeu a pour effet de réveiller un instant le public irlandais qui commençait à s’endormir profondément devant ce match de Top 14 délocalisé. Une fois la mêlée jouée, la petite mécanique clermontoise se remet en route. Jeux de passes, redoublements, chisteras, coups de pied par-dessus, à ras de terre, toute la palette des gestes techniques possibles à Rugby Challenge y passe. Doucement mais sûrement, l’ASM ajoute 6 points, par un drop de Rougerie à 40 mètres en face (qu’il fête en pinçant les tétons de Bastareaud, hors-caméra) et une pénalité de David Skrela, tentée du talon. 21-9, jusqu’à la dernière minute où Sivivatu, passe en revue les 15 joueurs toulonnais, l’ensemble des remplaçants, le staff technique, les douze supporters, les stadiers, les roux, les gouttes de pluie, les mecs coiffés d’un bonnet en forme de coq et puis ceux avec un bonnet en forme de pinte pour aller inscrire le dernier essai auvergnat entre les perches (non transformé par David Skrela). 26-9 score final. Paulo qui casse les reins de Michalak : l’humiliation est totale. Pendant que les Clermontois triomphent avec leurs 150 000 supporters présents sur la place de Jaude (qui, pour la plupart, découvre pour la première fois ce sport rigolo, attirés par l’idée de boire de la bière toute la nuit), c’est la débandade dans le camp toulonnais. Pour les joueurs multimilliardaires, cette défaite ne leur semble pas plus triste qu’une défaite au Scrabble contre les autres résidents de leur maison de retraite. Tous décident donc de prolonger le week-end par un séjour en Écosse, à Saint-Andrews, afin d’y travailler leur swing. Tous, à l’exception de Wilkinson qui s’enferme dans un monastère, cesse de se nourrir et s’inflige des tirs de ballons de rugby, afin de se purger de son échec. Les membres du staff s’affairent, quant à eux, à rechercher Mourad, introuvable depuis le début de la seconde mi-temps. La légende veut qu’il continue de tourner inlassablement autour du stade, dans son taxi. Allez Mourad, fais pas le con, Mourad, sors de ce taxi, Mourad… Mourad !? Dans l’euphorie de la victoire, la préparation de la demi-finale du Top14 à Clermont passe totalement à la trappe. Il est vrai que la perspective de jouer contre le champion de l’Aveyron dans un stade rempli de Bretons plus qu’avinés a un caractère plus exotique et parodique que véritablement sérieux pour une équipe déjà championne du Monde des matchs amicaux, des matchs de championnat, des premières mi-temps, des avants-matchs et des vidéos YouTube et désormais championne d’Europe. Cotter décide d’ailleurs, pour la première fois de sa carrière, de titulariser Nakaitaci, Lapandry, Chaume et même Buttin. Les autres font un poker. Lhermet complète l’équipe pour pallier les absences. Mais le match n’aura pas lieu : les joueurs aveyronnais épuisés par leur voyage de cinq jours en charrette, déclarent forfait. La veille, Toulon, avec ses Espoirs, s’est imposé contre Toulouse sur le score de 20 à 18. Les jeunes varois menaient de cinq points dans les arrêts de jeu, mais Dusautoir a obtenu une pénalité à cinq mètres de l’en-but. Novès a alors décidé de prendre les trois points, afin de ne pas risquer la prolongation en cas d’essai non-transformé et ainsi protéger le temps de jeu de ses joueurs, surchargés par les doublons. Sans pression, Beauxis a passé la pénalité et Toulon a remporté son ticket pour le Stade de France. Ivre, Lhermet apprend qu’il est titulaire en demi-finale contre Castres. La finale du Top 14 est donc la revanche de la finale de Coupe d’Europe. Les stars toulonnaises ayant refusé de rentrer précipitamment de vacances, Laporte est obligé de réaligner ses jeunes joueurs et Maxime Mermoz. Michalak reste tout de même sur le banc. En face, Cotter remobilise ses joueurs et aligne son équipe-type. Le début de match est à sens unique, les Auvergnats marchent sur les jeunes Toulonnais, Bardy – pourtant remplaçant – fait des ravages dans la tribune sud du Stade de France, seul contre tous les supporters varois. A dix minutes de la fin, Clermont mène par plus de trente points d’avance, la Place de Jaude est en ébullition et Michelin en profite pour licencier allègrement la moitié de ses employés/de la ville. Mais, James, sur une pénalité anodine, s’aperçoit soudainement qu’il est en train de jouer la finale et ne trouve pas la touche. A partir de ce moment-là tout se dérègle, les Auvergnats sont comme tétanisés par la pression et les jeunes Toulonnais reprennent la main sur le match. Ils enchaînent quatre essais et reviennent, à la 79e minute à 30-28. Bardy assène alors un coup de genou tactique au jeune dix inconnu de Toulon ce qui oblige Laporte à faire rentrer Michalak. C’est donc au pied tremblant de l’égérie Sofinco que les Sudistes s’en remettent pour décrocher leur premier Brennus depuis 1992. Les Clermontois, supporters comme joueurs, semblent soulagés. On voit même poindre dans la tribune Nord une banderole sur laquelle il est inscrit : « Racistes, Bling bling, Cagoles, Bienvenue à Félix Mayol ». Coup de théâtre ! Tel un Deus Ex Machina, l’esprit de Wilkinson, désormais Saint parmi les saints, descend sur le Stade de France dans un halo de lumière blanche et accompagne le pied de Michalak. Le ballon passe entre les perches et les Rouge et Noir sont sacrés champions de France sur le score 31 à 30. Immédiatement, les supporters clermontois rédigent une pétition pour interdire les interventions divines défavorables. Toulon, champion de France avec des jeunes Français espoirs devient la nouvelle équipe coqueluche de tous les bistrots de France, pas peu fiers de supporter une équipe qui a fait la nique aux étrangers mercenaires ©. Toulon est au firmament. La fin de saison 2013 est un tournant historique pour le rugby français. Dès la tournée d’été suivante, Philippe Saint-André révolutionne son XV de France en appelant essentiellement les espoirs toulonnais, chapeautés par Michalak, dont le pied incandescent et touché par la grâce doit servir de guide pour des Bleus plongés dans la nuit noire. Les résultats ne se font pas attendre, les jeunes Bleus rivalisent avec les All-Blacks, surpris par un tel enthousiasme juvénile. La saison suivante, Clermont est en proie à une révolte populaire : personne n’achète le nouveau maillot jaune-bleu-rouge-vert-blanc à 130€. Le grand Toulouse, à force de recruter des Biarrots, a les mêmes résultats. Les deux clubs historiques plongent aux deux dernières places et d’un coup, le lobbying pour un Top 12 à la Ligue bat de l’aile. Toulon, le Stade Français et Bordeaux caracolent en tête et, pour récompenser leur initiative de jeu et de jeunesse, la Ligue leur décerne un Bouclier de Brennus ex-aequo. Le XV de France ne s’arrête plus d’étonner : emmené par un Michalak irradiant (sur plus de 24 minutes d’affilée), elle remporte le Tournoi des six Nations. Combinaisons, redoublements, contre-attaques, passes après contacts, festivals de gestes techniques et intelligence de jeu, la « French Chatte » est morte, vive le retour du « French Flair » ©. Enfin une équipe FRANÇAISE, avec des joueurs FRANÇAIS et des valeurs FRANÇAISES ! Cette renaissance du rugby français fait du XV de France un des grands favoris pour la Coupe du monde 2015. Saint-André est élu sportif préféré des Français. L’Italie, le Canada, la Roumanie et l’Irlande ne peuvent riposter face à l’engouement des Bleus. En quart de finale, ils ne font qu’une bouchée de l’Argentine. En demi-finale, à Twickenham contre l’Angleterre, le match est une formalité. L’équipe de France enchaîne les essais devant un public de rouquins alcoolisés sidéré. La RFU avait pourtant tout prévu en nommant Wayne Barnes au sifflet. Le rugby français humilié, le rugby français martyrisé, mais le rugby français… libéré ! En finale, c’est une nouvelle fois la Nouvelle-Zélande qui se dresse devant les joueurs frappés du coq ©. Une fois de plus, PSA innove en décidant de fluidifier son jeu à l’extrême afin de faire disparaitre les rucks. Perturbé, Richie McCaw passe le match à plonger dans le vide. Dans un match libéré de tout combat au sol, les Français et Néo-Zélandais se retrouvent à égalité, 112 partout, 16 essais de chaque côté. La sirène retentit, dernière action. Après une série de passes qui balayent le terrain, de combinaisons qui transpercent la défense, la balle arrive dans les bras de Michalak qui trompe Israël Dagg d’un petit lob astucieux avant de plonger dans l’en-b… Photo de Clermont-Ferrand, le 18 mai 2013, au soir : “On est pas bien là ? A la fraîche, décontractés du gland ?” … Les yeux engourdis, je me réveille. Je suis affalé dans le canapé, imbibé de bière, on est toujours le samedi 18 mai 2013. Alain Rolland est bel et bien revenu à l’avantage et n’a pas accordé l’essai de Delon Armitage. Mais cela n’a pas changé grand-chose. Les Clermontois ont continué d’attaquer comme des abrutis et se sont fait prendre en contre par ce diable© d’Alexis Palisson. Toulon est champion d’Europe 2013 et les Auvergnats, comme d’habitude, se sont sabordés. La finale de samedi prochain sera la bonne.
Rugby d’Avant : Saison 1935-1936, Épisode 2 Par Thomakaitaci, Pour relire l’épisode 1 , c’est ici.Le rugby d’avant, avec ses premières divisions à 42 clubs, offre un panel de villes et de destinations assez intéressant. Et encore ce n’est rien par rapport aux 80 équipes qui participeront au championnat dans les années 1970-1980. Néanmoins, cela permet aux joueurs de découvrir chaque recoin de notre beau pays. Prenons par exemple les joueurs du Stade Français, placé, à l’aube du championnat 1935-1936, dans le Groupe C. Les Parisiens, héros d’antan, sont aujourd’hui rentrés dans le rang (marrant comme cette phrase fonctionne toujours aujourd’hui). Eux qui avaient été les premiers « losers magnifiques » en s’inclinant 4-3 lors de la première finale en 1892 contre le Racing Club de France, devant à peine 2000 spectateurs (déjà, on ne se battait pas pour voir du Rugby à Paris), avaient ensuite remporté sept Brennus en dix ans. Stade Français – Racing en 1906 : si le rugby a changé, le nombre de spectateurs à Paris n’a pas changé aussi… Donc en Juillet 1935, le Stade Français n’est plus qu’un vague souvenir. Une seule finale – en 1927, perdue contre le Grande Stade Toulousain, 19 à 9 – et encore douze ans à attendre la naissance du messie, Max Guazzini. Les Rouge et Bleu (couleurs originelles du club, petit rappel pour ceux nés après 1998) vont pouvoir se déplacer dans le Béarn (Section Paloise), dans l’Aude (Narbonne), dans les pruneaux (Agen), dans les Landes (Boucau) mais aussi dans le Jura (Lons-le-Saunier) et l’Isère-Ardèche-Aveyron (Vienne). Et contre les apparences, c’est bien ces derniers qui sont les têtes de série du groupe. Eh oui, le Club Sportif de Vienne s’est qualifié pour les demi-finales du dernier championnat de France, s’inclinant de très peu (11-10) contre Perpignan LES CATALANS. Faut dire qu’ils ont reçu l’aide du fameux Jean Etcheberry, 16 sélections, vice-champion-olympique et devenu entraîneur du club à 26 ans. Le Basque a déjà un palmarès bien fourni à la tête du club : double champion de France Honneur, demi-finaliste du championnat de France Excellence. Reste que cette fois-ci, pour se qualifier pour les phases finales, il faudra sortir de cette autre poule de la mort ©. Narbonne est double finaliste du championnat de France entre 1932 et 1933, Pau champion de France 1928 et régulièrement dans le dernier carré depuis. “Un jour Bègles et Bordeaux ne feront plus qu’un… – Qu’est-ce que tu as dit ? Jamais tu entends, jamais ! Je vais t’en coller une !” Mais, pour rassurer tout le monde, le rugby d’avant c’était déjà un sport consanguin, concentré dans le Sud-Ouest. On s’en aperçoit avec la dernière poule de ce championnat 1935-1936 : le Stadoceste Tarbes, le Stade Bordelais, le Stade Pézenas, le CA Bègles, l’AS Bayonne, l’US Dax, l’AS Carcassonne. Humez la bonne odeur de Cassoulet, de truffe, de vin, de confits et d’accent fleuri qui s’exhale de cette poule. Autant le dire tout de suite, le tirage à la Fédération été pipé : il fallait avoir le Stade Bordelais et le CA Bègles dans le même groupe pour assurer le respect des valeurs (LA BAGARRE !). A l’époque, l’idée d’une possible union entre Bègles et Bordeaux, un machin qui s’appellerait CA Bègles-Bordeaux ou Union Bordeaux-Bègles, euh… ce n’était pas franchement envisagé. C’est vrai aussi que Bègles, ce n’est pas encore grand-chose dans le rugby français, là où le Stade Bordelais, c’est l’autre grand club historique (avec le Stade Toulousain) : premier club non-parisien à devenir champion de France en 1899, le SB enchaîne sept titres en dix ans. M’enfin, depuis la fin de la guerre 14-18, ils dorment. Barbe bien taillée, pull en laine : le rugby d’avant c’était déjà un sport de hipsters. Notons aussi la présence du Stadoceste Tarbais, ancien champion de France en 1920 et d’un second club bayonnais (ce qui porte à quatre le nombre de clubs basques en tout : beaucoup de derbys, beaucoup de bagarres !) Mais – et certains journaux de l’époque n’ont pas manqué de le regretter – il n’y aura pas cette année de Boiteusico, ce fameux match entre Lézignan et Pézenas. Donc pour ceux qui ont eu la flemme de lire les deux premiers épisodes, le résumé complet des six poules du championnat de France 1935-36 (avec en gras, les favoris pour le titre selon France Olympique, l’ancêtre du Midi Olympique, c’est vous dire si c’est fiable) : Poule A : Biarritz Olympique, AS Montferrand, FC Lézignan, AS Tarbes, RC Chalon, Stade Athlétique Bordelais, Stade Nantais.Poule B : USA Perpignan, Stade Toulousain, Lyon OU, CA Périgueux, FC Auch, AS Bort-les-Orgues, US ThuirPoule C : CS Vienne, Section paloise, RC Narbonne, SU Agen, Stade Français, CS Lons, Boucau StadePoule D : Stadoceste Tarbes, Stade Bordelais, Stade Pézenas, CA Bègles, AS Bayonne, US Dax, AS CarcassonnePoule E : Aviron Bayonnais, Racing Club de France, CA Brive, FC Oloron, SC Albi, US La Teste, Stade PoitiersPoule F : RC Toulon, AS Béziers, FC Grenoble, US Soustons, UA Libourne, UA Gujan-Mestras, US Tyrosse
L’Eurovision du Rugby Par Thomakaitaci A la Boucherie, on s’est donné une mission pédagogique plus large que de simplement faire des vannes foireuses sur les joueurs de rugby. L’idée c’est aussi de partager, de faire connaître la culture de ce sport. Alors, à l’occasion des quarts de finale de la Coupe d’Europe, qui vont monopoliser tout le week-end sportif, nous sommes fiers de vous présenter la première édition de l’Eurovision du rugby ! Le concept est simple, chaque équipe encore en lice avait pour mission d’enregistrer un clip musical en soutien à leur équipe. Et c’est vous, cher(s) lecteur(s) – on ne sait jamais, vous serez peut-être deux à lire cet article – qui allez attribuer les points. Alors évidemment, dans ces cas-là, y a toujours des mauvais élèves. Sur les huit candidats possibles, seuls cinq ont répondu positivement à la proposition de la Boucherie. Et ce sont les Anglais qui, une fois de plus, ont tiré au flanc : ni Bath, ni Northampton, ni les Wasps ne nous envoyé quelque chose de potable. C’est tout bénéf pour les clubs français qui débarquent en force pour remporter cette première édition. Article certifié sans Toulouse-bashing. Pour commenter la cérémonie, on a engagé le meilleur duo comique qui existe. Vous n’en pouvez plus, place maintenant aux candidats : ML : Ils nous viennent Toulon, ils ont un look de rockeurs has been à chanter dans les bals-musettes des villages du Var et à faire danser les quinquagénaires. Ils descendent de la montagne aux grands cocotiers blancs, voici … le groupe Aïoli ! FG : Il faut dire Matthieu que pour en arriver là, ils ont battu en demi-finale, KOLONEL LOMERTA (NDLR : clique sur le nom pour écouter), un artiste t’as vu, bling bling, gangsta ghetto. C’est déjà une belle performance. ML : Ah oui. Mais il ne faut pas oublier que ce sont les Varois qui ont voté pour le vainqueur. Et que le rap, cette musique de gens basanés, ce n’est pas forcément leur truc. FG : Ah mais je vois déjà arriver un nouveau candidat, Matthieu. Ils viennent avec l’armée toute entière. ML : Oui Fabien, ce sont les candidats du Leinster qui s’approchent, les LEINSTER’S GLORY. Vous allez voir, c’est très irlandais, ça chante en chœur, c’est très beau. Et puis ils ont battu les grands favoris, THE DUBLINERS et leur hymne Molly Malone (NDLR : là aussi tu peux cliquer…). Mais bon, il faut aussi dire que ces derniers ont été disqualifiés, car ils ne font jamais référence au club durant la chanson et c’est interdit par le règlement. FG : Oui, c’est comme si Toulouse concourrait avec une chanson de Claude Nougaro. Ce serait injuste pour les autres. ML : Exactement, mais la question ne se pose pas. Toulouse n’étant pas qualifié. FG : Ah oui effectivement, c’est très beau. Même si je n’ai pas tout compris aux paroles. ML : Ne vous inquiétez pas Fabien, c’est de nouveau le moment d’un candidat français. Et on mise beaucoup sur eux. Eux aussi d’ailleurs misent beaucoup sur cet Eurovision du Rugby. C’est peut-être enfin l’occasion de remporter un titre. FG : Ah oui, ce sont les Clermontois. Ah je compte sur eux, parce que j’adore Jean-Louis Murat. Depuis que je suis au chômage, j’écoute tous ses disques sur ma chaîne Hi-Fi. Ça me fait du bien. ML : Oui alors là, Fabien, ce n’est pas exactement, Jean-Louis Murat. Mais, il y a eu énormément de candidats, tous très prometteurs. ce fut très dur d’en choisir un. Ils ont tout misé sur leurs points forts. Là c’était le terroir (NDLR : C’est souligné, donc tu peux cliquer pour écouter. C’est bon, t’as compris le principe ? Parce que je vais pas me faire chier à le répéter à chaque fois). Là c’était les paroles très recherchées. Et ils ont même mélangé les deux. FG : Ah oui quand même. Rien qu’avec ça, ils pouvaient battre tout le monde et faire les trois premières places du podium. ML : Oui, mais étonnement, ils ont choisi comme candidat final, une chanson rock-branché, très valeurs du rugby (c). C’est mignon comme tout. Chut ça commence. FG : Ah oui. Les jeunes, les vieux, les joueurs, le public, tous unis. On dirait un clip pour la GMF. Mais c’est bien joué. Les valeurs, c’est le Momentum. ML : Attention, voilà un candidat très sérieux. C’est le seul qui nous vient d’Angleterre. Mais, je ne sais pas ce que vous allez en penser, il y a vraiment du travail et de la recherche, derrière la chanson. Ça y est ils arrivent sur scène. Le chanteur, Fabien, c’est le type au milieu, avec ses lunettes de soleil, son gros collier et son marcel blanc. FG : Mais je le connais lui, c’est le chanteur Pite-boule. ML : Oui, alors, c’est un fan. Il s’appelle RIGHT SAID FRED Et, il est aussi fan des Saracens. Du coup, on lui a demandé de faire une chanson. Mais, apparemment, il n’a pas eu le temps de travailler la MUSCUUU. FG : Oui c’est vrai qu’il est un peu ridicule. Vous le trouvez beau vous ? ML : Moi, pas tellement. Mais c’est un look très efficace auprès des Anglaises. FG : Ah oui ? Ah, j’y repenserai alors si un jour je retrouve du boulot en Angleterre. C’est toujours mieux, pour s’intégrer, d’adopter les coutumes du pays. Par contre, je ne sais pas vous, mais j’adore quand les joueurs chantent en playback. C’est super bien fait comme effet. ML : On est déjà à la fin de la cérémonie Fabien. Voilà le dernier candidat. Par contre, je n’ai pas trop d’informations sur son parcours. FG : Oui, c’est un supporter du Racing, c’est étonnant. Je n’en avais jamais vu en vrai. C’est une espèce en voie d’extinction ? ML : Non, pas exactement. C’est une espèce qui n’a jamais vraiment existé en fait. FG : Allez on se tait, on écoute. On verra bien ce que ça donne. FG : Ah… Ah oui. C’est pas évident de reprendre le micro après cette chanson. J’ai été transporté Matthieu. C’est beau. j’ai beaucoup aimé le déhanché et les mouvements de tête. En plus la petite surprise tout à la fin… ML : Oui Fabien. Je ne sais pas trop quoi dire après cela. C’est une vraie surprise. En tout cas, ils peuvent gagner contre toute attente. C’est la beauté de la compétition. (Silence réflexif) ML : Bon allez Fabien. Faut s’en remettre. C’est l’heure des votes maintenant. À vous chers lecteurs de voter en commentaires. On rappelle le système, c’est tout con : vous accordez 5 points à votre chanson préférée, puis 4 points, puis 3 etc. En attendant, l’organisateur, la Boucherie Ovalie, nous offre le nouvel hymne officiel du Top 15, l’an prochain, en exclusivité mondiale. Un hymne aux vraies Valeurs du Rugby® ! ML : À tout de suite pour le résultat des votes ! À la rédac, on a décidé de voter pour cette chanson. À vous de nous donner votre favori dans les commentaires !
France – Italie 2002 : Pas de fautes ! Pas de fautes ! Par Thomakaitaci, Difficile de trouver un Italie-France historique. Oui, dans quelques années, on se souviendra des matchs de 2011 et 2013 comme des rencontres de légende du Trophée Garibaldi – le seul trophée que peut ambitionner sérieusement le XV de France depuis quelques années. Mais c’est encore trop tôt pour les transformer en cours d’Histoire. Et puis tous les médias officiels de l’Ovalie les ont déjà rabâchés toute la semaine (faut les excuser, leur culture rugby dépasse difficilement les 5 ans). Alors, on règle la DeLorean de David Marty McFly sur l’année 2002, le jour de ce France-Italie au Stade de France, le troisième du nom dans le Tournoi. 2 février 2002, Stade de France. Démarrage en douceur pour le XV de France. Pour la première journée du Tournoi, les Français reçoivent l’Italie dans l’arène de Saint-Denis, presque neuve. C’est déjà le troisième Tournoi de Bernard Laporte à la tête de la sélection pour un bilan mitigé (5 victoires et 5 défaites), avec une équipe encore largement composée des « héros » de Twickenham 1999 – ça c’est pour ceux qui, aujourd’hui, pensent encore qu’il est LA solution pour le XV de France. Mais en 2002, la marche vers la prochaine Coupe du monde est enclenchée. On commence à voir de nouveaux noms apparaître. Ce samedi-là, la composition des « Bleus de France » est alors la suivante : 15. Jeanjean, 14. Rougerie, 13. Traille, 12. Marsh, 11. Bory, 10. Merceron, 9. Michalak, 8. Hall, 7. Magne (capt), 6. Betsen, 5. Privat, 4. Auradou, 3. De Villiers, 2. Bru, 1. Crenca (Remplaçants : Ibanez, Poux, Pelous, Vermeulen, Albouy, Gelez, Garbajosa). Marsh, Rougerie, Bory, Merceron (+ Magne et Vermeulen) : le lobby auvergnat avait encore frappé. En face, se présente l’équipe d’Italie. Depuis 2000, l’amicale des Argentins d’origine italienne s’est vu accorder le droit d’inscrire une équipe au Tournoi des six Nations, dans une optique de déconsanguinisation du rugby européen. Pour plus de lisibilité, ils obtiennent aussi le droit d’appeler leur équipe “Italie”. Leurs deux premiers Tournois sont des chemins de croix pour ces Italiens au curieux accent espagnol : une seule victoire en dix matchs (dès la première journée du Tournoi 2000, contre l’Écosse, toujours présente quand il s’agit de se faire humilier pour le bien de l’Histoire). La Squadra Azzurra se présente au Stade de France avec ses stars Stoica, Dominguez, Troncon, Bortolami, Mauro Bergamasco, Dellape, Lo Cicero. Sur le banc, on retrouve même Ramiro Pez, le frère de Camillo, célèbre grandisse éphémère roux. Pour tous nos lecteurs aux penchants homosexuels, on leur dédie cette vidéo de Diego. Le match est surtout célèbre pour la mi-temps dans le vestiaire du XV de France, instants captés par une caméra de Stade 2. On y voit 22 sales gosses, 22 starlettes, assis sur les bancs, le regard hagard. Et au milieu, un homme en noir, maigre, lugubre, aux petites lunettes démodées depuis 20 ans déjà, à l’accent du sud-ouest exacerbé, qui trépigne, qui hurle, qui éructe, comme un berger sur ses pauvres brebis apeurées. La raison de cette furie ? La France ne mène que 19 à 12 à la mi-temps contre ces modestes bouffeurs d’empanadas bolognaise. Imaginez la scène ce dimanche : si la France mène 19 à 12 à la mi-temps à Rome, Ouin-Ouin ouvre déjà le champagne. D’autant plus qu’à la 25ème minute, l’Italie menait 12 à 3. En un quart d’heure, la France a donc collé un 16-0 à ses adversaires, un rêve aujourd’hui. Le rugby, c’était vraiment mieux avant. C’était mieux avant, et pourtant, le XV de France à l’époque c’était Ellis Island. Le nombre d’étrangers immigrés venus prendre la place des bons Français était plus grand que le nombre de non Italo-Argentins en face : Tony Marsh from Niou Zilande, Steven Hall (!) et Pieter De Villiers from Saouce Africa, Serge Betsen, un Noir des anciennes colonies ! Et si l’on rajoute des noms barbares comme Michalak, Ibañez ou Vermeulen, c’était pas franchement des enfants du sud-ouest nourris au cassoulet. Du coup, on ne sait plus si le rugby c’était mieux avant. Cet homme-là est devenu ministre, true story. Finalement, la France s’impose – dans la douleur – sur le score de 33-12, avec 2 essais de Traille et Betsen et 7 pénalités de Merceron, le meilleur réalisateur du Tournoi 2002 (le voilà notre grandisse !). Le nombre élevé de pénalités rappelle aussi à qui veut bien l’entendre la qualité et l’ambition du plan de jeu de l’équipe de France pendant l’ère Laporte – ça c’est pour ceux qui, aujourd’hui, pensent encore qu’il est LA solution pour le XV de France (bis). A la fin, après un très grand match contre les Anglais au Stade de France, les Bleus s’offrent le Grand Chelem en écrasant l’Irlande sur le score de 44 à 15. C’était beau, quand même.
France – Pays de Galles 1930 : La défaite héroïque Par Thomakaitaci, Ce petit détour par les années 2000 et l’inauguration de la FrenchPute © était réjouissant, il faut maintenant retourner dans le cambouis, dans ce rugby en noir et blanc, si précurseur. Cette semaine, on règle la DeLorean DMC-12 de David Marty McFly sur le 21 avril 1930. Ce dimanche-là se forge une des caractéristiques principales de l’identité du XV de France, l’art de la défaite, la défaite héroïque, la défaite encourageante. Alors, avant d’assister à une nouvelle démonstration de défaite héroïque, samedi 18h, au Stade de France (vous l’aurez lu ici en premier), replongeons-nous dans le France-Pays de Galles du Tournoi 1930. Et pour ceux qui sont moins fleur bleue, rassurez-vous, il y a encore une bonne dose de bagarres violentes et de valeurs ! Le Tournoi 1930 a failli être historique. Pour la première fois depuis qu’elle y participe, la France peut remporter le Tournoi. On ne vous décrit pas la gueule des Britanniques et Irlandais. Lors leur premier match, les Bleus battent les Écossais (7-3), puis réalisent l’exploit, à Belfast, de battre les Irlandais (5-0). Sûrs de leur fait, ils se rendent à Twickenham pour gagner. Ils mènent même 5-0, mais craquent dans les 10 dernières minutes de jeu et encaissent 3 essais, pour s’incliner 11-5. Déjà, la défaite encourageante pointait son nez. Mais tout est relancé par le match nul (0-0, ça c’est rougby !) entre les Anglais et les Écossais. Si la France remporte son dernier match, contre le Pays de Galles, à Colombes, elle sera assurée de finir en tête avec 6 points. Hauts les cœurs ! Formez vos bataillons ! L’heure de gloire est arrivée. Les bataillons se forment en masse, effectivement. Près de 45 000 spectateurs se regroupent dans les travées du Stade Yves-du-Manoir de Colombes… Je le réécris, pour ceux qui ne sont pas bien réveillés : près de 45 000 spectateurs se regroupent dans les travées du Stade Yves-du-Manoir de Colombes. Oui, oui, dans le stade du Racing. Quand on vous dit que c’était un jour historique ! Pour ceux qui veulent briller en société, sachez que la composition du XV de France de ce match qui s’annonçait inoubliable était : 15. Piquemal (Tarbes) – 14. Samantan (Agen), 13. Graciet (Bourse), 12. Gérald (Racing), 11. Taillantou (Pau) – 10. Magnanou (Bayonne), 9. Serin (Béziers) – 7. Bioussa (Toulouse), 8. Galia (Quillan), 6. Ribère (Quillan, cap) – 5. Camel (Toulouse OEC), 4. Majérus (Stade Français) – 3. Choy (Narbonne), 2. Ambert (Toulouse), 1. Bousquet (Albi). Il ne nous reste qu’une seule phrase de l’après match. Elle est signée du dénommé Peacock, troisième ligne centre du Pays de Galles, titulaire ce jour-là : « Quand je suis sorti du tunnel et que je les ai vus, j’ai regardé les yeux des joueurs et leurs yeux ne disaient pas qu’ils allaient disputer un match contre les Gallois. Leurs yeux disaient qu’ils avaient pris quelque chose et je ne pouvais pas le prouver. » On nous bassine avec le France-Nouvelle-Zélande de Nantes en 1986. Mais le rugby français du tournant des années 1920-1930, c’était autre chose : en deux ans, se multiplient les jets de pierre entre joueurs, les bagarres sanglantes, les pugilats, des yeux arrachés et même des morts. En 1927, c’est le talonneur de Quillan qui décède sur le terrain et quelques jours après ce France-Pays de Galles, en demi-finale du championnat, le plaquage « à la limite » de Taillantou (titulaire à Colombes) tue sur place le jeune ailier d’Agen, Michel Pradié. Et alors, on entend plus les footeux ? Qui c’est qui est le sport le plus débile, et cela, depuis le début ? Non mais ! ICI, ICI, C’ÉTAIT COLOMBES ! Mais cette tactique n’a pas fonctionné. Les Gallois marquent un essai en contre qui force les Français à durcir encore plus le jeu. Galia, le troisième ligne, ouvre à vif le visage du talonneur gallois, Day. Neuf points de suture. Pourtant, les Français sont combatifs et ne lâchent pas le morceau. Gérald, le centre du Racing, aplatit derrière la ligne et égalise. Il recevra, pour cette action, de la part des auditeurs de Radio-Paris Tour Eiffel, le talent d’or. Mais, sans même utiliser la vidéo, l’arbitre – je vous le donne en mille, un anglais, Mr. Bevan… euh Mr. Helliwell – refuse l’essai pour un en-avant de passe. Le secrétaire national de la FFR, Cyril Rutherford, tel un cheikh koweïtien déguisé en Serge Blanco, intervient directement sur le terrain, pour signifier à l’arbitre qu’il s’était trompé. Que nenni, l’homme en noir est intransigeant, l’essai est refusé. Les Gallois passent deux drops en fin de match et s’imposent 11-0. Le retour aux vestiaires se déroule sous la bronca LA CATALANE. C’est la perfide Albion qui remporte finalement le Tournoi 1930. Les Français, salués par toute la presse pour leur courage, leur persévérance dans l’effort, sont acclamés par la foule. Fêter des vice-champions, grande tradition française. La FFR se sent si forte qu’elle demande d’intégrer l’International Board. Effrayés par la violence des valeurs © et par ces pratiques barbares, les Britanniques – tous issus de la noblesse oxfordienne ou cambridgienne – vont au contraire exclure la France du tournoi après le Tournoi 1931. Il a donc fallu attendre 1954 pour qu’elle termine première du Tournoi et même 1959, pour qu’elle le remporte seule.