J’ai regardé pour vous : Uruguay – Fidji
par La Boucherie

  • 26 September 2019
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Images par @greub1
 

La Coupe du monde est synonyme de grandes affiches comme Nouvelle-Zélande – Afrique du Sud dès le premier week-end. Aussi de matchs qui attirent le regard, comme le Japon – Russie d’ouverture. De matchs couperets, comme France – Argentine. Mais la Coupe du monde il faut le dire, c’est aussi des matchs que pas grand-monde ne regarde, ils sont là parce qu’il fallait bien des équipes faire-valoir dans les poules et maintenant qu’elles sont là elles doivent jouer. C’était le cas de ce Fidji – Uruguay, diffusé intelligemment un mercredi à 7h15 sur une chaîne lointaine de la TNT, impliquant que seule une poignée d’acharnés allait le voir. Pour vous, j’ai fait partie de cette poignée.
 

NB à l’intention de mon employeur : ceci est entièrement une œuvre de fiction. J’ai évidemment regardé le match le soir en replay, après avoir quitté le bureau à 18h comme ma fiche de poste le demande.
 

Le réveil à 7h n’est jamais bien agréable, mais j’ai réussi à m’extirper des draps, m’habiller sommairement et remplir mon bol. Cette manœuvre m’a toutefois fait rater les hymnes et la coupure pub, mais pas le coup d’envoi, preuve que la bourde de la veille qui nous avait privés de quelques secondes de Pays de Galles – Géorgie a été surcompensée aujourd’hui. Mais elle m’a surtout fait rater l’émission d’avant-match. Quelque part tant mieux, j’aime l’homo-érotisme autant que tout fan de rugby, mais à 7h du matin c’est peut-être un peu rude.
 

 

On est donc partis pour 80 minutes de champions olympiques qui vont jouer à la baballe face à des courageux © valeureux © Uruguayens, tellement inexistants sur le plan mondial qu’ils ont dû disputer des qualifications à la seule Coupe du monde à laquelle il suffit d’avoir une fédération pour jouer, avec peut-être le Quiddich j’avoue que je ne me suis pas renseigné.
Dès le premier lancement de jeu, les Sud-Américains (il est extrêmement pénible d’écrire le mot « Uruguayens » donc je vais utiliser des synonymes) perdent le ballon au contact par l’intermédiaire de leur centre Vilaseca qui a bien changé depuis son départ de Perpignan. En face les Fidjiens ne sont pas bien plus adroits, mais font suffisamment vivre le ballon pour inscrire un rapide premier essai par leur talonneur Dolokoto. Matavesi rate sa première transformation. Le match est brouillon, et pendant que je me brosse les dents le talon bleu se jette sur une énième passe après-contact tombée au sol, et la refile à son demi de mêlée qui élimine quelques défenseurs et file marquer entre les poteaux, à mi-chemin entre l’exploit personnel et l’essai casquette.
 

Il a forci Carlton, non ?

 

Même si les Fidjiens sont bien peu inspirés aujourd’hui, on sent que dès qu’ils s’appliquent ils débordent facilement les Argentins du pauvre, à qui ils ont passé 47 points à la dernière Coupe du monde. D’ailleurs ils se retrouvent rapidement dans les 5m adverses, et après avoir aplatit le ballon sur la moitié des joueurs de la rencontre, Eroni Mawi trouve un carré de pelouse vide et marque le deuxième essai fidjien. À noter : selon mes informations la défunte franchise italienne n’est pas nommée d’après lui. Matavesi passe la transformation, 12-7 c’est bon il est réglé et rien ne peut plus perturber ceux qui ont fait douter les Australiens, je prends mon sac et file au bureau, pendant que Benjamin Kayser raconte qu’il en connait un sur le terrain et qu’il est très gentil.
Le PC s’allume, rapide connexion à mytf1.fr et la pub m’indique que c’est toujours la mi-temps. J’en profite pour relever mes mails et répondre stratégiquement à mon boss pour lui montrer que je suis présent à 8h12, quelle dévotion. Le match reprend, je regarde vite fait le score (12-24) et reviens sur le jeu. Hein ? Et oui, pendant mon trajet ceux qu’on surnomme les Teros (le vanneau téro en français, l’oiseau qui orne leur maillot) ont marqué 17 points ! De beaux mouvements qui ont profité de l’apathie et de la désorganisation défensive des Fidjiens m’apprendront les highlights plus tard.
 



Elai Purtoa, entraîneur des réceptions de chandelles

 

24 à 12 donc, une des plus petites équipes de la compétition est en train de créer l’exploit face à ceux qu’on voyait bien en quarts, et qui ont par exemple battu la France il y a dix mois. Je paramètre mon double écran et fais semblant de remplir un fichier très important en gardant les yeux sur le match. Matavesi rate encore un coup de pied, mais Api Ratuniyarawa marque un essai. Benjamin Kayser se contente de prononcer son prénom, mais nous apprend qu’il le connait et que lui-aussi, il est très gentil. Matavesi rate encore un coup de pied ce qui le fait bien rigoler.
 


 

Les compatriotes de Rodrigo Capo-Ortega s’accrochent, donnent tout ce qu’ils ont pour tenir le coup, bien aidés par les ballons perdus et des fautes bêtes que les généreux Fidjiens leur accordent, incapables de s’adapter à la rencontre et qui restent bloqués dans leur idée de jouer au rugby à 7 mais à 15 (forcément y a moins d’espaces dans la défense).


Le résumé fidjien : c’est à la fois aérien et bourrin mais au final le ballon tombe par terre
 
 

Trois points de plus pour l’Uruguay, et oui un buteur c’est utile au XV. Je lève les yeux au dessus de mon écran, c’est bon personne n’a relevé mon petit « Ouh » sur un gros tampon.
 

La 66ème relance le suspense avec l’essai du bonus offensif fidjien, marqué sur une feinte de Matawalu. Le demi de mêlée remplaçant a une tête particulière. On dirait une sorte de troll ou de lutin peut-être, ajoutez-lui un bonnet pointu et il est dans un film d’heroic-fantasy, ouvrant la porte d’un souterrain au Héros contre une pièce d’or.
 

matawalu
“Ça sera à vos risques et périls, aventuriers !”

 

Vola-Vola remplace Matavesi au but, mais sans plus de réussite. 22-27. Alors que le match était relancé, les Cisplatins creusent de nouveau l’écart à la 76ème, 3 points qui les mettent hors de portée d’un essai, alors qu’un Benjamin Kayser mal inspiré dira qu’ils sont « morts de faim », ce qui m’évitera ainsi de faire la blague de mauvais goût que chaque personne ayant déjà entendu parler de l’Uruguay attendait dans cet article. Ils vont ensuite commettre faute d’anti-jeu sur faute d’anti-jeu, ralentir le jeu autant que possible, toujours aidés par l’intelligence situationnelle des Fidjiens qui font des pick and go alors qu’ils ont un avantage sur pénalité à l’intérieur des 22m, qu’il reste 3 minutes à jouer et qu’il faut marquer deux fois. Ce qui doit arriver finit par arriver, à la 82ème les Fidjiens marquent l’essai du bonus défensif, ce qui permet à Benjamin Kayser (pourtant très bon ce week-end) d’apprendre qu’on peut cumuler les deux bonus. Il demandera aussi si on doit jouer le renvoi, ce qui n’est pas le cas puisqu’après la transformation manquée par Vola-Vola, Pascal Gauzère siffle la fin de la rencontre.
Les Teros gagnent donc, et comme à Counter-Strike ce sont les otages fidjiens qui en font les frais : deuxième défaite en deux matchs alors qu’il leur reste le Pays de Galles (et la Géorgie) à jouer, ils risquent fort de manquer la 3ème place de leur groupe, place qualificative à la Coupe du monde 2023. Oublier onze points en route sur des coups de pied et perdre de trois points, c’est un peu dommage, n’est-ce pas ? Les Gauchos des cuchillas (heureusement que ce texte touche à sa fin car je suis à court de synonymes) ont eux déjà réussi leur automne, leur objectif se bornera maintenant à échanger leurs maillots contre une des stars galloises ou australiennes (ou tout du moins avoir un selfie pour une chouette photo de profil facebook), à ne pas mourir contre la Géorgie et à profiter des bars de Shinjuku.
Quant à moi j’ai fermé cet onglet et j’ai repris ma partie de Candy Crush. Vivement 17h.