Procès Novès / FFR : le livetweet
par La Boucherie

  • 14 February 2019
  • 17

 

Jeudi après-midi a eu lieu le procès opposant Guy Novès à la FFR, au tribunal des prud’hommes de Toulouse. La Boucherie Ovalie s’est trouvé une petite place dans la salle et a commis ce compte-rendu live sur le réseau social Twitter, comme tout grand procès de notre temps l’exige, #Prudhommico. Voici la retranscription de cette pièce majeure du journalisme contemporain, pour les endroits reculés pas encore desservis par le réseau social au petit oiseau bleu, tels que le Puy-de-Dôme. Une copie papier sera adressée aux régions qui n’ont pas encore de connexion internet, comme le Cantal.

 

Bonjour à tous et bienvenue pour ce live-tweet de l’audience tant attendue des Prud’hommes de Toulouse qui va opposer Guy Novès, ex-sélectionneur du XV de France à son ancien employeur, la Fédération Française de Rugby. Licencié pour « faute grave » en décembre 2017, Guy Novès réclame aujourd’hui 2,9 millions d’euros à la @FFR au titre de divers préjudices et indemnités et conteste les modalités et raisons de son licenciement. Du côté de la FFR, on se prépare à une rude empoignade et on tentera de faire requalifier le CDD du manager toulousain en CDI afin de minorer les indemnités. On annonce également la présence d’une personnalité surprise. Qui ne serait pas Alexandre Benalla selon nos informations.

 

Chacune des parties a appelé des témoins à comparaître. Guy Novès sera défendu par Maître Julie Novès, sa fille, et Maître Laurent Nougarolis. Pour la FFR, ce sont maître Joseph Aguera et Serge Simon, pluriactif autodidacte qui officieront. Une manifestation se déroule à l’entrée du tribunal. Vêtus de tee-shirts à l’effigie de Guy Novès, porteurs de banderole réclamant ‘Justice !’ 200 personnes scandent des slogans hostiles à la FFR. Un portrait de Bernard Laporte est brûlé sous les vivats de la foule. La salle du tribunal est pleine. L’ancien entraîneur porte un survêtement de l’équipe de France siglé ‘Staff’. Il a apporté avec lui une partie de ses pièces à convictions : 10 Boucliers de Brennus, 4 Coupe d’Europe et un DVD des 13 derniers matches du XV de France.

 

Le Président récapitule les faits et appelle le plaignant à la barre pour qu’il décline ses identités et profession. ‘Novès Guy, né le 5 Février 1954 à Toulouse’. ‘Et votre profession ?’ Les larmes aux yeux, Guy Novès prononce un poignant ‘Chômeur..’ puis s’effondre, foudroyé. On cherche un médecin. Serge Simon, avocat de la défense se précipite ‘Je suis docteur ! Je suis docteur !’ et se rue vers la victime inanimée au sol. L’entendant, Guy Novès se relève, écumant de rage en hurlant ‘Judas !’. C’est le premier incident de séance. Non sans mal, les gendarmes sont parvenus à séparer Guy Novès et Serge Simon. Le Président demande à ce qu’on nettoie le sang sur le sol de la salle. Le Docteur Serge Simon s’auto-recoud la jugulaire et enlève 3 dents de Guy Novès qui y étaient incrustées.

 

‘La séance peut reprendre’ annonce le Président. ‘Pour la bonne tenue des débats, je vous informe qu’un arbitre vidéo assiste à l’audience et qu’une commission de discipline pourra statuer sur tout évènement qui se produirait désormais’. Guy Novès est rappelé à la barre pour prêter serment et jurer de ne dire que la vérité. Il lève la main droite mais ne peut lever que son pouce, son index et son majeur. Il explique ne pouvoir déplier les deux autres doigts et présente un justificatif médical au juge.

 

Des cris retentissent dans le fond de la salle, un petit homme dégarni tente de se frayer un chemin parmi la foule de journalistes. « Laissez-moi passer, bande de cloportes » hurle-t-il à l’encontre de ses ex-collègues. « Qui est-ce? » entend-on de toutes parts. « Moi aussi, j’ai été odieusement calomnié, vilipendé, souillé, licencié, humilié alors que j’étais au faîte de ma gloire. Ayant consacré ma vie au rugby français et à son retentissement, je veux du brouzouf, du pognon, du flouze, de l’attention et de l’amour ».

 

Le trouble perplexe qui s’empare de l’assistance est levé par un petit vieux malicieux qui s’exclame : « Je le reconnais ! C’est le pénible qui commentait les matchs sur Antenne 2. Foutez-moi le dehors ! ». Pierre Salviac est expulsé de la salle sous les quolibets et les crachats. Un calme (précaire ?) semble revenu. L’accusation détaille ses exigences : une qualification de licenciement ‘abusif’ et tout un panel d’indemnités pour un montant total de 2,9 millions d’euros. ‘Et un Mars ?’ s’exclame Serge Simon, la gorge bandée d’un foulard Hermès comme strap.

 

Le détail des sommes réclamées se poursuit. C’est assez technique, il y a les salaires non versés (900000€), l’indemnisation du préjudice moral et de notoriété (300000€) et le paiement de 1782 heures supplémentaires non perçues.

Président : « À quoi correspondent ces heures ? ».

« Au visionnage des 7 matches de #Top14 par week-end puis à leur analyse » répond Novès. Il y en avait pour 3 à 4h par match, c’était une tâche très chronophage.

« Vous voulez dire que vous visionniez les matches plusieurs fois ??!! Du Top14 ?! Chaque semaine ? »

Novès acquiesce. Le Président réclame une expertise médico-légale du plaignant , au motif « qu’on ne peut sortir indemne d’une telle épreuve ». Maître Julie Novès saute sur l’occasion et demande qu’on requalifie les heures supplémentaires en prime de pénibilité.

Du côté de la défense, on tire la gueule. Maître Aguerra (surnommé la panthère pour la suavité de son timbre de voix) tente de reprendre la main. «Monsieur Novès, votre contrat a été signé sous le mandat de Pierre Camou n’est-ce-pas ?»

Novès acquiesce. « Sauf que Camou n’est plus en poste, donc le contrat est caduc donc pas d’indemnités. Merci, au revoir tout le monde ! » l’interrompt Serge Simon, sous les lazzis de l’assistance. Maître Aguerra, effondré, demande à être dessaisi de la défense de la FFR.

Une suspension d’audience laisse Me Aguerra quitter la salle. Il sort sur le parvis où il est immolé illico par les manifestants pro-Novès. Une délicate odeur d’avocat grillé se répand dans les airs, un blogueur immortalise l’évènement sur Instagram. #GuacamolePlusFortQueLaDouleur

 

 Guytou, aussi calme et sûr de lui qu’un pilard qui essaie de rentrer en boite à 3 grammes.
(photo par David Saint-Sernin @dstsernin)

 

Serge Simon assurera désormais seul la défense de la Fédé Française de Rugby. Dans une tentative de rush-défense, il annonce l’arrivée imminente à ses côtés de Bernard Laporte pour l’instant « retenu sur un tournage publicitaire d’équipements d’électro-stimulation ». A l’extérieur de la salle, un manifestant part chercher du petit bois et des bidons d’essence, « au cas où on en aurait besoin dans les prochaines minutes ». Dans la salle les premiers témoins se rapprochent du pupitre.

 

Vincent Clerc est le premier appelé : ” Monsieur Novès est un homme bon et gentil mais depuis un an il est bougon. Lors des repas de famille, il ne veut même plus cuire les chipolatas. Une petite aide de la FFR pour qu’il achète un barbecue Weber pourrait lui redonner le sourire

« Objection votre Honneur ! s’exclame Serge Simon. Le témoin entretient des liens familiaux avec le plaignant ! Je l’ai lu dans les journaux. Je demande sa révocation et l’annulation de son témoignage partial. » Et boum ! poursuit-il en direction du clan Novès.

 

Le Président valide la requête et convoque le second témoin de l’accusation. C’est au tour de Bigflo & Oli : « Nous sommes très contents d’être ici. Merci à tous ceux qui ont rendu ça possible, notamment nos parents, qui sont dans la salle aujourd’hui pour ce moment spécial »

Me Nougarolis proteste et dénonce une usurpation d’identité.

« On avait demandé Zebda…»

« Les Zebda de 2019, c’est nous ! lui répondent malicieusement les deux frangins toulousains ».

Et ces garnements d’entamer un Tomber la Chemise où l’on voit que Guy Novès est toujours affûté.

 

On se rhabille pour accueillir Yoann Huget. Mais le joueur refuse de s’avancer à la barre et reste dans l’arrière-salle.

« Il faut que je couvre le fond de terrain, il ne faut pas que je découvre le fond de terrain. Aaaaah, je vois des coups de pied partout. »

Le Président décide d’interner le jeune Ariégeois, manifestement dans un état de grand trouble. « Hey Guy, ta défense laisse à désirer » lui lance Serge Simon, goguenard. « Tu veux qu’on la compare avec celle de ton XV de France ? » lui rétorque le sorcier de Pibrac.

 

« Tu vois ces mains, Serge ? Ce sont plus que des mains, ce sont des outils avec lesquelles j’ai construit ma maison. A mains nues, je l’ai construite la baraque. Et bien, avec ces mains, et alors que ce n’est pas ma spécialité, je te défie dans un octogone. Juste toi et moi ». Un silence glacial accueille ce défi prononcée d’une voix blanche par Guy Novès.

 

Le Président juge urgent d’appeler le prochain témoin: Vincent Moscato et sa faconde inimitable.

Vincent Moscato s’avance à son tour. «Moi, Bernard je le connais bien, je peux pas en dire du mal mais bon, vous voyez, c’est un ancien 9 mon Bernard. Il a gardé ce côté sacripant, sacripouille, sacré vaurien, fouineur, petite pute dont sont faits les demis de mêlée»

« Je lui ai fait à mon Bernard, ‘mais qu’est-ce que tu t’es emmerdé à prendre ce casse-couilles de Novès. On pouvait pas rester entre nous, avec le gros Serge, le beau Denis et tous les copains ? On était pas bien là, à la fraîche ? Décontracté du gland. »

Moscato poursuit : « Ca marchera jamais entre vous que je lui ai dit, ça va péter à la première défaite. Et vous savez ce qu’il m’a répondu, monsieur le Président ? -Je sais ! qu’il m’a dit. Putain le con. Il est trop fort Bernard. Il sait toujours tout à l’avance. »

La tirade de Moscato continue : « Il m’a dit : « Je sais mon gros, tout est prévu, t’inquiète pas. » Mouvement dans la salle. « Qu’est-ce qu’il y a mon Serge ? Pourquoi t’es tout rouge ? Que je ferme ma gueule ? Y en a qu’ont essayé tu sais, z’ont eu des problèmes. Ah ah. »

Serge Simon, en sueur, interrompt le témoin : « Euh, monsieur le Président, nous n’avons pas appelé Monsieur Moscato à la barre ». Du côté de la défense, un petit sourire rusé éclaire les visages.

Le malaise est palpable dans la salle. Serge Simon en profite pour rappeler qu’il est docteur et qu’il peut intervenir. Son téléphone sonne : « C’est Bernard ! Un léger contretemps le retient à Paris mais sitôt l’enregistrement d’Hanouna terminé et il rapplique ! »

 

Mourad Boudjellal est appelé à la barre, cité comme témoin par la Défense : “Monsieur le Président, en accordant de telles indemnités à un entraîneur licencié, vous créeriez une jurisprudence fâcheuse à même de mettre à mal le modèle économique du Rugby Club Toulonnais”

« Et de l’Aviron Bayonnais ! » entend-on au fond de la salle.

« Et du CA Brive aussi! », les exclamations commencent à venir de toute la salle.

« Sans parler de l’USAP des années 2010 ! » rigole Marc Delpoux, assis au premier rang, des bagues en or à chaque doigt.

« Et du Biarritz Olympique! »

« Et de Bourgoin! ».

Une réplique fuse dans le fond : « Ah, parce qu’il y a un modèle économique à Bourgoin ? ». Des rires éclatent dans la salle, les sourires se répandent, l’ambiance se détend. La misère d’autrui comme vecteur de son propre bonheur.

Face au brouhaha qui s’installe, le Président décide d’une suspension de séance. Le public en profite pour sortir bronzer au soleil radieux de cette mi-février. On sort l’écran total et les journalistes parisiens souffrent sous les 24 degrés habituels sous ces latitudes.

 

Reprise de l’audience : le Président annonce qu’il ne reste désormais que deux témoins à entendre avant les plaidoiries des avocats: Monsieur Bernard Laporte et un témoin surprise, inconnu de tous. Il demande à Serge Simon de lui annoncer le prochain intervenant.

 

Serge Simon se lève : « Bernard Laporte a eu un léger contretemps. Entre ici et l’aéroport de Blagnac, il est passé devant le terrain du TEC. Figurez-vous que la main courante de ce stade était en si mauvais état que Bernard a entrepris de la repeindre au blanc d’Espagne. Car toujours, et dans n’importe quelle situation, Bernard n’aura eu de cesse de placer l’intégralité de ses actions sous le sceau de la défense, de la préservation et de la promotion du rugby amateur. Et on ne saurait en dire autant de tout le monde dans cette salle. Et toc ! »

 

« Soit, je prends acte de cette absence. J’invoque donc la venue de la personnalité mystère » annonce le Président. La salle bruisse de 1000 rumeurs, on entend les noms de Fabien Galthié, de Christophe Urios, de Max Guazzini, de Jo Maso, de Pierre Villepreux, de Didier Codorniou.

 

Dans un éclair étincelant et alors que résonnent les trompettes divines, on distingue une silhouette émerger d’un nuage arc-en-ciel. Une aura de bienveillance accompagne chacun de ses pas, son visage est la promesse du bonheur éternel. Le silence se fait.

« Au commencement était le Verbe » entame une voix rocailleuse « et je peux vous assurer que si l’Éternel avait su ce qu’il serait advenu de cette parole, il aurait conçu l’Homme plus muet et stérile qu’une attaque italienne. Au cœur de cette salle ou la meilleure société rugbystique prend place, nous assistons au délitement d’un idéal de fraternité. Alors que la tunique Bleue devrait fédérer énergies et enthousiasme, nous voyons le contraire se produire. Le pourrissement toujours naît de la tête. Qui êtes-vous, petits hommes de peu, pour engager ainsi la destinée d’un sport aux yeux du monde sur la voie de la calomnie, du dénigrement, de la bassesse matérielle et d’une opprobre que l’on devine déjà utilisée par nos adversaires ? Des querelles d’hommes, de clochers, de paroisses, le rugby français en a connu des palanquées. On peut même penser qu’il s’en nourrit, les digère pour mieux grandir. Mais aujourd’hui, cette audience mortifère pourrait sceller le glas de nos espérances . Quelle que soit l’issue de cette mascarade médiatico-financière, les victimes seront bien trop nombreuses pour qu’on puisse les enterrer dignement. Et l’odeur du charnier ainsi abandonné ne manquera pas de faire proliférer des moisissures à même de recréer une vie foisonnante. Je ne peux que vous inciter à poursuivre dans cette voie, que ce chaos puisse aboutir à la renaissance de notre sport. Poursuivez les propos indignes, les attitudes déplorables, que le fond soit atteint au plus vite. Je vous laisse, j’ai à faire.»

 

Après cette envolée de DANIEL (car c’était bien lui), la salle s’est tue. Après une poignée de secondes, un sanglot a brisé le silence, rapidement accompagné d’un deuxième. Scène à peine croyable il y a quelques instants, l’ensemble de l’assistance a fondu en larmes. Chacun s’est levé de son banc et allé étreindre un inconnu, un ami, un adversaire. Car après avoir entendu la parole du Sage, il n’y a rien d’autre à faire que de s’aimer. Alors que Guy Novès était fixé dans une langoureuse accolade avec Serge Simon, le téléphone portable de ce dernier s’est mis à sonner. “Bernard !” s’exclame-t-il !

 

Apercevant le visage tant haï sur le téléphone du Docteur, un rictus de haine s’empare de son visage. Il se redresse, retrouve ses esprits, et assène un grand coup de poing sur le smartphone ! Une générale confuse et violente s’est déclarée ici dans le tribunal ! Olivier Missoup et Pascal Papé, apparus d’on ne sait où, avoinent à tour de bras. Trevor Brennan, jusqu’alors avec les parties civiles, a enjambé la barrière pour frapper un membre du public. Il me semble que Novès a pris un KO, mais Florian Fritz assure qu’il peut continuer à se battre, “il en a pris des KO et ça va, il se tient devant nous” selon lui. Je pense aussi avoir reconnu Sylvain Nicolas qui a profité de la confusion générale pour escamoter un banc du tribunal. “Souvenir de Toulouse”, a-t-il dit en partant.

 

Le président siffle la fin de la rencontre et ordonne de rejouer le procès sur terrain neutre. La commission de discipline se réunira le 4 avril prochain afin de déterminer les sanctions.Les spectateurs quittent les lieux et s’en vont non loin de là à la buvette place St-Pierre. C’est bientôt l’happy hour en plus…