Ovale Masqué pose sa candidature au Midol
par Ovale Masque

  • 04 November 2012
  • 21

Par Ovale Masqué,

Cela fait maintenant 3 ans que la Boucherie Ovalie existe, et tous les jours ou presque, j’entends mes nombreuses groupies barbues me répéter cette phrase « C’est vachement bien ce que tu fais ! Le Midol devrait t’engager ». A force de l’entendre, mon ego se retrouve fatalement gonflé par ces incessantes caresses buccales, et j’ai fini par me convaincre moi-même de cette évidence. Après tout, s’il y a une place au Midi-Olympique pour la chronique humoristique de Marcel Rufo, pourquoi il n’y en aurait pas non plus une pour Ovale Masqué ? J’entends déjà les complaintes de nos lecteurs les plus extrémistes, « Ovale Masqué, tu n’es qu’un vendu ! Comme les autres tu ne rêves que de faire partie du système, et de manger des petits fours aux banquets de la FFR ». J’ai envie de leur répondre, faire le rebelle c’est bien sympa – ça aide pas mal à pécho en soirée, c’est vrai – mais c’est pas ça qui va me permettre de m’acheter des polos Serge Blanco.

A 25 ans, il est temps que je prenne ma vie en main et que je trouve enfin un vrai travail. Jusque-là, je l’avoue, je n’avais jamais osé tenter ma chance. Il faut savoir que comme David Skrela face aux poteaux un soir de finale, je perds tous mes moyens lorsque je dois passer un entretien d’embauche. Je ne sais absolument pas me vendre. Je cherche mes mots, je bégaye, et au final, je passe pour un demeuré parlant à peine mieux le français

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que le dernier ailier fidjien anonyme arrivé au CA Périgueux. Je pensais donc être dans une impasse professionnelle, définitivement inadapté au monde du travail. Puis un jour, lors d’une nuit d’insomnie, j’ai eu le déclic. Pour conserver toute ma confiance en moi et en mettre plein la vue aux recruteurs, la solution était simple : je devais débarquer dans les bureaux du Midol… en tant qu’Ovale Masqué. Car après tout, sans son masque, même Batman n’est plus qu’un connard du MEDEF en slip. Et moi sans mon costume, je ne suis qu’un RMiste de plus en jean Célio. Convaincu du bien-fondé de cette idée de génie, et du succès de mon entreprise, j’ai donc enfilé mes collants, direction Toulouse…

Lundi 29 octobre 2011, 11h15.

A bord de la vrombissante Ovale-Mobile (une voiturette de golf tunnée, en fait), je me suis donc rendu au siège de la Dépêche du Midi, qui héberge également les locaux du célèbre bi-hebdomadaire consacré au petit monde de l’Ovalie. Une fois devant l’entrée du lieu, dont l’architecture n’était pas sans rappeler les plus imposants complexes militaro-industriels, j’ai saisi ma paire de jumelles et j’ai observé avec attention les alentours.

L’endroit semblait disposer d’un système de sécurité dernier cri. Impossible d’entrer sans carte de presse, le fameux sésame, objet de toutes les jalousies, et qui se refuse à moi depuis tant d’années (il y Scarlett Johansson aussi, mais apparemment même elle est plus facile à choper). Certes, une autre solution aurait été de prendre un rendez-vous. Mais je ne suis pas n’importe qui, je suis Ovale Masqué. Et je tenais à soigner mon entrée, histoire de marquer les esprits. Par exemple en cassant une fenêtre, quitte à ce que le coût des réparations soit retenu sur mon premier salaire. Je me suis donc armé de mon Ovale-Grappin (un grappin disposant d’une puissance et d’une longueur comparables à celles du coup de pied de Damien Traille) pour passer par dessus l’immense grillage qui protégeait l’entrée des locaux.

Une fois passé par dessus, je me suis dirigé vers le buisson le plus proche pour ne pas me faire repérer par deux journalistes stationnés devant l’entrée. Ils étaient en pleine pause clope. Le premier portait une chemise jaune. L’autre, une verte. Sans doute le dress code de l’entreprise. J’espérais que je ne ferais pas tâche avec mes collants violets… les deux hommes étaient en pleine discussion et tiraient nerveusement sur leur cigarette. Je les écoutais.

– Dis, t’as quelque chose pour moi ?

– Ce titre pour ton nouvel article sur Wilkinson ?

– Ouais. Je suis à sec mec. J’ai besoin que tu m’aides. Pas envie de me retrouver relégué dans la rédaction de Rugbyrama…

– Et moi donc…. Qu’est-ce que tu dis « Wilkinson, taille patron » ?

– C’est bon ça ! Heureusement que t’es là, tu me sauves la vie.

– Attends, attends… j’ai encore mieux : « Wilkinson, le patient anglais ».

– Oh putain, t’es un génie, mec… merci. Et toi pour ton article sur Michalak, t’as trouvé ton angle ?

– Ouais. Je pensais à un truc genre « Frédéric Michalak, 9 ou 10 » ? Ca fait longtemps qu’on a pas lancé ce débat.

– Bien bien. J’espère que tu pourras avoir une interview. Il a pas eu souvent l’occasion de s’exprimer sur le sujet.

– C’est clair. Oh sinon t’as pas vu sur Twitter ?

– Non ?

– Dan Carter a dit qu’il était allé à Disneyland aujourd’hui. Je pense qu’on peut faire un article « Dan Carter se rapproche du Racing-Métro », qu’est-ce que t’en dis ?

– Excellent ! Ca c’est de l’investigation.

J’observais attentivement cette scène digne du film « Les hommes du président », et j’ai alors réalisé alors que j’avais en face de moi deux ténors du journalisme. Voilà de qui je devais m’inspirer pour percer dans ce milieu ! Il n’y avait pas à dire, ces mecs étaient des pros. Du coup, j’ai recommencé à douter un peu de moi. Serais-je à la hauteur, moi qui n’ai jamais fait d’école, moi qui n’ai jamais appris tous ces fondamentaux ? Mais il était trop tard pour renoncer, pas maintenant, pas si près du but. Visiblement satisfaits par les résultats de leur petite conférence, les deux journalistes sont retournés à l’intérieur du bâtiment. J’ai décidé de les suivre discrètement, tapis dans l’ombre, comme Richie McCaw dans un ruck. J’accédais bientôt à un grand open space, qui semblait être la salle de rédaction du journal. J’ai alors vu une armée de stagiaires – du moins ils avaient l’air de stagiaires, puisqu’ils étaient mal habillés et semblaient ne pas avoir dormi depuis au moins une semaine – s’avancer dans ma direction. Je me suis caché derrière la machine à café pour ne pas me faire repérer. Eux aussi étaient en pleine discussion.

– Vous avez entendu ça ? N°456 s’est tiré une balle ! C’est fini. Il reviendra plus…

– Putain pas lui ! Il était si jeune… 32 ans, merde ! Il croyait tellement pouvoir percer dans le journalisme. Pourquoi, pourquoi N°456 ? C’est injuste…

– Ecoute moi bien N°342, pour moi c’est clair, c’est la faute des têtes pensantes de Rugbyrama. C’est inhumain ce qu’ils lui ont fait vivre. Trois semaines de suite, il a dû liver des matchs du Racing Métro ! C’est un homme, pas une machine. C’était prévisible. Il a craqué, voilà tout…

– T’as raison N°890. C’est le deuxième suicide dans la boîte en 6 mois. Je me souviens bien, le premier, c’était ce correcteur chargé de relire la chronique de Pierre Villepreux chaque semaine. Les conditions de travail sont inadmissibles dans ce journal. Il faut réagir ! Montons un syndicat !

– Parle pour toi 231 ! Moi je suis juste pigiste ici. Si j’ouvre ma gueule, ils me remplaceront par un autre. Mais moi j’ai besoin de cet argent pour payer mon loyer. Mes parents m’ont déjà payé l’école de journalisme, ils vont pas m’entretenir pendant 40 ans !

– Et ben moi je dis que t’as pas de couilles, 3456 !

– Ferme là, 273 !

Puis ils ont continué à se hurler dessus. Ah ces stagiaires et ces pigistes, toujours en train de se plaindre ! Ils feraient mieux de bosser un peu, c’est pas comme ça qu’ils décrocheront un CDI ces branleurs. Profitant de la confusion engendrée par leur petit esclandre, j’ai continué de me faufiler dans les locaux du journal. Après avoir traversé un long couloir, je suis tombé devant une grande porte fermée. Sur une plaque dorée, on pouvait lire l’inscription « Directeur de la rédaction : Jacques Verdier ». Voilà donc l’homme que je cherchais ! Ca avait été plus facile que ce que je pensais. Restait maintenant à soigner mon entrée. J’ai repéré un extincteur sur la droite. Oui, ce serait parfait ! Je me suis saisi de l’objet et l’utilisait pour défoncer la porte. Une fois celle-ci ouverte, j’ai décidé d’envoyer les gaz pour ajouter un petit côté dramatique à mon entrée. Puis je me suis jeté à travers le nuage de fumée en agitant ma cape, et suis finalement tombé nez à nez avec le grand homme. Jacques Verdier lui-même. Il était assis devant son bureau, en peignoir, un cigare à la bouche, et plongé dans un de ses propres livres, « Rugby d’autrefois ». Mon entrée théâtrale l’a fait sursauter.

– Espèce de malade ! Qui êtes-vous ?! Sécurité !!

– N’ayez crainte Monsieur Verdier, je suis Ova…

Je n’ai pas eu le temps de terminer ma phrase. Deux hommes imposants en costume cravate ont surgi de nulle pour me ceinturer. En tentant de me débattre, j’ai tout de suite reconnu Nicolas Jeanjean et Vernet Basualdo. Au moins les anciens joueurs du Stade Toulousain arrivaient à retrouver du travail dans le coin, ça faisait plaisir. J’ai essayé de me libérer mais rien n’y a fait, ils étaient trop forts pour moi. Tu parles d’un super héros. Attirée par le boucan, l’armée de stagiaires a rappliqué vers nous. L’un deux n’a pas tardé à me reconnaître.

– Hey regardez, c’est Ovale Masqué ! Ca alors, il existe vraiment !

Verdier semblait maintenant intrigué. Il a alors demandé

– Qui c’est ça, Ovale Masqué ?

– C’est le créateur de la Boucherie Ovalie ! Il est super marrant.

– Ah ouais, t’as raisons 567, j’adore les diaporamas !!!

Verdier s’est alors approché alors de moi et m’a fixé dans les yeux.

– Et qu’est-ce qu’il me veut, Ovale Masqué ? Il a cru que c’était jour de carnaval ?

– Je viens pour vous convaincre de m’engager.

Il s’est mis à rire lourdement, comme les méchants russes/arabes/français/chinois dans les films américains. Puis il a commencé à s’étouffer et s’est arrêté.

– Tu as du cran, petit. Allez, laissez-le. Laissons lui sa chance, après tout… je sens que je vais bien rigoler.

Après m’être libéré de l’éteinte des deux ex-chômeurs, j’ai remis ma cape en place et je suis entré dans le bureau, en fermant la porte à moitié déglinguée derrière moi. C’était maintenant ou jamais ! J’allais enfin avoir ma chance d’entrer au prestigieux Midi Olympique. Verdier s’est installé sur son fauteuil. La pièce était grande et ratissée par les unes du Midol célébrant les 19 titres du Stade Toulousains, toutes encadrées. Il y avait aussi un parcours de minigolf dans un coin. Verdier s’est saisi d’un objet, qui s’est avéré être une fléchette, et l’a lancé vers moi. Je me suis baissé pour l’éviter. Elle a atterri en plein sur la porte, où trônait un portrait de Marc Lièvremont. Enfin ce qu’il en restait.

– Alors Monsieur Masqué… vous êtes venu avec quelque chose pour moi, un curriculum vitae peut-être ? Ou vous pensez que je vais vous engager parce que j’adore qu’on défonce ma porte à l’heure du petit déjeuner ?

– Non monsieur, j’ai bien pris un CV avec moi. Le voilà.

 

– Intéressant.

Il a brièvement regardé la feuille A4 que j’avais imprimée pour 30 centimes d’euro chez le vendeur de kébab en bas de ma rue. Puis il l’a roulée en boule et jetée à la poubelle.

– Excusez-moi Monsieur Masqué, mais je ne supporte plus de lire autre chose que du Jacques Verdier. Que voulez-vous, quand on s’habitue à un certain standard de qualité… mais je vous en prie, présentez-moi votre parcours. Impressionnez-moi.

– Je m’appelle Ovale Masqué, et j’ai 25 ans. Après des études de droit et 3 ans à coller des post-it sur les pages du Code Civil, au cas où il me prendrait l’envie de les lire, je suis naturellement tombé dans une profonde dépression. Résistant à la tentation du suicide, j’ai alors décidé de tout plaquer et de me lancer dans le journalisme. Ce qui, j’en conviens, revient un peu au même. Suite à la création de mon site, la Boucherie Ovalie, j’ai été engagé un mensuel dédié au rugby, pour lequel j’ai écrit pendant un an, en étant rémunéré uniquement par des sachets de M&M’s. Las d’être exploité, j’ai fini par quitter mon poste, et le magazine en question n’a pas coulé suite à mon départ, ce qui je l’avoue, a fait un peu de mal à mon égo. J’ai par la suite travaillé pour plusieurs sites, comme Le Rugbynistère ou le Carré d’Info. Puis j’ai fait la pute, aussi : j’ai travaillé pour un de vos sites concurrents, où j’ai fait des live et des comptes rendus de match. J’ai même écrit pour des sites de foot et vélo pour pouvoir manger, c’est dire. Fort de ces expériences diverses et variées, j’ai désormais envie de « passer un pallier », pour reprendre une expression bien connue des rugbymen souhaitant doubler le montant de leur salaire. J’ai également envie d’approfondir ma connaissance du métier de journaliste et de connaître de nouvelles expériences, comme celle de signer un CDI par exemple. C’est donc pour ça que je me présente devant vous aujourd’hui.

– Ok, c’est nul comme parcours mais pourquoi pas. Et qu’est-ce que vous pensez pouvoir apporter à notre journal ?

– Mon dynamisme, mon aisance relationnelle, ma capacité de travail et ma motivation… non je déconne. Je sais pas moi, j’ai des idées, il parait que j’écris des trucs drôles et ma mère me trouve génial. Je gère avec brio une équipe de 20 rédacteurs fainéants et incompétents sur mon site. Je sais faire plein de trucs. J’ai interviewé Marc Lièvremont et il m’a pas insulté à la fin. Je regarde plein de matchs de rugby, j’aime ça et je connais même les noms de piliers remplaçants de l’équipe de Newport. Je peux écrire sur du vide pour vous aider à boucler votre journal de vendredi, et je peux même prendre ma carte du Parti Radical s’il le faut. Sinon j’ai aussi 600 amis sur Facebook et 8000 followers sur Twitter, et j’ai fait plus de 612m à Paf le chien une fois. Voilà, en gros.

– Twitter… mais attendez… c’était pas vous le tweet de la honte ?

– Ah non, ça c’était le stagiaire !

– Mon cul…

– Sur la tête de Jo Maso c’est la vérité !

Il ne m’a pas laissé le temps de me justifier et a actionné un bouton sous son bureau. Une large trappe s’est ouverte sous mes pieds, et je me suis retrouvé projeté dans un immense tunnel sombre. J’ai vu ma vie défiler devant mes yeux. Je me suis alors rendu compte que j’avais passé 90% de mon temps devant un PC et que je n’avais pas beaucoup baisé, quand même. Mais c’était trop tard pour avoir des regrets. J’allais mourir, je le savais. Damien Try, mon fidèle bras droit, récupérerait sans doute le rôle de chef de la Boucherie Ovalie après ma disparition. Le site ne me survivrait donc probablement pas puisqu’avec un tel psychopathe à sa tête, je ne lui donnais pas 2 mois avant de se prendre un procès fatal. Voilà c’était fini, il ne resterait donc plus rien de mon passage sur Terre. Aucun héritage. On finirait par oublier tout, même ma critique du Fils à Jo, mes 50 Immondes du Rugby, les récit de mes rêves érotiques avec Brock James. Tout. Je m’apprêtais à quitter la vie sur cette idée infiniment triste, quand j’ai entendu un grand « plouf ». En fait, le tunnel terminait sa course en plein dans la Garonne.

Tant pis, j’irai présenter ma candidature à l’Equipe la semaine prochaine.

PS : Ok, tout n’est pas tout à fait vrai dans ce récit. Cependant, si vous travaillez au Midol, à l’Equipe ou n’importe où et que vous voulez bien m’engager, vous pouvez m’écrire à OvaleMasque@boucherie-ovalie.com, je vous répondrai dès que j’aurai trouvé des vêtements secs.