Les éléments de langage du rugby #2
par Ovale Masque

  • 05 June 2012
  • 10

Par Ovale Masqué, avec la participation de Marcel Caumixe, Damien Try, L'Affreux Gnafron, le Stagiaire, Pilou, Aguiléra, Capitaine, Pastigo, Ovale de Grâce, Gregory le Mormeck. Merci à Prune d'avoir classé la centaine de contributions stupides en catégories distinctes.

Lien vers la partie 1

(avant match, après match)

On moque souvent le discours préformaté de nos amis pousse-citrouille  (qui sont forcément des idiots – que serait le rugby sans ce bon gros complexe de supériorité par rapport au football) et les « l'important c'est les trois points » et autres « on a mouillé le maillot » répétés ad nauseam aux micros de journalistes dont les questions sont pourtant toujours très inspirées.  Mais pendant qu’on s’entête à chercher la poutre du pack pour faire une fourchette à nos voisins, on finit par oublier de déblayer devant notre porte.

Car oui, il faut le dire, de plus en plus le rugbyman invente à son tour sa propre novlangue. Autrefois spontanés et naturels, nos idoles des prés adoptent de plus en plus un discours prémâché par leurs entraîneurs. Rendons d'ailleurs hommage aux deux professionnels de la langue de bois (pour ne pas dire foutage de gueule) que sont Guy Novès et Pierre Berbizier.

Heureusement qu'il nous reste Pascal Papé…

Pour vous, la Boucherie Ovalie a décidé de recenser les plus belle perles du genre, et mieux, vous en révèle leur sens caché…

LES JOUEURS

Quand un joueur “rugueux, pénible” mord l'oreille d'un joueur qui a “besoin de confiance”.

« C'est un joueur rugueux, un pénible. »
C'est une ordure de première, un poison dans les rucks, une brute épaisse, un gros connard qui s'est mis au rugby parce qu'il avait pas le niveau pour être boxeur, et on compte bien le cibler samedi prochain parce qu'entre nous, mieux vaut lui que nous.

« C'est un joueur qui a besoin de confiance. »
C'est un joueur doté d'un mental en carton à qui on va donner du temps de jeu en Challenge Européen pour qu'il se relance.

« C'est un nouveau gros coup dur pour ce joueur, mais on ne doute pas qu'il reviendra plus fort encore. »
Ca fait quand même la 4ème fois qu'il se fait les croisés, à sa place on penserait sérieusement à envisager une reconversion dans le tennis de table.
Exemple : Frédéric Michalak, Thomas Domingo, Juan-Martin Hernandez, Benjamin Fall.

Benjamn Fall travaille dur pour revenir à son meilleur niveau.

« Les grands joueurs ne meurent jamais. »
Poncif que Thomas Castaignède attend d'utiliser depuis le début de la saison, au cas où Joe Rokocoko marquerait un essai.

« C'est une superstar à XIII. »
C'est une grosse arnaque.
Contre-exemple : Jason Robinson. Et non, ne nous parlez pas de Sonny Bill Williams (tatouages, nu, retour toulon, boxe, musclé. Excusez-nous c'est juste pour les moteurs de recherche)

« Vous savez, aucun joueur n'est indispensable. »
Ce joueur est vraiment indispensable, on prie tous les jours pour qu'il se pète pas.

« C'est un joueur d'expérience. »
Pour un avant :
C'est un vilain qui compense la déchéance de la vieillesse par une roublardise de tous les instants, et dont le vice n'a d'égal que la discrétion. En clair, on sort les coquilles, on se protège  les yeux, on s'échauffe bien le cou, et on espère pas sortir de balles rapidement. Au mieux, l'arbitre ne se rendra compte de rien et passera son temps à lever les bras comme un tire-bouchon, au pire on se fera pénaliser pour avoir voulu se rendre justice. Bref, on va passer un sale après-midi.
Pour un arrière :
Il n'avance plus, il défend mal, il a passé la limite d'âge, il est cramé, mais il faut bien qu'on le rentabilise parce qu'on l'a encore deux ans, et que s'il joue pas il va devenir gras comme un cochon et faire des conneries en boîte, et il va falloir qu'on offre des bagnoles aux victimes.

« C'est un joueur intelligent. »
Si on parle d'un avant, c'est qu'il a déjà eu un livre entre les mains. Si on parle d'un arrière, c'est qu'il l'a lu.

« C'est un troisième ligne de rupture. »
C'est un troisième ligne qui préfère se la péter en venant au soutien de ses trois quart et en marquant régulièrement des essais d'ailiers, plutôt qu'en grattant des ballons et en distribuant des coups dans les rucks.
Exemple : Olivier Magne, Fulgence Ouedraogo.

Fulgence Ouedraogo, 3ème ligne de rupture des yeux.

« C'est un pilier moderne, comme on en voit en Super Rugby. »
C'est un pilier qui est capable de porter le ballon et de courir le 100m en moins de 25 secondes. En revanche, c'est une grosse tanche en mêlée fermée.
Exemple : Vincent Debaty, Luc Ducalcon

« C'est un joueur

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qui aime le défi physique. »
C'est un coffre à ballon.

« Impact Player »
Joueur que tous les supporters et journalistes veulent absolument voir titulaire. L'entraîneur, qui n'est pas vraiment du même avis, le met plutôt sur le banc et le fait rentrer à 20 minutes de la fin pour ne pas trop se faire insulter non plus. Il se justifie en expliquant que le joueur en question est meilleur “pour finir le travail” ou qu'il n'a pas les qualités physiques pour tenir 80 minutes. Dans tous les cas, on constate qu'il insulte soit le joueur en question, soit les adversaires.

« Il a pris les clés du camion. »
Le capitaine est un faible, l'entraîneur aussi. Seul un joueur de bonne volonté et charismatique a réussi à solidariser le groupe et mener à bien des entraînements.
Variante Andy Powell : Double sens plus festif quoiqu’un peu trop novateur.

Jamie Cudmore et Fred Michalak prenant les clefs du camion.


« C'est un joueur qui apporte beaucoup au groupe. »
C'est un joueur tout cramé, il sert pas à grand chose sur le terrain, mais il raconte des blagues dans le bus, et il fait l'hélicoptère dans les douches.
Exemple : Imanol, Barcella, Estebanez.

LA VIE DU GROUPE

Je tiens à couper court à toutes les rumeurs. Il n'y a aucun problème entre les joueurs et Monsieur Jacques Delmas. Je ne sais pas qui a crevé les pneus de sa voiture, et qui a écrit “crève sale porc” en catalan sur la porte de sa maison, mais je ne trouve vraiment pas ça gentil.

« Le groupe vit bien. »
Il y a vraiment une ambiance de merde.

« On s'est dit des choses. »
Le moment où, après des mois à affirmer que « le groupe vit bien », un joueur admet enfin qu'il y a une ambiance de merde dans l'équipe et que tout le monde se déteste. Survient souvent à l'occasion d'un « stage de cohésion », l'ultime recours d'un président impuissant pour sauver son club. Chance de réussite : 25%

« On s'est regardés dans les yeux. »

On a lâché le smartphone et Twitter pendant deux minutes pour parler un peu de rugby, ça nous a fait du bien. Ah tiens, Yoann Huget vient de liker ma photo sur Facebook !!

Avec ma femme ce soir, on s'est dit les choses. Depuis, notre vie sexuelle va bien mieux.

« On a demandé aux joueurs de se responsabiliser. »
On a tout essayé avec ce groupe de branleurs, d'enfants gâtés et d'abrutis congénitaux, et il y a vraiment rien à faire. Maintenant à défaut d'avoir des cerveaux, on espère qu'ils auront des couilles. Qu'ils se débrouillent tout seuls maintenant, après tout c'est pas moi qui me tape la honte devant tout le monde à la télé. Là vous aurez bien sûr reconnu le cas de Marc Lièvremont à qui on reprochait souvent son manque de psychologie, mais qui a quand même bien cerné le rugbyman français moyen.
Cette technique est également utilisée en Top 14 quand un ou des entraîneurs sentent bien que ce n'est pas avec leur charisme de poulpe et leur palmarès de talonneur kosovar qu'ils vont avoir une quelconque autorité sur un groupe d'internationaux et de joueurs confirmés. Exemple : le duo Goutta – Manas à l'USAP.

« Les anciens ont pris la parole. »

On prend des branlées tous les week-ends et notre entraîneur dépressif a décidé de laisser “les clés du camion aux joueurs”, officieusement pour préparer une belle lettre de motivation pour Les Spécialistes Rugby. Les petits jeunes qui ont été titularisés “pour insuffler une nouvelle dynamique au groupe” quelques semaines plus tôt (sans succès) ne sont même pas majeurs et sont de toute manière bien trop terrorisés à l'idée de finir en Pro D2 pour dire quoi que ce soit. Les plus vieux se sentent alors obligés de prendre leurs responsabilités et de parler de leurs expériences. Ils se mettent donc à raconter leurs souvenirs de guerre d'Indochine, leurs matchs à Béziers et leur enfance où ils s'entraînaient pieds nus et avec des boîtes de conserve. Cette technique de management népalaise a pour but de renforcer les liens du groupe, de remotiver les troupes ou au pire de finir de l'achever, mais en prenant le soin de traumatiser définitivement l'ensemble des joueurs et de faire passer les vieux en question pour des cons.

« Il n'y aucun problème, nous adhérons au plan de jeu du coach. »
On a rien compris à ce putain de cahier de jeu, on a lu du Schopenhauer une fois en terminale et c'était plus compréhensible que cette merde. On ne sait même pas ce qu'on doit faire sur le terrain, vivement que l'autre con saute à la fin de la saison.

François Trinh-Duc, adhérant pleinement au projet de jeu de Marc Lièvremont.

« C'est un groupe qui a de la ressource. »
Techniquement et intellectuellement c'est la Fédérale 3 mais nos joueurs ont un minimum d'amour propre, des couilles et un bon état d'esprit : sur un malentendu, on pourra donc accrocher le maintien.

« On voulait donner du temps de jeu aux jeunes. »
On s'en bat les couilles de ton classico de merde survendu par Canal+, nous on vient au Stade de France avec les Espoirs et on gagne avec le bonus offensif quand même, alors nous fais  pas chier (Guy Novès).

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