Le choc des coffres, épisode 4
par Damien Try

  • 01 February 2012
  • 4

Par Damien Try,

 

Chaque week-end de rugby redistribue les cartes à nos deux protagonistes Fritz et Bastareaud, et comme nous allons le voir un peu plus loin, un des deux a eu valet neuf as dix belote et re-belote, tandis que l’autre a ramé toute la manche pour faire un pli (et le problème ne venait pas de son 10 sec, les deux joueurs évoluant avec de très bons demis d’ouverture). Mais avant toute chose, une petite mise au point.

On me reproche une méthode peu représentative pour départager nos deux compères. Un commentaire de mon dernier papier sort même le gros mot « biais statistique », pourquoi pas une comparaison des 2 échantillons indépendants, en utilisant bien sûr le test de Kolmogorov ou un bon vieux khi deux pendant qu’on y est ? Non non non, je préfère Vikorov à Kolmogorov, et mettre un whis avant le khi. Pondérer le nombre de passes par rapport au temps passé sur le terrain ? Ok. Mais il faut valoriser le fait de s’imposer dans son club à son poste : PSA l’a dit, il veut du titulaire. Donc je vais appliquer un coefficient en fonction de la concurrence en club, Jauzion rapporte des points à Fritz, mais la blessure de David lui fait du tort. Quand à Basta, selon l’état de Giteau, il pourrait repasser devant au score. Et puis le nombre de passes effectuées n’est pas un facteur de mesure de la performance des joueurs me fait on remarquer. Exact, déjà les passes après contact ou sautées compteront double, et j’accorderais un dixième de point par mètre gagné derrière la ligne d’avantage. Et puis un tiers par placage cassé. Ah mais ça avantage Fritz, Bastareaud préférant tracter les défenseurs accrochés à ses basques (défenseurs basques ce week-end justement). Donc un tiers de point tous les 5 mètres avec un mec au cul. Et j’oubliais, pour ne pas inciter à faire des passes dans l’en-but, un point par essai. Je pense aussi étudier un système de points pour les coupes de cheveux.
Vous l’aurez compris, je vais rester sur mon compteur de passes. On le sait, Fritz met sur le cul les défenseurs en faisant mal à la percu, on le sait, Bastareaud est capable de faire 10 mètres avec la moitié de l’équipe adverse accrochée à son maillot. Mais pour convaincre PSA, il leur faut montrer qu’ils ont ajouté le petit plus qui sépare le bon centre du très bon centre dans le rugby moderne : savoir passer le ballon. Et puis bon, c’est déjà assez difficile de dessiner un petit bâton sur un calepin avec une bière à la main, si en plus il faut que j’ai la TI-82+ de mes années lycée… Enfin bref, place à l’action avec le détail des matchs de nos deux concurrents.

Pour Florian Fritz, ça va aller vite. La feuille de match indique qu’il était titulaire, et qu’il n’a pas été remplacé. J’en conclus donc qu’il a joué tout le match, mais je n’en suis pas tout à fait certain. 5 ballons touchés pour une seule petite passe (au contact tout de même) en tout début de match, 4 placages, plus un raté sur un François Steyn qui en a profité pour faire 10 mètres au sein de la défense toulousaine (peut-être bien la seule fois que le Racing a avancé d’ailleurs), c’est un petit match pour notre candidat (à l’Equipe de France), et il laisse une très belle opportunité à Matthieu Bastareaud de le rattraper dans l’estime du sélectionneur.

Celui-ci ne s’en ai pas privé d’ailleurs, très en vue dans ce match. On pourrait même dire qu’il était doublement en vue, puisque Armitage a adopté un look identique, ce qui les rend difficile à différencier sur le terrain. Parler de sosies est un peu exagéré, mais c’est vrai qu’ils ont à peu près la même taille, la même corpulence, la même teinte de peau et la même coiffure.

D’autant plus qu’Armitage aime s’éloigner des rucks (en témoigne son essai d’ailier en fin de match), et Bastareaud n’est jamais le dernier pour mettre les mains dans le cambouis. Je remercie donc Aubin Hueber pour l’astuce suivante : la meilleure façon pour les distinguer est la couleur de leurs chaussures : Armitage jaune, Basta blanc. Les mauvaises langues diront aussi que la différence entre les deux, c’est qu’Armitage court sur le terrain. Enfin bref, fort de ces conseils, j’ai donc pu remarquer les 2 placages et les 11 ballons touchés par le jeune Français, qui les a généralement exploités comme il en a l’habitude : je prends le ballon, je baisse la tête, je fonce tout droit. Ah tiens, j’ai l’impression de porter 25% de poids en plus par rapport à l’habitude. Ah oui c’est normal, un pilier est sur mon dos.

Il aura ainsi fait des ravages dans la défense bayonnaise, avec notamment une course de plus de 5 mètres en plein dans la densité, amenant une pénalité et les 3 premiers points de la partie. Malheureusement si porter tout le premier rideau sur soi est très efficace pour désorganiser une défense, ça ne marque pas des essais, puisqu’une fois tout ce petit monde à terre, il ne reste plus vraiment de place dans l’en-but pour aplatir. Ce n’est pas la première fois (et je suppose pas la dernière) que Basta-Rocket se voit refuser un essai après-vidéo, comme ce week-end dans les derniers instants de la partie. Mais Matthieu aura aussi eu une course sur l’aile, une quinzaine de mètres parcourus, en cassant un placage haut, se payant le luxe de délivrer une passe très propre quand le second rideau finit par l’arrêter. Un gros match donc pour le Toulonnais, à qui on ne peut reprocher qu’un en-avant qui aurait pu le mener à l’essai. Si on ajoute à cela le joli carton jaune récolté pour quelques coups de poing au sol (avant que ne commence le Huget-show), c’est une très jolie performance bouchère réalisée ce week-end. Le nombre de passes n’est pas affolant puisque le compteur atteint péniblement les 4 unités, mais est suffisant pour revenir grandement au score.

Le tableau d’affichage avant la pause que représente la première journée du Tournoi indique donc désormais :

Bastareaud 7 – 9 Fritz

La course est relancée ! Prochain week-end relâche, rendez-vous donc dans 15 jours, avec le match à Biarritz pour Florian et la réception à Bordeaux pour Matthieu. A moins que Fritz, toujours devant au score, soit appelé à disputer le match contre l’Irlande !