Rugby & Strategy : partie 5
par La Boucherie

  • 28 December 2011
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Dans cette 5ème partie, Vern nous expose les spécificités de l’attaque et de la défense. Je fais une version abrégée pour les piliers : en attaque, mettez des coups de casque dans les rucks. En défense, mettez des coups de casque dans les rucks.

 

Rugby et stratégie (5)

Essai d’élucidation du rugby par la stratégie

ou

Les penseurs de la guerre au service du noble jeu

 

Où attaquer et défendre deviennent des questionnements métaphysiques…

 

Mao nous a aiguillés vers une nouvelle thématique, qui, si elle paraît évidente, n’en est pas moins essentielle et il convient à ce titre de la développer : un match est une combinaison incessante et indissociable d’attaques et de défensives. Sur ce sujet, Napoléon Bonaparte complète et synthétise la vision de Mao :

Tout l’art de la guerre consiste dans une défensive bien raisonnée, extrêmement circonspecte, et dans une offensive audacieuse et rapide. 1

Nous pourrions nous contenter de cette formule qui résume génialement à elle seule ce qu’il convient de faire ! Toutefois, on est en droit de se poser la question, au rugby comme à la guerre, de savoir qui l’emporte sur l’autre : la défensive ou l’offensive ? Car, à la guerre comme au rugby, il existe des périodes où l’attaque semble l’emporter sur la défense et inversement. S’il convient donc de ne pas tomber dans le piège de proclamer la supériorité de l’un sur l’autre, interrogeons-nous tout de même sur leurs avantages et inconvénients respectifs. Clausewitz, estime que « la forme défensive de guerre est en soi plus forte que l’offensive »2. Cependant, cette assertion repose en grande partie sur la possibilité pour le défenseur, à la guerre, d’établir des positions fortifiées sur un terrain qu’il aura choisi. Elle mérite donc d’être nuancée s’agissant de son application au rugby, d’autant que, à la guerre, le combat s’arrête après abandon de l’une des parties, alors qu’au rugby, l’arbitre peut mettre fin au siège en sifflant une faute ou en renvoyant les équipes aux vestiaires, et qu’à ce titre, la défensive ne subit pas la même attrition.

Quoi qu’il en soit, et c’est particulièrement vrai dans le rugby moderne où les systèmes défensifs sont très organisés, et de ce fait plus difficiles à surprendre, il devient plus aisé de défendre que d’attaquer. Mais, et ce bon vieux Carl le reconnaît, la défensive engendre une usure qui épuise « les avantages naturels de la défense » 3 . Au rugby, il est bien connu qu’une défense acharnée est plus coûteuse physiquement que l’attaque. De plus, la possession du ballon, l’initiative offrent à l’attaquant la possibilité d’imposer son tempo, de choisir le moment de l’attaque et de prendre l’ascendant psychologique sur le défenseur qui ne joue plus. Mais là encore, il faut préciser deux points :

  • Le premier est que des méthodes offensives peuvent être employées dans la défensive et inversement : au rugby, on évoque bien sûr le cas du plaquage offensif et du « contest » qui permet non seulement de faire reculer l’adversaire, mais aussi de récupérer le ballon par arrachement ou en amenant l’adversaire à la faute. Réciproquement, on peut être appelé, en phase offensive, en étant temporairement refoulé, à adopter un comportement plus défensif de protection du ballon dans un ruck, suivi d’un coup de pied de déplacement du jeu (voire en touche) qui rend le ballon à l’adversaire. Il existe donc un point d’équilibre instable pendant lequel l’attaquant, ayant épuisé ses solutions, doit choisir de passer en position défensive.

  • Le second est que la défensive est souvent l’état de l’équipe qui mène : n’étant plus obligée de « faire le jeu », elle peut se contenter de gérer son avance et contenir les avancées adverses par une défense contrôlée, et, éventuellement exploiter des contre-attaques. On pourrait alors parler « d’attente stratégique ».

 
1 Napoléon Bonaparte, lettre du 28 juillet 1806 à son frère Joseph, Roi de Naples, Correspondance militaire de Napoléon Ier, Extraite de la correspondance générale et publiée par ordre du ministère de la guerre, Tome quatrième, Paris, 1876, n°768.
2 Carl von Clausewitz, Ibid. p 400.
3 Carl von Clausewitz, Théorie du combat, p 50, n°188a.