Pierre Villegueux était aussi à Racing/Cardiff
par Pierre Villegueux

  • 14 November 2011
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Par Pierre Villegueux,

Vendredi dernier, alors que je m’apprêtais à vivre ma soirée de H-Cup devant un stream hongrois aussi fluide que le jeu de ligne du Biarritz Olympique, j’ai reçu, sous les coups de 18h, un coup de fil inattendu. Enfin pour moi, n’importe quel coup de fil est inattendu…. alors que je m’attendais au pire (par exemple, le décès de mon vieux copain de bistrot Pierre Salvioque), quelle ne fut pas ma surprise d’entendre (enfin, façon de parler) la voix d’Ovale Masqué, le célèbre chef de la Boucherie, dont je n’avais plus entendu le timbre si virile depuis des mois. Il me dit « Pierre, je me demandais si ça te dirait de venir avec nous au Racing ce soir pour le match contre Cardiff. On a des accréditations. Au départ, je voulais inviter Vern Crotteur, mais il a match en Irlande demain. Du coup j’ai demandé à Elvis Vers-Melun mais il est en pleine tournée. Alors j’ai demandé au Stagiaire, mais il m’a confié qu’après sa semaine d’intégration dans son école de commerce, il avait toujours du mal à s’asseoir. Puis enfin, j’ai demandé à ma mère, mais elle voulait pas rater Koh-Lanta. Alors je me disais que ce serait sympa que tu viennes avec nous, depuis le temps… ».

Trop aimable. Deux ans que je fais des chroniques sur le site, et tout ce qu’il a à m’offrir c’est une soirée à Colombes. Le tiers-monde à 20 minutes de Paris. Encore mieux que Disneyland…. Le match me dit trop rien, mais mon streaming est vraiment merdique et il n’y a plus de bières au frigo, alors je me dis, pourquoi pas.

Direction les Hauts-de-Seine donc, via le train de banlieue, le moyen de transport privilégié des clodos, des drogués, des alcooliques et autres damnés de la terre. Ovale Masqué semble dans son élément, forcément. Ovale de Grâce, elle, n’a peur de rien et ose la minijupe orange. Apparemment, Madame s’est mise en beauté pour séduire Andrea Lo Cicero, ce modèle d’élégance à l’italienne, avec ses mèches blondes à faire frémir de jalousie Cédric Heymans. Chacun ses goûts après tout, il y a bien des gens qui demandent à Henry Chavancy de poser à poil…
Une fois arrivés au stade, on voit les pros de l’organisation : Ovale de Grâce se rend compte qu’elle n’a en fait que deux accréditations. Un de nous ne pourra donc pas assister au match en tribunes de presse. Je propose à Ovale Masqué de régler ça comme on le faisait dans mon temps, à la courte paille, en baissant nos pantalons. Peu sûr de lui sur ce terrain, il préfère pierre-feuille-ciseaux. Il a gagné en utilisant le puit. Je ne suis pas bien sûr qu’il ait le droit de faire ça, mais je m’en fous. Les mondanités, très peu pour moi. Surtout que j’ai cru comprendre qu’ils passaient la soirée en compagnie d’un blogueur spécialisé dans le rugby de l’hémisphère sud. On joue donc au rugby là-bas ? Première nouvelle, je pensais qu’il y avait que du XIII et du beach rugby…

J’achète donc ma place restante et me dirige en tribune nouvelle. Une tribune qui porte bien son nom : construite en un été par des ouvriers portugais fainéants, c’est surtout un tas d’échafaudages branlants qui nous rappelle les plus belles heures du stade Furiani. Heureusement, c’est pas avec ces fous furieux de supporters du Racing que ça risque de s’effondrer. Pas plus qu’avec ceux de Cardiff, qui à la fin du match ont repris en choeur « Hey Jude », cet hymne sataniste composé par le dangereux Paul McCartney. Je peux donc m’installer sans crainte et assister à ce match qui s’annonce être une promenade de santé puisque Rugbyrama titrait deux jours avant « Voie royale pour le Racing ». Peut-être avaient-ils oublié que Cardiff était en demi-finale de H-Cup en 2009, au moment où le Racing bataillait encore pour assurer sa montée en Top 14. Enfin bon…

On a pourtant cru que les Racingmen pourraient leur donner raison. Pendant dix minutes environ. Bien en place, le Racing débute bien la partie et pose la main sur le ballon. Germain ne tarde pas à ouvrir le score sur pénalité. Après une longue interruption pour cause de décès d’un seconde ligne gallois (le speaker aurait pu en profiter pour siffler la marche funèbre, jamais là quand on a besoin de lui…), Juan-Martin Hernandez passe le drop avec sa classe et sa décontraction habituelle. Car Hernandez a toujours la classe, même quand il se foire, ce qu’il ne tardera pas à nous prouver avec quelques choix de jeu au pied déroutants en seconde période.

Passée la dixième minute de jeu, Cardiff semble enfin avoir fait le deuil de son seconde ligne et offre sa première belle séquence du match. Leur jeu est simple est efficace, le triangle arrière James – Czekaj – Cuthbert brille et les temps de jeux s’enchaînent facilement. On arrive vite dans les 22m et heureusement, ce grand rouquin de Paul Tito est poussé en touche à 5 mètres de la ligne. Et là c’est le drame. Sur la touche, le Racing récupère le ballon et forme un maul. Et là, on comprend rien, d’un coup la balle se retrouve dans les mains du pilier Filise, qui s’extrait du bordel et va tranquillement marquer devant des Racingmen inertes. Ils auraient quand même pu applaudir… Les Franciliens sont cueillis à froid, les supporters aussi – ah non, il paraît qu’ils sont tout le temps comme ça.

Lors d’une récente conférence de presse (qui nous a un peu rappelé ce moment délicieux où, juste avant de se mettre sur la gueule, deux catcheurs s’envoient des vannes niveau CM1 par micros interposés) Thomas Savare faisait remarquer que le Racing marchait dans les traces du Stade Français. Pour le coup, il n’a pas tort, puisque le Racing adopte exactement la même tactique que le voisin parisien quand il se retrouve sans solution : donner le ballon aux Argentins et les laisser se débrouiller entre eux. Après deux nouveaux coups de pieds de Germain et Parks, c’est donc Juan-Martin Hernandez (tiens…) qui va s’infiltrer dans une brèche galloise, avant de servir judicieusement un autre Juan, Imhoff, bien arrivé à hauteur. Débarqué de sa pampa, le pauvre se les gelait sur son aile depuis 3 matchs. Il a compris qu’au Racing c’était un peu comme avec les Pumas, pour espérer toucher des ballons, mieux vaut aller les chercher dans les mains des coéquipiers. Sur le reste de l’action, l’Argentin fait parler ses talents d’ancien cador du 7 et élimine 3 adversaires en faisant parler ses appuis et son raffut.

14-10 pour le Racing, jusque là tout est à peu près logique. Sauf qu’encore une fois, dès que les Gallois ont le ballon, ils déroulent. Cet arrière inconnu mais néanmoins talentueux E que s’appelerio Czekaj, fait le show et traverse tout le terrain sur une belle relance. Quelques temps de jeu plus tard, la balle rebondit vers l’aile et Cuthbert marque en coin après arbitrage vidéo. Cardiff mène donc de 3 points à la mi-temps en ayant approximativement touché deux ballons.

Et là, comme vous êtes des lecteurs intelligents (après tout vous nous avez découverts en lisant télérama, bande de bobos), vous vous dîtes que si le Racing veut gagner ce match, il vaudrait mieux mettre la main sur le ballon en seconde mi-temps. Loupé. Il faut dire que Pierre Berbizier ne s’était pas trompé sur sa compo d’équipes : Lorée, Hernandez, Estebanez, Germain… c’est simple, il y avait plus de bons footballeurs à Colombes ce soir là qu’au Stade de France pour le match avec les Bleus et les USA. Les bleus et blancs nous ont donc tout fait : le jeu au pied dans la boîte, les chandelles, touches (pas trouvées bien sûr, histoire de donner des bons ballons de relance). Du coté de Cardiff, le jeu est toujours aussi fluide, la vitesse d’exécution est un ton au dessus. Tom James continue de s’amuser mais la défense du Racing est solide. À force d’enchaîner les temps de jeu, les Blues obtiennent tout de même des pénalités et Dan Parks, en bonne forme ce soir (ça change) continue d’enquiller, se permettant même de rater ses drops. L’ouvreur australien international écossais et résident gallois (c’est ça un citoyen du monde ?) assure aussi dans le jeu courant avec quelques bons coups de pied de déplacement.

Le rythme baisse, le match devient plus haché. Le Racing n’est qu’à 6 points et fait entrer Vakatawa, au cas où il serait d’humeur à traverser le terrain. Pas ce soir : le Racing empoche le point de bonus défensif mais perd à domicile contre son plus gros rival. Autant dire que c’est mal barré pour la qualif, ce qui doit bien attrister Tonton Jacky qui déclarait cette semaine dans le Midol « La Coupe d’Europe est l’objectif prioritaire du Racing, pas le principal ». Si vous avez fait des études de Jedi, vous serez gentils de nous expliquer le sens de cette phrase dans les commentaires…

C’est donc le coeur en peine (non je déconne, je m’en fous un peu) que j’ai quitté le stade. Seul. J’ai bien reçu un SMS d’Ovale de Grâce (« Je suis avec Andrea dans les vestiaires, viens tu avec moi ? (et du matériel) » mais il semblerait qu’elle se soit trompée de destinataire.

Les Racingmen

Orlandi – Noirot – Lo Cicero : Après avoir été traumatisé par la Georgian Connection briviste, Orlandi a eu la chance d’enchaîner avec un Gethin Jenkins plutôt en forme. Noirot solide comme d’habitude et Lo Cicero très élégant avec ses chaussettes baissées. Pour le reste on ne sait pas trop si ils ont dominé en mêlée ou pas, vu qu’en H-Cup, ces phases sont arbitrées à pile ou face.

Ghezal & Qovu : Le Racing avait aligné sa plus belle paire de bouchers avec le sosie de Tahiti Bob et celui de Forest Whittaker. Un seconde ligne adverse a terminé à l’hôpital et c’est même pas de leur faute. Décevant. Lionel Nallet est entré juste pour faire pleurer Sam Warburton, sans succès.

Antoine Battut – Jacques Cronje – Johhny Leo’o : Je rêve de voir un jour Antoine Battut jouer dans la même équipe que Dave Vainqueur. Voilà, j’avais envie de faire cette vanne depuis longtemps… sinon bon match de la troisième ligne, qui avait quand même du challenge en face.

Mathieu Lorée : Un bon joueur, mais qu’on ne remarque que lorsqu’il allume des drops (ou des joints). Ce soir, ni l’un ni l’autre.

Juan Martin Hernandez : Mi-Mago, Mi-Chalak, Garcimore a joué 5 matchs en 2 saisons et ça se voit un peu. Il n’a pas encore retrouvé toute sa superbe, mais sur deux trois actions, on voit que le talent est toujours là. La frime aussi.

Juan Imhoff : Que personne n’ait songé à le recruter avant le mois d’octobre (alors que des plagistes comme Rokocoko trouvent des clubs facilement) prouvent que les recruteurs du Top 14 sont comme moi : ils peuvent pas regarder un match de 7 sans avoir envie de se flinguer après les 4 premiers essais. Donc au bout de deux minutes.

Fabrice Estebanez : Dirty Berby est un sadique. Fâché contre Estebanez après ses « vacances » du mondial, il a tenu à le faire payer en le faisant jouer la semaine dernière à Brive, cet endroit de désolation duquel il cherchait à s’enfuir depuis des années. Encore sous le choc, il n’a pas été très en valeur et s’est blessé en seconde mi-temps.

Henry Chavancy : Bon ben finalement il était mieux dans le calendrier…

Sireli Bobo : À son actif, une très belle réception de chandelle façon smash de volley ball, digne des meilleurs épisodes de Jeanne & Serge. Il n’a pas vraiment eu l’occasion de briller sinon.

Gaetan Germain : L’homme dont la puissance au pied est proportionnelle à l’épaisseur de ses sourcils a encore sorti un match solide, en plus de se montrer efficace face aux perches. Ça n’a pas suffi.

 Les Cardiffois :

Filise : Faire 130 kilos et marquer un essai de demi de mêlée ? C’est possible.

Sam Warburton : Un bon match. Courageux, endurant, discipliné, souriant en interview. Il a eu une lueur de génie pendant la Coupe du Monde, mais cet homme n’est pas un boucher, hélas. Il ne sera probablement jamais sur notre bannière.

Dan Parks : On sait que le David Skrela écossais est capable du meilleur comme du pire. Pas de chance pour le Racing, ce soir c’était le meilleur. Elu homme du match, ça n’a pas dû lui arriver souvent…

Jamie Roberts : A eu la bonne idée de se blesser en un quart d’heure, pour laisser le bonus défensif au Racing.

Tom James : Plusieurs percées et un bon gros match. Meilleur marqueur de la Ligue Celte en 2008 et auteur de bons débuts en sélection avec le Pays de Galles (il compte 10 capes en tout) il avait été éclipsé par George North l’année dernière. À 25 piges et avec la retraite prochaine de Shane Williams, on risque peut être de le revoir…

Chris Czekaj :  Aucun lien avec Michael. Pas très connu non plus (6 sélections avec le Pays de Galles, qui s’en souvient ?) il a tout de même démontré des qualités de relance supérieures à celles de Damien Traille. Non je déconne, c’est évidemment impossible.

Pierre