Guy Mauvaise parle de la Coupe d’Europe
par Marcel Caumixe

  • 08 November 2011
  • 3

Sous le pseudonyme de Guy Mauvaise se cache l’entraineur d’un grand club de Top 14 de la ville rose qui souhaite garder l’anonymat. Un entraineur qui l’a mauvaise. Un entraineur qui en a ras le bol du manque de moyens, et du peu de cas que l’on fait de son club et de ses joueurs. Un entraineur dont la vie de tous les jours se résume à une lutte incessante contre les incohérences d’un système qui broie les structures qui, comme la sienne, vivent de peu. A la boucherie, nous nouparles sentons concernés, donc nous lui offrons nos pages comme tribune, lui qui est si souvent censuré par une presse aux ordres de l’ERC, la LNR et de la FFR.

 

Guy Novès, est-ce que vous êtes d’accord pour dire que la Coupe d’Europe s’apparente à un sprint alors que le championnat est une course de fond ?
Je dirais que la Coupe d’Europe est une course de demi-fond en fait. Pour en avoir fait pendant quelques années au plus haut niveau, je sais qu’il ne faut pas rater son départ dans ce genre de course. Avec des Haies et des rivières au milieu. Et puis une meute de loups affamés aux fesses, qui se repaîtra de ta carcasse si tu devais tomber. Car c’est une course où on abat les blessés d’une décharge de 7 ½ à bout portant dans l’œil. C’est la munition que j’utilise pour la palombe. J’en ai toujours sur moi. Et puis c’est très difficile d’être dans les meilleures conditions. On commence à jouer quelques matches de Coupe d’Europe, puis on revient au Top 14, puis vient le Tournoi… Donc au final, ce n’est pas tout à fait un sprint. Mais attention, le départ est très important. Sinon, 7 ½ dans l’oeil.

Justement, on constate année après année que les premiers matches donnent déjà une indication sur la suite de la compétition…
Effectivement. Quand vous jouez à la maison, il est impossible de perdre sinon vous êtes quasiment éliminé. Une année, nous avions perdu notre premier match, à l’extérieur, et tout le monde nous voyait éliminé. Je sais qu’il n’y a aucun rapport avec ce que je viens juste de dire, mais j’aime beaucoup cette anecdote, et c’est moi qui raconte. Nous avons ensuite remporté tous les autres matchs et nous avons fini premier, toutes poules confondues. Alors on lui a bien montré au monde, qui c’était le chef. Il a moins fait le malin, et est rentré dans sa niche la queue basse, tout penaud. Comme Alain. Mais effectivement, le premier match est très important. Crucial même. Si on le perd, tout le monde va nous voir éliminé. Une année, nous avions perdu notre premier match à l’extérieur…

(Nous laissons Guy boucler quatre ou cinq fois avant de lui signaler qu’on aimerait bien passer à la question suivante)

… Si on le joue à l’extérieur, on sait que c’est peut-être notre seul joker. Donc il faut le garder le plus longtemps.

«Nous avons quelques montagnes à franchir, mais c’est quand même plus intéressant que lorsque le chemin est tout plat»

Est-ce qu’il est vraiment facile de se projeter dans cette compétition dans la mesure où elle intervient de façon épisodique dans la saison ?
Dans le rugby, il faut s’adapter tous les jours, à toutes les situations. On l’a vu dernièrement au plus haut niveau. On a parlé des doublons, des vrais, des maquillés… Là nous venons de récupérer nos internationaux mais certains sont crevés et ont besoin de partir en vacances. Peut-être leur ferons nous prendre les vacances pendant le tournoi s’ils ne sont pas sélectionnés. Ca fera des triplons. Et on devra faire appels aux espoirs, mais si ceux-ci sont sélectionnés en U20, on aura des quadruplons. Nous ne sommes pas dans des doublons mais ils ne peuvent quand même pas jouer, donc nous sommes dans l’adaptation permanente. Et en Coupe d’Europe, ce sera la même chose au niveau de l’arbitrage. Mais cela fait aussi partie du haut niveau que de savoir faire face à ces situations. Nous sommes balancés de charybde en scylla à longueur d’année, ma pauvre dame ! Ballotés par la houle du destin, tels des orphelins transis de peur qui changent quotidiennement de famille d’accueil, errant en guenille dans le froid automnal. Et si tout le monde est logé à la même enseigne, en ce qui me concerne, il n’y a pas de problèmes. Tant qu’il y a de l’équité, ça me va. Mais on a quelques montagnes à franchir et c’est quand même plus intéressant que quand le chemin est tout plat. Faisons contre bonne fortune bon cœur ! Ca pourrait être pire ! On n’est pas les plus à plaindre ! A bon chat bon rat ! Et ne vendons pas la peau de l’ours avant de l’avoir tué.

«Je récompenserai ceux qui ont joué»

Vous avez mentionné l’arbitrage. On a vu lors de la dernière journée de championnat (arbitrée par des britanniques) que les interprétations étaient très différentes. Il va encore falloir faire avec…
Vous savez, nous n’avons manqué aucune édition de cette Coupe d’Europe, donc on ne peut pas dire que nous serons surpris par l’arbitrage. Quinze ans d’injustice, ça désensibilise. On ne peut pas dire que l’on est dans la découverte. Nous savons ce qui nous attend. On va retourner sagement à l’abattoir, laisser un brittanique nous humilier à 1 contre 15, comme dans un perpétuel Azincourt. En fait, nous avons rarement été déçus par l’arbitrage européen, même dans les défaites. Conforme à nos attentes, tout pourri. Mais si on veut trouver quelque chose à redire sur les arbitres, il y aura toujours moyen. Et je ne le ferai pas ici, non, je m’élève au dessus de la polémique tel le maître zen lévite au dessus des vicissitudes de ce monde de souffrance. Je crois qu’il vaut mieux nous concentrer sur notre jeu.

Vous retrouvez vos internationaux. N’est-il pas compliqué de les faire débuter par la Coupe d’Europe ?
Aucun ne commencera par la Coupe d’Europe car ceux qui ont joué durant leur absence n’ont pas démérité. Ils ont été valeureux et ont donné le meilleur au péril de leur vie. Et puis les internationaux décuvent encore. Ils sont pour la plupart complètement dépressifs d’avoir raté leur finale. Beaucoup ont surcompensé et grossi comme des cochons, les 24 heures d’avion on collé une phlébite à William Servat, et Jean Marc Doussain a recommencé à ne plus faire ses nuits. Je récompenserai ceux qui ont joué ».

Propos recueillis par Bertrand LAGACHERIE dans l’article original et honteusement édulcoré disponible ici

Substance restituée par Marcel CAUMIXE