Exclusif ! Guy Mauvaise se confie à la Boucherie…
par Marcel Caumixe

  • 27 October 2011
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Sous le pseudonyme de Guy Mauvaise se cache l’entraineur d’un grand club de Top 14 de la ville rose qui souhaite garder l’anonymat. Un entraineur qui l’a mauvaise. Un entraineur qui en a ras le bol du manque de moyens, et du peu de cas que l’on fait de son club et de ses joueurs. Un entraineur dont la vie de tous les jours se résume à une lutte incessante contre les incohérences d’un système qui broie les structures qui, comme la sienne, vivent de peu. A la boucherie, nous nous sentons concernés, donc nous lui offrons nos pages comme tribune, lui qui est si souvent censuré par une presse aux ordres de la LNR et de la FFR.

Guy,  la blessure de Pato Albacete, face à Bègles, constitue un sacré coup dur ?

Oui, on pense qu’il y en a pour 8 semaines. Peut être plus. Sa carrière est même probablement terminée. Malheureusement, un contrat nous lie avec lui, sa famille et la caisse de retraite argentine jusqu’en 2038. Nous allons donc devoir nous endetter lourdement sans avoir de contrepartie au niveau sportif. Le président Bouscatel et moi-même avons pris rendez-vous au CHU de Rangueil pour l’ablation d’un rein que nous mettrons en vente sur  leboncoin.fr pour tenter de couvrir les frais. Je remercie Philippe Rougé-Thomas d’avoir proposé de donner un lobe de son foie mais la dernière fois il nous est resté sur les bras, et personne ne veut plus se dévouer pour le sortir du congélo de la buvette (le bout de foie, pas Philippe).

Bref. Jean-Baptiste Elissalde devrait couvrir le poste de coach et de deuxième ligne pendant ma convalescence. La coupe d’Europe arrive dans quinze jours, alors évidemment c’est très grave pour nous. Notre victoire étriquée face à Bègles était très intéressante, mais nous n’avons pu nous réjouir de ce maigre résultat car nous avons tous en tête le décès tragique d’Albacete

Après, on se dit que c’est le sport, que le malheur des uns fait le bonheur des autres. On attend avec impatience le retour de Romain Millo. Et la vie continue, ma pauvre dame !

Comment le joueur vit-il cette situation ?

Pato est un immense professionnel. Il va le vivre mal, surtout  quand il va voir les copains rentrer sur le terrain. Il va plonger dans la boisson, le jeu, la drogue, voire la prostitution peut être. Comme tous les argentins, c’est un grand romantique. Et on n’est pas à l’abri qu’il fasse une grosse bétise, comme la dernière fois, quand on a perdu la coupe d’Europe, et qu’il s’est jeté dans la Garonne pour regagner l’Argentine à la nage. La question que je me pose est : avait-il besoin de récupérer ? Finalement, on aurait dû le laisser au repos une quinzaine de jours, tellement il avait donné avec cette équipe d’Argentine. Mais non ! Non ! Pato ne voulait pas ! Aaaah Pato. Pato, n’écoutant que son courage, a arraché de mes mains le maillot que j’allais remettre à Jean-Baptiste pour le revêtir. Et j’ai crié “Non Pato, ne fais pas ça ! Je t’en conjure ! Tu n’es pas prêt ! ” Mais voyant ses yeux, d’habitude si pleins de fierté, d’habitude tellement habités du regard de défi que le gaucho lance aux grands espaces de la pampa, voyant ses yeux, dis-je, s’embuer devant mon refus, j’ai été faible, (soupir) et j’ai cédé à ses supplications. AAAaaaaah Pato… Pato, mi hermano ! Pourquoi, oooh pourquoi ne m’as tu pas écouté !!! Rraaahhh ! Que n’ai-je été plus fort devant ta grande carcasse en sanglots ?

(Nous laissons à Guy une petite minute, le temps pour lui de retrouver ses esprits)

Le retour des internationaux français se fera sans doute plus tard que ce week-end ?

Oui, bien sûr. Si on ne veut pas jouer avec leur santé, nous n’avons pas le choix. Adroitement, nous essayons de faire bonne figure, de donner le change, tel le chômeur qui est trop fier pour avouer à sa femme qu’il vient de perdre son travail, et nous n’appelons pas le match face au Stade français un doublon. Mais c’est tout comme. On ne peut pas décemment faire jouer un joueur qui arrive le mercredi à Paris pour noyer le chagrin de la défaite dans l’alcool et les femmes et qui rentre le lendemain à Toulouse…

Maintenant, compte tenu des circonstances désastreuses que nous vivons depuis le début de cette saison dont nous ne pouvons encore garantir qu’elle aboutira sur notre maintien dans l’élite, peut-être qu’un joueur comme Millo risque à minima de rentrer dans le groupe. Eventuellement au poste d’ailier, pour le protéger. Mais à mon sens, nous rentrons dans un rugby qui n’est pas du tout professionnel. On bricole, on glane, on vit de peu.

À l’avant, cette semaine a été marquée par l’arrivée de deux joueurs. Comment s’est déroulée leur intégration et quand pensez-vous pouvoir compter sur eux ?

Tout s’est très bien passé. Quand de grands joueurs arrivent dans un club structuré, ça se passe toujours bien. On a la chance de faire contre mauvaise fortune bon coeur, et malgré l’économie de moyens, on peut compter sur le sérieux et l’effort bénévole de tous. Ils ont été très bien accueillis par certains de leurs copains, qui ont communiqué avec eux et déjà fait quelques sorties en ville pour mieux les intégrer.

Botha est blessé à la cheville et il est toujours question d’amputation, mais Steemkamp rentre dans le groupe dès le prochain match. Il a bien bossé avec Yannick dans la semaine, sur le parking du Carrefour de Purpan car un huissier vient de saisir le revêtement synthétique de notre terrain d’entrainement.

Comment voyez-vous la rencontre face au Stade français ?

Cela reste un gros duel,  comme l’a été le match de Bordeaux du week-end dernier. On a vu qu’à la pause, les choses n’étaient pas faites. Quand on mène 11 à 6 à la mi-temps face au promu et qu’après on reçoit le Stade français, je crois que nous avons intérêt à rester dans nos petits souliers. Surtout en prenant compte l’histoire du club parisien et les joueurs de qualité qui le compose.

Chaque poste est occupé par un international. Nous savons très bien que les choses seront très difficiles. C’est une équipe du Stade Toulousain qui sera concernée et concentrée.
Je souhaite avant tout que le Stade Français perdure, car c’est un grand club. Ce que Max Guazzini a fait est  immense. Je leur souhaite vraiment de revenir au plus haut niveau.

Malgré tout, une rencontre face au Stade Français peut-elle être considérée comme une rencontre « normale » malgré un déséquilibre apparent ?

C’est l’une des raisons pour lesquelles je suis très inquiet. L’affiche paraît déséquilibrée, entre un Stade Toulousain souffreteux qui peine à aligner quinze joueurs et un Stade Français sûr de sa force et en pleine possession de ses moyens, et cela m’inquiète encore plus. Cela a toujours une incidence sur le jeu, nous avons pu le voir dans cette Coupe du Monde avec les gallois qui mettent 60 points aux Fidji, ou la Nouvelle Zélande qui atomise les petites équipes. Mon boulot à moi est de rester éveillé et de faire en sorte que la honte d’une large défaite ne s’ajoute pas à la triste cohorte de nos malheurs actuels.

Guy Mauvaise

Article réalisé à partir de l’interview auto-parodique d’un certain Guy N. sur le site du Stade T.