Une coupe du monde sans surprise
par La Boucherie

  • 21 October 2011
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Par Jean-Bono Dantagueule

Comme son nom l’indique ce philosophe d’origine toulouso-irlandaise a tendance à se laisser aller à la misanthropie et à génétiquement se considérer comme expert en matière de rugby. Aussi tient-il à mettre les choses au clair et ses derniers amis à dos en immortalisant sa pensée à travers des chroniques pleines de poésie et d’humanisme. Âmes sensibles et dénuées d’humour s’abstenir, quand Jean-Bono envoie du pâté il n’y va pas avec le dos de la truelle.

Oui, je suis d’accord avec ce constat unanime, cette Coupe du monde fut sans surprise… au niveau de la médiocrité des médias français. Car voilà bien un domaine où nous sommes d’éternels favoris pour le titre mondial.

La première chaîne n’est pas numéro 1 pour le rugby

Que dire tout d’abord de l’attribution des droits de retransmission à TF1, une entreprise de service public qui nous refait le même coup à chaque échéance quadriennale : à savoir se positionner sur la méga-lucrative Coupe du monde pour ensuite bouder le rugby pendant quatre longues années. On en déduira au passage que pour l’IRB le critère financier est le seul qui soit significatif dans un appel d’offres. Les fans du sport ovale peuvent donc se sentir, à juste titre et pour parler poliment, lésés.

Le champion de l’audiovisuel français avait ainsi acquis les droits du mondial manifestement dans le seul but de faire de l’audimat avec les matchs des Bleus et des Blacks (et encore celui des Tonga ne représentait apparemment pas un grand intérêt à leurs yeux). Ils n’ont même pas eu la décence de recruter ou de former des commentateurs compétents. Vous pouvez d’ailleurs retrouver ici (lien ?) un pot-pourri des plus belles répliques de Christian Jeanpierre, grand méconnaisseur des règles de base du rugby, même celles compréhensibles par un enfant de 5 ans (Non, les Gallois n’ont pas remporté une victoire historique face à l’Afrique du Sud et ce pour la simple raison qu’ils ont marqué moins de points que leurs adversaires).

Qui plus est, l’inconsistance du site internet mis en place par la première chaîne française a rendu fous de rage nombre de passionnés, d’autant plus qu’elle s’était jalousement réservée l’exclusivité dans ce domaine. Même les titres d’articles sur le site du journal à la feuille jaune renvoyaient vers ce site de néophytes. Jugez du désarroi… Trouver sur la toile un résumé complet et potable d’un match, autant au format texte que vidéo, relevait de la gageure. En revanche, nous étions abreuvés jusqu’à l’overdose de vidéos aussi passionnantes que le repas de midi des Bleus, les Bleus en train de faire du longboard, les Bleus à l’hôtel, ou encore les Bleus à la ferme. Autant relire sa collection de ‘Martine’. Mais peut-être suis-je trop sévère avec nos journalistes qui nous ont quand même gratifié d’un dossier très complet sur l’évènement majeur de cette Coupe du monde : les batifolages nocturnes de Mike Tindall, nouveau membre par alliance de la famille royale britannique.

Lièvremont, ennemi public numéro 1

Et que dire de leur attitude vis à vis de notre sélectionneur ? En particulier ce journaliste qui demandait quotidiennement « Croyez-vous toujours que vous serez champion du monde ? ». Rétrospectivement, je pense que ledit journaliste a eu de la chance de s’en tirer à si bon compte. En effet, avec ce genre d’importun, ma croyance personnelle est plutôt celle du poing dans la gueule. Et je sais que je ne suis pas le seul partisan de la riposte proportionnée humanitaire. Je passerai en outre sur ceux croyant faire des commentaires intelligents en affirmant haut et fort que la France ne passerait pas les quarts, ce qui prouverait définitivement que Lièvremont ne valait pas mieux qu’un certain Domenech. Cette comparaison malvenue et démagogique ne servant qu’à flatter l’égo de 65 millions de sélectionneurs (et de clients) toujours en désaccord avec celui en poste, ne serait-ce que sur les plus infimes détails comme la longueur des rouflaquettes de Médard. Car, si par le plus grand des hasards la France devenait championne, cela fera une Jacquet alors ? Ou comme semblent l’indiquer certains prémices, verrions-nous nos médias se mettre à genoux devant l’homme qui aurait enfin ramené le St Graal ? Rien que pour cela, j’aimerais vivre une victoire finale de nos Bleus. Rien que pour voir le journalisme tricolore retourner sa veste comme il sait si bien le faire.

Petites nations non gratæ

Autre marotte de nos chers médias, nous ressasser jusqu’au lavage de cerveau que la phase de poules ne sert à rien. D’après eux, les petites nations ne sont là que pour se prendre des branlées. C’est dommage qu’ils n’aient pas regardé les matches des Samoa ou du Canada, sans parler de la victoire irlandaise sur une Australie ultra-favorite aux côtés des All Blacks. Ils auraient vu de très belles choses. Et rappelons également, pour ceux qui seraient toujours dans le déni, que ‘nous’ avons perdu face aux Tonga. Ce positionnement des médias français ne fait que confirmer qu’ils sont à la solde de l’IRB, organisme présidé par notre héraut franchouillard Bernard Lapasset et dont le but non déclaré mais avéré est de protéger les intérêts des grandes nations historiques (il fallait bien ça pour voir nommé un froggy au sommet d’une instance anglo-saxonne). Le slogan de développement du rugby de par le monde ne ressemblant malheureusement au mieux qu’à une coquille vide, au pire à un leurre. En attendant on pourra toujours se consoler avec le retour d’un rugby édulcoré aux Jeux Olympiques et surtout par l’espérance du Japon en 2019…

De plus notre ‘grand’ quotidien national sportif, qui fut pendant toute la Coupe du monde un des maîtres d’œuvre de la campagne médiatique pour l’instauration d’un mondial à deux vitesses (les riches avec les riches, les petits ailleurs), ne craint pas d’étaler au grand jour son incompétence et ses paradoxes. Ainsi, dans le même article où la merde de chou quotidienne nous explique en long, en large, et en travers ô combien la phase de poule était soporifique à cause du niveau abyssal des ‘petites’ nations, elle nous sort également une statistique lui permettant de placer sa jérémiade favorite sur le manque de spectacle : « 242 essais ont été inscrits lors de cette phase de poules. C’est le pire bilan depuis le passage des poules à cinq équipes (302 en 2003, 270 en 2007) ». Il ne leur est pas venu à l’esprit que si le nombre total d’essais diminuait régulièrement, c’était principalement dû au fait que les petites nations ne collectionnent plus les 150 à 0 comme Jamie Cudmore collectionne les citations après match. C’est-à-dire, en d’autres termes, qu’elles progressent (ouh, le vilain gros mot !). Je leur livre d’ailleurs gracieusement cette observation aussi difficile à établir qu’une recherche sur google : depuis le passage des poules à 5 équipes, ce mondial est le premier où aucun score n’aura franchit la barre des 100 points. Si ces nations progressent, c’est parce qu’elles ont l’occasion de se frotter à ce qui se fait de mieux au monde, et d’en retirer les multiples dividendes : financiers, sportifs, techniques, psychologiques. Regardons par exemple le chemin parcouru par l’Italie ou l’Argentine qui en 1987 se prenaient 60 pions dans les valises. Aurait-il mieux valu les laisser dans leur coin ? Certains ont décidément la mémoire bien courte.

Le plus lamentable dans tout cela est certainement que, mis à part quelques blogs franc-tireurs, aucun de nos médias (papier, télé, radio ou internet) n’a eu le courage ou le niveau d’analyse pour démonter et contrebalancer les aberrations proférées par les plus lamentables de leurs concurrents, mais néanmoins complices de fait.

Jean-Bono.