Le Rugby pour les très nuls qui n’y connaissent rien #6
par Jonny WillKillSoon

  • 21 July 2011
  • 8

Partie 6 :

Pour commencer cette chronique dans la bonne humeur, une petite devinette : « Top ! Je suis une zone ouverte à tout le monde mais où les risques de contacts physiques sont importants. J’apparais lorsqu’une personne est plaquée au sol. Des corps, des bras, des jambes traînent dans ma zone et tout le monde essaye d’y mettre les mains. Je suis, je suis, je suis… ». Qui a répondu une partouze ? Non sérieusement si vous voulez recevoir votre Didier Mené d’honneur (en véritable chocolat qui fond au soleil) à la fin de l’été, va falloir arrêter les après-midis bronzette et commencer les révisions. Bien entendu la réponse est le ruck ou mêlée ouverte/spontanée. A ne pas confondre, pour nos amis québécois qui n’y connaissent (réellement) rien au rugby, avec Ruck Voisine qui représente un autre danger mais plus auditif cette fois. Le soleil tape fort en ce moment, vous ne trouvez pas ?

Chapitre V : L’enfer c’est les Ruck

Le ruck (qui signifie foule, regroupement en français) est sûrement la phase de jeu la plus présente, séquentielle, répétitive, dangereuse, incompréhensible… (liste non exhaustive) que l’on puisse rencontrer au Rugby. Il y en a environ une centaine par match et toutes sont différentes. Au premier abord on pourrait croire que les joueurs sont en pleine partie de Twister, mais après vérification on vous confirme que c’est bel et bien des mêlées ouvertes. Et ce n’est pas tout à fait un hasard si ces regroupements sont aussi surnommés « zone de combat ». C’est afin d’être totalement transparent, pour les novices, quant à la dangerosité de cette action et, ainsi éviter les plaintes pour « risque de mort dissimulé par un mot anglophone sans réelle définition ». D’ailleurs une personne normale préfèrera toujours s’engager dans l’armée que risquer sa vie au rugby, c’est une question de principe. En revanche une personne normale est aussi en droit de se dire que puisque c’est une phase de jeu ultra récurrente dans une partie, elle doit être logiquement plus simple à arbitrer. Que nenni. C’est même carrément l’inverse, un vrai Triangle des Bermudes de l’arbitrage. Une sorte de « no rules land » à l’envers. On y retrouve la même chose à chaque fois : des joueurs au sol, d’autres qui plongent dans le tas, chargent sur les côtés, le demi de mêlée qui s’essuie les crampons sur le troisième ligne adverse, le public qui crie et l’arbitre qui à la possibilité de siffler environ 14 fautes sur une seule et même action. Au final, comme on y voit rien et qu’on n’y comprend rien, on regarde cette séquence un peu comme on regarde un match de tennis : un œil sur le ruck, un œil sur l’arbitre, et on attend qu’il se décide enfin à intervenir… quand il intervient (spéciale dédicace aux arbitres de l’hémisphère sud)

Voilà dans la fiction comment doit se dérouler cette phase de jeu :

Étape 1 : Un joueur A est plaqué par un joueur B. Il tombe au sol. Tous les joueurs se regroupent autour de lui (en se liant par le bras comme des vieux potes) pour prendre de ses nouvelles. Un ruck est créé.

Étape 2 : Le joueur A, une fois au sol, doit immédiatement lâcher le ballon. S’il ne le fait pas, il doit se dénoncer de son plein gré auprès de l’arbitre et offrir ainsi une pénalité à l’équipe adverse. Le joueur B, quant à lui, une fois avoir plaqué le joueur A, doit lâcher immédiatement sa proie et s’extirper au plus vite du regroupement, en s’excusant, afin de ne pas gêner les petits camarades qui tentent de récupérer le ballon. Si il n’y arrive pas, soit il essaye de creuser une galerie dans la pelouse pour montrer sa volonté de ne pas gêner, soit il se dénonce de son plein gré auprès de l’arbitre etc.

Étape 3 : Pour récupérer le ballon mit gentiment à disposition par le joueur A, les équipiers du joueur B doivent absolument rentrer dans l’axe du regroupement, rester sur leurs appuis et sur leurs pieds. Dès qu’ils s’appuient sur un corps au sol ou qu’ils perdent l’équilibre, les joueurs doivent cesser toute tentative pour récupérer le ballon. Faire l’avion avec ses bras en bombant les fesses est la meilleure façon de montrer que l’on se désintéresse du ballon.
De leur côté les équipiers du joueur A doivent protéger l’ovale et le mettre à disposition du demi de mêlée sans s’allonger sur le joueur au sol et sans faire preuve d’agressivité dans le déblayage (toujours dans l’axe du regroupement) des joueurs adverses qui viennent « gratter » le ballon. Si le joueur estime qu’il a repoussé son adversaire avec trop de vigueur, il doit s’en excuser et se dénoncer auprès de l’arbitre etc.

Étape 4 : Lorsque le ballon sort de cette zone sans qu’il n’y ait eu de faute commise, la partie peut reprendre son cours et les acteurs de cette mêlée spontanée peuvent repartir à l’aventure, non sans se serrer la main avant.

Inutile de préciser que vous ne verrez jamais un ruck se dérouler de cette manière. Si vous n’arrivez pas à vous faire à cette idée, abandonnez maintenant et recommencez doucement à partir du Rugby à XIII. Rien ne presse. Vous aurez toujours la possibilité d’être au point dans 4 ans pour la Coupe du Monde 2015. Et pour les âmes sensibles, ne visionnez jamais un déblayage de Bakies Botha, certains joueurs y ont laissé des côtes. Totale transparence, vous êtes prévenus. En réalité, l’élément le plus fantastique avec cette phase de jeu, c’est le fait que son arbitrage change après chaque Coupe du Monde. Un coup ça favorise les attaquants, un coup les défenseurs, un coup les bouchers, un coup les insomniaques. Bref, une fois que toutes les équipes, tous les coachs, tous les joueurs (et tous les arbitres) se sont habitués aux nouvelles règles, l’IRB décide de redistribuer les cartes. Ils ont peut-être peur qu’on se lasse. Charmante attention, c’est vrai que le football, le volley, c’est trop ringard ça ne change jamais. A quand les pénalties tirés les yeux bandés du centre du terrain ? Au final on se dit toujours que c’était mieux autrefois, alors qu’on a complètement oublié comment c’était avant.

Mais cette année, c’est peut-être la bonne. L’année de la consécration pour le ruck qui va peut-être connaître ses lettres de noblesse. Il devient de plus en plus importante dans le jeu courant, et il pourrait permettre à l’équipe la plus souveraine dans ce domaine d’être sacrée en octobre prochain. Une forte présence et une saine agressivité serons les aspects à maîtriser pour remporter ces guerres de tranchées, permettre aux équipes de récupérer des ballons importants de contre-attaque et assurer une belle continuité dans l’offensive. La discipline sera également très importante puisqu’une faute au sol est sanctionnée par une pénalité et donc par trois points hypothétiques pour l’adversaire. Bref, réponse dans deux mois.

On a parlé de la touche, de la mêlée, du ruck, autant achever le travail en ce qui concerne les 4 travaux des avants avec les mauls ou ballons portés. Qu’on préfère appeler, il est vrai, une cocotte (à prononcer avec la voix rocailleuse, l’accent à la « Thierry Lacroix » et en mettant l’accent tonique sur le deuxième « -co » : coCOoo(rrr)te). C’est tellement plus beau.

Bref la cocotte c’est un peu l’allégorie de la solidarité et du fair-play au Rugby. C’est en quelque sorte un mix entre une mêlée et un ruck. On a pris le plus scandaleux et le plus improbable des deux séquences et on en a fait le geste ultime. La cocotte peut se créer n’importe où, n’importe comment, sans prévenir (mais plus généralement après une touche). C’est lorsqu’une équipe décide d’improviser une mêlée, en prenant soin de mettre un mec plutôt costaud devant et de dos pour faire office de bouclier anti-char. Autour de ce jeune homme sacrifié, se regroupe tous ces équipiers qui se lient entre eux et avancent en prenant soin de planquer le ballon à l’arrière du groupé-pénétrant (on attend toujours la réponse de Jean-Pierre Elissalde pour connaître la traduction en japonnais…). La cocotte est un geste très technique et très utile puisqu’elle permet à une équipe dominant devant de gagner plusieurs mètres sans (trop) d’efforts et de récupérer parfois des pénalités lorsque l’adversaire se met à la faute (écroulement du maul, plus toutes les fautes possibles de faire dans un ruck). L’humiliation ultime étant toutefois la pénalité sifflée pour un maul qui ne progresse pas. C’est assez rare, généralement le demi de mêlée n’insiste pas et extrait le ballon avant, mais suffisamment ridicule pour être souligné. Une petite pensée également pour tous les joueurs qui sont déjà « passés » sous une cocotte et qui se sont fais châtier par différents types de crampons vissés. La Boucherie leur présente de sincères condoléances et leur rappelle que Hansaplast le pansement des héros n’est pas vraiment conseillé en cas de fracture.

Je vous laisse sur ces belles paroles, nous en avons fini avec le jeu d’Avant. Je vous félicite pour votre assidit… assudit… assuidut… bref votre diligente présence chaque semaine. Vous avez passer avec brio les règles de catégorie Bisounours niveau 3, et votre Didier Mené d’honneur est désormais à une poignée d’effort. Clap clap.

Johnny WillKillSoon