Vern Crotteur analyse les chances des Bleus…par Vern Crotteur 24 June 2011 11 Salut les Frenchies ! Plus que deux mois et demi jusqu’au début des hostilités … Grand temps pour examiner un peu plus en détail les chances réelles de l’Equipe de France. Qu’est-ce qui pourrait la faire gagner ? Et qu’est-ce qui risque de la faire perdre ? Bon, ça, on a déjà une petite idée … Mais qu’on se rassure dans les chaumières. Ici, on ne va pas faire le coup du «grand quotidien sportif» dont les journalistes à deux kopeks parlent de rugby comme d’autres parlent de show business. Ce qui est réellement intéressant ce n’est pas de savoir si Marco a eu tort de se priver des services de Caveman, ou si Huget a véritablement le niveau international. Non, ce qui importe, maintenant que des choix définitifs ont été faits, c’est de s’interroger sur le contexte de la coupe du monde, et sur les caractéristiques du jeu ainsi que le «type» de joueurs qu’il faudra pour s’imposer. Il faut déjà rappeler que des éléments extérieurs peuvent avoir leur importance. Demandez donc à Freddy … Septembre – octobre dans l’hémisphère Sud, en l’occurrence en Nouvelle Zélande, c’est un peu comme mars – avril en Irlande … Autant dire que ça peut arranger les équipes qui pratiquent un rugby pondéré et pédestre, c’est-à-dire un rugby joué à la vitesse d’un tracteur lancé à fond de seconde. Le fameux «rugby pragmatique», cher à tant de techniciens du TOP 14, qui a donné naissance à l’expression «jouer à deux à l’heure». Du point de vue de la météo donc, Marco, Mimile et Dédé peuvent déjà se frotter les mains: le 15 national ne sera pas complètement largué. Remarquez, je dis ça, mais en novembre dernier, la météo n’a pas empêché les Kangourous australiens de mettre près de 60 points à des Coqs (en plâtre). Second facteur notoire, sur le plan du calendrier cette fois, le Tri-nations 2011 se jouera de la fin juillet à la fin août. En voilà un détail intéressant ! D’une part, c’est vrai, les trois géants du Sud auront eu loisir de jouer des matches relevés à peine deux semaines avant le coup d’envoi de la Coupe du monde. Avantage hémisphère Sud. Mais en revanche, au niveau de la fraîcheur physique, c’est un élément extrêmement positif pour la France. Marco et sa bande d’éclopés arriveront avec deux mois de prépa physique dans les jambes. Enfin pour certains, ça ressemblera plutôt à de la rééducation en fauteuil roulant … Mais tout de même, si la France parvient à aligner 15, voire 22 joueurs capables de courir sur leurs deux jambes, elle aura déjà comblé une bonne partie du fossé athlétique qui la sépare du Sud. D’autant que si Dan Carter ou Richie McCaw se blessaient sérieusement durant le Tri-Nations (on ne leur souhaite pas, mais sait-on jamais ?), les Blacks seraient bien emmerdés … Mais pour les Français, tout dépendra aussi de leur capacité à imposer leur jeu, ou un jeu, puisqu’ils cherchent encore. C’est là d’ailleurs que les choses se corsent. Tout d’abord, finissons-en avec une légende tenace. Pour gagner en coupe du monde, il est vrai qu’il faut pouvoir s’appuyer sur un socle solide … C’est ce qu’on appelle les «fondamentaux». Une défense solide, un buteur régulier et une bonne conquête. Mais la France ne se rend pas en Nouvelle-Zélande pour gagner la Coupe du monde … Autant croire au Père Noël ! Elle y va pour limiter les dégâts, c’est-à-dire se qualifier pour les ¼ au minimum, et avec un peu de chance, faire rêver ses fans jusqu’en ½. Pour arriver aussi loin dans la compétition, les Bleus ne pourront pas se contenter de quelques ballons de récupération ou des fautes concédées par l’adversaire. Il faudra avant tout produire du jeu ! Parce qu’il est évident que cette coupe du monde, plus que toute autre depuis 1987, sera une compétition tournée vers l’offensive, notamment grâce à la (plus toute) nouvelle règle «plaqueur-plaqué». Bien sûr, ce ne sera pas un rugby champagne débridé, mais les équipes qui produiront un gros volume de jeu et qui seront capables de conserver plus longtemps le ballon auront un avantage indéniable, ce qui n’a pas toujours été le cas. Dans le cas de la France, il s’agira de trouver en trois mois des solutions que Marco et ses deux acolytes n’ont pas trouvé en trois ans. Autant dire que c’est pas gagné. Mais c’est de cette animation offensive que dépendra le salut de l’équipe. Il va falloir trouver franchir les défenses adverses dès les premiers temps de jeu, plutôt que de miser sur une capacité très théorique à déstabiliser l’adversaire au bout de 2 ou 3 temps. Et ça veut dire, en premier lieu, qu’il va falloir rentrer dans les intervalles, gagner ses duels et faire jouer des soutiens arrivés à hauteur pour assurer la continuité du jeu et de l’avancée. Le groupe sélectionné par Marco laisse entrevoir quelques espoirs à cet égard. Certes, il y a beaucoup de joueurs polyvalents et pas assez de spécialistes peut-être, surtout à l’aile où les qualités d’un Julien Malzieu auraient beaucoup apporté pour franchir dans le couloir du 10 par exemple, ou pour fixer davantage la défense dans cette zone, mais on ne peut que se réjouir du fait qu’un trio arrière Médard-Heymans-Clerc pourrait apparaître dans l’équipe de France type de cet automne. Par ailleurs, si la configuration idéale au centre (Mermoz + Rougerie) a peu de chance de voir le jour, compte tenu de la blessure de Roro, on peut croire le sélectionneur quand il affirme qu’Estebanez est loin d’avoir donné toute la mesure de son talent … Associé à Mermoz, voire à un Trinh Duc décalé en 12, Skrela prenant le poste d’ouvreur, Estebanez pourrait être la bonne pioche de cette coupe du monde. Encore que pour briller un tant soit peu, il faudra avant tout régler le «very big» problème du rugby français en général, et de l’Equipe de France en particulier, à savoir les attitudes au contact, la qualité des soutiens au porteur et la vitesse des libérations de balle. Bonne chance à Marco … Je ne voudrais pas être à sa place. Devant, en tout cas, la sélection de Picatchou et de Lakafia montre que Marco a saisi l’ampleur du problème du franchissement. Avec un Nallet en forme, un Servat de retour de blessure et un Dusautoir fidèle au poste, ça fait au moins cinq avants capables de franchir et de faire jouer après contact. Pour une équipe habituée à lancer des charges à grands coups d’épaule, ça pourrait modifier sensiblement la donne au niveau offensif. A coté de cela, il faudra évidemment assurer les fondamentaux, même s’ils ne suffiront ni à faire gagner l’équipe, ni à faire réellement pencher la balance en sa faveur. La place de la mêlée en particulier devra être revue à la baisse. Déjà, Domingo et Barcella seront vraisemblablement forfaits, au moins jusque début octobre. Ensuite, il faut bien voir que Paddy O’brien, grand gourou de la mêlée parmi les arbitres de l’IRB, a déjà fait comprendre que la marge de manœuvre des piliers sera extrêmement limitée. Ceux qui espèrent pouvoir jouer des duels en mêlée seront sans doute déçus. Si tu prends l’ascendant à l’impact tant mieux, sinon inutile de tenter de manœuvrer ton vis-à-vis, tu vas te faire siffler. De toute manière, ça ne change pas grand chose pour la France. Contre les Blacks puis les Anglais ou les Argentins, la mêlée ne sera pas une sinécure, il ne faut pas se faire d’illusion. L’important sera d’assurer des sorties propres et non d’obtenir des pénalités dans ces confrontations-là. La touche en revanche sera «LA» rampe de lancement par excellence, nul doute ! Il faudra être extrêmement rigoureux et précis dans ce secteur. La présence d’un Lakafia ou d’un Picamoles au centre de la troisième ligne, limite un peu le nombre d’options de saut, mais c’est un risque qu’il faut courir. Surtout, il va falloir être plus performant pour contrer les touches adverses, ce qui impose pratiquement la présence d’Imanol ou de Bonnaire en troisième ligne, au détriment de Fufu, joueur de rupture par excellence, encore que, mis à part les ligaments de sa main, il n’a pas rompu grand-chose cette année. Il ne reste plus qu’à dynamiser le jeu de la charnière, et surtout faire en sorte que Parra change de disque et passe enfin la troisième … Et là, tu as des chances de faire quelque chose ! Je ne dis pas que Parra n’est pas bon, loin de là. Mais s’il semble très à l’aise derrière un pack qui avance et qui contrôle la situation, il lui reste encore à prouver qu’il peut être ce premier attaquant et cet accélérateur du jeu que sont certains des demis de mêlée adverses. Le Yach lui n’a peut-être plus ses jambes de 20 ans, mais son côté filou, son aptitude à faire jouer les gros autour des regroupements et son jeu au pied offensif pourrait s’avérer utile. D’ailleurs, il me semble que le jeu au pied court peut être l’une des armes qui permettra à l’équipe de France de surmonter, à court terme, certaines de ses lacunes offensives, surtout face aux murailles défensives qu’elle va trouver sur sa route. Trinh Duc a progressé dans se secteur, mais ce serait sans doute pas bête de travailler encore plus ces coups de pied de récupération, façon Lamaison en 99 par exemple … à condition de ne pas rendre bêtement le ballon. Voilà ! C’est pas si difficile le rugby finalement … Tu réunis tous ces ingrédients-là, tu rajoutes une bonne dose de défense en béton, un fond de mental guerrier et un soupçon de chance et, qui sait, la France ira peut-être plus loin que ses résultats récents ne le laissent présager. Vern PS: Si vous avez des questions, voire pire, des idées, un avis à partager, n’hésitez pas à nous en faire part dans les commentaires. Le débat est ouvert !