Pierre Albala-Dijo n’aime pas les Anglais…
par Ovale Masque

  • 20 May 2011
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Je n’aime pas les Anglais et je ne les ai jamais aimés. Vous êtes vous aussi supporters de rugby – du XV de France très probablement – donc vous me comprenez. Puis, on ne va pas se cacher, on a de quoi les détester, ces gens qui habitent où il fait froid et gris 350 jours par an.

Ces maudits Anglais ont toujours été là pour perturber les plans, toujours glorieux, des Français. La Coupe du Monde 2007, LA Coupe du Monde des Bleus. Les Britishs ont battu les hommes de Bernie le Dingue en demi-finales. Pour cela, un grand merci à Jonny Wilkinson, artisan-bourreau-buteur de la couronne, au terme d’un match qui restera dans les mémoires. Et merci à Damien Traille, un biarrot, tu m’étonnes. Ou l’autre demi-finale de 2003 en Australie. Si seulement Michalak n’avait pas été élu joueur le plus sexy du Mondial juste avant ce match… Des matchs qui restent en travers de la gorge de beaucoup. Joueurs comme supporters. Et surtout dans la mienne. Car pour les faire passer ces défaites, c’est au tonneau que je me suis mis à boire. Je sais pas si vous voyez le genre.

L’Anglais éprouve envers le Français une haine semblable à celle que le Français voue à son homologue britannique. Qu’on se le dise franchement hein, les duels France-Angleterre (et inversement), le fameux Crunch, ça n’a pas de prix. On s’y prépare au moins une semaine à l’avance. Toutes invitations à quelques repas ou autres mondanités sont poliment (quoi que) refusées.

Sur le terrain, non il n’y a plus de Will Carling qui viendra dire, avec un sourire arrogant, ce “Sorry, good game “ qui atteint au plus profond de soi. Mais quand même. C’est un duel fratricide. Allez y comprendre quelque chose. Les Britishs sont venus nous aider pendant les deux guerres mondiales. Vaillants, qu’ils étaient sur les plages normandes, ces gars-là. Mais quand il est question de rugby, on oublie tout ça. C’est ingrat, ouais, mais on s’en fout.

Ca me fait penser j’ai moi-même eu la chance de jouer deux matchs de cette trempe. C’était lors d’une tournée en Angleterre, il y a bien 40 balais. On s’était cassé les dents toute une après-midi sur un paquet d’avants rude comme jamais j’en avais vu. En plus, il pleuvait comme vache qui pisse, on était loin d’être dans notre élément. Mais ! Mais ! Il y a eu revanche les petits, évidemment. Un an plus tard, ces mêmes types sont venus à leur tour découvrir les joies et plaisirs à la française. En trois matchs, l’équipe anglaise (les mêmes avec deux gaillards de 120 kilos en plus) avait fait tomber la glorieuse réputation des clubs de l’Hexagone. Ne restait plus que nous.

Toute la semaine a été dantesque. Trois entrainements, les combinaisons répétées à foison, du physique à en cracher ses poumons et à roter du sang. Mais on était prêts. Prêts à venger l’honneur français, face à ces maudits anglais. Ces enculés d’Anglais, comme ça c’est clair. Dans le vestiaire un calme froid, plat et pesant. Pas un seul mot, pendant les 30 minutes précédent le coup d’envoi. Rien de chez rien, nada, fifre.

Les gros se sont parlés (sujet, verbe, complément et encore, faut pas pousser), nous on est resté sur les bancs, la tête posée sur les bras, à attendre… Encore attendre… Tout le village était au courant de ce fameux match, et la main courante était comblée de monde. Les vieilles du village, les familles, les commerçants, les petites sœurs et les copines. Un seul mot d’ordre pendant la semaine quand on rodait en ville. « Vendredi soir, il faut gagner les gamins, hein ! Faut les bouffer ces Anglais ». Oui Madame. Même la Jaja dans son bar, ne voulait plus nous servir à boire. Question de préparation avant le match, qu’elle disait…

Bref, il fait nuit dehors, c’est un mois de novembre frisquet. Messieurs les Anglais sont en vacances rugbystiques, mais pas question qu’ils s’amusent sur le terrain. La guerre de tranchés, on se l’est promis avec les gars. Une heure et demie plus tard, on a gagné. La joie est extraordinaire. J’ai joué des demi-finales de championnat de France, des tournois importants, mais ce match « amical » contre les Anglais reste comme le plus beau souvenir. On s’est farci les joyaux de la couronne, on a sauvé l’honneur de la France. Santé !