Une journée dans la tête de Guy Novès
par Aguilera

  • 18 November 2010
  • %

Le saviez vous ? Guy Novès peut battre un ballon de rugby à “Je te tiens, tu me tiens par la barbichette”.


Il y a plus d’un an déjà, Guy Novès avait décidé de parrainer la Boucherie Ovalie en nous offrant sa chronique, le “Journal des Mauvaises Nouvelles”. Une chronique qu’il a arrêté depuis, dépité par la concurrence impitoyable des chaînes d’infos en continu. Mais le voici enfin de retour sur nos étals ! Le meilleur coach d’Europe a passé une journée en compagnie de notre reportrice Aguilera. Avocate et supportrice du Biarritz Olympique à ses heures perdues, elle possède une patience hors du commun, ce qui nous semblait impérativement nécessaire pour cette mission. Immersion…

8 heures :
Mon réveil sonne et m’arrache à un rêve délicieux : la Ligue a enfin accepté d’évoluer vers l’excellence, comme je le lui conseillais modestement depuis des années.  Finis les doublons et les calendriers infernaux qui ne faisaient que casser mes joueurs. L’Elite de notre championnat est maintenant  réduite à quatre clubs : Clermont (parce qu’eux seuls peuvent espérer rivaliser de temps en temps avec le plus grand club européen), l’USAP (parce qu’il faut bien faire un peu de place aux bouseux), le Stade Toulousain et les Espoirs du Stade Toulousain. L’horizon de l’Equipe de France est enfin dégagé : Lièvremont, ce nul,  est retourné à Dax qui peine à remonter en Fédérale 2. Et mon humble personne a enfin été appelée à présider aux destinées de l’Equipe de France. En même temps, à titre exceptionnel et dérogatoire, et au vu de mon palmarès exceptionnel (40 Brennus, 11 HCup et 162 finales, je ne le répèterai jamais assez), la Fédé m’a autorisé à continuer à manager le Stade. Bon, ma charge de travail n’augmente pas puisque le Stade et l’EdF, c’est maintenant la même équipe.
Mais hélas, tout ceci n’est qu’un rêve, que dis-je, un idéal. Et malheureusement destiné à le rester tant que la Ligue, la Fédé, l’IRB et l’ERC ne comprendront rien aux exigences du sport de haut niveau et de l’excellence.

9 heures :
Mon chauffeur me dépose aux Sept Deniers. Tous les joueurs sont là, au garde à vous les braves  petits, attendant un signe de ma part pour commencer l’entraînement (hautement confidentiel, j’ai d’ailleurs pensé à breveter mes méthodes). Je note toutefois l’absence de Byron.

9 heures 30 :
Appel téléphonique affolé de Fille n° 1. Byron a passé la nuit au poste de police après s’être battu, à la sortie d’un bar,  avec un triste individu qui a osé lui demander du feu. Comme si Byron fumait ! Bon, le type a le plancher orbital fracassé et Byron les deux bras cassés. Il faut que j’appelle le Procureur pour arranger le coup.

9 heures 40 :
C’est bon, le Proc nous arrange le coup.

10 heures :
Nouvel appel de Fille n° 1. Finalement, elle n’en a plus rien à faire de Byron, il la gave, elle le largue. Penser à trouver une fille de plus de 13 ans pour consoler Byron.

10 heures 10 :
Et si je demandais à Bru s’il a une fille de plus de treize ans ?

10 heures 12 :
Je regarde Bru et je me dis que ce n’est pas une bonne idée de lui demander si il a une fille de plus de treize ans.

10 heures 30 :
On nous livre les nouvelles parkas des joueurs. 100 % cachemire de Mongolie, duvet de canard gras des Landes. Clem, Max et Vincent font la tête : elles sont trop longues, pas assez près du corps. Penser  à en parler à Eric Bompard.

11 heures :
Jean Ba vient me voir. Clem, Max et Vincent font la tête : ils ne veulent pas s’entraîner avec Lakafia. C’est vrai quoi, il n’est pas international, il ne passe pas à la télé, Judith Soula ne l’a jamais interviewé. Au fond de moi, je les comprends, mais je leur demande d’être gentils avec leur petit camarade défavorisé. Tout ça, c’est la faute de Bru. Je voulais le Lakafia des surfeurs ratés de la côte (et rugbymen ratés aussi, d’ailleurs), mais il s’est trompé et a fait signer son frère, qui jouait dans un club de paysous.

12 heures :
Repas à la Brasserie du Stade. Luxe, calme et volupté. Repas à la fois goûteux et équilibré : langoustines en tempura, ris de veau escalopés et braisés, risotto aux truffes blanches, macaron framboise et fraises des bois. Je pense aux ploucs qui ne disposent que d’un pauvre club-house, meublé en formica, sciure sur le sol, et coquillettes-jambon à tous les repas. Je me marre.

13 heures :
Thierry est mécontent du rapport glucides-protides de son repas, qu’il a évalué avec un logiciel spécial : « Coach, si nous voulons continuer à tutoyer, que dis-je, flirter avec l’excellence, un diététicien ne serait pas de trop ». Thierry est un grand joueur digne du Stade Toulousain (quand je pense que le pauvre garçon a dû jouer au BO), mais il est parfois agaçant avec son souci de la perfection. Je lui promets toutefois d’engager un diététicien à temps plein. Toujours à la recherche du meilleur, c’est ça, le plus grand club européen.

14 heures :
Reprise de l’entraînement en opposition. Superbe combinaison des trois quarts, trois redoublées et deux chistéras. Malheureusement, Lakafia commet un en avant dans l’en but.
Clem, Vincent et Max le rouent de coups avant de l’enduire de goudron et de duvet de canard gras. Au Stade Toulousain, on ne tolère pas l’à peu près.  

15 heures :
Appel de Fille n° 2. Elle s’inquiète pour Vincent, qui se plaint de ce que ses partenaires ne le mettent pas assez en valeur. Penser à en parler à Max et à Clem. Heymans, ce n’est pas la peine, il se fout de tout maintenant. Je n’avais d’ailleurs même pas remarqué qu’il n’est pas l’entraînement. Tout comme Fred d’ailleurs. Mais lui, il s’est encore blessé : il a heurté un jambon Iberico dans son nouveau restaurant. Genou plié.

16 heures :
Un peu de vidéo pour analyser le jeu de nos prochains sparring partners. Mon dieu, que les autres clubs jouent mal.

17 heures :
Journée d’entraînement finie, j’ai  un peu de temps libre. Je profite pour appeler des journalistes et amis du Midi Olympique pour leur dire tout le mal que je pense de Revol, de Lièvremont, ce nul, de Boudjellal et Lorenzetti, ces parvenus sans foi ni loi, qui osent même lorgner sur certains de mes joueurs. Comme si jouer au Stade Toulousain n’était pas le Nirvana absolu pour  tous les meilleurs rugbymen du monde (dès lors qu’ils ont un peu de cervelle, Byron étant l’exception qui confirme la règle).

19 heures :
J’appelle le Président pour les doudounes et le diététicien. Pas de problèmes.  J’en profite pour lui dire que j’ai remarqué un jeune international jouant en fédérale 1, pour la première fois sélectionné par Lièvremont, ce nul. Le Président ira voir ses parents demain. Ainsi va la vie au Stade Toulousain, le club le plus titré d’Europe. Exigence, excellence et résultats.

21 heures :
Je m’endors doucement, espérant renouer avec mon rêve de la nuit dernière.

Aguiléra, dans la tête de Guy Novès.