Le Rugby Fauteuil ou Maraîcher Ovalie
par John Pils

  • 25 March 2016
  • 15

Par John Pils,

 

Avec l’arrivée du 7 à Rio, l’Ovalie s’extasie du retour du rugby dans le merveilleux monde de l’olympisme. Valeurs du rugby et valeurs de l’olympisme ! Une subtile union qui ne manquera pas de provoquer une masturbation malsaine de Laurent Luyat ou Cedric Beaudou sur les plateaux de France Télévision. Mais ce que tout le monde néglige, c’est que le rugby a déjà sa place sur l’Olympe depuis les Jeux de Sydney. Eh oui ! Les jeux paralympiques de 2000 voient débarquer un jeune sport créé au Canada : le rugby fauteuil.

 

Rugby + Olympisme + Handicap = Valeurs puissance 1000 !

 

La Boucherie a donc décidé de se pencher sur ce sport encore méconnu du grand public. Étant habitant des Hauts-de-France du Nord-Pas-de-Calais, je ne vous présente pas ça en tant qu’expert rugbystique mais comme expert du handicap bien sûr. Et j’espère qu’après la lecture de cet article vous pourrez fièrement dire “Le rugby fauteuil ? Oh oui, j’en connais un rayon !”.

Tout d’abord, il est important de savoir que le rugby fauteuil est aussi appelé MurderBall. Ce qui est beaucoup plus fun, mais beaucoup moins Valeurs© pour les sponsors. On note d’ailleurs que les équipes de rugby fauteuil peuvent rajouter un sponsor sur les roues de leurs engins, alors qu’une publicité sur l’arrière du short n’a, en revanche, aucun intérêt.

Le rugby fauteuil se joue à 4 contre 4 sur un terrain de basket avec un ballon de volley-ball. Il n’y a aucune logique dans tout ça, mais bon, rappelons que ce sport a été inventé par des compatriotes de Jamie Cudmore. L’avantage de jouer en salle, c’est qu’on peut y jouer l’hiver. Imaginez huit mecs en fauteuils manuels dans 15 cm de boue, ça serait forcément rigolo au début, mais ça serait tout de même plus difficile…

 

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Ci joint un article où on voit que le rugby fauteuil reste du rugby, puisque l’ASM y perd encore ses finales. Même face à Roubaix !

 

Les règles sont beaucoup plus simples que chez les valides : les passes en-avant sont autorisées, il n’y a pas de hors-jeu et bien sûr ni mêlées, ni touches. Le but est simple : franchir la ligne de but adverse avec le ballon. Pourtant c’est bien du rugby car il y a des contacts, et des contacts de bons gros débiles d’ailleurs.

La preuve en images :

 

 

Il n’y pas de liste exhaustive du handicap requis pour acquérir une licence mais les déficiences doivent bien sûr être motrices et non mentales. Ce qui est exactement l’inverse des conditions requises pour avoir le fameux tampon “Apte à jouer première ligne” à XV. Le public licencié est donc large et on peut ainsi y voir un joueur paraplégique avec des épaules de catcheur désosser un adversaire amputé des quatre membres ou déborder un tétraplégique qui peine à faire avancer son fauteuil.

Il est malheureusement plus rare de voir des personnes hémiplégiques qui, forcément, tournent en rond dans ces fauteuils.

Mais attention ! Si ça s’arrêtait là ce serait beaucoup trop simple ! Chaque athlète doit passer devant un médecin spécialiste qui va lui octroyer un nombre de points selon ses limitations fonctionnelles. Il sera alors classé de 0,5 à 3,5.

Prenons quelques exemples. Si vous êtes première ligne vous pouvez directement sauter sur jusqu’à la photo d’Isabelle parce qu’il va falloir compter.

Un athlète atteint de tétraplégie dite “haute” suite à une lésion de la moelle épinière au niveau de la 5ème ou 6ème cervicale se verra attribuer une note de 0,5 ou 1. En revanche, un joueur avec une lésion plus basse qui impactera donc moins ses membres supérieurs ainsi que son tonus du tronc, aura quant à lui une note plus proche de 3. Les “petits points” de 0,5 à 1,5 sont des joueurs à vocation défensive, tandis que les “hauts points”, à partir de 2, ont une fonction offensive. On pourrait être tenté par un parallèle hâtif avec le XV. “Bon tu cours pas vite, tu vas devoir jouer devant.” Mais je vous rappelle que Maxime Médard joue Arrière et court le 100m en 17 secondes.

 

Pour les plus intéressés ou les étudiants en Médecine Physique de Rééducation, voici le tableau récapitulatif.

 

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Dans ce tableau on voit que l’on pourrait s’amuser à classer également certains joueurs du Top14 :

Dan Carter -> 3,5 : “Joueur dominant sur le terrain et exécution très rapide.”

Thierry Dusautoir -> 1,5 : “Excellent bloqueur et portera le ballon occasionnellement.”

Guilhem Guirado -> 1 : “le rôle principal du 1,0 est de bloquer et non d’agir comme porteur de ballon mais peut effectuer la remise en jeu”

NB : pour Dan le barème s’applique à son arrivée au Racing Voiture Privée 92, au moment où vous lirez ces lignes il vaudra peut-être déjà moins.

 

Mais le véritable génie du rugby fauteuil vient de la dernière règle : “Une équipe ne peut pas aligner plus de 8 points sur le terrain avec ses 4 joueurs.” Un joueur classé “petit point” a donc toute son importance puisque s’il est performant en défense malgré une note de 0,5 ou 1, il permettra de faire jouer deux attaquants avec des points plus proches de 3,5.

 

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Désolé Guy, au rugby fauteuil l’important c’est pas toujours les 3 points.

 

On imagine donc bien le casse tête des coachs au moment de faire les compositions d’équipes.

« Farid, ça m’arrange pas trop que tu récupères un grand dorsal fonctionnel. Tu vas finir par passer à 2,5 et on sera dans la merde en défense… »

« Quentin, je sais que t’es bon en ce moment à l’entraînement, mais tu coûtes 1,5 et Steven, Roman et Brian sont indétrônables et avec eux trois, on est déjà à 7. Si tu veux jouer, ralentis un peu sur la rééducation. »

« Putain, les mecs en face nous respectent pas ! Ils se permettent d’aligner une équipe à 6 points ! »

 

Parlons désormais des fauteuils en eux-même. On est dans Mad Max sauf qu’il n’y a pas de pétrole.

 

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Mad Max Guazzini se prépare à monter une équipe haute en couleurs.

 

On distingue le fauteuil d’attaque équipé de véritables pare-choc arrondis et le fauteuil défensif doté de “bumpers” qui vont accrocher et renverser les attaquants adverses. Il y a même des mécanos dans chaque équipe afin de réparer les bécanes durant le jeu.

 

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« C’est un remplacement sur crevaison, Éric.

– Merci Isabelle, il a donc dix minutes pour se faire coller une rustine et revenir sur le terrain ! »

 

Le rugby fauteuil est donc un sport qui arrive sur la pointe des pieds dans le paysage du handisport français et il mériterait de pouvoir se tenir droit en pleine lumière. Pour cela la fédération de rugby fauteuil compte sur quelques piges de joueurs de renoms du top 14, exactement comme Sofiane Guitoune avec le 7.

Les pistes les plus sérieuses sont celles de Benjamin Fall et de Teddy Thomas, alors que la fédération irlandaise de Murder-ball attend avec impatience l’arrivée de Jonathan Sexton !

 

Bonus  :

 

Les phrases que l’on entend au rugby fauteuil :

« Ouais, mais eux, c’est une équipe de mercenaires, ils ont un centre de rééducation juste à côté, c’est abusé ! »

« Si je mets des flyers pour promouvoir le club dans le service de traumato du CHR, tu penses que ça sera mal vu ? »

« Au lieu de faire jouer nos jeunes paraplégiques de chez nous, ils vont chercher des roumains amputés… Forcément ça coûte moins cher ! »

« Je me suis déchiré le biceps brachial sur une accélération ! »

« Micka, t’es vraiment de moins en moins bon chaque saison ! Et la myopathie n’excuse pas tout ! »

« Avec vos conneries de prévention routière ça nous nique le vivier ! Si on veut être au niveau à Rio il y a pas 36 solutions, il va falloir rétablir l’alcool au volant !… »

« Je comprends pas pourquoi la section rugby fauteuil de l’ASM n’a pas le même sponsor que l’équipe de rugby à XV. »

« Ce mec là, tu le sens à ton cul, c’est un vrai tracteur. »

« J’ai une bonne nouvelle les gars. Le docteur m’a dit que je ne récupérerai pas l’usage intégral de mes jambes, je suis donc avec vous pour les saisons prochaines ! »

« Après la pause, ils sont revenus gonflés à bloc. »

« Moi, j’ai un très bon ami valide… »

 

Les phrases que l’on entendra jamais au rugby fauteuil :

«T’as des qualités mais bosse ton jeu au pied. »

« Y en a marre de ce 10 adverse, on va pas le laisser jouer dans un fauteuil tout le match ! »

« On se laisse pas impressionner par les gars d’en face, ils sont comme nous, ils ont deux bras et deux jambes ! »

« Demain, WATTBIKE !!! »

« Si c’est les croisés, sa saison est morte. »

« J’en ai marre de cirer le banc. »