Les dix commandements officieux de l’arbitrage
par La Boucherie

  • 09 September 2015
  • 13

 

Par Craig Jouberbère,

 

Le saviez-tu ? Le livre de la Boucherie Ovalie, modestement surnommé #MeilleurLivreDuMonde a également comme auteur un arbitre de Top 14 qui, caché derrière son sifflet, a tenu à montrer que la place de l’arbitre n’est pas forcément aux chiottes, n’en déplaise à Jean-Michel Cékelchène. Il a également profité de cette opportunité pour conseiller les maso qui osent renvoyer d’un terrain des monstres de deux mètres grâce à un petit bout de plastique rectangulaire et coloré, le tout dans une tenue digne de la Fashion Week de Clermont-Ferrand. C’est ainsi que sont nés les dix commandements officieux de Craig Jouberbère, cet arbitre qu’on connaît peu, et qui te souhaite une bonne lecture.

 

Ô toi, jeune arbitre sortant de ta formation et trépignant d’impatience à l’idée de te faire insulter tous les dimanches sur des terrains en pente au fin fond de la Lozère, sache qu’un arbitre est déjà passé par là et a gravi les échelons année après année pour arbitrer des matches professionnels : il s’agit de Craig Jouberbère. Son chemin fut long et semé d’embûches, alors pour que ton ascension soit plus simple et rapide, voici dix commandements officieux qui sont basés sur des anecdotes vécues par Craig et qui lui ont permis d’apprendre sur le tas et de suivre sa devise : “sois sérieux, mais ne te prends jamais au sérieux”.

 

De l’avant-match, tu profiteras

C’est un des rares moments où tout le monde apprécie l’arbitre. Les joueurs et entraîneurs sont souriants, ils te demandent comment tu te sens. Mais évite de te laisser piéger par cette ambiance, car si tout le monde est avenant avec toi c’est parce que tu n’as pas encore fait d’erreur. Généralement, cette atmosphère ne survit pas au match. Heureusement, il existe des bénévoles fantastiques et amoureux de ce sport qui ne changent pas d’attitude envers l’arbitre en fonction du résultat du match.

 

Ton repas, tu surveilleras

Chaque rencontre, que ce soit au niveau amateur ou même parfois en professionnel, est précédée du traditionnel repas d’avant-match. Seulement tous les clubs ne pensent pas forcément à l’arbitre lors de la préparation du repas, et il se peut que tu ne sois servi qu’une heure avant le coup d’envoi et qu’il s’agisse d’un plat bien gras type entrecôte à l’aubergine et aux poivrons, baignant dans ses deux litres d’huile. Alors pour éviter de courir moins vite que les piliers pendant le match, mieux vaut préparer son propre repas et goûter les plats proposés par politesse.

 

Le toss, tu assureras

Les formateurs conseillent de ne jamais se baisser devant les capitaines pour ramasser la pièce du toss, car cela peut paraître comme une marque de soumission. Du coup, il faut que tu te rendes compte de la quantité de pièces que tu laisses par terre tout au long de ta carrière. Petit conseil personnel : utilise des dinars, ça vaut rien. Aussi, si jamais un capitaine choisit le côté face de la pièce -celui avec le visage de Marianne- et qu’il remporte le toss, ne souligne surtout pas son succès auprès des femmes. Parce que s’il sort d’une relation difficile et qu’il fait un bon quintal, ça pourrait mal se passer. Par contre tu peux rire des nombreuses personnes qui croient qu’avant le match, l’arbitre fait le toast.

 

Les enveloppes, tu accepteras

Si jamais un dirigeant de club te remet une enveloppe devant la tribune officielle avant un derby, il faut que tu restes calme, il s’agit juste des tickets pour la réception d’après-match réunissant tous les officiels.

 

A tes cartons, tu penseras

Le cauchemar d’un arbitre est de rentrer sur le terrain en ayant oublié son sifflet dans les vestiaire, mais oublier ses cartons peut aussi avoir son côté catastrophique, surtout quand il s’agit de sanctionner une équipe peu disciplinée. Alors, même si mimer le geste devant le joueur suffit à faire comprendre ta démarche, essaye de penser à prendre tes cartons, mais aussi ton carnet, ton crayon, ta montre et ton sifflet bien sûr.

 

Loin de la zone arbitre, tu te placeras

Le placement fait partie des éléments de réussite d’un match pour un arbitre. Tu dois voir le maximum de choses sans gêner la continuité du jeu et la circulation du ballon et des joueurs. Il faut donc que tu évites la zone arbitre, qui porte mal son nom, située près du regroupement et des premiers défenseurs, car les joueurs adorent s’y rendre et se servir de toi comme d’un obstacle pour l’adversaire. Et là tu peux te faire très mal.

 

Les conseils de supporters, tu ignoreras

Parfois sur une touche pour l’équipe visiteuse, tu as le droit au fameux “lancer pas droit !”, alors que le talonneur n’a même pas lâché le ballon. Il faut en rire, ça fait partie de l’ambiance. Certains supporters, connaisseurs, savent que les arbitres ont tendance à tolérer des lancers pas très équitables. Mais ils savent aussi que la tribune principale peut influencer tes décisions, surtout contre l’équipe d’en face. Alors rappelle-toi que tu dois tout choisir et surtout ne rien subir.

 

Tes erreurs, tu accepteras

Si tu décides de regarder les ralentis de l’action qui vient de se dérouler sur les écrans géants, assumes-en les images. Car si ces dernières approuveront souvent tes décisions, il se peut aussi qu’elles montrent une erreur pouvant te mettre à dos les milliers de spectateurs présents. Et si ces derniers te proposent gentiment d’aller aux toilettes, attends la fin du match et fais comme si tu n’entendais rien, ça marche à tous les coups. Évite aussi les sourires en coin, ils sont déjà assez énervés comme ça. L’arbitre n’a pas de droit à l’erreur, contrairement aux joueurs et aux entraîneurs, et tu seras souvent accusé de malhonnêteté.

 

Ta solitude, tu affronteras

Parfois, pendant un match, les entraîneurs veulent t’influencer d’une manière plus ou moins fine. Alors quand une faute est sifflée devant leurs yeux, il n’est pas rare que l’un d’entre eux se lève et crie que ça fait quatre pénalités de suite contre son équipe et que c’est injuste, ce à quoi son adversaire répond que l’arbitre n’a pas besoin de ses conseils, avant de te notifier que l’équipe adverse est cuite. Puis les entraîneurs se regardent, te regardent, tu les regardes, tu te retournes vers les capitaines qui te regardent avec un sourire en coin : une scène digne d’un western à la Sergio Léone. Et là tu es seul au monde et tous attendent ta prochaine décision. Parfois, tu auras l’impression que le monde s’est ligué contre toi. Mais respire, tout va bien se passer.

 

Ta fin de match, tu gèreras

Pendant un match extrêmement serré et tendu, si les visiteurs mènent de quelques points et qu’il reste peu de temps à jouer, tu ne dois pas te laisser influencer. Alors quand tu siffles un en-avant local à deux minutes de la fin, le tout sous les huées du public, fais abstraction de l’ambiance et reste concentré. Il ne faut surtout pas que tu siffles quelque chose que toi seul a vu et qui ferait basculer la rencontre. Tu dois rester cohérent et concentré dans ton analyse.

 

Ta passion, tu assumeras

Tu dois toujours croire en toi. Si tu travailles et te remets en question après tes défaites comme après tes victoires, tu pourras perdurer comme arbitre. Ni ton comité d’origine, ni ton accent ne te freineront dans ton avancée. Tu auras des hauts et des bas, comme un sportif. Une chose ne doit jamais quitter ton esprit : le plaisir de vivre cette aventure, ton aventure ! Nous sommes des privilégiés, mais on ne s’en rend pas compte. Nous voulons toujours plus, alors que nous avons déjà beaucoup.