Dans un voyage en absurdie…
par Kig

  • 12 May 2012
  • 5

Kig divague et nous parle de ses apprentis joueurs de rugby. Mais de qui parle-t-elle réellement ? Les piliers de comptoirs habitués de la Boucherie reconnaitront peut-être…


Dans un voyage en absurdie
Que je fais lorsque je m'ennuie
J'ai imaginé sans complexe que…

…par un bel après-midi ensoleillé de fin d'été, j'attends mes petits, excitée à la perspective de retrouver mes 2ème année et anxieuse de découvrir la nouvelle fournée.
Qui sont-ils ? D'où viennent-ils ? Où va-t-on ? Bref, autant de questions existentielles que de ballons éparpillés autour de moi.
Impatiente et nerveuse je scrute l'horizon, telle Ann O'Masseurane (célèbre 2ème ligne irlandaise).

Ils arrivent, ils sont là.

Je reconnais immédiatement Ronan grâce à sa blonde chevelure, notre Roro à nous, fier destructeur de défense ! Jean-Eudes est de retour également, bien dégagé autour des oreilles et du front et de la nuque aussi, arborant fièrement un maillot du RCT, souvenir d'un passage familial à Toulon histoire de saluer le grand Charles. Son crâne luisant attire déjà le regard énamouré de Mathou. Oui c'est elle, ma gracieuse est là, crampons roses et regard clair pétillant de malice et d'intelligence. Et de l'intelligence il va en falloir pour faire évoluer mon troupeau de microbes.
Ma contemplation est interrompue par une vision étrange, car, parmi ce groupe de jeunes humains en short portant fièrement le maillot foncé du club, mon œil est attiré par un Objet Vraiment Mystérieux : un garçon aux cheveux bouclés, au visage poupin et vêtu d'un collant mauve.

C'est un nouveau et son accoutrement pour le moins inhabituel a forcément focalisé tous les regards
“Bonjour, comment t'appelles tu ?” “Erwan” me répond il d'une voix fluette mais assurée.
De ce que je comprends Erwan est né à Paris mais ses Bretons de parents ont décidé de revenir au pays élever des choux fleurs bios ; il est inscrit au rugby afin qu'il prenne goût à la terre.
A ces mots, Momo ne se sent plus de joie et le plaque au sol “Momo, carton rouge ! ça va pas la tête ?!” “Mais il a dit qu'il fallait qu'il goûte la terre, je lui rends service” “Arrête de te cacher derrière le grand Baptiste ; tu commences bien l'année toi !”

Mais il est temps de rassembler ce petit monde et de passer à l'action.
” Vous avez tout le terrain, voici des ballons, une seule consigne : passer le ballon à quelqu'un en mouvement”
Et voilà, c'est reparti pour l'évaluation diagnostique comme l'appellent les adeptes de la branlette intellectuelle.
Aïe, premier bobo : Pilou aurait pris un coup au genou, il boite rapidement sécher ses larmes dans le giron généreux de Mme Renard, me laissant regretter de n'avoir pas opté cette année pour les testostéroneux -15 ans.
Comme l'an dernier Marcello est installé dans un coin à tripatouiller la terre : sous ses doigts l'argile prend forme, l'homme de demain sera effectivement hors-normes s'il se trimballe l'appareil uro-génital délicatement créé par mon comique des bacs à sable !
Je repère aussi l'étrange manège de Damien : il court dans tous les sens, le ballon coincé sous le bras, une meute de followers à ses trousses l'implorant de passer son ballon. “Oh Damien, fais tourner un peu, tu n'es pas tout seul !”. J'espère qu'il ne va pas me refaire ce délire de l'an dernier où lors de chaque entraînement il aimait à changer de prénom, l'alibi pour ne rien écouter.
Reprenons donc les bonnes habitudes: “Marcel, tu me feras 2 tours de terrain”. Ça n'est pas vraiment une punition pour lui ; je me demande même parfois s'il a un avenir dans le rugby, mais au moins les copains ont récupéré le ballon.

Les nouveaux s'appliquent à faire des passes en arrière, mieux qu'à la télé, tandis que les anciens connaissant déjà bien la consigne se lâchent joyeusement en transmettant le ballon à l’Écossaise (marque déposée :

college essay

inefficace en match mais très joli à regarder).
Évidemment Vincent, le fils du président et mini bogoss du club, vient me casser les orteils en me faisant remarquer que c'est pas comme ça qu'on doit faire les passes au rugby, que ça n'est pas constructif et que c'est sûrement pas ainsi qu'on finira champion régional.
Béatrice Odile prend immédiatement ma défense en argumentant que c'est le début de la saison, qu'il faut prendre en compte le niveau de forme de chacun et d'abord créer un groupe qui saura être fort dans l'adversité. Je l'aime beaucoup, non pas parce qu'elle est la fille de l'entraineur de la 1, mais parce que quoiqu'il arrive elle reste fidèle à ses convictions.

Elle pourrait être capitaine si ce rôle n'était pas dévolu de facto (ou de fisico) à un garçon. En effet, pour éviter toutes contestations et ne pas me faire chauffer les oreilles à longueur de temps, le capitaine est celui qui fait pipi le plus loin. Ça se joue au talus du fond, par-dessus le fossé. Le vainqueur est Capitaine pour l'année et cette méthode a l'avantage d'asseoir sa légitimité.
De toute façon les filles sont suffisamment intelligentes pour arriver à s'imposer grâce à leur finesse, délicatesse et subtilité.

Mais ils sont chauds à présent. J'attrape Damien avant qu'il n'entame son 5ème tour de terrain et c'est parti pour le placage. On commence doucement en rappelant où on plaque puis comment à l'aide d'une jolie démonstration hyper convaincante où Kévin, 24 kg soit 4 packs de lait, plaque Bouboule, 7 ans de mac do.
Ils travaillent 2 par 2, dans un premier temps sur la poussée puis ensuite à plaquer. Je décolle Pilou de Mathou et le colle à Damien en interdisant à ce dernier de s'échapper.

Un petit rappel des 10 commandements du joueur de rugby (à venir un jour, peut-être) et c'est parti pour le “match” de fin d'entraînement.
Alors autant l'échauffement est de type “libre” autant le match est de type “encadré”, non pas par amour du beau jeu (rappel : pour être efficace on ne peut pas jouer à l’Écossaise, ou alors à l'Edimbourgeoise) mais parce que je ne suis pas sponsorisée par l'hôpital local, que des parents reviennent un peu plus tôt pour voir “comment ça se passe” (c'est soit des papas, soit des mamans et au final certains ne regardent même pas leur môme) alors je préfère éviter le carnage devant témoins. Déjà Kévin qui hurle “fouyayayaya” quand il marque un essai, ça fait plus annexe des Papillons Blancs que club local formateur alors il n'est même pas envisageable un tiers de seconde de laisser venir le temps des cathédrales.Car, entendons-nous bien, la sécurité prime sur tout : le CD (Comité Départemental et non crétin débile) en la personne de son très AS (Aimable Salarié et non abruti assermenté) nous l'a fermement rappelé 1 semaine après avoir ramené 3 blessés (sur 7 joueurs, joli score n'est-il pas ?).
Comme à l'accoutumée ce match est un moment de tension extrême, où chaque joueur a à cœur de montrer le meilleur de lui-même, c'est-à-dire de s'emparer du ballon et l'aplatir dans l'en-but, seul et contre tous de préférence, voire même de ses partenaires. C'est un combat acharné d'une violence incroyable que je préfère ne pas décrire afin de ménager vos âmes sensibles. Amen.

Et là je me dis que si on ne sait pas voir plus loin on pourrait penser que la concurrence sera plus rude sur le banc des remplaçants que sur le terrain ! Mais le grand sage a dit qu'il fallait être patient (il a aussi des trucs plus constructifs mais je ne me souviens plus bien).
Et…
… et le téléphone sonne, me tirant brutalement de ma rêverie.
“Zorbtruc industrie, can I help you ?”
Je pose le téléphone et me replonge un instant dans mon songe d'une nuit d'été : mes “petits” deviendront grands mais s'accrocheront-ils, sauront-ils un jour partager l'amour du rugby ?

Évidemment il s'agit d'une pure fiction, puisque je n'ai jamais encadré de – 9 ans, ou alors il y a longtemps, ou alors je ne me souviens plus.
De plus, toute ressemblance avec des personnages réels existants ou ayant existé est purement fortuite ou alors je ne me souviens plus.

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