Le sociologue du Rugby #4 : Être ou ne pas être… contre les Anglais !
par La Boucherie

  • 08 March 2012
  • 30

Par Brieg Ker’Driscoll,

(avec l’aide modeste d’Ovale Masqué pour les illustrations et les légendes)

Le sociologue du rugby : partie 4

Être ou ne pas être… contre les Anglais !
(To be or not to be against Rosbifs)

 

Il est parfois des cas étranges, où certains Français ne nourrissent à l’égard des Anglais, aucune animosité. C’est révoltant. Me reprenant même dans mes diatribes anglophobes, certains ne comprennent pas cette haine pourtant évidente. L’autre jour, alors que je disais tout naturellement, que si mon steak était froid, c’était de la faute de ces salauds d’Anglais, quelqu’un a osé prétendre que non. Je fus tout d’abord offusqué qu’on me contredise sur un point irréfutable, mais grâce aux arguments de ce cuisinier, j’ai pu comprendre qu’aucun Anglais n’était responsable de cet intolérable incident,  et que la taille de ses bras pouvait l’autoriser à m’en coller une carabinée.

Je me suis alors mis à culpabiliser, il est vrai. Troublé dans mes convictions les plus profondes, je me suis d’ailleurs demandé, si en tant que rugbyman, nous nous devons d’être phobe ou phile envers les Anglais ? En mon état de sociologue-historien-johnnywilkinsonophobe-cireur-de-banc-de-touche-des-fois, je vais tenter de répondre à cette douloureuse question: peut-on aimer les anglais ? A toute dissertation construite, il faut un plan construit. Le mien sera le suivant: Non, non, non.

La meilleure façon de se justifier d’une haine est de se référer à l’histoire. L’histoire peut expliquer pourquoi plus personne ne s’appelle Adolphe, pourquoi l’Ecossais porte des kilts, ou même pourquoi le hachis-parmentier s’appelle le hachis-parmentier. (Je vous laisse vous ruer sur Wikipédia pour apprendre cette anecdote extraordinaire). Concernant l’histoire franco-anglaise, faisons simple en disant que les rosbifs nous ont toujours tapé sur la gueule.

J’ai même découvert dans mes recherches scientifiques qu’il y a 40 000 ans se produisait un événement qui déjà présageait de cette confrontation transmanche. Un homo erectus français, tranquillement occupé à se tailler une bavette dans un mammouth, vit arriver un jour un « homo erectious » bizarroïde habillé d’une peau de bête horrible et mal coupée. Celui-ci lui dit dans un langage bizarre qu’il cherchait de la gelée pour en mettre avec son steak de diplodocus. L’homo erectus français naturellement pensait qu’on en voulait à son saucisson et se jeta sur l’autre homo. Mais ce dernier était boxeur et mit une rouste au Français. Depuis, celui-ci a génétiquement perpétué la haine de l’angliche à ses descendants. (Cette histoire est véridique, on a retrouvé des ossements de l’homo erectus coiffé d’un béret avec un œil au beurre noir).

En définitive, à l’origine, notre haine n’est peut-être pas du tout fondée. C’est la première chose à savoir ! Les plus grandes haines sont inexplicables ! Génétiquement, de premier abord, on déteste les Anglais sans savoir pourquoi, ce qui explique parfois l’absence possible d’arguments recevables quand on insulte ces satanés rosbifs.

Mais rassurez-vous, je vous écris cet article uniquement dans l’idée d’établir une série d’arguments anti-anglais tout à fait valables.

En premier lieu, les Anglais ont brulé Jeanne d’Arc. C’est la première à les avoir bouté sévère, avec le bonus offensif, et ils n’ont pas aimé. Ensuite ils ont tout fait pour éclater Napoléon. Un Français plus malin qu’eux, ils n’ont pas aimé non plus.

Enfin, plus dernièrement, ils nous ont battus deux fois de suite en demi-finale de Coupe du Monde, ce qui révèle de l’acharnement ! Voilà trois événements historiques, trois motifs valables et recevables pour détester les Anglais !
Cette haine viscérale à l’égard des british s’expliquent donc par cet enchaînement d’humiliations que l’entente cordiale et la coopération plutôt positive (reconnaissons-le) des Anglais pendant la seconde guerre mondiale nous empêchent de venger. D’où cette frustration horrible qui nous tenaille. Chaque victoire française contre la perfide Albion résonne comme une revanche de l’histoire.(Il suffit d’ailleurs de gouter un de leur plat pour nourrir à leur égard une haine intestinale.)

La confrontation franco-anglaise peut se définir aussi par les différences de caractère. Par principe, l’Anglais est orgueilleux mais il le sait. Alors que le Français est orgueilleux mais ne le sait pas. En clair : le Français ouvre toujours sa gueule quand il faut pas.

La différence de caractère entre ces deux nations se ressent aussi dans le rugby. Pour démontrer ce propos, je vais m’appuyer sur la description de deux joueurs de rugby professionnel : Jonny Wilkinson et Pascal Papé. Ne sont-ils pas là les prototypes même montrant nos différences ? Voyez plutôt :

Même déguisé en Jean Sarkozy, Jonny incarne encore parfaitement la classe anglaise

Jonny Wilkinson, connait par cœur le tableau de Mendeleïev, récite l’enfer de Dante en italien, joue du clavecin, et danse la salsa à merveille. Il parle 6 langues, et fait les galeries d’art le dimanche, avec sa femme, qui n’est même pas mannequin, mais fleuriste. Sur le terrain, Jonny sait tout faire, plaquer, courir, parler avec son protège-dent, faire ses lacets pendant les arrêts de jeu, claquer un drop du droit ou du gauche, du talon et même de la tête, et être beau-gosse sans faire exprès. Il est fair-play, ne se moque jamais de personne. A la fin d’un match contre les Français, après avoir mis le drop de la victoire, il sera interrogé par les journalistes français et dira dans un français impeccable : « C’était une confrontation très ardue. Les Français furent merveilleux, jouant ad libitum, sans toutefois être péremptoires. Je suis triste pour eux, mais je subodore qu’ils deviendront une équipe intrépide que l’adversité appréhendera». Ne voyant aucun sourire narquois sur son visage, nous nous rendons compte, qu’en plus, il est sympa.

En bref, il est vraiment insupportable, ce mec. Berk.

Les Français préfèrent tout naturellement Pascal Papé !

« Je suis trop content d’être dans un hélicoptère car mon film préféré c’est Top Gun. Même si c’est pas tout à fait pareil parce que dans Top Gun c’est des avions. »

En effet, quel bel exemple pour la France, pour nos enfants, pour les petits rugbymen pleins de boue le dimanche !

Pascal Papé met du Mont-d’or dans son yaourt, ne peut pas toucher ses pieds quand il s’étire. Il n’arrive pas à se gratter entre les deux omoplates, et décapsule ses bouteilles avec les dents. Il fait pipi à côté, des fois, et il aime rigoler grassement devant Omar et Fred. Il sait où se trouve Bourgoin-Jallieu, et c’est bien le seul. Et quand il va en boîte, il veut taper les videurs.

Au rugby, son action préférée reste l’enchainement uppercut-coup de tête-chatouille sous le menton. Il tente de tapisser sa chambre en jaune, et par radinerie, collectionne les cartons jaune pour faire la peinture. Il marque toujours des essais qui durent un mètre. Il plaque, il retourne, met des caramels, des cartouches, des bouchons, des tampons, des boîtes, des pescailles, des culs, des « ouille-aïe-aïe-aïe », des « humpffff », des « krrrrrrrrak, ahhhhhhhhhh », des « oui monsieur ! ». Il se fout de la gueule de McCaw, de sa femme, de son chien, et emmerde 5 millions de Néo-Zélandais.

Voilà un vrai bon Français admirable. Pas un de ces petits blondinets anglais érubescents qui comprennent les règles du cricket.

Quoi qu’il arrive, perdre contre les Anglais est vraiment douloureux. Cela vous prend au ventre, c’est comme un ulcère qui dure. Ou une gueule de bois au pastis-vin blanc. Voir Ashton plonger dans l’en-but est une véritable souffrance. En 2003 comme en 2007, ils nous ont battus en demi-finale de Coupe du Monde. C’était horrible. J’en cauchemarde encore, en plaquant mon oreiller.

Ces deux hommes ont été élus meilleurs joueurs du monde. Mais un seul est champion du monde et ça ça fait bien mal au cul.

En 2007 surtout, souvenez-vous cette désillusion ! Eux qui étaient si mauvais, que l’on avait battu par deux fois l’été précédant la Coupe du Monde ; eux qui furent corrigés 36-0 en match de poule par les Sud-Af ! Eux qui nous ont crucifié en demi-finale, chez nous, au Stade de France, faisant grimper à la fois le taux de suicide des télévisions sautant par la fenêtre, le nombre de boutons d’acné chez les adolescents anglais, le nombre de divorces chez les rugbymen, et le taux d’alcoolémie chez les piliers de comptoir.

Deux tempéraments peuvent être adoptés par les supporters français avant un France-Angleterre :

  • L’espoir intense, un appétit monstrueux d’une victoire. Qui s’accompagne hélas bien souvent par une tristesse et une colère insurmontable, et parfois à quelques cassages de chaises/tables/gueules.
  • La résignation. Le défaitisme. Pour soulager leur peine, certains partent du principe qu’il nous est finalement impossible de battre les Anglais. La victoire inattendue est alors encore plus belle.

Car si une victoire anglaise plonge tout rugbyman français dans la sinistrose, la jalousie, la rancune tenace, en revanche une victoire française relance les cocoricos, les « on est les meilleurs » et la France cocardière se la ramène pendant une plombe. C’est cette deuxième attitude que j’ai adoptée pendant le 1/4 de finale 2011. Cette victoire fut donc synonyme de jouissance éternelle, d’une 31ème Kronenbourg et de… bah je sais plus trop après.

Peut-être ai-je trahi dans l’ensemble des lignes que je viens d’écrire quelques propos anglophobes. Peut-être. Je vais alors terminer mon exposé en relevant une dernière chose : c’est qu’à y regarder de plus près, la France et l’Angleterre ont fait finalement la même Coupe du Monde, à 4 ans d’intervalle. Le parcours des Anglais en 2007 est le même que les Français de 2011 ! Allons-y pour les analogies :

  • Deux équipes en plein doute, sortant d’un tournoi mauvais : en 2007, l’Angleterre perd 43-13 en Irlande (un régal) ! Et ne reparlons pas de notre France-Italie de 2011.
  • Deux équipes mal préparées, et des matchs de poule compliqués, pas aboutis. Un grosse sanction/fessée/pilule/branlée/rouste contre une équipe majeure (Afrique du sud pour les Anglais (36-0 !), Nouvelle-Zélande pour les Français (37-17).
  • Chacune des deux équipes a joué les Tonga : Un match très moyen voire catastrophique (hum, hum…). Le XV de la Rose a tout de même fait l’effort de battre ces catcheurs polynésiens en surpoids sur le score de 36 à 20 lors du Mondial 2007, grâce à deux essais de Paul Sackey. Du coté français, Julien Bonnaire a raté un plaquage : deux rencontres marquées par des évènements surnaturels donc.
  • Puis une réaction d’orgueil. Une réaction d’équipe. Un exploit en quart (les anglais ont battu en 2007 une belle équipe d’Australie, et les Français battirent donc les Anglais en 2011 (exploit !)).
  • Une demi-finale très accrochée, et remportée dans la douleur.
  • Enfin, une finale contre cette même nation majeure de la phase de poule, qui cette fois a toute les peines du monde à s’imposer, presque sans le mériter. Voilà pour les analogies. Elles sont flagrantes !

Mark Cueto expérimenta la sodomie arbitrale en finale de Coupe du Monde 2007 en se faisant refuser un essai qui était peut être valide. Ou pas, on s’en fout en fait.

La France et l’Angleterre ne semblent donc finalement pas si différents que ça ! Surtout depuis que le Top 14 s’anglicise de plus en plus, et que Haskell se prend pour Dominique-Strauss-Kahn !

En définitive : Pestons, râlons, méprisons l’Anglais même s’il ne le mérite peut-être pas ! Souhaitons qu’il fasse la même chose de nous, pour avoir toujours autant de plaisir à les battre (des fois). Et surtout, continuons à trinquer avec eux, parce que, quand même, on les apprécie (sans l’avouer), et on aime bien aller chez eux leur piquer leur meufs !