Le sociologue du rugby #1
par La Boucherie

  • 22 August 2011
  • 4

Le sociologue du rugby

 

Bientôt va s’ouvrir une nouvelle coupe du monde de rugby. Un événement planétaire qui fera vibrer les français pendant tout le mois de septembre, et les anglais jusqu’au mois d’octobre. Mais saura-t-on un jour comprendre la psychologie de ce sport, l’essence même de ce jeu ?

En temps que sociologue-philosophe-psychologue-demi-d’ouverture, je vais procéder dès maintenant à une autopsie poussée de la philosophie du rugby.

Partie 1 : la naissance du mythe

Toute société est fédérée autour d’un mythe fondateur. La création du monde en 6 jours, la naissance de Zeus, ou bien la recette du cassoulet sont autant de mythes fondateurs gravés à jamais dans les mémoires des populations.

Le rugby, quant à lui, arbore fièrement l’histoire de sa naissance à lui, et voit en Webb Ellis le nouvel Abraham menant les siens vers la Terre Promise.

Car c’est ainsi qu’est entrevu le mythe fondateur du rugby :

« Les Dieux, mécontents de l’attitude perfide des hommes, voulurent leur infliger un châtiment, et les condamnèrent à jouer au football. William Web Ellis, fils d’Amora la déesse de la colère, et de Gilbert, Dieu du cuir et des bouchons, brava l’interdit des Dieux et osa se saisir à la main du ballon demeuré au sol. Poussé par le vent d’Eole qui reconnaissait là sa valeur, Ellis courut sur toute la Terre, la balle sous le bras, et s’en alla l’écraser dans la terre génitrice, rendant hommage à la déesse Artémis qui le guidait.

Les peuples se réjouirent de cette audace et prirent exemple sur Ellis, et dans toute la Terre, jusqu’aux plus petites iles des océans, on célébra l’acte originel dans une dévotion sans pareil. Les Dieux, jaloux de cette nouvelle idole, et pensant que l’homme cherchait à remplacer les Dieux, créèrent alors la coupe du monde rugby, afin que les peuples se déchirent et perdent cette unité. La perfidie des Dieux se vit accomplie, les hommes se battirent comme des fauves pour l’honneur de leur terre, et oublièrent leur solidarité et leur communautarisme. »

Tout petit déjà, mon père, après l’entraînement aux drops dans la cuisine et aux placages sur maman, me prenait sur ses genoux et me racontait cette histoire. Ce mythe ainsi raconté aux enfants est la fondation de notre condition de rugbyman. Adolescent, alors que nous plaquons pour la première fois notre père qui assure qu’il a glissé, nous nous rendons compte de la chance que nous avons, et prenons conscience de la fatalité des garçons de notre âge tombés dans une famille de footballeur.

Ce mythe fondateur ainsi exposé se révèle par ailleurs très intéressant, puisqu’il souligne deux choses :

Tout d’abord, homo homini lupus est. L’homme est un loup pour l’homme : Les hommes se déchirent autour du rugby. La première cavalcade de Web Ellis s’est aussitôt accompagnée de la première générale, pour savoir qui pourrait inventer les règles du rugby. De tout temps, et ainsi que l’ont voulu les dieux, les hommes se battirent l’un contre l’autre, les anglais contre les autres.

Alors, je me demande, ne vaudrait-il pas mieux créer une seule équipe internationale ? Elle serait sûre de remporter la coupe du monde, et tout le monde serait content ! Et enfin, la France serait championne du monde ! (en partie)

La deuxième chose intéressante, c’est de comprendre que le rugby est la finalité de l’évolution de l’homme. Il est le but ultime de millions d’années d’évolution. Car, nonobstant la véracité historique de ce mythe fondateur, je ne peux m’empêcher de le revoir sous un profil un peu plus anthropologue. Retraçons en effet l’évolution de l’homme depuis l’élément monocellulaire jusqu’à Alesana Tuilagi.

Commençons, au commencement. Il y a d’abord eu le Bing Bang : c’est un peu comme une baston générale entre Béziers et Perpignan, avec à la fin, des étoiles, des planètes bleues et des cartons rouges.

Après sur la terre, on ne sait pas pourquoi, il y eut la vie. Une chose bien étrange que la vie, quand on y pense. Il parait d’ailleurs que le rugbyman se pose beaucoup plus de questions sur la vie quand Gorgodze fonce délibérément sur lui avec quelques sentiments de colère exprimés dans son regard.

Et puis grosso modo, on est passé d’une petite crotte de vie aux singes.

Le singe, à quatre patte dans l’herbe à la recherche de son protège dent, se mit peu à peu à se relever. Courbé, dégingandé, trapu et maladroit, il se mit péniblement à marcher. Soudain il rencontra un caillou sur son chemin.

Intrigué par cette chose bien étrange à la géométrie saillante, il la toucha de son orteil. La fit rouler. L’emporta dans ses pieds, ne comprenant pas et ne maitrisant guère les mouvements de ses membres. Bien des années plus tard, alors que son cerveau se développait, il atteignit les capacités intellectuelles de Clément Poitrenaud. Il se posait donc de plus en plus de questions à propose de ce petit caillou situé entre ses pieds. Il se décida alors à ramasser le caillou de sa main. Il fit le premier en-avant de l’histoire. Puis, enfin, son cerveau se développant encore, il réussit à se saisir du caillou, et parvenant au fait de son intelligence, se balada de grotte en grotte pour montrer son caillou, et toutes les gruts singes furent folles de lui et de sa coupe de cheveu. Le rugbyman était né.

On le voit, cette explication anthropologique est nettement plus proche de la réalité, et oppose, semble-t-il, une intelligence situationnelle (l’homme qui se baisse pour ramasser le caillou) et une bestialité primaire (l’homme qui tape avec son pied dedans).

Ainsi le rugby est une religion à part entière, pratiqué dans le monde entier entre 15 et 16h30 le samedi dans un canapé, et entre 15h et 00h (incluant la troisième mi-temps) le dimanche après midi.

Et cette religion est instituée autour de mythes fondateurs, mettant en lumière l’essentiel de ce sport : « Quand t’as la boule, t’avances ! Tu réfléchiras après ». Un appendice est d’ailleurs possible à ce précédent postulat : « Quand t’as la boule et que Maa’nonu arrive sur toi, tu réfléchis pas ! Tu donnes la boule à ton copain ».

Brieg’Driscoll 

A venir :

Partie 2 : Le rugbyman est-il vraiment un gentleman ?

Partie 3 : Le rugbyman est-il patriote ?

Partie 4 : Etre ou ne pas être contre les anglais.