Le Labougnat et Vern Dublogue analysent Castres – Clermont (30-19)par Pastigo 08 May 2012 3 Aujourd’hui, Pastigo et le Labougnat accueillent un invité de marque… en la personne du second auvergnat de France capable d’écrire son prénom sans faire de faute, Vern Dublogue. Il est de ces matchs qui soulèvent tout un peuple, qui mobilisent les coeurs des semaines durant jusqu’à l’apogée du coup d’envoi. Il est de ces match pendant lesquels on passe 80 minutes debout, dépassant largement les limites raisonnables de la tachycardie, de ces défaites qui plombent les âmes, vous savez de quoi je parle. Et puis il y a Castres-ASM. Castres-ASM au lendemain d’une défaite en demi de H Cup et à deux journées des phases finales pour lesquelles l’Auvergne est déjà assurée d’être en demi-finale, c’est le degré au-delà duquel il n’est plus possible d’améliorer le désintérêt par soustraction. En tout cas pour l’Auvergnat que je suis, et si les Castrais ne sont probablement pas de cet avis ils n’ont qu’à rédiger ce compte-rendu plutôt que de vider leurs gourdes de pif à la chasse le dimanche matin. Ceci étant fait, et avant de parler du contexte du match en lui-même j’ai envie de parler du contexte dans lequel je l’ai regardé. Le match n’étant diffusé que sur Rugby+ à un tarif largement surévalué, le choix du streaming affichant des rugbymen breakdancers dans une microfenêtre agréablement décorée de pubs russes s’impose. Au même moment, ma télé diffuse en HD 1080p un certain Toulon-Toulouse. Vous auriez fait quoi ? D’ailleurs, vous avez fait quoi ? Voilà c’est plus sain, on va pas se mentir, c’est déjà fort poli de faire semblant de lire ce texte. J’aurais d’ailleurs pu simplement me passer de commenter ce match puisque je n’ai effectivement rien à dire, mais ce serait sous-estimer la fatuité démesurée du boucher persuadé que chacune de ses niaiseries va être adorée par des milliers d’imbéciles. Les choses étant dites, passons-en maintenant à ce pourquoi vous ne trépignez pas d’impatience. Le contexte : Castres. Le CO est en pleine course depuis plusieurs matchs et jusqu’à la fin de la phase régulière pour s’assurer « une place dans le dernier carré », l’occasion de rappeler quelques règles de géométrie aux commentateurs sportifs puisqu’il est bien connu qu’un carré a six faces. Gagner ce match serait une belle garantie puisque la réception de Bayonne pour la dernière journée devrait être plus accessible et ce serait peut-être aussi une façon de s’offrir un barrage à domicile. Il va donc falloir sortir un gros match, d’autant que c’est un peu la saison de la dernière chance puisque le départ imminent de Masoe est synonyme de descente rapide en Fédérale tant il semble porter cette équipe. Clermont. Rien à battre. Y’en a marre de perdre 2 joueurs à chaque match inutile, donc Vern pond une équipe composée de joueurs qui ne se sont jamais vu, rappelant à René Fontes que certains sont toujours sous contrat et donc bien payés par le club. On mélange le tout de façon à ce qu’ils jouent à des postes insensés et on obtient une équipe clownesque mais qui -magie d’Auvergnat- a encore les moyens de battre au moins une bonne moitié du top14. Le film du match : L’équipe type clermontoise s’illustre immédiatement puisque c’est radoslavbidule qui donne le coup d’envoi. Vern est quand même un peu pisse-petit sur ce coup puisqu’il aurait au moins pu le faire jouer talonneur pour la déconne. Évidemment le ballon finira bien par passer entre les mains de Masoe qui charge, ce qui fort logiquement permet à Castres d’obtenir une pénalité. D’ailleurs pour éviter les blessures à répétition il serait de bon ton de changer le règlement concernant Masoe, il suffit de décider que le simple fait qu’il touche le ballon vaut 3 ou 5 points. Renvoi au 22, tout le monde est content. Bref, c’est l’occasion pour Robocop (en plus moche) de passer la barre des 3000 points, record inégalé paraît-il, ce qu’il fait bien entendu. Sincères félicitations, il devient le seul joueur au monde à atteindre ce score sans n’avoir jamais rien gagné, même les Clermontois n’ont pas fait mieux. Castres aura l’occasion de quelques contres plus ou moins intéressants mais c’est Clermont qui prend l’avantage de la possession aidée par une mêlée plutôt dominatrice. La pression se fait de plus en plus sentir dans le camp du CO et la défense doit se donner sans concession, mais Jacquet suite à plusieurs charges finit par aplatir pour le 1er essai Clermontois. Williams (lol) transforme. Apparemment y’a moyen de venir gagner ici avec l’équipe des Castors Juniors, du coup l’ASM ne se sent plus et retourne directement mettre le bousin dans la défense castraise qui court dans tous les sens bras en l’air, action qui finira par un drop de radsvlachouquette (relol) qui évidemment ne passe pas. Sur une action du CO dans le camp jaunard un fait de jeu incroyable va avoir lieu : Senio, celui qui ne joue jamais sauf quand les deux autres 9 sont blessés ou en train de perdre une finale de Coupe du Monde de l’autre coté du globe, Senio donc va se blesser. C’est donc Parra qui ne pourra pas finir sa crapette dans les tribunes qui doit prendre sa place. A croire que Kevin était indispensable puisque sur l’action qui suit, Diarra valide cette période de domination en perçant la ligne de défense et s’en va inscrire le premier essai de Castres. Dans la foulée, l’ASM perd son numéro 10 titulaires : Brock J… David Skr… Radovladuboudin à la suite d’un carton jaune contestable mais pas totalement injuste, qui renforce tout de même l’idée, après l’en-avant qui a sauvé le BO quelques semaines plus tôt et le Barnes (No) Show à Bordeaux, que cette année les arbitres n’aideront pas les Auvergnats (et pourtant, M. Berdos était juge de touche). Clermont va en fait tout perdre en 15 minutes, le temps d’encaisser deux essais et une pénalité qui donnent au CO 20 points d’avance à la 49ème. Ce n’est pas parce que c’est le Labougnat qui rédige, mais c’est pas payé… Le match est ouvert, avec beaucoup de turn over et deux équipes joueuses : l’une a tout à gagner quand l’autre n’a rien à perdre. Ça attaque donc de tous les côtés, avec beaucoup d’initiatives à la main et très peu de coups de pieds tactiques comme on peut en voir à Mayol et un peu partout en France au même moment… Ce sympathique supporter n’a pas payé son maillot A 27 à 7, on peut commencer à parler de branlée. J’ai décidément bien fait de regarder Toulon, d’autant que ces malpolis se permettent même de piquer des ballons en touche. Parra qui ne supporte pas ce sans-gêne décidera de percer et sur un enchaînement vers l’extérieur Sivivatu viendra planter son essai. 27 à 14, la nature semble vouloir reprendre ses droits et soigner l’infamie. Teulet conscient de son indélicatesse décidera même de rater une pénalité, il ne passera donc pas la barre des 4000 points sur ce match. Les Clermontois font cependant des erreurs grossières, et ne sont pas aidés non plus par un arbitrage dans les rucks assez particulier, pour ne pas dire carrément local. Teulet étant décidément trop laid, c’est désormais Bernard qui passe en gros plan lors des pénalités et ajoute 3 points portant la marque à 30 à 14. C’est maintenant que va avoir lieu le mouvement le plus incroyable du match, et peut-être l’un des plus beaux essais de l’année. Nakaitaci dans son en-but se met à naviguer sous la pression au lieu de taper au pied, voilà comment décrire au mieux cette action : Qu’est-ce qu’il fout ? Qu’est-ce qu’il fout ??? KEKIFOUUUUUUU§§§§ C’est du génie ! C’est du génie !!! CAYDUGENI§§§§§§§§§ Essai de 100m ou plus, avec à peu près toutes les phases de jeu possibles et conclu par Murimurivalu. Absolument magnifique. Pour ceux qui ne l’ont pas vu, c’est à dire tout le monde, rassurez vous dans moins de 48h une bonne vingtaine de cybervulcans l’auront posté en triple sur youtube. Comme Damien Try, Murimuri Nalaga aime jouer plusieurs personnages Cette action méritant mieux que les quelques mots d’un piètre spectateur qui ne l’a qu’à peine aperçue, laissons l’ami Vern distiller sa verve classieuse et passionnée qui saura rendre honneur à cette pépite ovalesque. Ceci est un message de Vern Dublogue, le charismatique et jovial auteur du “Blog de Vern” : Dimanche soir, j’imagine que vous étiez devant la soirée électorale pour vous repaître d’un spectacle médiocre, d’analyses à courtes vues, d’évènements inintéressants montés en épingles et de réactions à l’emporte-pièce. Un peu comme samedi après-midi sur Canal +. Quant à moi, dimanche soir, j’ai regardé Shaolin Basket sur France 4, la chaîne de l’Amlin Cup (avec l’excellent Eric Tsang, déjà vu dans Infernal Affairs – en fait, j’ai regardé Kaamelott sur la 9, mais ça me faisait plaisir de placer le cinéma de Hong Kong dans un article de la Boucherie) : c’était au moins aussi instructif, plus marrant et plus divertissant. Et donc, samedi, j’ai passé une partie de l’après-midi à Castres sur Rugby + avec Eric Bonneval, le Cazalbou de Canal, et c’était au moins aussi instructif, plus marrant et plus divertissant de le “Super Samedi Rugby de la Mort qui Tue avec des Stars Très Belles et Très Télégéniques (aux genoux fragiles certes) que Surtout On n’en fait pas des Caisses pour Survendre le Taupe 14”. J’ai donc assisté à une rencontre agréable et enjouée et, surtout, à un très beau mouvement collectif parti du fin fond de l’en-but et ayant amené un superbe essai. Je ne résiste pas au plaisir de vous le narrer déjà, pour faire un beau match et une belle action, il faut deux équipes, et il faut reconnaître que le CO n’a jamais fermé le jeu. Renvoi au centre du terrain après la pénalité de Bernard, relance du CO depuis ses 22 : Bernard, justement, prend le trou sur un crochet intérieur (le retour intérieur, la grande lacune de l’ASM cette saison et sur ce match…). Rallier, venu au soutien après contact, est arrêté sur les 10 mètres de l’ASM, ça rebondit grand côté et Teulet tente d’imiter Brock James sur un coup de pied rasant en coin. Muri intercepte bord de touche : crochet, progresse sur quelques mètres, libère (mal) un ballon sauvé in extremis par les gros. Kayser temporise derrière le ruck. On entend Franck Azéma hurler depuis le banc “Joue ! Joue !” T’inquiète pas, Franck, on va jouer… Kayser ouvre sur Parra, qui saute Siti pour King qui passe à White qui se fait découper par un gros plaquage castrais. Le ballon gicle en direction de la ligne d’en-but. Ça commence à puer du cul… Nai, qui a regardé Montpellier et Amorosino la veille, récupère, rentre dans l’en-but et prend le périphérique, en échappant à une nuée de Castrais qui lui colle aux fesses. Un petit sprint plus tard, on se retrouve de l’autre côté du terrain, au point de départ de la phase de jeu précédente à l’entrée des 22. Ruck. Cette fois-ci, Audebert ne saute pas Sivivatu, qui se faufile entre deux défenseurs sur la ligne des 22. Le déséquilibre est fait, mais il faut encore exploiter la percée. En plus des cannes, Siti fait parler son intelligence situationnelle : plaqué sur la ligne médiane, il a suffisamment temporisé par une course en biais pour fixer deux défenseurs et attendre Audebert qui reçoit une passe acrobatique. Le flanker historique fixe à son tour en passant à hauteur après contact à Parra qui décale White qui rentre dans la moitié de terrain castraise. Sentant le souffle chaud de Martial sur son épaule, il passe au roi Regan-le-Felin long de ligne. Celui-ci est plaqué par Martial et Diarra à l’entrée des 22 mais parvient, version cirque Gruss, à libérer le ballon pour White qui a bien suivi et qui évite l’en avant de justesse en ramassant le ballon qui a roulé une demi seconde sans maître. L’Ecossais temporise, retrouve Jacquet au milieu de la troisième ligne adverse à la chasse (et un peu à la rue aussi…). Le joueur éponyme du sponsor maillot se prend pour Brock James et réussit une longue passe en cloche pour Zirak qui arrivait lancé comme un char russe dans Tbilissi. Pris à quatre, il avance encore de quelques mètres et libère vite et bien pour Rado qui, malgré une faute grossière d’un Castrais venu par le côté qui pousse le ballon cinq mètres en arrière poursuit l’action en retrouvant après contact Kayser qui passait pas là et demandait finement la croisée pour fixer dans l’axe. Il passe à Audebert à hauteur, qui pète dans le ruck créé par Zirak et vient chercher les soutiens. Libération rapide pour Parra, qui passe petit côté à Sivivatu qui fixe (encore) deux défenseurs, qui sert White (quatrième touche de balle sur la séquence – ce mec a bientôt 35 ans…) qui se la joue comme un ailier long de ligne en repiquant intérieur, ouvrant la porte pour Muri qui aplatit en coin. Ouf ! Putain, c’était bon. Le public râle parce qu’il a bien dû y avoir un ou deux en-avant, mais ça fait partie de la légende de ce genre d’essais, qui n’est pas sans évoquer à notre mémoire nostalgique celui du bout du monde marqué au Michelin par Debaty “le camion bâché”, en 2010 contre le SF, à une époque où Nalaga jouait encore en France et où vous auriez rigolé et répondu “Et pourquoi 30% des votes exprimés pour l’extrême gauche et l’extrême droite ?” si on vous avait dit que F Hollande vengerait son Ex un soir de mai 2012… Bref, Clermont n’a toujours rien gagné, mais a indéniablement contribué à la défense de l’esthétique et du panache dans ce monde désenchanté… Ceci conclut l’incise, tranchante et limpide comme Sivivatu, du Blog de Vern dans ce compte rendu. (Merci à Rencontresaxv) Ça fait 30 à 19 et il reste 10 minutes de jeu durant lesquelles tout ce qui est Clermontois et qui a un nom qui finit en U va mettre la pression sur les Castrais qui souffrent bien comme il faut. Malheureusement, après une démo des Fidjian Globe Trotters, comme bien trop souvent dans ce match on finira sur un en-avant des Clermontois, qui peuvent nourrir de sérieux regrets car y’avait la place. Et oui, entre les maladresses et les moments où on s’amuse tellement qu’on en oublie que de temps en temps la défense, c’est pas inutile, l’Auvergnat rentrera bredouille. Pendant ce temps-là, à Vera Cruz, Toulouse s’empare petitement du point de bonus, mais aura fort à faire pour défendre sa première place contre le MHRC qui viendra chercher un quart à domicile à Ernest Wallon… Félicitations à Castres qui a presque gagné le droit de perdre en barrage comme tous les ans, et rendez-vous dans quelques semaines pour reprendre les choses sérieuses côté Clermontois. Une pensée émue, aussi, pour le seul club du Massif Central à avoir remporté la grande coupe d’Europe. On a déjà fait jouer l’équipe 3 à Castres, ce sera difficile d’aligner les cadets la semaine prochaine au Michelin et il y a fort à parier que le CAB ne viendra pas récolter 5 points potentiellement salvateurs pour achever Pottoka, qui se voit déjà tiré d’affaires. Corrèze, terre de destins croisés… Merci à Vern d’écrire sans faute Les joueurs : A l’ASM : Mettez trois fidjiens sur un terrain pour un match sans enjeu, et c’est la fête du rugby. Plus généralement, on peut tout de même légitimement penser qu’on vit une sorte d’âge d’or du Taupe 14, ce championnat qui nous permet de voir évoluer chaque week-end Hernandez, Contempomi, Imhoff, Amorosino, Sivivatu, Rococoko, Giteau ou Wilkinson. Réjouissons-nous tant que ça dure… Rado : si on peut lui reprocher quelques lacunes défensives, sa premières titularisation à l’ouverture depuis les Espoirs a été plutôt concluante et il offre une alternative intéressante en cas de blessure prolongée de Skrela. Kolelishvili et Goujon : les deux espoirs portent bien leurs qualificatifs. Match propre et engagé. On attend de les revoir, ici ou ailleurs… Jacquet : adroit, puissant, juste : il revient et il peut légitimement prétendre à une place de titulaire pour les phases finales, voire une prolongation de sa saison pour une tournée dans la pampa… Au total, pas la peine de passer au Top 16, on l’a déjà avec les deux équipes alignées en championnat par Toulouse et Clermont… A Castres : Une troisième ligne puissante et joueuse, mais c’est pas une surprise. Un Pierre Bernard intenable qui va certainement aller passer ses vacances en Argentine. Un Romain Martial gigantesque au propre comme au figuré, qui prendra deux rangées dans l’avion pour Buenos Aires. Dangereux sur toutes ses prises de balle, a encore marqué. Attention à lui pour la suite de la compétition. Ça fait chauvin de dire qu’il sort du centre de formation de l’ASM ? Un Romain Teulet métronomique, mais également présent dans le jeu : c’est sûr, il fait moins vendre des gels douche que Chavancy, mais sacré bonhomme tout de même… Les déclarations : Christian* Labit : Vous les connaissez les mecs contre qui on a joué ce week-end ? Franck Azema : Vous les connaissez les mecs contre qui on a joué ce week-end ? François Trillo (pendant jour de rugby) : Ah ! Fabien [Pelous], ne partez-pas, on me fait signe que l’émission n’est pas encore terminée, on l’avait oublié, mais il y avait bien un match à Castres ce week-end ! * ou Laurent, Jean Michel, Denis… c’est déjà bien qu’on retienne son nom rigolo