Jamie Cudmore passe sur le grill
par Damien Try

  • 13 April 2017
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Entretien réalisé le 31 mars 2017 par Damien Try, avec l’aide de Greg Le Mormeck et Capitaine A’Men’Donné, ainsi que l’équipe de la Boucherie pour les questions. Vidéos montées par Arbleiz.

 

On va d’abord parler un peu de Clermont. Il parait que les commotions cérébrales ça fait perdre la mémoire, mais tu dois bien avoir des bons souvenirs de Clermont ?

 

Oui oui, mais c’est pas un symptôme exact de perdre la mémoire, parce que moi j’ai perdu rien du tout. Il me manque un peu de certains matchs, notamment la demi-finale et la finale. J’ai vu les vidéos et je me rappelle de rien du tout. Mais non j’ai toujours des bons souvenirs de mon passage à Clermont parce que c’est là que j’ai fait la plus longue partie de ma carrière : 5 ans tout seul, puis 6 ans avec ma femme.

 

On a eu aussi la maison là-bas, la famille, nos deux enfants sont nés là-bas, et on a fait une petite semaine de mariage là-bas. En dehors du rugby, les longues années passées là-bas c’est quand même une grosse partie de ma vie et que des bons souvenirs.

 

Quelque chose en particulier ? Le Brennus peut-être ?

 

Oui je pense le Brennus. C’était énorme, surtout pour un étranger qui arrive. De voir toutes les années de déception, et même nos années de déception, quand j’étais là, 2007, 2008, et les années qui suivent, jusqu’à 2010. Je sentais ce soulagement après 2010, de ces gens qui attendaient depuis 50 ans, 60 ans.

 

Tu vois les vieux dans la rue qui pleuraient, tu te rends pas compte, ils sont enfin libérés. Le retour à la place de Jaude… Déjà à la gare de Riom (à une quinzaine de kilomètres de Clermont? NDLR), pour arriver au stade, pour sortir du stade ! C’était pas possible. On avait la police autour avec une corde pour pousser les gens du bus, parce qu’ils voulaient monter dessus, pour toucher le bouclier…

 

Vous avez fait Riom-Michelin en bus ?

 

En fait ils ont dit qu’à la gare du centre-ville c’était pas possible, y avait tellement de monde. Donc ils ont signalé à personne où on allait s’arrêter. Mais en fait à chaque gare plus proche de Clermont, y avait de plus en plus de monde. Avec les drapeaux, les gens qui couraient à côté du train, c’était dangereux ! Ils tapaient sur le côté du train… mais attend quelqu’un va être écrasé ! Et enfin on s’est arrêtés à Riom et on a pris le bus, et à Riom il y avait presque 500 ou 600 personnes, c’était impressionnant. Après quand on est arrivés au stade, tout le parking devant le stade, jusqu’à McDo et l’avenue de la République, c’était plein de monde. Et après de plus en plus en arrivant en ville. C’était énorme.

 

Au-delà du Brennus gagné y a eu pas mal de finales perdus, que ça soit en Top 14 ou H-Cup. Est-ce que tu as une explication pour la malédiction des finales perdues de Clermont ?

 

Non, si j’avais une explication j’aurais dû essayer de changer pendant que j’étais là. C’est compliqué parce que chaque fois c’est quelque chose de différent, tu vois ? On a eu un moment d’inattention sur un match, un autre jour c’était une connewie une décision, c’est toujours quelque chose de différent, c’est jamais un truc.

 

La fin à Clermont ça s’est pas super bien passé…

 

Non c’était compliqué, avec mon traitement pour mes deux commotions. Je trouve qu’on a beaucoup de travail à faire, notamment en France, pour le traitement des commotions. Parce que l’ASM ils sont très très bien après, dans la semaine. J’ai été bien pris en charge, en soins, j’ai eu plusieurs rendez-vous avec des neurologues, j’ai eu plein de temps pour le repos. Mais c’est sur le moment dans le match qu’ils « disregard » (passent outre) les règles de World Rugby.

 

C’est noir sur blanc : si vous avez un joueur qui est suspecté d’avoir une commotion, il sort du terrain, il n’a pas le droit de rentrer. Bien sûr, pendant 7 ans, le protocole commotion était contesté et malheureusement j’ai été le « guinea pig » (cobaye). J’ai été pas du tout pris en soin correctement. En demi-finale je suis sorti sur saignement, j’ai échoué au protocole. Le docteur m’a dit que c’était fini et 5 min après il est revenu pour me laisser rentrer dans le match. La finale je suis sorti 3 fois, je vomissais dans le vestiaire, suite à ma deuxième sortie, et le docteur m’a carrément laissé revenir encore.

 

Et c’est là qu’on n’est pas bien encore dans le rugby pro : la gagne prend le dessus de tout. On parle de santé du joueur, mais on veut tous jouer. C’est pas le rugbyman qui va dire « non non stop, je veux pas jouer je me sens… ». Non t’es dans le match t’es fou parce que tu veux jouer à fond pour gagner, surtout un match comme ça, une demi-finale ou finale de Champions Cup, notamment après notre déception de 2013, on voulait tellement gagner que j’ai mis ma santé de côté, mais c’était pas à moi de prendre la décision : c’est le docteur, le coach, c’est eux qui sont les plus lucides, pour dire « non, stop, on amène un remplaçant et on se débrouille autrement ».

 

C’est vraiment ces deux matchs qui ont donné un goût amer à mon départ de Clermont. J’ai passé 11 très belles années là-bas et c’est dommage qu’en 2 matchs ça soit parti un peu en couilles, et l’année d’après c’était très compliqué, avec la Coupe du monde.

 

D’où ton combat aujourd’hui pour la prévention et la prise de conscience sur les commotions ?

 

C’est ma femme qui est la plus « driver » de ça, parce qu’elle a assisté à tout : les matchs, et les semaines d’après où j’étais vraiment pas très bien. C’est elle qui a créé cette idée de faire une fondation, une association, pour sensibiliser. Surtout les jeunes, mini-rugby, U8 U12, jusqu’à U20. Parce que je trouve que ça, tu peux changer les idées autour de la commotions. C’est comme un genou tordu, si t’as un genou qui va pas bien, personne va te forcer à jouer.

 

Maintenant c’est quand même les vieux entraîneurs qui disent « ah c’est bon t’es costaud tu peux continuer à jouer ». Le problème avec ça, c’est que si tu reprends un deuxième impact, tu peux être mort. Et beaucoup de jeunes le savent pas, ça. Et c’est très important que tout le monde connaisse les risques après une commotion. Moi je veux pas du tout changer les règles, le jeu ou quoique ce soit. Mais y a des risques, dans un sport de combat comme le rugby, tu peux prendre un coup, c’est très bien. Tu prends soin de l’athlète, du joueur, tu le sors, et il peut récupérer comme tout le monde. Et c’est ça notre vrai driver derrière la fondation.

 

Nous on a presque tout fini, prêts à partir. On va être dans les écoles de rugby, au lycée, dans les écoles pour enfants, pour enlever ce stigmate autour de « c’est un rugbyman il est costaud il peut toujours aller à la guerre ». Mais non, si tu as pris un coup à la tête, tu peux pas parce que c’est trop risqué.

 

Les commotions peuvent vous inspirer de très mauvais choix.

 

Vous avez eu un coup de main de Provale ? Au foot US, y a eu une association qui s’est créée…

 

On a fait un partenariat avec la fondation de Sidney Crosby, qui dans la NHL (ligue de hockey pro nord-américaine), parce que j’ai beaucoup d’amis qui y jouent et ma femme Jennifer aussi. Et chez eux avec la Player Association (syndicat, comme Provale) ils ont un vrai suivi, une aide après pour trouver le bon docteur, la bonne récupération, la bonne façon de faire. Je parle avec Provale aussi, main dans la main. On va pas faire ça tout seul, ça sera avec Provale, avec la Ligue pour faire les choses proprement, et surtout clairement.

 

Clermont t’as eu des problèmes sur la fin avec l’encadrement, mais avec les joueurs j’imagine que ça va bien, t’as gardé des contacts ?

 

Ah oui, j’ai gardé contact avec tout le monde. On va monter demain pour aller voir le match dimanche (¼ de finale de Champions Cup contre Toulon, NDLR) et j’ai tous mes amis dans l’équipe. Avec Franck et Jono on a toujours parlé franchement à ce sujet. Au dessus j’ai un peu de mal à voir les gens qui sont toujours en poste et ils sont un peu trop confortables…

 

Normalement si t’es un joueur et que t’es pas très performant, au bout de 2 ou 3 matchs t’es vite mis au placard. Mais voilà c’est un peu le modèle nord-américain, il te faut les « results », si t’as pas les résultats t’es vite écarté. Je pense que l’ASM, si ils avaient fait un peu plus ça, ça leur aurait peut-être plus aidé pour la suite. Mais j’espère qu’ils vont quand même accrocher quelque chose cette année.

 

Cette année c’est la bonne ?

 

(rires) Comme le tshirt ! Peut-être.

 

Tu peux nous le dire, cette année c’est la bonne ?

 

 

Cette année, oui ! (rires) Parce que je souhaite vraiment pour mes copains que « cette année, c’est la bonne. »

 

En parlant des joueurs et de tes amis, il paraît que tu aimes beaucoup Damien Chouly ?

 

Ouais Damien et moi on est en partenariat avec notre vin, le Blood Brothers, c’est quelqu’un qu’on apprécie beaucoup, on a voyagé au Canada ensemble on est toujours en contact, et même à Clermont on habitait à 200m l’un de l’autre.

 

C’est un joueur qui a eu une grande carrière, qui est encore en équipe de France. Est-ce que tu peux nous expliquer pourquoi c’est un bon joueur, parce que c’est un peu une énigme pour nous.

 

Ouais je pense que c’est un peu une énigme parce que il est quand même discret.

 

Discret à l’impact ?

 

(rires) Non pas à l’impact. Il parle pas énormément. Je pense que c’est quelqu’un de très intelligent. Il gère toutes les touches en equipe de France, à l’ASM. C’est quand même le capitaine aussi. Il a énormément de choses sur les épaules et il est toujours présent pour moi et c’est un très très bon joueur.

 

Greg Le Mormeck : Oui c’est l’école catalane.

 

(rires) ouais c’est peut-être ça, même si il vient de l’Ouest de la France.

 

GLM : Il est passé par l’USAP tout de même.

 

Oui, on a tous des défauts.

 

Maintenant on va parler plus du présent. T’es en ProD2, t’as l’air de t’amuser. A Mont-de-Marsan, t’avais un peu chambré le public sur ta sortie.

 

Je pense que c’est eux qui m’ont chambré d’abord ! (rires) Si je sors sur les sifflets, je vais pas faire des grands « Fuck you » à tout le monde. Je trouve que c’est marrant quand ils te sifflent. Au moins j’ai été casse-couilles pour eux, j’ai fait un bon boulot. Faut juste leur faire un petit bisou, des remerciements, c’est tout.
Contre Soyaux-Angoulème, le petit coup de pied en touche pour « finir le match »

 

 

Tu sais ce qu’il s’est passé sur celui-là ? En fait y a 3 chrono dans le stade, le chrono de match dans chaque coin, et au bout du terrain y avait un autre chrono en rouge, qui s’écoulait en début de match. Première mi-temps, j’étais sur le banc. Je regarde le chrono, je regarde le match, on fait les changements, et à la mi-temps je rentre. Et j’ai pas fait gaffe que ce chrono était arrêté.

 

On joue la deuxième mi-temps, et comme on jouait dans l’autre sens, on joue on joue on joue. Et sur la dernière touche, on est en train de gérer pour bien finir le match, j’ai vu 4 fois zéro, et nous on porte porte porte, on sort d’un ballon porté, y a un ruck, et moi j’étais un peu la tête dans les vapes, j’ai dit « Ah c’est bon c’est fini » et là y a la pluie comme ça, c’est horrible, « allez on va rentrer les gars ».

 

J’ai pris le ballon, et j’ai tapé en touche. Et là tout le monde dit « mais non, qu’est-ce tu fais ? » et faisant ça, j’ai vu l’autre chrono en bas et il restait 15 secondes, et je me dis « mais non, quel con c’est pas possible ! » Et voilà c’est de ma faute, je prends pour moi, j’ai fait un connewie, comme souvent. (rires)

 

T’as l’air de bien te plaire, pour toi la ProD2 c’est te faire encore plaisir quelques années, avant la retraite ?

 

Ouais c’est bien c’est la vitesse de jeu c’est mieux pour mon âge avancé tu vois ? C’est quand même très très dur, chaque match c’est une guerre, notamment devant, le jeu à 10. Le jeu devant, aller chercher les ballons, après les longues séquences en défense, ça joue un peu moins qu’en Top 14, mais c’est quand même très très dur.

 

Remonter en Top14 à presque 40 ans ça te fait pas peur du coup ?

Ouais un petit peu (rires). C’est toujours faisable. Je pense qu’il y a pas grand-monde qui l’a fait, mais on verra après un bon été de repos, j’espère qu’on va réparer la piscine (nous sommes devant sa piscine vide). Ça va être pas mal je sens, mais on en est pas encore là.

 

L’été à Oyonnax…

 

Ah oui c’est parfait parce que c’est pas trop chaud et c’est parfait pour moi. Au-dessus de 25° je suis pas bien.

 

T’as parlé du « petit Canada » pour Oyonnax, c’est parce qu’il y a des caribous, du sirop d’érable, du hockey ?

 

Non, j’ai pas vu les caribous ni le sirop d’érable, sauf celui qu’un de nos copains nous a amenés, mais c’est quand même les forêts, tu peux vite monter dans le paysage, c’est un peu comme là où on était à Clermont, pas loin des montagnes…

 

Un autre mystère pour nous faudra que tu nous expliques : c’est où Oyonnax ?
C’est où ? Ben c’est juste après Lyon !

 

Ca dépend d’où tu pars…

 

Oui c’est vrai… Juste après Bourg, pas loin de Genève. Juste en bas de St-Claude. Pas loin de Montréal-La Cluze. Nous on pensait Montréal, Canada, mais non.

 

Ah pour retourner près de ta famille ?
(rires)

 

Puisqu’on parle du Canada… Il y a pas très longtemps, contre l’équipe de France on se rappelle tous de la combinaison en touche. C’était prémédité, tu voulais aller chercher la combinaison ?

 

(rire) Nan je voulais juste parler un petit peu avec Damien « Eh ça fait quelques semaines qu’on s’est pas vu, qu’est-ce qui se passe les gars ? » et je savais exactement où ils voulaient sauter, mais nous on défendait pas en touche. Moi j’étais pas d’accord avec ça, mais voilà c’est juste un petit clin d’oeil, notamment à Nathan Hines, parce que nous on l’a fait souvent à Clermont, on passe dans les « hurdles » pour casser les pieds des autres.

 

Le rugby canadien, au niveau international c’est pas encore très très développé, qu’est-ce qu’il faudrait faire pour que ça monte ?

 

Ah le Canada, ils ont fait des connewies il y a 15 ans, il y avait une sorte de Pôle Espoir, le CCSD Pacific Pride. Moi je suis passé par là, beaucoup de joueurs sont passés par là. Phil Murphy (qui était catalan), plusieurs internationaux qui sont venus jouer pro en Europe, Gareth Cook (qui a été à Aurillac).

 

On avait un très bon « pathway » pour arriver de niveau jeunes, jusqu’à équipe nationale. Ils ont un peu perdu la voie, c’est un peu chaque province fait son propre truc, c’est pas très structuré et on a été vite été dépassés ces 10 dernières années par les États-Unis. Les États-Unis ils ont fait un vrai pathway pour monter, ils ont les zones, où il y a les managers pour la région, qui gèrent tous les age grades, U16, U19, U20 et y a une vraie structure.

 

Nous on a ça dans certains secteurs mais pas tous. Et c’est compliqué de garder tout le monde sur la bonne voie et pas perdre les athlètes vers d’autres sports comme le hockey sur glace, football, basketball et tout ça. Ils sont en train de restructurer, mais on a quand même perdu quelques années.

 

Tu comparais avec les États-Unis, c’est quoi le plus dur pour toi : perdre contre les États-Unis au hockey ou au rugby ?

 

Ah les deux c’est pareil, faut jamais perdre contre les États-Unis. Cet été je pense que ça va être très compliqué contre eux, parce qu’ils ont un très bon niveau U20, ils ont pas mal de jeunes qui montent et de professionnels en Europe, si ils regroupent tout le monde ça va être un gros combats pour se qualifier en Coupe du monde.

 

Est-ce que tu connais Roch Voisine ?

 

Je le connaissais pas au Canada mais en France oui, c’est un hockeyeur.

 

Après sa carrière de hockeyeur, il s’est mis à chanter, ça te tenterait ?

 

(rires) Nan mais attends. Déjà avec mon accent pouwi… Je pense pas, ma fille peut-être. Chanter c’est pas mon point fort.

 

Dernière question sur le Canada, les chemises à carreaux ça va avec tout ?

 

Mais bien sûr ! Regarde (désignant la chemise de Greg), même le Catalan il peut porter ! (rires)

 

Swag overload

 

On va passer aux questions vraiment sur le cœur de ton métier : la BAGARRE.

Maintenant, les choses bêtes vont arriver.

 

Souvent on t’a vu aller chercher Morgan Parra à l’ASM en train de chercher la merde au sein de l’équipe adverse, est-ce que tu penses que seconde ligne au rugby c’est un peu comme « goon » au hockey ?

 

Goon… peut-être avant, mais maintenant c’est tellement surveillé, tu peux rien faire ! Maintenant tu pousses quelqu’un, il fait du cinéma. La dernière fois j’ai poussé quelqu’un à Colomiers, le mec est tombé et s’est roulé par terre, on aurait cru un joueur de foot !

 

Y avait un bon coup de poing aussi, non ?

 

Non pas celui-là, lui il a fait dodo. Non c’était pas du tout ça, je le pousse par derrière, le mec il se roule par terre comme un joueur de foot, c’est pas du tout ça l’esprit du rugby. Ouais, un peu goon avant, un peu protecteur de l’équipe, quelqu’un qui imposait la loi un petit peu, oui c’est vrai un petit peu avant, deuxième ligne troisième ligne, même tous les mecs du pack, c’était les mecs qui imposaient leur loi dès le début du match.

 

Justement, y avait une belle génération de bouchers dans les 10 dernières années, les Papé, Le Corvec, Botha, Mela, des mecs qui sont en train de finir leur carrière ou qui l’ont déjà finie. Est-ce que pour toi y a des joueurs, des Lavanini, Etzebeth, des joueurs comme ça, est-ce que tu penses qu’il y a la relève ?

 

Bien sûr la relève est là. Le problème maintenant c’est qu’il faut être encore plus discret. Pour s’imposer maintenant c’est vraiment avec le placage, le déblayage, avec un bon portée de ballon. Tu peux plus faire la manchette, le coup de poing, tu sais, le petit coup de genou dans le dos dans un ruck, y a tellement de replays que tu peux pas te permettre d’être pris, et maintenant le rugby va tellement vite que tu vas tellement pénaliser ton équipe pendant le carton, surtout au niveau international. En ProD2 y a moins de vidéo, mais il faut être quand même discret aussi ! J’ai quand même du mal à le faire de temps en temps ! (rires)

 

Du coup plus dans le passé, un joueur avec qui tu pourrais te battre, et après tu peux rigoler autour d’un bière ?

 

Un bon exemple c’est Thibaut Privat. On s’est bien fritté quand j’étais à Grenoble, et après on est devenus les meilleurs amis. On s’est sauté sur la gueule deux trois fois, et après quand je suis venu à l’ASM, on était otus les deux presque pareils. Entier, à tout donner pour l’équipe, et on est devenus les meilleurs copains.

 

Vous vous rappelez de Grenoble ?

 

A l’inverse, un mec avec qui tu vas te battre en match, et si tu le recroises dans la rue, tu vas te rebattre avec lui ?

 

Tout le monde le sait. C’est Rémi Martin. J’ai aucun respect pour ce mec. Je comprends pas ce mec, il a quand même du talent, il a joué en équipe de France et tout, mais qu’est-ce qu’il est bête, putain. Moi c’est un truc que je comprends pas, le grand match Bayonne-Perpignan, lui il cherchait la merde, il se cachait derrière tout le monde, parce que c’est pas un mec courageux, il fait toujours les fourchettes dans les rucks quand tu peux pas bouger, il fait pas les choses en face, et ça ça se fait pas.

 

Y a quand même une éthique si tu veux te battre ou faire des gros placages avec un peu plus après, au moins tu le fais en face, voilà c’est pas par derrière ou un « fish hook », ou les doigts dans les yeux.

 

Si aujourd’hui quelqu’un venait te voir en disant “j’aime bien le rugby parce qu’on peut se battre”, qu’est-ce que tu lui répondrais ?

 

Ça serait mieux qu’il aille au MMA, s’il veut se battre. Comme tu l’as dit, cette époque c’est fini. Ça frotte un petit peu en Fédérale ou en série, mais ça a tellement évolué dans ces 10-15 dernières années, qu’il y a plus de place dans le rugby pour ça.

 

Y a plus de place, enfin la ProD2 c’est connu pour être assez rugueux, tu l’as dit. A Colomiers, t’as essayé de lancer une générale, et personne t’as suivi. Déception ?

 

(rires) J’ai oublié de dire le mot, tu vois, le mot déclencheur. Nan, j’étais plus frustré par le début de match qu’on avait fait, après l’autre qui m’a cherché un petit peu et après ça a dégénéré, mais ça reste le rugby quand même.

 

Y a un joueur passé ou présent avec qui tu n’as pas eu l’occasion de te battre et avec qui tu aimerais bien y aller ?

 

(rires) Non je pense pas, j’ai jamais cherché à me battre avec quelqu’un, c’est arrivé spontanément.

 

O’Connell, spontanément ?

 

Oui, spontanément. J’ai vu que l’arbitre a levé le drapeau, je me suis dit « putain ça c’est carton jaune », et chez nous si tu sors, notamment en hockey sur glace, si tu sors « five for fighting », cinq minutes pour la bagarre, il faut que vous sortiez tous les deux. Alors j’ai pensé « ah drapeau, ok on y va ! »

 

Après on a arrêté au sol, je me suis dit « ok c’est bon, je pense qu’on a à peu près fait la même chose, ça va être bien, match nul », et il sort le carton rouge. « Mais c’est pas possible, il a pas regardé le même truc que moi ! ». J’ai laissé donner un peu, moi j’ai donné quelques unes (il mime des coups de poing), et ok c’est terminé.

 

T’as bien relancé quand même ! On voit O’Connell, regarder l’arbitre, et toi t’es là, pam pam.

 

Ouais ben faut regarder le mec en face, faut pas regarder l’arbitre !

 

C’est ton conseil dans un bagarre ?

 

Oui c’est ça, regarde le mec en face. Serre tes dents et cache bien ton menton.

 

En parlant de regarder le mec en face, Le Corvec il est sympa ?

 

Greg euh oui, on a jamais beaucoup de chances de parler, mais justement la semaine dernière c’était sa quarantaine, je lui ai envoyé un petit message via notre ami commun Laurent Emmanuelli, pour lui souhaiter un joyeux quarantième anniversaire.

 

C’était un grand joueur pour l’USAP, on s’est frittés un peu sur le terrain c’est vrai mais ça reste quand même sur le terrain. Avec le respect commun entre nous, et c’est pas quelque chose pour après, après le rugby c’est fini. C’était jamais cherché, j’ai jamais cherché une personne, ça arrivait comme ça. Et c’est le hasard.

 

Le hasard ? Et le hasard ça tombait toujours sur toi…

 

Nan mais je dis pas que ça tombe sur moi, mais le fait que ça tombait sur Greg ou souvent avec les autres, c’est peut-être parce qu’on avait à peu près le même rôle dans les équipes. Mais c’était jamais genre début de match, « allez prends le 5 » ou « prends le 6 » c’était jamais prévu tu vois.

 

Sinon tu aimes le vin, tu produis, est-ce que comme pour les cartons tu préfères le rouge ?

 

Ah pour le vin, oui ! Mais sur le terrain, j’essaye d’éviter les cartons le plus possible, même si c’est compliqué.

 

Tu sais que c’est toi qui as eu le plus de cartons dans l’histoire du Top 14 ?

 

Oui mais il faut en enlever 2 ! Les 2 que j’ai eu au début, à Grenoble, j’ai été blanchi par la Ligue. Donc corrige les statistiques s’il te plait !

 

D’ailleurs maintenant y a prescription, sur la pub JPC créations, t’as dit que c’était pas toi, mais tu peux nous le dire…

 

Oui bon j’avoue (il baisse la tête), c’était moi.

 

Avec Clermont, c’est quoi ta finale perdue préférée ?

 

Ma finale perdue préférée… C’est compliqué… Le problème c’est que sur les deux premières j’étais blessé et j’ai joué la première sur une jambe, et après contre Perpi j’ai eu une côte cassée, j’étais pas bien. Peut-être la meilleure c’était la Coupe contre Toulon.

 

C’était un très beau match, ça jouait de partout. Je me suis jamais senti un grand joueur de rugby, mais de voir toute l’équipe de Toulon, toute l’équipe de Clermont, vraiment le nombre de noms du rugby, d’internationaux et moi un pauvre Canadien qui avait jamais pensé à jouer pro, là pour moi c’était quand même quelque chose.

 

T’as 2 frères, un qui a joué avec toi en équipe du Canada et un autre qui a joué dans Twilight. C’est lequel ton préféré ?

 

Ah j’ai pas de préféré… Daniel c’est le « big shot ». J’adore les deux j’ai pas de préféré… Peut-être Luke, on a construit une partie de la maison à Clermont ensemble, on avait fait tout le bardage en bois ensemble un hiver, on avait joué ensemble et ça c’était très spécial. L’autre il est trop « big time », c’est pas possible ! En plus j’ai jamais vu ses films Twilight

 

T’as pas vu ses films ?

 

Attends Twilight ? Tu penses que ça va me plaire à regarder Twilight ? J’ai pas 15 ans… j’ai bien regardé les X-Men et on a bien wigolé en le voyant sur le grand écran mais à part ça c’est pas vraiment mon truc..

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Nous à la Boucherie on a une conception très personnelle de ce que c’est un bon deuxième ligne, et pour toi, c’est quoi ?

 

Un bon deuxième ligne c’est quelqu’un qui fait bien les tâches obscures. Le déblayage, sauter en touche, être solide en mêlée, jamais faire un pas en arrière en mêlée, et après courir de partout et faire le plus possible pour son équipe. Mais c’est ça, tu portes pas beaucoup le ballon, sauf en touche pour vite le donner aux autres, en mêlée tu vois le ballon passer sous tes jambes, c’est pas pour toi.

 

Quelques fois ça t’arrive de porter après le 9, mais c’est vraiment l’abattage. Il faut que tu fasses beaucoup de boulot qui n’est pas très brillant, et c’est très important quand même. Si t’as pas de ballon en mêlée ou en touche c’est quand même compliqué de jouer…

 

Un jour y aura un dernier match pour toi. Si tu devais choisir, tu préfèrerais gagner 50 à 0 ou alors un 6-0 mais avec beaucoup de générales.

 

(rires) Maintenant je suis un peu fragile, avec les mains et tout, donc un bon match gagné c’est parfait.

 

Euh ça on va couper, le « je suis fragile »

 

Ouais je suis trop fragile, dans les mains j’ai de l’acier partout, c’est pas bon.

Babtou fragile

 

On a arrêté de penser qu’on pouvait comprendre quelque chose aux mêlées, parce que c’est trop compliqué, les arbitres ne comprennent pas beaucoup plus, alors soyons francs, est-ce que les joueurs ils comprennent beaucoup plus ?

Bah oui parce que les mecs en face ils ont toujours tort ! Si ça tombe c’est la faute à lui, si ça monte c’est la faute à eux, c’est typiquement français je trouve, toujours la faute à lui, jamais la faute à nous. Je pense que c’est quand même mieux maintenant que c’est plus près (plus d’impact), s’il y a 2 équipes sérieuses ils peuvent faire les mêlées proprement.

 

C’est vrai qu’avec les différentes nuances de règles et avec le vice qu’ils arrivent à mettre dedans, c’est quand même compliqué des fois de voir les mêlées refaites refaites refaites, c’est quand même un peu casse-couilles. Mais il faut quand même garder la mêlée dans le jeu parce que c’est très important.

Donc un bon pilier c’est un bon tricheur ?

 

Non pas forcément. Un peu de puissance, un peu de vice, c’est un mélange des choses, pas juste tricheur.

 

Une autre partie très importante du rugby : un joueur avec qui tu aurais aimé faire une troisième mi-temps ?

 

J’ai fait toutes les troisièmes mi-temps avec presque tous les bons copains que je voulais…

 

C’est qui le meilleur que tu connaisses déjà ? Le mec qu’il faut suivre ?

 

Je suis pas vraiment suiveur…

 

Ah ben c’est toi alors, le meilleur ! Tu sais qu’on sera là après le match de ce soir ?

 

Suis-moi alors ! (rires) J’ai quelques amis au Canada dans mon club. Y a un Nick Belmar il s’appelle, c’est vraiment un bon vivant, il est toujours en train de chanter danser blaguer, c’est vraiment « life of the party » les gens comme ça, ils mettent toujours tout le monde de bonne humeur autour de lui et je pense que c’est avec lui que j’ai passé les meilleures troisièmes mi-temps.

 

Si tu devais partir dans la forêt amazonienne chasser à mains nues, avec qui tu partirais ?

 

Ca dépend y en a plusieurs. Andrew Tiedemann, c’est un pilier qui jouait à Bourgoin en début d’année, c’est un gars avec qui j’ai joué en équipe du Canada, et c’est un bon chasseur. Avec lui déjà on va bien wigoler, et pour chasser aucun souci.

 

Est-ce que tu préfèrerais te faire plaquer par ta femme ou par Jean-Pierre Perez ?

 

(rires) Par ma femme bien sûr. Elle plaque plus fort aussi. Je pense qu’ils ont à peu près la même taille en plus (nous avons vu la femme ensuite, effectivement, NDLR). Mais elle est plus belle.

 

Tu préfèrerais te faire enfoncer en mêlée ou prendre un cadrage débordement ?

 

Ah un débordement. Bien sûr, quelques fois ça arrive, t’as un petit ailier, t’essayes de mettre la main, mais voilà, t’arrives pas…

 

Les valeurs du rugby pour toi c’est quoi ?

 

Les valeurs du rugby, pour moi la première c’est tout ce qui est sur le terrain, ça reste sur le terrain, et tu sers la main et tu bois un coup après le match. On est avec toi et on est tes coéquipiers sur le terrain. Jamais oublier l’éthique du rugby : c’est le plaisir de jouer avec tes copains, à XV ou même à 7 ou à 10. Le plaisir de jouer ensemble.

 

T’es Français maintenant, félicitations. Tu peux nous chanter la Marseillaise s’il te plait ?

 

Tout de suite ? (rires) Pas possible ! Nan ! Je suis quand même franco-canadien, et la plus grande partie c’est canadien, alors chanter la Marseillaise c’est compliqué.

 

Tu peux nous chanter l’hymne canadien alors ?

 

On a déjà parler de chanter tout à l’heure, et je suis pas bon. Je chante pendant les hymnes mais faut pas mettre le micro trop près de moi, sinon les gens “Naaaaan” (il se met les mains sur les oreilles et grimace).

 

Un grand merci à Jamie pour son accueil. Merci à son chien qui a occupé le Stagiaire pendant l’interview, d’autant qu’ils font à peu près le même poids.

Pour une dose supplémentaire de Cudmore, rendez-vous sur la boîte à Jamie. C’est bien bro !