[Coupe d’Europe] Les Franciliens défient les Sarrasins
par Copareos

  • 08 April 2015
  • 10

 

Par le supporter du Racing,

 

Nous sommes le dimanche 5 avril, et une belle journée s’annonce. Aujourd’hui, mon club favori, le Racing Metro 92, reçoit son premier quart de finale de Coupe d’Europe. L’adversaire du jour : les Saracens. Moi qui croyais qu’ils s’étaient arrêtés à Poitiers, il faut croire qu’ils ont su faire un détour jusqu’à cette île dépourvue de Charles Martel ! Le soleil rayonne en ce dimanche de Pâques, et dès la messe de ce matin, j’ai enfilé mon plus beau polo Ralph Lauren bleu ciel pour soutenir mes gaillards. Une fois le repas familial passé, j’ai sauté dans mon 4×4 BMW, direction Colombes et son stade si authentique. Ce stade a une histoire lui, pas comme l’hideux Jean-Bouin, gâché par un architecte à l’origine douteuse, lui-même désigné par un homme à la vie intime non moins douteuse. Colombes vaut mieux que cet amas de ferraille réservé à la canaille. Colombes, c’est autre chose tout de même n’est-ce pas ? A l’entrée, on me connaît, on m’accueille d’un « Bonjour Charles-Henri » chaleureux. Une fois acquitté ma place contre une petite cinquantaine d’euros, je m’installe en tribune. J’aime le calme de ces matches, c’est autres chose que les beuglements du stade Marcel-Michelin et que les lancers de journaux de Mayol. Lancer des journaux, quelle idée d’analphabète ! Qui plus est, j’ai laissé mon Figaro à la maison. A l’échauffement, je salue les joueurs de la main, ils viennent prendre de mes nouvelles et semblent sereins. Cela change de leurs adversaires Anglois, qui ignorent la centaine de leurs compatriotes chargés de bière présents dans le stade, ces messieurs préférant se préparer au match. En même temps, ces ivrognes méritent-ils mieux que l’ignorance ? Surtout en ce dimanche pascal (Papé, ouh ! Je me suis fait rire), où le breuvage ne devrait être que le sang du Christ.

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C’est parti. Je regarde Jacques Lorenzetti et le salue de la main. Il semble confiant, moi aussi. Pourtant la mêlée n’y est vraiment pas. Et les Anglois ont l’occasion de marquer les premiers points de la partie. Pendant cette tentative de pénalité, un silence de cathédrale règne dans le stade, après tout je suis un homme poli, peut-être un peu trop d’ailleurs puisqu’elle passe. 0-3. Je me dis alors que les petits sont invaincus dans cette compétition et qu’ils vont savoir se relever. C’est d’ailleurs ce qu’ils font dans le quart d’heure suivant : le pack reprend du poil de la bête, les Anglois font des fautes, et mes Racingmen passent tout près d’un essai. Qu’importe, les petits ont arrêté de tenter de stupides combinaisons et ont enfin commencé à faire la seule chose qu’ils réussissent : les groupés pénétrants. Malgré cette embellie, Sexton est loin de son meilleur niveau, entre mauvais choix et manque de précision, on se demande s’il a vraiment envie de jouer sous ce beau maillot. C’est ça le problème des étrangers, ils ne connaissent pas l’histoire de notre club et ne sont pas motivés. Pauvre France. Cela n’empêche pas le Racing de dominer, et on passe tout près d’un nouvel essai après un énième groupé pénétrant. Cette fois, c’est un vilain Noir (je parle du maillot bien sûr, n’allez pas me taxer de racisme, j’ai moi-même un ami noir qui vit à Saint-Barth) qui nous a volontairement empêchés de conquérir l’en-but adverse. Une fois le carton distribué, les petits continuent de pousser avec… un groupé pénétrant. Et c’est le petit Machenaud qui conclut cette action pleine de classe. 5-3. Sexton, égal à lui-même, rate une transformation facile. J’ai toujours préféré Dambielle moi de toute façon.

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Allégorie de la performance de Sexton.

 

En attendant, le buteur d’en face n’est pas mieux. Deux ratés en deux minutes. Heureusement d’ailleurs, car les Racingmen sont repartis dans leur dynamique de faute. Afin de préserver leur niveau en dents-de-scie de cette première mi-temps, les Ciel-et-Blanc repartent à l’attaque. Mais ils sont bien trop imprécis et ne concrétisent pas ce temps fort. Pire, Gérondeau commet une faute en fin de première période et les Anglois en profitent pour repasser devant. 5-6. J’espère que ce scénario ne se répètera pas en fin de deuxième période, il serait fâcheux de faire deux fois la même erreur dans un match. Je profite de la mi-temps pour appeler mes collègues de Natixis. Ils n’ont pas voulu venir au stade parce que celui-ci était trop loin de chez eux. Ils ont promis de m’accompagner lorsque les matches se joueront dans l’Arena 92. Moi, je préfère être seul ici, on est bien le dimanche après-midi, sous le soleil de Colombes. Je ne vois pas pourquoi Jacques veut construire ce nouveau stade, c’est bien trop moderne pour ce club. Après un début assez mitigé, la deuxième période se lance après une nouvelle faute de Gérondeau, reparti sur le rythme de sa fin de première période. Cette fois, c’est Goode qui s’y colle, et ça passe. 5-9. Sur l’engagement qui suit, Sexton dégage directement en touche. J’ose un « Fichtre Jonathan, surveille ta prestation ! ». Heureusement, mon Brice est là. Il est mignon ce Brice, il me fait penser à mon neveu, Jacques-Hyppolite. Bref, Brice perce la défense et passe à Dumoulin, qui transmet à Imhoff… qui fait un en-avant sur un plaquage adverse. Je commence à taper du pied, je m’impatiente et demande aux petits de se bouger. Mais les sauvages d’en face couvrent aisément ma voix. A quoi bon faire du bruit dans un stade, ne voient-ils donc pas les fissures de notre belle infrastructure ?

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Quelle belle enceinte pleine d’histoire.

 

Le moyen de faire taire ces sauvages reste le rugby, et pour ça mes petits savent faire : en dix minutes, ils ont repris le dessus sur leurs adversaires, enchaînant les bonnes phases de jeu et obtenant même deux pénalités, cette fois tapées par le petit Machenaud. Les bougres d’en face ne se gênent pas pour le siffler de tout leur corps, mais cela de l’empêche pas de marquer ces six points qui permettent de repasser devant. 11-9. C’est quand même autre chose quand c’est un Français qui se charge de nous faire gagner. Il reste donc neuf petites minutes et nous menons d’un point. Je suis serein, comment pourraient-ils perdre maintenant ? Ils sont sur une dynamique si bonne. Cependant, mon visage pâlit au fur et à mesure que le temps avance. Les petits semblent céder sous la pression : ils relancent mal, redonnent le ballon à l’adversaire et même le petit Brice n’est plus maître dans les airs. Quelle mouche les a donc piqués ? Nous voici à la 79ème minute et la mêlée est francilienne. Une petite minute à conserver le ballon, et nous pourrons tous partir fêter cette belle qualification au Fouquet’s. C’est à ce moment précis que le drame se produit : Metz plonge dans le ruck. Je n’ai pas vu grand-chose, mais je signale mon mécontentement à ce vil arbitre, qui vient en plus de signaler que ce serait la dernière action du match. Les malandrins d’en face osent la tenter alors qu’elle se trouve à plus de quarante mètres des poteaux. Un certain Bosch se prépare, quelle triste coïncidence qu’un nom pareil puisse faire du mal à notre pays. Apeuré, je perds mes moyens et me surprends à huer le buteur adverse. Une montée d’adrénaline s’empare alors de moi. Malheureusement, cela ne l’empêche pas d’inscrire cette pénalité victorieuse. Me voici gros-jean comme devant. Au revoir la demi-finale contre une équipe d’ouvriers dans une ville d’ouvriers, cela semblait si alléchant. Adieu la finale à Londres, moi qui avais déjà réservé mon hôtel et prévenu mes amis de la City. Quelle bien triste journée pour le Racing et pour la France. Ce ne sont pas les deux autres équipes de notre championnat encore en course qui vont redorer notre pâle blason. Il se fait tard désormais, je suis allé saluer les joueurs sans grande envie. Le petit Maxime semblait si déçu, lui qui a mis tous les points aujourd’hui. Ce petit mérite mieux. Jonathan, lui, pensait déjà à son retour triomphal à Dublin. Heureusement que ce Monsieur Cartier le remplace l’an prochain. De toute façon avec un nom pareil, il ne peut que me plaire.