ÉdimbourgGate : la protagoniste témoignepar Copareos 15 February 2018 16 Rendez-vous a été donné dans les salons d’un hôtel huppé d’Édimbourg, mais pas celui où a eu lieu la fameuse affaire, « trop de mauvais souvenirs s’y trouvent encore », nous confie-t-elle. Elle semble marquée par l’épreuve qu’elle vient de subir. Des éraflures sont encore visibles et elle a du mal à tenir sur ses pieds. Après s’être excusée pour son état, tout en précisant que ces dernières nuits ont été courtes, elle prend une dernière inspiration puis se lance dans le récit de sa vie. Une vie presque normale. « Je suis née en Suède, dans les grandes forêts du Nord, où j’ai vécu une enfance somme toute tranquille ». Puis s’en suit le déroulement d’une existence classique. « Je connaissais très bien le sort qui me serait réservé, c’est le prix à payer quand on est quelqu’un comme moi. Alors quand j’ai vu mon heure arriver, je n’ai pas eu peur. Beaucoup moins peur que dimanche soir ». La tension est palpable, on aperçoit une goutte de sève s’échapper, mais elle l’essuie discrètement, elle se veut forte. Puis elle reprend : « Je m’estimais heureuse. Je savais que j’étais une pièce de qualité, et quand je pense à tous ces arbres qui finissent en allumettes ou en cagettes, je mesurais véritablement la chance que j’avais de vivre dans un endroit prestigieux, et pour longtemps ». Cette deuxième demeure, elle l’a découverte en 2015 « C’était un lundi de novembre, à Stockholm. Je me souviens encore du moment où ils sont venus me chercher. J’espérais un endroit froid, pour ne pas être trop dépaysée après avoir passé toutes ces années recouverte de neige. C’est important les racines vous savez. Et quand j’ai vu ‘Édimbourg’, j’ai eu un soupir de soulagement ». C’est donc à l’hôtel de luxe Balmoral, en plein centre de la capitale, qu’elle débute sa deuxième vie. « Je pensais sincèrement que cette demeure serait la dernière ». De l’écorce à l’Écosse. Oui mais voilà, tout n’allait pas se passer comme prévu. Samedi dernier, elle a vu entrer un client dans sa chambre. « Il était immense, je m’étais douté que c’était un sportif, mais je ne connaissais pas son identité. Vous savez, moi, le sport… Et depuis que mon frère a péri dans un concours de lancer de haches, je m’y intéresse encore moins ». En tendant l’oreille, elle apprend qu’il est rugbyman en équipe de France. Les premiers frissons parcourent son corps : « J’avais entendu parler d’une histoire de table basse en Nouvelle-Zélande, je croyais que c’était une légende urbaine, du genre qu’on raconte aux enfants pour les effrayer quand ils ne sont pas sages, explique-t-elle d’une voix hésitante. J’étais apeurée sur le coup, je n’ai pas fermé l’œil de la nuit ». Mais elle était loin de se douter de la suite des évènements. Elle prend alors son courage à deux pieds, et se lance : « Il était 4 heures du matin. Je n’aime déjà pas en temps normal que les clients rentrent à cette heure-ci, et un rugbyman français en plus, j’avais de quoi m’inquiéter ». Puis elle reprend. « Je l’ai vu tituber, il a commencé à se déshabiller, et j’ai vu ma vie défiler devant mes yeux. Quand, nu comme un ver, il est allé se coucher, ça m’a rassurée. Seulement voilà… ». La suite reste floue pour elle, et se décompose en divers instantanés qui lui reviennent petit à petit. La prise d’élan. Le saut. Le lit, beaucoup trop loin. Elle, beaucoup trop près. Le nez du joueur qui s’écrase. Le craquement. Les cris. Elle a depuis été renvoyée de l’hôtel, qui ne la trouve plus apte à exercer son métier. Un retour de bâton brutal qui la pousse à errer dans les rues sombres et étroites d’Édimbourg, sans vraiment savoir où aller. « Je rêve de retourner en Suède, nous confie-t-elle. J’ai lancé un woodfunding pour réunir les fonds nécessaires. En espérant que cela fonctionne ». Notre conversation se termine sur cette dernière confidence. Elle jette un coup d’œil dehors. La nuit commence à tomber, et il serait bon de se cacher avant de servir d’allume-feu aux sans-abris. Ainsi va la vie d’une table de chevet, brisée avant l’heure par un évènement funeste, ravagée par une beuverie de derrière les (fucking, ndlr) fagots.