Retour sur RCT – Leinster (25-20)
par Ketchup-Mayol

  • 23 April 2015
  • 14

Par Ketchup-Mayol,

 

C’est donc fait : il y aura deux clubs français en finale de Coupe d’Europe. On est en finale. Non, nous n’avons jamais douté, même si ces quelques cheveux blancs tout neufs et cette bouteille de Maalox vide pourraient laisser penser le contraire.

J’en suis encore à me demander si cette rencontre a été la plus longue ou la plus courte de la saison. 100 minutes, c’est très long, surtout quand le jeu se limite en grande partie à des fautes et des coups de pieds d’occupation. Mais le vrai match n’aura duré que 30 minutes.

Les astres s’étaient concertés pour une rencontre dégueulasse et périlleuse : une météo anglo-saxonne après 10 jours de grand beau, Lartot au commentaire, une équipe du Leinster prête à tout pour sauver une saison à côté de laquelle celle du Stade Toulousain ferait envie et qu’on le veuille ou non, la pression de savoir Clermont déjà qualifié. Bref, le Complot ®. Ne manquait plus que Nigel Owens au sifflet et le RCT pouvait rester au vestiaire.

Les matches couperets sont rarement palpitants, on le sait. La demi-finale entre Clermont et les Sarries n’a pas été spécialement spectaculaire, mais elle a eu le mérite de se jouer au soleil, et de ne durer que 80 minutes au terme desquelles le peuple auvergnat a pu laisser éclater une joie qui faisait plaisir à voir. Le contraste avec un Vélodrome pluvieux et l’espèce de soulagement hébété des supporters toulonnais à l’issue de la rencontre du dimanche était flagrant…

Parce qu’on a frisé la correctionnelle, les enfants…

 

La Compo

 

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La première mi-temps

Le match a débuté sous une pluie battante. Tu as beau avoir un ensoleillement de 350 jours par an, quand ça veut pas, ça veut pas. Le coup d’envoi de Madigan est sorti des limites du terrain, et là on a senti les Irlandais fébriles. Quand le RCT s’est vu refuser un essai pour hors-jeu quelques minutes plus tard, on a pensé qu’on allait leur mettre la misère épisode 2. Au lieu de quoi on a eu un festival de mêlées écroulées, de touches hasardeuses, de coups de pieds d’occupation et de ballons dégueulés. 

Malgré une certaine domination toulonnaise, les rouquins ont su profiter de l’indiscipline des avants, en particuliers des débutants turbulents, Williams et Botha. Chiocci s’est vu sanctionner par trois fois également, en espérant qu’après le syndrome de la deuxième mi-temps merdique, on assiste pas à la naissance d’un syndrome du pilier gauche titulaire… 

La cerise sur le gâteau, ce fut la blessure au genou de Juanne Smith qui faisait son retour. L’homme qu’on croyait définitivement perdu pour le rugby risque d’être définitivement perdu pour la finale. Il a dû être remplacé par Steffon Armitage qui n’était « programmé que pour jouer 30 minutes », ce qui semble confirmer ce que ses adversaires dans les rucks soupçonnaient déjà : Steffon est un cyborg. 

Tout cela fait les affaires du Leinster qui n’en demandait pas tant et qui, grâce à une défense opiniâtre et jeu restrictif et pragmatique, mène 6-9 au terme d’une mi-temps, où avouons-le, on s’est plutôt fait chier. 

 

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Le Leinster tel qu’il était imaginé avant le match, et la réalité.

 

La 2ème mi-temps

Avant la pause, Sébastien Tillous-Borde expliquait à Clémentine Sarlat que le RCT tenait le bon bout et qu’il fallait continuer dans cette voie. Visiblement, Bernard Laporte n’a rien eu à dire là-dessus. Donc, rebelote : coups de pieds, en-avant, mêlées écroulées, pénalités… Au bout de dix minutes, Bernard Laporte décide d’abréger les souffrances de Chiocci martyrisé par Mike Ross, ce qui était prévisible. Ce qui n’était visiblement pas prévu, c’est que quelques minutes plus tard, il abrège également celles de Michalak, d’une manière qui rappelle la scène de la peste dans le Sacré Graal des Monty Python (« I’m not dead yet ! – Yes you are »). Vexé, Freddy s’en va comme un prince et ne reviendra qu’à la fin du match, douché et vêtu d’un polo propre. Visiblement, le Michalak flamboyant avait perdu le toss aujourd’hui. Quelle saloperie, la schizophrénie…

 

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Bernard Laporte fait sortir Michalak

 

Le match s’est donc résumé à un duel entre Halfpenny et Madigan, et alors qu’on entrait dans le money time, un malaise diffus commença a remplacer progressivement l’ennui poli ressenti jusque-là.

Oh, on va pas perdre comme des cons… comme le Racing Metro à la dernière seconde sur un drop ou une pénalité à la con ? D’autant, qu’il vont essayer les Leinstermen : deux drops et une pénalité sur le poteau ratés. Delon Armitage tient la pénalité de la gagne à la dernière seconde, il échoue…

12-12, fin du temps réglementaire.

Bon, à ce moment-là, les téléspectateurs qui n’avaient rien à foutre du vainqueur et qui ne s’étaient pas endormis devant cette purge ont zappé sur l’Equipe 21 pour voir Cécile Grès. Les supporters toulonnais et autres masochistes sont restés hypnotisés, incrédules, la sueur perlant par tous les pores de la peau, tandis que millimètre par millimètre, un ulcère commençait à jouer à Prison Break avec leur paroi stomacale…

 

Prolongations :

Bernard Laporte, dont on connaît toute la retenue enjoint ses joueurs à défoncer les Irlandais en mêlée. Aussitôt dit aussitôt fait, le Leinster concède une pénalité. Mais quelques secondes plus tard, Suta, pris d’une crise de Papéite aigüe (maladie foudroyante qui pousse à vouloir briser des vertèbres à un Irlandais), se fait pénaliser pour avoir tenté d’étrangler Strauss. Heureusement, il avait son totem d’immunité. Pas de carton. Ouf ! 15-15.

 

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Vous voulez dire qu’on a pas le droit de faire ça? #lerugbybientôtentutusurlesterrains

 

Et là, c’est le drame.

Sur le renvoi, Ali Williams essaie de contester le ballon en l’air à Devin Toner, impressionnant (désolé, j’avais épuisé mes blagues sur Heaslip l’an dernier). Ce dernier s’écroule, et Williams prend un jaune qui semble sceller le sort des Toulonnais. La seule action du match où Williams n’avait rien à se reprocher. Arbitrage scandaleux, monsieur Barnes !

Pourtant, comme bien souvent, le RCT va mieux jouer à quatorze qu’à quinze. Halfpenny va marquer une pénalité et à la 90ème minute, la libération: une merveille d’opportunisme (ça c’est quand c’est ton équipe qui le fait, sinon on appelle ça un essai d’enculé) de Bryan Habana met les Toulonnais à 10 points.

Les Leinstermen, touchés dans leur orgueil, vont répondre de manière flamboyante par un groupé pénétrant. L’essai est attribué à Sean O’Brien et ne sera pas transformé. 25-20.

Il ne se passera plus rien dans les cinq dernières minutes, hormis quelques décès toulonnais par infarctus. Victoire au forceps.

 

Les joueurs :

Mauvais temps, match d’avants, et va y avoir du boulot. 11 pénalités sur 16 pour le 5 de devant. Des fautes souvent inutiles et qui auraient pu coûter cher. La mêlée a été malmenée, en particulier Chiocci, et Botha et Williams ont fait des fautes indignes de joueurs de leur expérience, comme quoi c’est vrai qu’à partir d’un certain âge, on retourne en enfance. 

A la charnière, beaucoup de coups de pieds dans la boîte de Tillous-Borde, temps de merde oblige, mais énorme travail défensif. Michalak n’était pas très inspiré à part sur le coup de pied qui aurait pu donner un essai à la 5ème minute. Il est l’illustration parfaite de l’importance d’être constant, et son visage lors de sa sortie anticipée contrastait avec le visage de James, jouasse, après le match de la veille. Et voilà comment on glisse deux références littéraires irlandaises en une phrase dans un compte rendu de match. Rep a sa, Rugbyrama.

Ce n’était pas un match d’arrières, Habana n’a brillé que trente secondes, mais quelles trente secondes ! Giteau nous a fait quelques cagades auxquelles on était pas habitués avec deux coups de pieds contrés qui auraient pu faire aussi mal qu’à Grenoble, et un renvoi directement en touche. Mais bon, tenir 100 minutes pour un retour de blessure, chapeau. Avec 7/8 de réussite au pied, le nouveau Métronomicon de l’Arabe dément, Leigh Halfpenny a marqué 20 des points du RCT. Vraiment, c’est à se demander si le RCT se relèvera un jour de la retraite de Wilkinson. 

 

Le bilan : 

Le scénario idéal aurait été d’être bloqué dans les embouteillages et de n’arriver qu’à la 70ème minute, parce que franchement, il y a eu des Brive-Oyonnax des vendredi soirs d’hiver plus passionnants. Alors certes, il pleuvait, le ballon était glissant, le Leinster est une équipe avec qui il faut compter, le terrain était trop lourd, les sangliers avaient mangé des cochonneries, mais disons-le, on s’est fait chier. La faute n’incombe pas qu’aux hommes de Bernard Laporte du reste. Le Leinster n’a rien proposé de flamboyant non plus, et le RCT aura eu le mérite d’essayer pendant une partie de la première mi-temps ? Enfin, on est en finale contre Clermont. Il ne peut rien nous arriver !

C’est Nigel Owens qui va arbitrer la finale, et franchement je serais lui, je me demanderais si on m’a fait un honneur ou un coup de pute. Deux équipes françaises à arbitrer, ça sent le dilemme. Qui sanctionner outrageusement ? Ca rappelle la vieille blague pourrie de Vincent Debaty dans un pièce ronde à qui on dit qu’il y a une frite dans tous les angles. 

Petite ombre au tableau, sauf intox, Delon Armitage sera forfait, ce qui fout un peu en l’air l’idée d’une revanche qui semblait pourtant tenir à cœur de la presse sportive et de certains supporters clermontois encore frustrés. Mais allez savoir, avec le RCT…

 

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