O Capitaine, mon capitaine.
par Pilou

  • 04 June 2014
  • 34

 

Beh voilà, c’est fait. Pierre Mignoni a raflé un Brennus, Laporte échappe à la garde à vue une année de plus et Jacques Delmas n’est pas parti en cours de saison.

 

A sa manière (en cassant la gueule de ses adversaires) le Racing Club de Toulon est enfin devenu le seul vrai club de rugby de France ©. ­Les râleurs et amoureux du beau geste, vous pouvez rentrer à la piaule. Cette saison se sera déroulée sous le signe du boucher, ascendant maçon.

Si les célébrations dantesques sont compréhensibles et de rigueur (imaginez retenir un orgasme pendant 22 ans…), elles sont couplées avec le départ à la retraite sportive de la divinité rugbystique qu’est Jonny Wilkinson. Son départ a eu l’effet d’un statu quo géant sur le petit monde ovale qui nous donne tant d’émotions.

Pro ou anti-toulonnais, amis de Super Dupont ou sympathisants anglais, ivrognes de séries régionales ou athlèles du Top14, tout le monde a salué, à sa manière, le joueur et l’homme. Mais quelqu’un a été oublié, un autre joueur du RC Toulon qui lui aussi raccroche les crampons : Joe Van Niekerk.

Arrivé en 2008 au club alors qu’il devait signer à Northampton, Captain Joe m’a fait vibrer, plus que Wilkinson et ses tirs millimétrés ou que Sonny Bill (non, il ne reviendra pas, ne rêvez pas) et ses passes de l’espace. Des frissons lorsqu’il rentrait sur le terrain, se frappant le torse comme un King Kong de pré carré à ses courses effrénées conclues par un essai et un saut de l’ange dans l’en but (plus ou moins réussi).

 

 

Sans titre

 

Puis il y a eu les blessures, les problèmes de vie privée et le joueur s’est fait plus rare. Un match par-ci, dix minutes par-là. Qu’importe, le bonhomme était toujours là, transcendant ses coéquipiers avec ces discours à base de « fock » et « ineculé », mélangeant français et anglais (le mec rêvé pour Toulon quoi…).

Mon meilleur souvenir de JVN n’est pourtant pas lié au terrain. Un soir de week-end, l’avant-boîte la plus célèbre du Mourillon fait le plein, un mec me bouscule, c’est Van Niekerk. Il est déchiré comme un cartable, moi aussi. Il me sourit et m’explique comme il peut qu’il a essayé d’éviter une pouffe peroxydée perchée sur des talons hauts (les clichés ont la vie dure). On rit comme deux ivrognes et il me dit « Wish you the best, man » en me tapant amicalement l’épaule. J’ai eu un bleu pendant une semaine, mais j’étais content. Dix minutes plus tard, Captain Joe se foutait à poil :

 

268379_1015027051...076067_n-2cc8a61
Parce que Toulon, bitch.
 

Joe aura supporté le club pendant six ans et lui aura, comme d’autres, permis d’exister et de briller au plus haut niveau. Evidemment, je ne parle pas de choix tactiques cruciaux ou de coups de pied décisifs un soir de finale. Non, en réalité, je pense plutôt à ces matchs de merde, gagnés sous la pluie ou dans le froid, à Bourgoin ou à Dax, des matchs nécessaires pour se maintenir en Top14, à une époque pas si lointaine où Toulon alignait fièrement une charnière Matt Henjack / Sébastien Fauqué.

Le départ de Wilko a éclipsé le sien (comme celui de Roussow) à tel point qu’on évoque un match jubilé pour l’Anglais, mais rien pour Joe. Il était à peine présent samedi soir, pour soulever le Bouclier avec tous les autres. Dommage que certain(e)s de mes compatriotes prompt(e)s à célébrer un titre parce qu’un club est devenu à la mode dans leur ville ne prennent pas le temps de se renseigner sur qui a fait quoi avant d’être champions.

En tout cas, étranger ou mercenaire, champion ou non, personnellement je m’en fous car tu m’auras fasciné. Merci Captain Joe et comme dirait l’autre « Wish you the best, man ». 

 

JVN_Une
 

Pilou