Le Lab’ougnat revient sur Clermont-Leinster (15-19)
par Pastigo

  • 01 May 2012
  • 36

Par Pastigo,

Quatre centimètres

« Où le combat est grand, la gloire l’est aussi. »

Voilà donc ce que nous apprend Honorat de Racan qui n’a probablement pas dit que des conneries mais qui pour le coup ne devait pas être un grand sportif, encore moins amateur de rugby. Car autant qu’il puisse être valeureux, méritant, qu’il expulse de sa carcasse tout le sang que sa détermination lui permet de comprimer, le perdant n’a de destin que celui de fonder la gloire du vainqueur. Cette gloire jamais aussi forte que quand elle appartient aux autres, dont la boulimie passée nous a gavés, peut être gaspillée de n’avoir qu’à la digérer sans se délecter de chacun de ses arômes délicats. La gloire encore, qui quand elle a le dos tourné n’est qu’un pantin désarticulé gémissant et dansant sur les restes fumants d’un bûcher que personne ne regarde, et que tout le monde oubliera.

Car il n’est rien à retenir, ni leçon, ni mérite. Cet échec est une mort, le sport est agnostique. Il ne fonde pas une âme, ne soude pas les cœurs, et vouloir tenter d’y survivre serait la pire des erreurs. Car il faut renaître, repartir de zéro, ne pas se satisfaire d’un parcours honorable. Accepter que tout ce qui fut n’est plus. Ce n’était rien d’ailleurs que promesses, une avance sur salaire, la gloire ne paye qu’en fin d’exercice.

Nous ne sommes champions de rien qui n’ait pu survivre à ce 29 Avril mais qu’on ne s’y trompe pas, ceci est bien une introduction. Car rien n’est conclu tant qu’on renaît. Ne renaître de rien, d’un vide encore plus fort qu’il fait face à l’abondance dans laquelle l’adversaire finira bien par se noyer, la tête enfoncée par un cadavre qui remonte du fond des eaux. Puisqu’on en a le droit, faisons en un devoir : haïssons-le. La hargne, la rage, la colère. Tout ceci nourrira un être nouveau, sans pitié, qui mourra probablement encore mais qui n’aura désormais goût qu’à la victoire finale, sans compromis, sans demi-mesure.

4 centimètres, c’est ce qui aura été gagné à chaque manche de ce combat mortel. Rarement plus, souvent moins. Voyant inexorablement tomber un à un ses soldats sacrifiés sous chacun des coups d’un adversaire qui sait donner la mort froidement à trop souvent l’assener. Celui même qui décide de parapher le testament de sa victime dès les premières pages en lui imposant son rythme, son jeu. Bonjour, je connais le jour de ta mort et je décide de celle-ci, te voilà prévenu. Il y en a toujours pour croire que le taureau peut s’en sortir, et ils étaient nombreux ce jour-là. Des dizaines de milliers aux couleurs de la bête qui l’encourageront jusqu’au bout à braver son destin. Il est plus fort, il veut te voir mort pour assouvir sa soif de gloire. Encorne-le ! Fais-le valser ! Oublie ces vingt minutes durant lesquelles tu as encaissé les banderilles, ce sang qu’il te manque et qui sèche déjà sur ton échine collée. Car c’est un fait, les bleus ont pris la main sur le début de partie, sans partage. Mais sous les encouragements de ses semblables acquis à la cause animale, la créature se rebiffe et retourne la rage glacée de son adversaire, le faisant reculer. Il est moins fier, le fossoyeur de vachettes. Reclus contre la rambarde, il doute enfin de sa suprême omnipotence. Il supplierait presque qu’on le laisse reprendre son souffle, vingt minutes désormais qu’il danse et qu’il évite les coups maladroits de la bête enragée. Mais il n’abdique pas, et sait se montrer patient. Il attendra d’être libéré de la furia qui l’emporte, il reste arrimé et brave la tempête jusqu’au coup de sifflet qui fait s’échouer la vague. Il n’est pas à son avantage, mais rien ne semble l’inquiéter. Et il a bien raison, car aucun retard à la mi-temps ne saurait lui faire baisser les yeux et encore moins un petit 12-6, bien trop peu pour qu’il ait des doutes sur son funeste plan.

Car la mort a déjà choisi son camp et elle n’aime pas qu’on bouleverse ses plans. Elle erre sur le terrain, silencieuse mais bien décidée à ne pas rester spectatrice de ce ravissant génocide. La voilà qui force le destin, comme s’il en était besoin. 4 centimètres, c’est ce qu’il suffira aux talons jaunards pour se voir siffler un plongeon dans les rucks quand l’adversaire a visiblement gagné les faveurs de la faucheuse. Elle laissera Cullen frapper les visages comme bon lui semble, comme si la présence de son infâme faciès n’était pas déjà un affront suffisant pour l’exclure de l’arène. Elle sévira partout où la justice n’est que soumise à sa propre appréciation, visiblement une finale 100% irlandaise semble prompte à relancer la consommation de H-bière. Etes-vous satisfait, monsieur Barnes, de jouir comme bon vous semble de ce pouvoir qui est le vôtre ? Cela doit être si bon, j’en conviens.

Mr Barnes, arbitre international

Au retour des vestiaires, les jaune et sang semblent avoir définitivement trop donné pour espérer s’en sortir. La machine bleue retrouve son rendement et reproduit froidement ses gestes, dans le bruit régulier de piston d’une mécanique de précision. Inexorablement elle fait son travail, avance à chaque révolution de son cycle puissant.

4 secondes, c’est le temps qu’aura laissé la bête à son bourreau pour se saisir de la cocarde. C’est si peu, et pourtant déjà trop. 4 secondes pour qu’un destin soit scellé, et que l’entreprise irlandaise valide son objectif comptable. J’entends dire que c’est ce qui fait la différence entre le grand et le promu, je continuerai de penser que ce ne sont que 4 secondes, rien de plus. Kearney n’aura pas volé son titre d’homme du match, c’est de lui qu’est venu l’exploit qui a scellé le sort de la rencontre offrant l’essai poignard à Healy après une superbe percée, profitant de ces 4 maudites secondes de relâchement des auvergnats.

Et comme un signe, le coup de génie aura bien lieu. Le drop qui fait taire tout le monde, qui indique clairement que rien ne sert de courir. Sauf que cette fois-ci, il a trahi son camp et sa botte australienne pour rejoindre le réalisme de la multinationale irlandaise, via un coup de pied magistral de Kearney encore une fois. C’en est trop, les promis à l’exploit se résignent à l’échec, balbutient en vain devant une ligne intraitable, les minutes s’égrainent et chaque seconde sonne un glas qui fait exploser la tête d’une équipe et de tout un peuple.

4 centimètres. C’est ce qui aura manqué à Fofana dans un dernier élan d’orgueil pour infléchir le choix des astres. 4 centimètres qui ont manqué à sa main pour que ce maudit ballon rencontre le sol avant d’être lâché, après y avoir été amené choc après choc, chacun y allant de sa douleur et de son abnégation pour porter cette croix jusque derrière cette ligne désormais insupportable. 4 centimètres, c’est tout, et tu disparais dans l’indifférence. 4 centimètres enfin, pour assommer une dernière fois tous les espoirs comme si c’était nécessaire, qui ont manqué aux charges suicidaires des avants pour atteindre cette foutue ligne quand le temps est écoulé et que la faucheuse rit déjà de son œuvre. Pour 4 centimètres, et 4 secondes, un héros au dessein promis finit comme une carcasse au pied du décor romantico-dramatique d’un donjon imprenable.

Ce dimanche, une vie s’est envolée. Avec elle celles de milliers d’âmes, en silence. Mais soyez certain que c’est la pire des nouvelles qui puisse vous arriver. Quinze carcasses vides vont se relever, aux regards froids. Cette même froideur, ce même calme cadavérique que l’on dit nécessaire aux plus grands pour toujours s’imposer sans cesse et sans cesse. Désormais, la seule rédemption de leur âme passera par la victoire finale, le seul plaisir d’un maudit déchu qui le nargue au loin. Oubliez la bonhommie, la jovialité des bons perdants. S’il faut être aussi froid que réaliste pour ne plus stagner dans les limbes, ce sera là la seule satisfaction que nous nous permettrons. Vous présagerez que la bête est morte, et vous avez bien raison. Mais cette bête-là ne se relève pas, elle renaît. Et à chaque fois plus déterminée. Surtout, moquez-la tant que vous le voudrez, ne vous refusez rien. Affirmez qu’elle est vouée à perdre, encore et encore. Nourrissez ce terreau de rage duquel elle va jaillir encore plus tenace.  Tremblez, car je suis jaunard, nous sommes jaunards, et nous sommes légion.

Afin de ne pas avoir à endosser la responsabilité d’un suicide collectif  auvergnat, nous avons décidé de rajouter au lyrisme poignant de ce texte un passage plus léger qui revient sur les différentes prestations des acteurs de cette tragédie :

Au générique :

-Malzieu: out

-Byrne: out

-Buttin: out

-Bonnaire: out

-James: convoqué par la LNR

 

Ajoutés à ceux déjà en miettes, l’ASM achète tout lot de cartilages et de ligaments, même usés.

Sivivatu a fait un bon match, de belles relances et résiste bien aux placages. Hines a également sorti une sacrée prestation contre ses anciens coéquipiers, avant de décéder sur le terrain. Les remplaçants Ti Paulo et Debaty n’ont pas eu leur impact habituel, même si on ne peut pas leur reprocher grand chose hormis les fautes à répétition de Ti Paulo. Parra invente la passe à rebond, qui permet au joueur qui la reçoit de se retrouver systématiquement en équilibre devant deux teigneux irlandais démembreurs, idéal pour de bons lancements de jeu. Zirak’ a par contre été gigantesque, une teigne partout. Lapandry n’a pas été en reste dans un match où la défense a été le lot de l’équipe.

Kearney a évidemment été énorme, une sorte de Byrne+Buttin+James dans un même corps. Par contre il ne se blesse pas. Healy est pénible comme c’est pas permis, donc très bon. Cullen est moche, à partir de là il pourrait bien être bon, de toute façon ça n’excuserait rien. Les centres bleus ont fait des trucs de centre, mais comme ils le font bien c’est efficace et surtout ils montrent aux centres toulousains que quand on joue pas les coffres à ballon on a de quoi probablement gagner une H Cup. Même la mêlée sensée être un point faible n’a pas tremblé, seule la touche était en retrait. Sexton est insupportable puisqu’il anime bien, défend bien, mais joue chez les méchants.

Allez Clermont qu'ils disaient... Ils vont faire le doublé qu'ils disaient...