Le Labo’ccitan analyse Edimbourg – Toulouse (19 à 14)
par Le Stagiaire

  • 08 April 2012
  • 21
Par le Stagiaire,
(avec l’assistance de Capitaine, Damien Try et Ovale Masqué, parce qu’on joue collectif NOUS)

 

Le contexte : 
Le Stade Toulousain, le meilleur club de tous les temps selon M6, se déplaçait ce samedi du côté d’Edimbourg, ville célèbre pour… euh… être la capitale de l’Ecosse. Et non, contrairement à ce que l’on pourrait croire, ce n’est pas un match d’échauffement de plus comme doivent en subir les rouge et noir du mois d’octobre au mois d’avril avant de pouvoir participer aux phases finales de la H-Cup. En effet, les beaux jours reviennent, les journées s’allongent (on aperçoit la lumière à peu près 4h par jour en Ecosse en ce moment) et l’on est déjà à l’heure de ce que l’on peut appeler « les premiers grands rendez-vous du rugby européen ». Et je ne parle pas du début du pillage des clubs du Tri Nations pour recruter leurs meilleurs joueurs pour la saison prochaine, mais bien des quarts de finale de H-Cup.

Alors vous vous posez sûrement la même question que tout le monde : « Mais qu’est ce que fout Edimbourg à ce stade de la compétition ? ». Et bien on se le demande aussi, d’autant plus que dans l’Immonde du Rugby, le grand Ovale Masqué parlait d’eux comme «l’équipe la plus faible du groupe, qui n’a sans doute aucune chance de se qualifier mais qui peut foutre un bon bordel en arrachant une victoire contre un des favoris du groupe». Le grand justicier du rugby se serait-il trompé ? Avait-il ce jour là sous-estimé le club écossais ? Ou surestimé sa résistance à l’alcool avant d’écrire son article ? Et bien oui et non. En effet, les Scottishs ont bien foutu la merde dans le groupe, notamment en battant deux fois le Racing Métro qui misait, rappelons-le parce qu’on ne rigole jamais trop, beaucoup sur cette compétition cette année. Conjugué à leurs victoires chez les Irish anglais et à domicile face aux gallois bleus, voilà que nos amis écossais, habitués des défaites avec panache (mais des défaites quand même), en viennent à se qualifier pour les quarts de finale, à domicile en plus.

De l’autre côté, les Toulousains nous ont fait leur coup classique du « On-gagne-tout-mais-pas-trop » en jouant encore plus avec leurs limites cette année et en arrachant grâce à un concours de circonstances aussi improbable qu’un essai de Yoann Huget, leur qualification à l’issue du dernier match de la poule entre les Connards et les Arlequins (hier pas vraiment à la fête à Toulon malgré cette période de carnaval).

Malgré ce contexte surprenant et les tentatives désespérées de Guy Novès cette semaine pour nous faire croire que les All Blacks ont tout appris des Ecossais, c’est bien les champions de France en titre qui sont favoris pour ce match, même si Edimbourg peut les inquiéter puisque, contrairement à leur équipe nationale, ils ont le droit de titulariser des joueurs non-écossais pour marquer des essais.

 

Le film du match :
Le premier enjeu de l’après midi est de choisir sur quelle chaîne on va suivre la retransmission du match : Canal + et son tandem Eric Baille/Philippe Sella ou France 2 avec son indétrônable Matthieu Lartot exceptionnellement privé aujourd’hui de son plus fidèle compagnon Droopy, remplacé par Ibanez. Ayant Canal + uniquement parce que Canal Sat’ m’en fait exceptionnellement cadeau quelques semaines (pour me montrer à quel point je rate ma vie de ne pas être abonné) je me porte vers cette chaîne, un peu influencé par les beaux yeux de « Isabelle-belle-belle comme le jour Ithurburu » et le « bonsoir » hypnotico-sexuel de Lapinou.
 
L'effet Ithurburu : elle arive à rendre Eric Bayle supportable

Contrairement à la saison passée où l’on pouvait se payer le luxe de rater les premières minutes des rouge et noir, cette année, il ne faut pas être en retard puisqu’on ne dispose plus du répit « Skrela rate son renvoi donc on fait une mêlée au centre du terrain».
Et pour le coup le match démarre en trombe (d’eau) puisque après à peine une minute de jeu, Laidlaw balance une chandelle devant la ligne toulousaine. Matanavu, surpris d’avoir autre chose à faire que courir vite, manque la réception, le ballon retombe dans les bras de Blair qui avait évidemment bien senti le coup et qui aplatit après une contorsion improbable à rendre jaloux un genou de Maxime Médard. La vidéo valide et Laidlaw, l’ouvreur format XS écossais transforme. 7-0 après 1 minute 30. Soit un point toutes les 12 secondes. (C’était le point statistique, sponsorisé par François Duboisset).
 
Pendant que Titi est au charbon, en arrière-plan Beauxis et Picamoles débattent sur leurs candidats favoris dans "The Voice"

 

Les toulousains repartent à l’assaut, en pensant à Matthieu Lartot qui n’est jamais sans rappeler que la force des grandes équipes est de réagir rapidement. Deux minutes plus tard, Toulouse ouvre son compteur grâce à une pénalité de Yoyo Beauxis. Réaction moyenne pour une équipe moyenne du coup ?

Il ne faudra pas longtemps aux Toulousains pour prouver que les qualifier de « moyens » est encore un peu trop sympa et ils vont donc successivement se faire sanctionner sur deux mêlées et perdre deux touches. Rassurez-vous, Edimbourg, en bonne équipe écossaise, n’en profitera pas. Au contraire, c’est même Toulouse qui va inscrire 3 points supplémentaires (et non pas 6 puisque Mochexis ratera sa troisième tentative). Les Ecossais, alors bien décidés à s’handicaper un maximum pour rendre leur remontée encore plus épique, vont même prendre deux cartons jaunes successivement. Le premier est pour Jacobsen, le mec un peu trop gros et joufflu  qui a dû se faire martyriser un bon nombre de fois dans la cour de récré et qui est déjà tout rouge avant même le début de l’échauffement. Le pilier édimbourgeois se trouve sur la route de Matanavou, qui jouait alors rapidement la pénalité et se fait donc sanctionner. Une décision sévère et un carton, c’est jaune. Le deuxième, déjà plus justifié, est pour le troisième ligne Rennie qui sur une faute d’antijeu à 5 mètres de sa ligne, mettait fin à une belle offensive toulousaine.

Les visiteurs profitent de leur supériorité numérique pour rajouter trois points supplémentaires. Puis vient l’action du match. A la suite d’un coup de pied très stratégique de Blair en plein milieu du terrain (les joueurs d’Edimbourg sont alors deux de moins, vous apprécierez donc l’intelligence tactique du demi de mêlée à ce moment de la partie), Matanavouvouzela récupère, semble hésiter, pose deux ou trois appuis qui auraient valu autant d’opérations à Xavier Garbajosa, prend le trou, accélère, dépasse le mur du son, fait croire à Brown qu’il pourra le rattraper à 5 mètres de la ligne puis va finalement inscrire le deuxième essai du match. On notera aussi le léger écran de Yoan Maestri sur l’action, après tout c’est juste la deuxième semaine de suite que ça marche, ils auraient tort de se priver. Yoyo envoie une belle saucisse en guise de transformation, et le Stade Toulousain reste donc avec 7 points d’avance.

Matanavu, lancé comme un frelon, selon les dires de Mathieu Lartot

Bien qu’encore en infériorité numérique, Laidlaw va permettre aux joueurs d’Edimbourg de s’accrocher au score en passant un drop qui fera pleurer Lionel Beauxis jusqu’à la fin du match.

C’est la mi-temps et Toulouse mène de 4 petits points seulement. La conquête des rouge et noir est franchement mauvaise, et si les Ecossais n’avaient pas pris ces deux cartons, le score serait sans doute bien plus inquiétant. Enfin, on s’en fiche, on se dit qu’à ce rythme là, les Scottishs seront morts à la soixantième et même Yannick Jauzion pourra les prendre de vitesse.

C’est alors qu’arrive la seconde mi-temps, moment embarrassant de l’après-midi. Les nombreuses personnes qui ont vu Italie-France ou France-Tonga en 2011, ont dû comme moi voir la désagréable sensation de la désillusion venir gros comme une faute d’Albacete dans un regroupement. Les quarante minutes suivantes sont une succession de fautes, d’erreurs, et d’imprécisions qui feraient honte à une équipe de Férérale 2. En plus, les joueurs n’ont même pas eu la décence de se mettre sur la gueule, ce qui est quand même le seul intérêt d’un match de cette division.

Dans la série des actions improbables de cette seconde période, on notera notamment : un carton jaune pour William Servat, Thierry Dusautoir qui ratera (presque) un plaquage, et Burgess, le meilleur demi de mêlée du monde et des environs selon les spécialistes, se prendre pour Mike Phillips. Bon, bien sûr, on aura aussi vu des choses normales comme Fritz aller tout droit, David aller tout droit et Jauzion foirer des réceptions de chandelles.

Attardons nous d’ailleurs sur ce carton jaune surprenant du meilleur talonneur du monde. Les Ecossais sont alors en pleine attaque, le repli défensif toulousain se fait attendre, et lorsque le demi de mêlée d’Edimbourg souhaite ouvrir la balle, La Bûche se trouve sur le chemin de la passe et, trop content de pouvoir enfin récupérer une passe un peu moins foireuse que celles auxquelles Burgess avait commencé à l’habituer, ne peut s’empêcher de s’en emparer. Pas de chance, il était franchement hors-jeu et, sans pitié, Nigel Owens l’envoie faire un tour sur la chaise des punis. Dusautoir, fou de rage, le bouscule légèrement (mais pas trop non plus parce qu’il a dû se rappeler que ça serait son entraîneur la saison prochaine tout de même). Je dois admettre que j’ai aussi bondi de mon canapé en jurant. Enfin… plus pour lui reprocher d’avoir empêché une des rares actions au large du match que pour sa faute. D’ailleurs, le pauvre a l’air tellement désolé et en colère contre lui même qu’on arrive pas à lui en vouloir.

De leur côté, les Ecossais gèrent tranquillement, recollent au score avant de passer devant, et plus les minutes défilent, plus on sent dans leur camp monter l’espoir d’un exploit qui leur donnera la force de tenir, regroupement après regroupement, laissant parler leur rage et leurs tripes. Les visiteurs, eux, deviennent de plus en plus fébriles, hésitants, chacun essayant de sauver l’Occitanie avec sa petite action (que quelqu’un d’autre s’efforcera de faire foirer dans tous les cas).

Le jeu écossais, qu’on nous promettait à base de grandes envolées, et de succession de temps de jeu stériles, se résume finalement par des grosses chandelles, des picks and go et de temps un temps un retour aux sources avec un brin de n’importe quoi. A défaut d’être efficace, cela permet de gagner du temps et les champions de monde de toute la France semblent incapables de rattraper les deux petits points qui leur manque au compteur. Pire, sur l’ultime action, Laidlaw a l’opportunité de sceller la victoire, ce qu’il ne se prive évidemment pas de faire, envoyant pour l’occasion pour la première fois une équipe écossaise en demi-finale de H-Cup.

 

Les Joueurs :

La première ligne toulousaine a été à la peine en mêlée (ou tout du moins c’est ce qu’a estimé Nigel Owens), Servat se montrant de plus étonnement maladroit en touche. Il termine sa carrière européenne sur un carton jaune complètement débile, comme Fabien Pelous. Espérons qu’il aura plus de choses à dire s’il devient un jour consultant. La deuxième ligne, peu visible, aura essentiellement consacré son énergie à combattre la fougue et la furia écossaise dans les ruck, avec un succès limité. Dusautoir a été bon, ce qui est très décevant de sa part. Il parait que Bouilhou était sur le terrain mais je ne pourrai à vrai dire pas vous le confirmer. Picamoles, une fois de plus, a avancé mais a dû sortir un peu après la mi-temps, remplacé par Galan, efficace dans le même registre.

 

Le moment où Galan compris qu'il ne pourrait pas exhiber son célèbre sourire du plombier en finale de H-Cup

 

La charnière a été très en deçà du niveau attendu à ce stade de la compétition. Burgess a été lent (quand il déniait ne pas tenter de se faire la malle au ras) et Beauxis n’a jamais pesé sur le match. Un jeu au pied de déplacement aléatoire et une réussite face aux perches limitée. Sale période pour le lémurien français qui s’est peut être un peu trop vu arrivé après son retour en Equipe de France. Bref, difficile de gagner avec une charnière niveau Pro D2 (enfin Burgess avait à peine le niveau Pro D2, alors que Beauxis lui, était pile poil à ce niveau), les Toulousains auront eu l’occasion de s’en rendre compte.

Au centre, Florian Fritz et Yann David ont fait exactement la même chose (courir tout droit avec trois mecs sur le dos), Fritz le faisant même très bien en première période. Deux valeurs sûres en défense, mais pour la complémentarité on repassera…

Sur son aile, Matanavou a alterné le très bon en attaque, au très pas bon, avec des placements hasardeux en défense et des erreurs sous le jeu au pied. A l’arrière, Jauzion est passé à côté de son match, mais pas de ses adversaires, sur lesquels il vient toujours s’emplafonner avec une vitesse qui laisserait penser qu’il a peur de péter son déambulateur. Comme quoi, descendre ses chaussettes aux chevilles n’était pas le secret du niveau de Cédric Heymans.

 

I'm too old for this shit

 

Du côté écossais, on louera la performance de l’équipe plus que les individualités. On a tout de même quelques jeux de mots à caser sur leurs noms comme « Tom Visser ne vaut pas un clou », « Ford a du coffre », « Cross, un pilier endurant », « Cox a les boules »… Bon on notera quand même la grosse perf’ de Laidlaw et de Visser, qui peuvent laisser présager un avenir meilleur pour la sélection nationale (comme une quatrième place au prochain tournoi). Bouclier Anti-troll : Visser est bien hollandais d’origine (c’est comme musulman d’origine mais avec les gens qui viennent des Pays-Bas) mais il sera bientôt éligible avec le XV du chardon puisqu’il a passé trois ans sur le territoire écossais (ce qui mérite au minimum une sélection, voire une médaille du courage et une cornemuse de fonction)

Mention aussi à Nigel Owens, qui aura grandement contribué au suspens avec des décisions souvent aléatoires et contestables qui ne manqueront pas de faire s’indigner le lobby toulousain.

Enfin l’homme du match restera à mes yeux le réalisateur du match, une sorte de Claude Zidi écossais à qui on aurait donné le budget d’un film d’auteur bulgaro-polonais. Je ne mettais pas senti aussi malade depuis le lendemain de nouvel an 2012.

 

Grosse réaction du pack toulousain en fin de match

 

Conclusion :

Une bien triste fin pour cette campagne européenne 2012. Un match indigne d’une équipe et d’un effectif comme le leur, voilà qui va donner du travail d’analyse vidéo à Julien Bares (il passera peut être un peu moins de temps sur Twitter comme ça). Espérons cependant que cela leur donne le coup de fouet nécessaire pour se remettre en question sur le jeu pratiqué depuis deux ans (une sorte de rugby à XIII avec des mêlées) et qu’ils réussissent surtout à se remobiliser pour les grosses échéances à venir comme le match à l’USAP la semaine prochaine (Attention, second degré inside).

 

Les déclas d’après match :

« Aujourd’hui je suis très heureux car une fois de plus, nous avons réussi à prouver que le doublé est impossible » Guy Novès.

« On est des imbéciles, et je demande aux 1,2 million de toulousains de nous zapper »J-B Elissalde.

« On est très fier de notre match, de notre équipe. On a rien lâché, on a bien tenu le ballon et on a tenté d’envoyer du jeu. Ca n’a pas suffit contre une grosse équipe comme Toulouse mais il faut continuer à travailler. Oh…. wait ! » Michael Bradley