Fiche de club : le Munster
par La Boucherie

  • 06 April 2012
  • 22

 

Chaque année ou presque, la H-Cup c’est l’occasion de retrouver ce club de gros enfoirés de rouquins. Et dire qu’il y a des gens qui les aiment. Si vous demandez mon avis, il faudrait les ; Ouais nan, me demandez pas mon avis, je vais encore avoir des problèmes. En tout cas, PlasticPaddy fait partie de ces personnes. On l’applaudit tout de même.

 

Le club :

Officiellement : Irish Rugby Football Union Munster Branch. Devise “To the brave and faithful, nothing is impossible” (Aux hommes courageux et fidèles rien n’est impossible). Aucun rapport avec leur équipementier à bandes, c’est la devise du clan des McCarthy, célèbre famille de la province.

 

Les villes :

Au Munster, on ne fait rien comme les autres. 1 club, 6 comtés (Clare, Cork, Kerry, Limerick, Tipperary et Waterford), et 2 villes : Cork et Limerick. Deux villes qui se méprisent ouvertement, donc deux bases pour les joueurs qui ne font en principe qu’une séance d’entraînement en commun par semaine.
D’un côté, Limerick la pauvre, l’humide, la grise, avec ses gangs, ses problèmes de drogue. De l’autre, Cork la dynamique, la joyeuse, l’ensoleillée (cf. le bronzage naturel de Donncha O’Callaghan).
Limerick, c’est la ville qui vit rugby, parce que c’est la seule chose entre eux et la dépression, et ce même avant que la crise ne mette la moitié de la population sur la paille. Même les locaux s’amusent à pourrir la réputation de leur ville, en témoignent McCourt et ses Cendres d’Angela (notons le courage du type qui écrit son bouquin misérabiliste bien à l’abri aux États-Unis).
Cork, c’est la ville de tous les sports (même le foot, c’est dire), et où le rugby n’arrive qu’en troisième position après les vrais sports de bouchers que sont le foot gaélique et le hurling. En hurling, quand on n’aime pas son entraîneur, au lieu de refuser de boire une bière avec lui, on se met en grève et on organise une manifestation avec 10 000 personnes. Un autre monde. Les gens de Cork brillent par leur modestie, leur gentillesse et leur respect des arbitres (Roy Keane).
Les deux villes sont néanmoins unies par leur mépris commun de Dublin et du Leinster.

 

L’histoire :

La légende commence en 1978. Cette année là, le Munster bat les All Blacks (12-0). Le Munster reste d’ailleurs la seule équipe irlandaise à avoir jamais battu les Blacks (oui, ça fait mal). Ce fait d’armes exceptionnel a été immortalisé dans une pièce de théâtre “Alone it stands”, toujours régulièrement jouée dans les théâtres de la région. L’histoire a bien failli se répéter en 2008 quand les Blacks sont revenus pour l’inauguration de Thomond Park rénové, mais très certainement pour éviter que l’on ait à changer le titre de la pièce, ils ont fini par s’imposer 18-16. Amateurs de haka, celui de ce match est particulier.

A part les Blacks, le Munster compte aussi quatre victoires contre l’Australie. La dernière en 2010 a donné le ton pour la coupe du monde : battre l’Australie c’est facile, il suffit de les noyer et de les faire mourir d’hypothermie.
Le Munster, c’est surtout l’équipe de la coupe d’Europe. 2 titres, 121 matchs joués, record du nombre de match pour un joueur (103 pour O’Gara, série en cours), du nombre de points marqués par un joueur (1287, pour vous savez qui, série en cours), 4 finales, un record de 12 qualifications de suite pour les quarts.

 

Les couleurs :

Le rouge bien sûr. Avec un peu de bleu marine (couleur du drapeau de la province). Des maillots sobres (même si le sponsor est écrit en gros dessus), bien coupés. Classe, élégance, sobriété. A noter que les joueurs ont normalement l’interdiction d’échanger leurs maillots à la fin des matchs.

 

Le stade :

Ou plutôt les stades. Musgrave Park à Cork est un tout petit stade (9 250 places), surtout si on le compare au stade des sports gaéliques de la ville, le Pairc Ui Caoimh et ses 43 500 places. Musgrave accueille quelques matchs de Ligue Celte lors desquels le public se montre particulièrement chauvin en applaudissant les joueurs basés à Cork (donc aussi Mafi et Howlett) et nettement moins ceux basés à Limerick. Parfois ils poussent le vice jusqu’à chanter la chanson locale, “The Banks of the Lee”, traditionnellement réservé aux sports gaéliques, pour bien faire comprendre qu’on n’est pas à Limerick.

Mais le vrai stade du Munster c’est Thomond Park. Stade de taille modeste (26 000 places), l’ambiance qui s’en dégage est incomparable. C’est une forteresse, surtout pour les matchs de H-Cup : 91% de victoires à domicile pour ces derniers et 82% pour la ligue celte. A titre de comparaison, pour le Leinster on est à 79% et 86%. Thomond Park est célèbre pour ses chants (“Stand up and fight” ou “The fields of Athenry” selon l’occasion), et pour le silence du public lors des coups de pieds. L’âme de Thomond Park, c’est la Red Army, les supporters du Munster qui depuis 1999 se déplacent en nombre pour voir leur équipe jouer et l’encourager. Bruyants, partiaux mais forcément sympathiques, en toute modestie, les meilleurs supporters d’Europe.

 

L’emblème :

Un cerf et les trois couronnes qui sont l’emblème de la province depuis des siècles, symbolisant les royaumes d’Ormond, Desmond et Thomond. Au Munster, on aime la tradition. Comme le soulignait un journaliste irlandais « si les supporters du Munster se rapprochaient un peu plus de leurs racines, ils faudrait les traiter contre le mildiou ».

 

Les joueurs clés :

L’incontournable Ronan O’Gara, l’homme qui depuis 12 ans tourmente les équipes de France, d’Angleterre et d’ailleurs, tout en étant incapable de réussir un placage correctement. La technique de placage de Rog peut se résumer à « essayer de m’accrocher à ce type suffisamment longtemps pour que Paulie ou Donners arrivent ». La plupart du temps, cela suffit. O’Gara c’est surtout un buteur exceptionnel (et qui quand il se rate, le fait aussi de façon exceptionnelle), un tacticien dont la plus grande joie est de faire plaisir à ses avants en les faisant avancer de 50m d’un seul coup de pied. Ajoutons à cela une certaine tendance à narguer l’adversaire pour lui faire commettre des fautes stupides (Ashton a testé) et un don certain pour la chanson.

 

Les deux font la paire :

On ne présente plus O’Connell, le grand chef roux à qui tout obéit, et que ses coéquipiers surnomment affectueusement Psycho.
O’Callaghan, outre son habilité en touche, sa capacité à être toujours hors jeux dans les rucks, est aussi célèbre pour son goût exquis en matière de sous-vêtements assortis au maillot, son bronzage presque gallois et pour avoir suivi Nerval dans son choix d’animal domestique. En perte de vitesse fasse à l’autre Donnacha (Ryan), personnage qui semble meilleur mais nettement moins drôle. On ne peut pas tout avoir.
Le ‘fils de’: Keith Earls. Jeune joueur (25 ans cette année) qui a percé depuis 2008/2009 et une première sélection pour les Lions. Fils de Ger Earls, il a passé son enfance à faire le mur pour voir les entraînements à Thomond Park, et à côtoyer O’Connell qui venait déjeuner chez ses parents toutes les semaines. Talentueux, pouvant jouer au centre, sur l’aile et à l’arrière, capable de belles accélérations et de courses intéressantes. Aime aussi jouer au foot gaélique pendant les matchs.

(taper dans le ballon pour qu’il revienne dans ses mains est un geste courant en foot gaélique)
 


L’infirmerie :

Ces derniers temps, les joueurs-clés de l’équipe ont tendance à faire de longs séjours à l’infirmerie. Parmi eux notons :
David Wallace, troisième de la lignée des frères Wallace, et de loin le plus talentueux. Dans la plus grande tradition familiale, sa carrière internationale s’est probablement terminée sur une blessure, sauf qu’au lieu de devoir ça à un terrain gelé comme Paul et Richard, lui c’est à un Fidjien anglé (anglais ça rimait pas). De retour depuis la mi-mars, à temps, peut-être, pour le ¼ de finale de la H-Cup, et qui sait, atteindre les 200 sélections (et ainsi rejoindre Hayes, Stringer, Quinlan, O’Gara et O’Driscoll – non pas celui là, l’autre – dans le club fermé des vétérans) et finir sa carrière en beauté. A défaut, peut tenter le surf (ceci est le moment miaou de l’article).

Brrr, l'eau était froide... Little David se cache !

 

Dougie Howlett.

62 caps pour les Blacks, 49 essais (record). 94 sélections avec le Munster, 32 essais. Très certainement la meilleure ‘importation’ de la Province, Howlett est presque devenu indispensable. Son absence suite à une blessure a cependant permis à Simon Zebo de montrer de quoi il était capable. Devrait revenir pour la saison prochaine puisqu’il a signé pour rester jusqu’en 2013, et donc finir sa carrière en rouge.

 


Les recrues :

Comme le Leinster et dans une moindre mesure l’Ulster, le Munster fonctionne avec un système d’académie qui permet de promouvoir des jeunes joueurs issus du système de formation. Earls en est un exemple récent, tout comme Simon Zebo.
Inconnu il y a encore 6 mois, Zebo a eu sa chance suite à la blessure de Howlett. Il en a donc profité pour humilier Northampton et frappe maintenant à la porte de l’équipe nationale.


BJ Botha est certainement la meilleure recrue de l’année. Pendant près d’une décennie, le Munster était réputé pour ses avants. Mais après la retraite de John Hayes (the Bull), et l’expérience (vraiment) ratée Tony Buckley, il est vite apparu qu’il fallait d’urgence trouver un pilier pour avoir une chance de retrouver un jour une finale de coupe d’Europe. La solution s’appelle BJ Botha (aucun rapport avec le boucher en chef Bakkies) et vient d’Afrique du Sud en passant par l’Ulster (classique). Un très bon choix qui a payé.

 

Le boucher :

Malgré un nombre de cartons jaunes en ligue assez impressionnant (15 depuis le début de la saison, mais aucun rouge), il n’y a pas de vrai boucher dans l’équipe. Il n’y a pas d’enfants de cœur non plus. Flannery aurait pu prétendre au titre (de boucher, hein, pas d’enfant de cœur), mais c’était plus un boucher par accident, quand l’occasion se présentait. Quinlan était une plaie, mais pas vraiment violent, comme Leo Cullen l’a indiqué entre deux changements des compresses posées sur ses yeux meurtris. O’Connell est ‘pénible’ selon les mots des consultants de France TV, mais pas particulièrement violent non plus (sauf quand on le provoque à la Cudmore).
Le seul qui me semble assez vicieux serait Mafi. Plaquages hauts, cathédrales, coups d’épaule, Mafi est tonguien et joue comme tel. Ils vont bien s’amuser à Perpignan l’année prochaine.

L’ensemble du Top14 attend sa rencontre avec M. Maciello.

Le joueur au nom imprononçable :

Pour les journalistes TV : Donncha O’Callaghan et par extension Donnacha Ryan. Après plus de 10 ans on pourrait croire qu’ils auraient appris que ça se prononce Donaka ou Donka, mais apparemment non.

 

Objectifs :

Comme tous les ans, gagner la H-Cup. Sinon, la ligue celte et de préférence en battant le Leinster.

 


Scenario idéal :

Remontés à bloc après l’humiliante défaite contre le Leinster et la soufflante passée par O’Connell et Flannery (« Je prends ma retraite et voilà ce que tu fais de la touche » a notamment assené ce dernier au pauvre Varley), ils débutent le match contre l’Ulster sur les chapeaux de roues.
Simon Zebo n’étant toujours pas au courant que le propriétaire du Domino’s de Limerick qui avait lancé l’offre « pizza gratuite à vie pour tout joueur du Munster marquant 3 essais lors d’un match de H-Cup » a suspendu cette dernière depuis qu’Anthony Foley l’a presque mis sur la paille, il récidive face à l’Ulster ses exploits de Northampton. Pour ne pas être en reste, Earls réalise un doublé. Andrew Trimble comprend alors qu’il va encore devoir supporter les vannes de Jerry Flannery sur twitter pendant au moins une semaine et que le Tournoi a sûrement été sa dernière chance de s’imposer sur l’aile en équipe nationale. Vie de merde version Ulster. Le Munster s’impose largement.
On remet le couvert pour la demi-finale face à Toulouse. Comme presque toutes les équipes françaises qui se déplacent à Thomond Park, Toulouse déjoue. Beauxis tente un drop qui passe sous la barre transversale provoquant l’hilarité d’O’Gara et des 25 000 supporters irlandais. Victoire par 10 points.

Arrive le grand jour, face au Leinster qui a, de son côté, vengé l’équipe nationale en éliminant Cardiff puis les Saracens. Portés par le discours d’avant-match d’O’Connell (« vous voulez vraiment voir la tronche de Cullen en une des journaux demain ? » hurle-t-il à ses joueurs) et les 3 années d’humiliation depuis le match de 2009, les munstermen sortent leur meilleure performance de la saison. Au terme d’un match au rythme fou, le Munster s’impose de 5 points. Vainqueurs et vaincus se donnent rendez-vous la semaine suivante pour la finale de la ligue celte.
Les deux équipes sont épuisées et le match se joue sur les pénalités. A ce petit jeu-là O’Gara s’avère meilleur que Sexton. Victoire 15-12. Des feux de joie sont allumés un peu partout dans la province. Limerick oublie le temps d’un week-end la crise, la pluie et la misère. Cork trouve une nouvelle raison de se proclamer ‘vraie capitale’ de l’Irlande.

 

Scénario catastrophe :

Trop sûrs d’eux, les Munstermen engagent mal le match contre l’Ulster et sont menés à la mi-temps. Une grosse remontée de bretelles dans les vestiaires et la peur d’être assassinés par la foule les aident à repartir en deuxième période. Ils s’imposent de justesse pour honorer la statistique qui veut que les défaites du Munster à domicile en coupe d’Europe se comptent sur les doigts des mains du baron Empain (voire de Django Reinhardt).
Le miracle ne se reproduit pas en demi face à une équipe d’Edimbourg (les Français étant en règle générale trop mauvais à Limerick pour qu’une défaite face à Toulouse soit crédible) qui s’impose sur le fil.
L’équipe se recentre sur la ligue celte. Si la demi se passe sans problème, la finale face au Leinster est longtemps indécise. Une pénalité à la 80ème suite à un hors-jeu dans un ruck d’O’Callaghan, rentré 5min auparavant, donne à Sexton l’occasion de faire gagner son équipe. Après un petit sourire en direction d’O’Gara, l’ouvreur du Leinster rentre les 3 points.
Declan Kidney entame donc sa tournée en Nouvelle-Zélande avec la moitié de ses joueurs haïssant l’autre moitié. Et il se dit qu’il aurait mieux fait de rester prof de maths.

 

La réalité :

Le doublé semble impossible, le calendrier n’aidant vraiment pas (n’est-ce pas Guy ?). Une place en finale de H-Cup est, pour la première fois depuis 2008, atteignable, principalement grâce à l’avantage de jouer à domicile, à condition que l’équipe récupère à temps ses joueurs-clés blessés.
En cas de raté sur le front européen, ils se retourneront vers la ligue celte avec encore plus de hargne que d’habitude. De bonnes chances de ramener un titre à la fin de la saison.

C’était super !